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28/07/2006 | SUISSE | N°1P.273/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 juillet 2006, 1P.273/2006


{T 0/2}1P.273/2006 /col Arrêt du 28 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,Reeb et Eusebio.Greffier: M. Parmelin. A. ________, B.________, C.________, D.________ et E.________, recourants,tous représentés par Me Jean-Yves Schmidhauser, avocat, contre Département des constructions et des technologies de l'information de laRépublique et canton de Genève, rue David Dufour 5, case postale 22,1211 Genève 8,Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue duMont-Blanc 18, case postale 1956,1211 Genève 1. changement d'affectation d'un

immeuble soumis à la loi sur les démolitions,transformatio...

{T 0/2}1P.273/2006 /col Arrêt du 28 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,Reeb et Eusebio.Greffier: M. Parmelin. A. ________, B.________, C.________, D.________ et E.________, recourants,tous représentés par Me Jean-Yves Schmidhauser, avocat, contre Département des constructions et des technologies de l'information de laRépublique et canton de Genève, rue David Dufour 5, case postale 22,1211 Genève 8,Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue duMont-Blanc 18, case postale 1956,1211 Genève 1. changement d'affectation d'un immeuble soumis à la loi sur les démolitions,transformations et rénovations de maisons d'habitation; remise en état deslieux, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de laRépublique et canton de Genève du 28 mars 2006. Faits: A.A. ________, B.________ et C.________ ont acquis le 23 décembre 1994 unimmeuble de deux étages sur rez avec combles, sis au n° 8 de la place desPhilosophes, à Genève, dans lequel ils ont installé leur étude d'avocat. Le18 juillet 2001, ils ont vendu une partie de leur propriété à leurs deuxnouveaux associés, D.________ et E.________, de sorte que chaque associé estcopropriétaire pour un cinquième de l'immeuble.Le 10 juin 2005, les associés ont déposé une requête en autorisation deconstruire portant sur des transformations intérieures, à savoir la créationd'un vestiaire au rez-de-chaussée et le réaménagement d'un bureau au deuxièmeétage. Lors d'une visite des lieux effectuée le 11juillet 2005, uninspecteur de la police des constructions a constaté que l'utilisationeffective des locaux du deuxième étage et des combles ne correspondait pas àl'affectation qui avait été autorisée en vertu d'un permis de construiredélivré le 4 octobre 1984 au précédent propriétaire par le Département destravaux publics de la République et canton de Genève; cette autorisationportait sur l'aménagement d'un appartement de six pièces dans les combles etla rénovation d'un appartement de six pièces au deuxième étage, tous deuxdestinés à la location selon un plan financier préétabli.Les copropriétaires de l'immeuble se sont déterminés le 25 août 2005; ilssoutenaient que celui-ci, en sa qualité d'hôtel particulier, n'était pasassujetti à la loi cantonale sur les démolitions, transformations etrénovations de maisons d'habitation (LDTR); ils invoquaient en outre leurbonne foi pour s'opposer à une éventuelle réaffectation du deuxième étage etdes combles à l'habitation, étant donné que l'immeuble, à leur acquisition,était intégralement affecté à des bureaux, à l'exception des combles.Par décision du 13 septembre 2005, le Département des constructions et destechnologies de l'information de la République et canton de Genève (ci-après:le Département) a ordonné aux copropriétaires de l'immeuble de rétablir unesituation conforme au droit en réaffectant le deuxième étage et les comblesde l'immeuble à des fins d'habitation dans un délai de six mois.Statuant par arrêt du 28 mars 2006, le Tribunal administratif de laRépublique et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou lacour cantonale) a partiellement admis le recours formé contre cette décision,dont il a modifié la teneur en ce sens que "le département ordonne auxcopropriétaires de l'immeuble de rétablir une situation conforme au droit enréaffectant le deuxième étage et les combles de l'immeuble à des finsd'habitation, en cas de vente de l'immeuble". Il a considéré en substancequ'au terme de la pesée des intérêts en présence, l'ordre de remise en étatétait disproportionné et que la décision attaquée devait être assortie d'unecondition permettant de tolérer l'affectation actuelle du deuxième étage etdes combles de l'immeuble jusqu'à sa vente. B.