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02/08/2006 | SUISSE | N°2A.199/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 août 2006, 2A.199/2006


{T 0/2}2A.199/2006 Arrêt du 2 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Mabillard. X. ________,recourante, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. Exception aux mesures de limitation, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 9 mars 2006. Faits: A.Ressortissante dominicaine née le 25 avril 1970, X.________ est arrivée enSuisse le 27 juin 1992. Depuis cette date, elle travaille à Y.________ sansautorisation, en qualité de femme de

ménage. Le 18 mai 2004, elle a sollicité de l'Office cantonal ...

{T 0/2}2A.199/2006 Arrêt du 2 août 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.Greffière: Mme Mabillard. X. ________,recourante, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. Exception aux mesures de limitation, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 9 mars 2006. Faits: A.Ressortissante dominicaine née le 25 avril 1970, X.________ est arrivée enSuisse le 27 juin 1992. Depuis cette date, elle travaille à Y.________ sansautorisation, en qualité de femme de ménage. Le 18 mai 2004, elle a sollicité de l'Office cantonal de la population ducanton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) l'octroi d'une autorisation deséjour et de travail. Le 16 novembre 2004, I'Office cantonal lui a faitsavoir qu'il était disposé à lui délivrer une autorisation de séjour, sousréserve de l'approbation de l'Office fédéral de l'immigration, del'intégration et de l'émigration, actuellement l'Office fédéral desmigrations, (ci-après: l'Office fédéral). Le 12 avril 2005, l'Office fédéral a refusé d'exempter l'intéressée desmesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du6octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21). B.X.________ a porté sa cause devant le Département fédéral de justice etpolice (ci-après: le Département fédéral) qui, par décision du 9 mars 2006, arejeté son recours. Le Département fédéral a retenu en substance quel'intéressée se trouvait en situation irrégulière sur territoire suissedepuis le 27 juin 1992. Il ne pouvait être tenu compte de la durée de sonséjour illégal. Elle avait certes fait preuve d'une réelle volontéd'intégration depuis son arrivée en Suisse. Néanmoins, la relation qu'elleavait nouée avec ce pays n'était pas à ce point exceptionnelle qu'il faillefaire abstraction de l'illégalité de son séjour et admettre l'existence d'uncas personnel d'extrême gravité. Elle ne pouvait par ailleurs pas invoquerd'importantes difficultés concrètes, propres à son cas particulier,l'exposant, en cas de retour dans son pays d'origine, à devoir affronter unesituation sensiblement plus préjudiciable que ses compatriotes se trouvanteux aussi dans le cas de devoir regagner leur pays. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande auTribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision duDépartement fédéral du 9 mars 2006 et de dire qu'elle "a droit à bénéficierd'une autorisation de séjour et de travail à Y.________". Elle invoque lesart. 5 al. 2, 8 al. 1 et 2 ainsi que 9Cst. Elle reproche en particulier auDépartement fédéral d'avoir enfreint le principe de l'égalité de traitement.A l'appui de ce grief, elle cite les exemples de trois personnes qui, setrouvant dans une situation similaire à la sienne, ont obtenu larégularisation de leurs conditions de séjour et une autorisation de travail àY.________ en application de l'art. 13 lettre f OLE. Le Département fédéral a conclu au rejet du recours et a envoyé les dossiersfédéraux de la recourante et des trois personnes mentionnées dans son mémoirede recours. L'Office cantonal a produit le dossier cantonal de la recourantele 26 mai 2006. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et avec un plein pouvoir d'examen larecevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p.292; 131 II 58 consid. 1 p. 60; 130 I 312 consid. 1 p. 317).La voie du recours de droit administratif est, en principe, ouverte contreles décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitationprévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403consid. 1 p. 404/405). La recourante conclut à l'annulation de la décisionattaquée. On peut en déduire qu'elle demande implicitement une exemption desmesures de limitation. Déposé en temps utile et dans les formes prescritespar la loi, le présent recours est, dans cette mesure, recevable au regarddes art. 97 ss OJ. En revanche, il est irrecevable en tant que la recourantedemande que le Tribunal fédéral constate qu'elle a droit à une autorisationde séjour et de travail (cf. art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ). 2.Conformément à l'art. 104 lettres a et b OJ, le recours de droitadministratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y comprisl'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatationinexacte ou incomplète de faits pertinents (ATF 132 II 47 consid. 1.2 p.49).Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral quienglobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF130III707consid. 3.1 p. 709; 130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 129 II 183 consid. 3.4 p.188). Comme il n'est pas lié par les motifs qu'invoquent les parties, il peutadmettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par lerecourant ou au contraire confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs queceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 in fine OJ; ATF 132 II 257consid. 