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02/08/2006 | SUISSE | N°2A.248/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 août 2006, 2A.248/2006


{T 0/2}2A.248/2006 /svc Arrêt du 2 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Rochat. X. ________,recourante, représentée par Me Anne-Laure Huber, avocate, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne, art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation, recours de droit administratif contre la décisiondu Département fédéral de justice et policedu 24 mars 2006. Faits: A.Ressortissante péruvienne née en 1963, X.________ est arrivée en Suisse le 27juin 1993, en provenance de son pays

d'origine. Entre le mois de décembre 1993 et l'automne 1999, ell...

{T 0/2}2A.248/2006 /svc Arrêt du 2 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Rochat. X. ________,recourante, représentée par Me Anne-Laure Huber, avocate, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne, art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation, recours de droit administratif contre la décisiondu Département fédéral de justice et policedu 24 mars 2006. Faits: A.Ressortissante péruvienne née en 1963, X.________ est arrivée en Suisse le 27juin 1993, en provenance de son pays d'origine. Entre le mois de décembre 1993 et l'automne 1999, elle a été mise au bénéficed'une autorisation de séjour pour études et a entrepris sa formation auprèsde l'Université de Genève. Elle a obtenu un certificat et un diplôme d'étudesfrançaises à la Faculté des Lettres de l'Université de Genève et uncertificat post-grade en santé communautaire à la Faculté de médecine de lamême Université. En parallèle, X.________ a déployé une série d'activités professionnellesauprès d'institutions et d'associations actives dans le domaine de laprévention du Sida. Ainsi, de juillet 1993 à fin février 2002, elle acollaboré au "Projet Migration et Santé" sous l'égide de l'Office fédéral dela santé publique (OFSP), destiné aux communautés étrangères en Suisse. Le"Projet Migration Santé" arrivant à terme à fin février 2002, son mandat apris fin. Durant la même période, elle s'est, en tant que médiatriceinterculturelle, chargée particulièrement de la coordination des activitésliées à la prévention du VIH/Sida auprès des communautés espagnole,portugaise et latino-américaine de Genève; elle a également initié le "ProjetParcs", qui a été repris par le Groupe Sida Genève en été 1995 et élargi parla suite à d'autres communautés étrangères, pour être rebaptisé "Projet'Ethno-contactS'" en 2005. En relation avec ses activités de prévention, ellea également participé à plusieurs cours de formation, séminaires, colloqueset conférences liés à la migration. En novembre 2004, elle a été engagée par l'organisation Y.________ en qualitéde formatrice; le 5 janvier 2006, cet engagement a été reconduit du1erjanvier 2006 au 31 décembre 2007. B.Par décision du 17 février 2000, l'Office cantonal de la population du cantonde Genève (OCP) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour deX.________, au motif que, vu ses deux échecs à la Faculté de Psychologie etdes Sciences de l'Education et ses nombreux changements de Facultés, le butde son séjour devait être considéré comme étant atteint. L'intéressée arecouru contre cette décision, puis retiré son recours. Invitée à quitter leterritoire helvétique, elle est retournée dans son pays d'origine le 14 mars2002, puis elle est revenue en urgence à Genève le 16 avril suivant, ayantfait, de la part de sa famille, l'objet de violences physiques etpsychologiques. Par demande du 18 novembre 2003, reprise et complétée le 17septembre 2004,X.________ a sollicité de l'OCP l'octroi d'une autorisation de séjour. Le 26mai 2005, I'OCP lui a fait savoir qu'il était disposé à lui délivrer uneautorisation de séjour, moyennant qu'elle obtienne une exception aux mesuresde limitation. Après lui avoir donné l'occasion de se déterminer, l'Office fédéral desmigrations a rendu, le 18 juillet 2005, une décision de refus d'exception auxmesures de limitation. C.X.________ a porté sa cause devant le Département fédéral de justice etpolice qui, par décision du 24 mars 2006, a rejeté le recours. Le Départementa retenu en bref que, même si l'intéressée se trouvait en Suisse depuis juin1993, elle n'avait obtenu une autorisation de séjour que pour y mener à chefses études, de sorte qu'elle devait s'attendre, une fois le but de son séjouratteint, à quitter ce pays. Par ailleurs, son long séjour résultait deschangements d'orientation dans ses études universitaires et des procéduresqu'elle avait engagées. Quant à sa relation avec la Suisse, ellen'apparaissait pas à ce point exceptionnelle qu'il faille admettrel'existence d'un cas personnel d'extrême gravité. Même si elle avait, lors deson retour au Pérou en 2002, fait l'objet de violences physiques et moralesde la part de sa famille, il n'en restait pas moins que, jeune et sans chargede famille, disposant en outre d'une formation remarquable et d'expériencesprofessionnelles étendues, elle était en mesure de mener une existenceindépendante dans son pays d'origine. D.