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________, B.________,C.________, D.________ et E.________ demandent au Tribunal fédéral d'annulercet arrêt. Invoquant les art. 5 al. 3, 9, 26 al. 1, 27 et 29 al. 2 Cst., ilsse plaignent d'arbitraire ainsi que de la violation de leur droit d'êtreentendus, de la garantie de la propriété, de la liberté économique et dudroit à la protection de la bonne foi.Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département conclut aurejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Dirigé contre une décision exclusivement fondée sur le droit cantonalautonome, le recours de droit public est seul ouvert. Les recourants sontpersonnellement touchés dans leurs intérêts juridiquement protégés parl'arrêt attaqué qui les contraint à procéder à leur frais à la remise en étatdes lieux dans leur affectation autorisée en 1984 en cas de vente del'immeuble; ils ont qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en tempsutile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, lerecours est recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 2.Les recourants considèrent que, par sa conception et sa typologie, l'immeublequi abrite leur étude devrait être assimilé à un hôtel particulier nonassujetti à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations demaisons d'habitation, en vertu de l'art. 2 al. 2 LDTR. Ils se plaignentd'arbitraire et reprochent à la cour cantonale d'avoir failli à sonobligation de motiver ses décisions sur ce point en omettant de préciser pourquelle raison elle ne faisait pas application des critères établis par sapropre jurisprudence. 2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al.2 Cst. le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que ledestinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il y a lieu, etque l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Il suffit cependantque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et surlesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse serendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause(ATF 130 II 530 consid. 4.3 p.540; 129 I 232 consid. 3.2 p.236). Savoir sila motivation présentée est convaincante est une question distincte de celledu droit à une décision motivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifsqui ont guidé la décision des juges, le droit à une décision motivée estrespecté, même si la motivation présentée est erronée. 2.2 Le Tribunal administratif a admis que dans sa conception actuelle,l'immeuble semblait entrer dans le cadre de la définition des hôtelsparticuliers. Il a relevé toutefois que pendant la période précédant larequête d'autorisation de construire de 1984, le deuxième étage étaitconstitué de deux studios et d'un appartement de quatre pièces; à la suitedes travaux autorisés en automne 1984, l'immeuble comportait un appartementrénové de six pièces au deuxième étage et un appartement de six pièces dansles combles. Il en ressortait, selon lui, que quelle que soit la périodeenvisagée, l'immeuble comportait en tout cas deux logements et que ce n'estqu'à la suite du changement d'affectation, contraire à l'autorisation du 4octobre 1984, qu'il s'est apparenté à un hôtel particulier. La cour cantonalea donc clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait quel'immeuble ne pouvait pas être considéré comme un hôtel particulier et qu'ilétait assujetti à la loi cantonale sur les démolitions, transformations etrénovations de maisons d'habitation. Les recourants étaient dès lors enmesure de contester l'arrêt cantonal en conséquence. On ne discerne ainsiaucune violation de leur droit d'être entendus. 