2.5 p. 262, 47 consid. 1.3 p. 50; 131 II 361 consid. 2 p. 366). Parailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire, le Tribunalfédéral peut également revoir d'office les constatations de fait (art. 104lettre b et 105 OJ). En matière de police des étrangers, lorsque la décisionn'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principeses jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droitexistant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a p. 365;122 II 1 consid. 1b p. 4, 385 consid. 2 p. 390 et les arrêts cités). LeTribunal fédéral ne peut en revanche pas revoir l'opportunité de la décisionentreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière(art. 104 lettre c OJ a contrario; ATF 130V196 consid. 4 p.203/20). 3.3.1Les mesures de limitation visent en premier lieu à assurer un rapportéquilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la populationétrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travailet à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et cOLE). Il s'agit là d'un intérêt public important, qui ne saurait être reléguéau second plan que dans des cas exceptionnels; le refus d'exception auxmesures de limitation lorsque de telles circonstances ne sont pas réaliséesne saurait donc violer l'art. 5 al. 2 Cst., comme le soutient la recourante.L'art. 13 lettre f OLE, selon lequel un étranger n'est pas compté dans lesnombres maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de faciliter laprésence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans cesnombres maximums, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait troprigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas et passouhaitable du point de vue politique. Contrairement à ce que prétend larecourante, il n'existe donc, à cet égard, pas de lacune dans le droit suissede la police des étrangers.La notion de cas personnel d'extrême gravité figurant à l'art. 13lettrefOLE constitue un concept juridique indéterminé, qu'il appartient àla jurisprudence d'interpréter de cas en cas. A ce propos, c'est en vain quela recourante invoque la "Circulaire Metzler" (Circulaire du 21décembre 2001concernant la réglementation du séjour des étrangers dans les cas personnelsd'extrême gravité). Celle-ci ne lie nullement le juge et elle ne saurait, lecas échéant, prévaloir contre la jurisprudence développée à propos de cettedisposition. 3.2 Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cettedisposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que lesconditions pour une reconnaissance d'un cas de rigueur doivent êtreappréciées restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné setrouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que sesconditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyennedes étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-direque le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximumscomporte pour lui de graves conséquences. Pour l'appréciation du casd'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble descirconstances du cas particulier. La reconnaissance d'un tel cas n'impliquepas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'uniquemoyen pour échapper à une situation de détresse. D'un autre côté, le fait quel'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période et s'ysoit bien intégré ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrêmegravité; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'onne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans sonpays d'origine (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 112 et la jurisprudence citée). Acet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'étrangera pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens siétroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures delimitation (ATF 130II 39 consid. 3 p.41/42 et la jurisprudence citée). 3.3 Le Tribunal fédéral a précisé que les séjours illégaux n'étaient enprincipe pas pris en compte dans l'examen d'un cas de rigueur. La longuedurée d'un séjour en Suisse n'est pas, à elle seule, un élément constitutifd'un cas personnel d'extrême gravité dans la mesure où ce séjour est illégal.Il appartient dès lors à l'autorité compétente d'examiner si l'intéressé setrouve pour d'autres raisons dans un état de détresse justifiant del'exempter des mesures de limitation du nombre des étrangers. Il est doncinexact d'affirmer, comme le fait la recourante, que la situation d'unétranger en séjour irrégulier ne pourrait jamais être régularisée. Pour cela,il y a lieu de se fonder sur les relations familiales de l'intéressé enSuisse et dans sa patrie, sur son état de santé, sur sa situationprofessionnelle, sur son intégration sociale, etc. (ATF 130 II 39 consid. 3p. 42, et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu de revenir sur cettejurisprudence. Celle-ci crée, assurément, une inégalité de traitement entreles étrangers qui séjournent illégalement dans notre pays et ceux qui, dèsleur arrivée, entreprennent d'obtenir par les voies légales un statut depolice des étrangers, mais cette inégalité est voulue. Sa justificationréside dans le fait que, à vouloir tenir compte de la durée d'un séjourillégal, on créerait une prime à l'illégalité et l'on consacrerait une autreinégalité, tout-à-fait injustifiée celle-ci, au détriment des étrangersrespectueux de la légalité. 