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ conclut,sous suite de dépens, à l'annulation de la décision du Département du 24 mars2006; elle demande au Tribunal fédéral, principalement, de la mettre aubénéfice d'une exception aux mesures de limitation et, subsidiairement, derenvoyer le dossier à l'autorité inférieure pour complément d'instruction etnouvelle décision dans le sens des considérants. Elle produit plusieurspièces nouvelles, dont une attestation de la psychologue-psychothérapeute quila suit depuis le 27 mars 2006, à la demande de son médecin traitant.Le Département conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 La voie du recours de droit administratif est, en principe, ouvertecontre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitationprévues par l'Ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403consid. 1 p. 404/405). Tendant uniquement à faire prononcer une exemption desmesures de limitation, et respectant par ailleurs les formes et délaislégaux, le présent recours est donc recevable. 1.2 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratifpeut être formé pour violation du droit fédéral y compris l'excès ou l'abusdu pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a p. 60). Le Tribunalfédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notammentles droits constitutionnels du citoyen (ATF 130III 707 consid. 3.1 p. 709;130 I 312 consid. 1.2 p. 318). Comme il n'est pas lié par les motifsqu'invoquent les parties, il peut admettre le recours pour d'autres raisonsque celles avancées par le recourant ou au contraire confirmer l'arrêtattaqué pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art.114 in fine OJ; ATF 131 II 361 consid. 2 p. 366; 129 II 183 consid. 3.4p.188). Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire,le Tribunal fédéral peut également revoir d'office les constatations de fait(art. 104 lettre b et 105 OJ; ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60). En particulieren matière de police des étrangers, lorsque la décision n'émane pas d'uneautorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements,formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit existant aumoment de sa propre décision (ATF 124 Il 361 consid. 2a p. 365; 122II 1consid. 1b p. 4, 385 consid. 1 p. 390 et les arrêts cités). Le Tribunalfédéral ne peut en revanche pas revoir l'opportunité de la décisionentreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière(art. 104 lettre c ch. 3 OJ; ATF 131 II 361 consid. 2 p. 366, 131 III 182consid. 1 p. 184). 2.2.1 Les mesures de limitation visent en premier lieu à assurer un rapportéquilibré entre l'effectif de la population en Suisse et celui de lapopulation étrangère résidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marchédu travail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1erlettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE, selon lequel un étranger n'estpas compté dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour butde faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraientcomptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels cet assujettissementparaîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leurcas et pas souhaitable du point de vue politique. II découle de laformulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoireprésente un caractère exceptionnel et que les conditions pour unereconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement.Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation dedétresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence,comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être misesen cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustrairel'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de gravesconséquences. Pour l'appréciation du cas d'extrême gravité, il y a lieu detenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. Lareconnaissance d'un tel cas n'implique pas forcément que la présence del'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situationde détresse (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 41/42; 128 II 200 consid. 4 p.207).D'un autre côté, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant uneassez longue période et s'y soit bien intégré ne suffit pas, à lui seul, àconstituer un cas d'extrême gravité; il faut encore que sa relation avec laSuisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille vivre dans unautre pays, notamment dans son pays d'origine (ATF 124 II 110 consid. 