2.3 L'art. 2 al. 1 LDTR soumet à la présente loi tout bâtiment situé dansl'une des zones de construction prévues par l'article 19 de la loid'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4juin1987, ou construit au bénéfice des normes de l'une des quatre premières zonesde construction en vertu des dispositions applicables aux zones dedéveloppement (let. a), ainsi que tout bâtiment comportant des locaux qui,par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (let.b). Ne sont en revanche pas assujetties à la présente loi, aux termes del'art. 2 al. 2 LDTR, les maisons individuelles ne comportant qu'un seullogement, ainsi que les villas en 5ezone comportant un ou plusieurslogements.Selon la pratique cantonale, lorsqu'une maison d'habitation comporte au moinsdeux logements indépendants qui peuvent être occupés par des personnes ou desfamilles différentes, il ne fait guère de doute qu'il ne s'agit plus d'unemaison individuelle; à l'inverse, une maison d'habitation, si spacieusefût-elle, conçue et aménagée pour recevoir une seule famille, échappe à laloi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisonsd'habitation. Tel est notamment le cas des hôtels particuliers (arrêt duTribunal administratif du 13 avril 1988 reproduit à la SJ 1988 p. 350). Lanotion de maison individuelle ne dépend pas de la situation géographique oudes caractéristiques extérieures du bâtiment, mais de la structure interne del'habitat et de la communauté familiale qui l'occupe; ainsi un bâtiment conçuet construit comme un tout cohérent et répondant aux exigences d'une seule etmême communauté domestique doit être considéré comme une unité de logementmême s'il compte treize pièces distribuées sur deux étages (arrêt du Tribunaladministratif du 20 mars 1991 paru à la SJ 1992 p. 519) ou un secondappartement plus petit, offrant une certaine autonomie, réservé à unepersonne ou à un couple de service (arrêt précité du 13 avril 1988 reproduità la SJ 1988 p. 350). 2.4 L'autorisation de construire délivrée le 4 octobre 1984 au précédentpropriétaire des lieux fixait, entre autre condition, que l'appartementrénové au deuxième étage et l'appartement aménagé dans les combles soientdestinés à la location et que les loyers figurant au plan financier soientrespectés. Elle précisait en outre que les dispositions de la loi sur lesdémolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation doiventêtre observées. L'immeuble n'a donc pas été considéré à cette occasion commeun hôtel particulier qui échappait à la LDTR. Cette autorisation est entréeen force et les charges et conditions qu'elle renferme s'imposent auxrecourants (cf. arrêt 1A.19/ 2001 du 22 août 2001 consid. 4a publié in ZBl103/2002 p. 589). Il importe dès lors peu que l'immeuble présenteactuellement les caractéristiques d'un hôtel particulier, voire qu'il ait étéà l'origine conçu comme tel. Certes, le Tribunal administratif a autorisél'affectation en cuisine de café-restaurant de locaux voués jusqu'ici aulogement; ceux-ci étaient situés au deuxième étage d'un immeuble exigu et, enl'absence d'accès direct et indépendant du café, se prêtaient davantage àêtre rattachés à l'établissement public occupant le reste de l'immeuble qu'aulogement (arrêt du 7 décembre 1993 résumé à la SJ 1994 p. 532). Dans cetteaffaire, il a tenu pour décisif l'absence d'accès indépendant au logementsitué à l'étage supérieur pour autoriser le changement d'affectation. Lasolution retenue en l'occurrence peut ainsi paraître critiquable au regard decette jurisprudence. Quoi qu'il en soit, la question de l'assujettissement del'immeuble à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations demaisons d'habitation peut en définitive rester indécise, vu l'issue durecours. 3.Les recourants s'en prennent également à l'ordre qui leur a été notifié deréaffecter les locaux du deuxième étage et des combles à l'habitation en casde vente de l'immeuble; cette mesure ne reposerait, selon eux, sur aucunebase légale, serait disproportionnée et violerait les règles de la bonne foi,car elle leur fait supporter les conséquences d'un changement d'affectationdont ils ne sont pas les auteurs et ne permettrait pas d'atteindre le butrecherché. Ils dénoncent à ce propos une atteinte à leur droit de propriétégaranti à l'art. 26 Cst. et à la liberté économique ancrée à l'art. 27 Cst. 3.1 Les recourants ne sont pas touchés dans l'exercice de leur professiond'avocats par l'ordre de remise en état des lieux litigieux puisqu'ilspeuvent continuer à exploiter leur étude dans les locaux de l'immeublejusqu'à son aliénation. En revanche, ils sont atteints dans leur droit depropriété puisqu'ils doivent prendre à leurs frais toutes les mesures propresà réaffecter à l'habitation le deuxième étage et les combles de l'immeuble encas de vente (cf. ATF 131 I 333 consid. 