4.4.1Dans le cas particulier, la recourante ne séjourne régulièrement en Suisseque depuis mai 2004, et encore au bénéfice d'une simple tolérance. Elle nesaurait donc se prévaloir d'un long séjour régulier dans notre pays.Il n'est pas contesté, et le Département fédéral ne l'a nullement ignoré, queX.________ est bien intégrée professionnellement et socialement et que soncomportement, abstraction faite de l'illégalité de son séjour, n'a donné lieuà aucune plainte. Aucun élément du dossier n'indique cependant que cetteintégration serait à ce point exceptionnelle que l'on ne pourraitraisonnablement exiger de la recourante un retour dans son pays d'origine. Enparticulier, même si la recourante dit avoir développé une relation trèsétroite avec une tante vivant en Suisse, cela n'implique pas encore qu'ellese trouverait à l'égard de cette parente dans une situation de dépendancetelle qu'une séparation la plongerait dans un état de détresse personnelle.Rien ne permet non plus de penser qu'elle aurait perdu tout contact avec sonpays d'origine, au point qu'un retour dans celui-ci représenterait pour elleun véritable déracinement. Il est au contraire constant que la recourante y aencore ses parents et trois frères. Il est assurément probable que, en cas deretour forcé dans sa patrie, la recourante se trouvera dans une situationéconomique sensiblement inférieure à celle qu'elle connaît en Suisse. Ellen'a toutefois pas établi que cette situation serait sans commune mesure aveccelle que connaissent ses compatriotes. Quoi qu'il en soit, l'art. 13 lettref OLE n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions généralesde leur pays d'origine. 4.2 La recourante se plaint enfin d'une inégalité de traitement ainsi qued'arbitraire et se prévaut, à l'appui de ce grief, de trois précédents.Dans sa réponse, le Département fédéral expose que, dans le premier de cestrois cas, l'intéressé avait obtenu une autorisation de séjour pour études de1994 à 1997 et avait à Y.________ une soeur ayant acquis la nationalitésuisse. Dans le deuxième cas, l'intéressée était âgée de 52 ans au moment oùsa requête de régularisation avait été admise par I'Office fédéral. Il enconclut que la situation de ces deux personnes s'écarte de celle de larecourante, que ce soit en raison de la parenté dont elles disposent enSuisse, au niveau du motif à la base de leur présence sur le territoirehelvétique ou de leur âge; il s'agirait de différences significatives,justifiant un traitement lui aussi différent. Si on peut à la rigueurl'admettre en ce qui concerne une différence d'âge de plus de quinze ans, ilfaut relever en revanche que la recourante, peut, elle aussi, se prévaloir dela présence d'une tante en Suisse et qu'un séjour pour études, de surcroîtd'une durée de trois ans seulement, ne saurait, comme tel, constituer unmotif pertinent d'octroi d'une exception aux mesures de limitation au sens del'art. 13 lettre f OLE. Une inégalité de traitement entre le premier cas etcelui de la recourante, au détriment de celle-ci, ne semble pas d'embléeexclue.S'agissant du troisième précédent invoqué par la recourante, le Départementfédéral admet lui-même que les seules différences existantes tiennent à ladurée respective du séjour (quinze ans contre moins de quatorze ans enl'espèce) et à l'âge respectif des intéressées (trente-neuf ans contretrente-six ans en l'espèce) et que ces éléments ne sauraient être considéréscomme déterminants pour justifier une solution différente. Une inégalité detraitement au détriment de la recourante peut ainsi difficilement êtrecontestée.Même si, dans le premier et le troisième cas, la personne en question avaitbénéficié d'un traitement non conforme aux principes posés par lajurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral et rappelés dans lacirculaire du 17 septembre 2004 (circulaire remplaçant celle du 21décembre2001 concernant la réglementation du séjour des étrangers dans les caspersonnels d'extrême gravité), nul ne saurait invoquer le principe del'égalité de traitement pour bénéficier d'une faveur illégalement accordée àun tiers. La jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît en certainescirconstances un droit à l'égalité dans l'illégalité; encore faut-il, entreautres conditions cumulatives, que l'on puisse prévoir que l'autoritécompétente persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 127 II 113 consid.9 p. 121 et les références). Or, le Département fédéral apparaît crédiblelorsqu'il
affirme que, dans des cas comme celui de la recourante, iln'accordera pas non plus à l'avenir d'exception aux mesures de limitation.Par ailleurs, il s'agit ici d'un domaine où il est très difficile de fairedes comparaisons, les particularités du cas d'espèce étant déterminantes dansl'appréciation d'un éventuel cas de rigueur. Le moyen apparaît donc lui aussimal fondé. 5.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesureoù il est recevable. Succombant, la recourante doit supporter un émolumentjudiciaire (art. 156 al. 1, 153 et 153aOJ) et n'a pas droit à des dépens(art. 159 al.1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 1'200 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et au Départementfédéral de justice et police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population ducanton de Genève. Lausanne, le 2 août 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.199/2006
Date de la décision : 02/08/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-08-02;2a.199.2006 ?
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