2 p.112 et la jurisprudence citée). A cet égard, les relations de travail,d'amitié ou de voisinage que l'étranger a pu nouer pendant son séjour neconstituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ilsjustifieraient une exemption des mesures de limitation (ATF 130 II 39 consid.3 p. 42; 128 II 200 consid. 4 p. 208). 2.2 La recourante a séjourné six ans en Suisse, au bénéfice d'uneautorisation de séjour pour études, puis cette autorisation n'a plus étérenouvelée, le but du séjour ayant été considéré comme atteint. Il estcertain que la recourante ne saurait se prévaloir de ce seul séjour d'étudespour soutenir que le refus de l'exempter des mesures de limitation laplacerait dans une situation de détresse personnelle; elle ne le faitd'ailleurs pas. Comme le relève le Département, la présence en Suisse d'unétranger au bénéfice d'une autorisation pour études est, par définition,limitée en durée et son bénéficiaire doit savoir que, le but de son séjouratteint (ou devenu impossible à atteindre), il devra quitter notre pays. La situation de la recourante n'est toutefois pas commune et ne saurait êtrecomparée à celle d'un étudiant qui aurait cherché sa voie au sein del'Université et fait durer ses études le plus longtemps possible.Parallèlement à ses activités universitaires, la recourante a en effet acquisune solide formation en matière de santé publique et a effectué un importanttravail en matière de prévention et de promotion de la santé auprès despersonnes migrantes séjournant à Genève. Déployant une intense activité dansun domaine particulièrement sensible et délicat, elle s'est vu confier desresponsabilités qui lui ont permis de se distinguer sur le plan professionnelet de se constituer un précieux réseau de contacts. II est donc incontestablequ'à côté de ses études, elle a réussi en quelques années une évolutionprofessionnelle hors du commun. A cet égard, un retour forcé dans son paysd'origine, lui ferait sans doute perdre l'essentiel de ces acquis.L'expérience qu'elle a accumulée s'inscrit en effet dans un contexte demédiation interculturelle et cette dimension serait perdue si elle devaitregagner le Pérou. Il faut donc considérer que, sur ce plan déjà, une tellemesure constituerait pour elle une rigueur importante. A cela s'ajoute que les événements que la recourante a vécus lors de son brefretour au Pérou en 2002 ont constitué pour elle, aux dires de lapsychothérapeute qui la suit depuis le 27 mars 2006, un véritable traumatismedont elle subit les effets aujourd'hui encore, plus de quatre ans après cesfaits. Dans son attestation du 24 avril 2006, cette praticienne précisequ'elle "souffre actuellement d'angoisses aiguës avec des troubles du sommeilimportant, d'un état dépressif majeur, liés à son renvoi possible au Pérou età la certitude d'avoir de nouveau à y subir des violences de la part de safamille, sans compter la perte d'un statut professionnel et social acquis enSuisse après des années de travail". Elle en conclut qu'un retour forcésemble comporter des risques graves pour la santé physique et psychique de sapatiente. Il faut dès lors admettre que, pour cette raison également, unrenvoi de la recourante dans son pays d'origine serait source de détresseprofonde et ne saurait raisonnablement lui être imposé.Envisagé sous ces deux aspects, l'octroi d'une exception aux mesures delimitation se justifie au vu de la situation particulière de la recourante etne constitue certainement pas un précédent ouvrant la porte à larégularisation des étrangers venus en Suisse pour y étudier, ainsi que semblele craindre l'autorité intimée. 3.Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision attaquéeannulée. Il y a lieu de statuer sans frais. La recourante, qui obtient gainde cause et qui a consulté un homme de loi, a droit à des dépens (art. 159al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et la décision du 24 mars 2006 du Département fédéral dejustice et police est annulée; il est constaté que X.________ est exemptéedes mesures de limitation du nombre des étrangers. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.La Confédération versera à la recourante un montant de 2'500 fr. à titre dedépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral et devant le Départementfédéral de justice et police. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante etau Département fédéral de justice et police, ainsi qu'à l'Office cantonal dela population du canton de Genève. Lausanne, le 2 août 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.248/2006
Date de la décision : 02/08/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-02;2a.248.2006 ?
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