3.1 p. 338). Les restrictions dedroit public à la propriété ne sont compatibles avec l'art. 26 Cst. que sielles reposent sur une base légale, sont justifiées par un intérêt publicsuffisant et respectent les principes de la proportionnalité et de l'égalitédevant la loi (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344 etles arrêts cités). 3.2 Il n'y a pas lieu d'examiner en l'occurrence si l'ordre de remise en étatporte une atteinte grave au droit de propriété des recourants, qui devraitreposer sur une base légale formelle (cf. art. 36 al. 1 Cst.). Ces derniersn'ont en effet pas contesté devant le Tribunal administratif la légalité del'ordre de remise en état qui leur a été notifié, alors même que leDépartement avait fondé cette mesure sur l'art. 129 de la loi cantonale surles constructions et les installations diverses (LCI), applicable par renvoide l'art. 44 LDTR. Au contraire, ils ont clairement admis que la validitéd'un ordre de remise en état ne dépendait ni d'une base légale ni d'une fautede leur part en se référant à un avis de doctrine. Dans ces conditions, ilsne sont pas habilités à remettre en cause l'arrêt attaqué pour ce motif envertu de la règle de l'épuisement préalable des instances posée à l'art. 86al. 1 OJ (cf. ATF 129 I 74 consid. 4.6 p. 80; 123 I 87 consid. 2b p. 89).Reste à examiner si la remise en état des lieux ordonnée en cas de vente del'immeuble est disproportionnée ou viole le principe de la bonne foi, commele prétendent les recourants. 3.3 L'ordre de remise en état litigieux repose sur l'art. 129 let. e LCI, quipermet au département d'ordonner la remise en état, la réparation, lamodification, la suppression ou la démolition d'une construction ou d'uneinstallation non conforme aux prescriptions de ladite loi, aux règlementsqu'elle prévoit ou aux autorisations délivrées en application de cesdispositions légales ou réglementaires. Cette disposition reconnaît ainsi unecertaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesureadéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faireusage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité detraitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêtspublics et privés en présence (cf. Christine Ackermann Schwendener, Dieklassische Ersatzvornahme als Vollstreckungsmittel des Verwaltungsrechts,thèse Zurich 2000, p. 62). C'est ainsi qu'il peut être renoncé à une remiseen état des lieux, lorsque la violation est de peu d'importance, lorsquecette mesure n'est pas compatible avec l'intérêt public ou encore lorsque lepropriétaire a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé
à édifier ou àmodifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne se heurtepas à des intérêts publics prépondérants (ATF 111 Ib 213 consid. 6 p. 221 etles arrêts cités). 3.4 Les mesures nécessaires à l'élimination d'une situation contraire audroit doivent être dirigées en principe contre le perturbateur. Il fautdistinguer à ce propos le perturbateur par comportement, qui a occasionné lasituation illégale par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant desa responsabilité, et le perturbateur par situation, qui exerce sur la choseà l'origine de la situation illicite un pouvoir de fait ou de droit. S'il y aplusieurs perturbateurs, l'autorité peut s'adresser alternativement oucumulativement au perturbateur par comportement et au perturbateur parsituation (ATF 107 Ia 19 consid. 2a p. 23). Les charges et conditionsassorties à une autorisation de construire sont en principe réelles, en cesens que lorsque la chose change de propriétaire, elles passent del'aliénateur à l'acquéreur. Toutefois, l'obligation de remettre en état ou dedémolir un bâtiment peut être considérée comme mixte: d'une part, elle estréelle en tant qu'elle se rapporte à un ouvrage déterminé; d'autre part, elleest personnelle dans la mesure où son exécution est liée à des circonstancespropres au débiteur, notamment à sa faculté d'invoquer les principes de labonne foi et de la proportionnalité (André Grisel, Traité de droitadministratif, vol. II, Neuchâtel 1984 p. 631 ss). Un ordre de remise en étatdes lieux pouvait donc en principe être notifié aux recourants, perturbateurspar situation, alors même que le changement d'affectation illicite estimputable au précédent propriétaire des lieux (ATF 99 Ib 392 consid. 2b p.396; arrêt 1A.22/1991 du 18 août 1992 consid. 3 publié in ZBl 94/1993 p. 79;Beatrice Weber-Dürler, Neuere Entwicklungen des Vertrauensschutzes, ZBl103/2002 p. 301; François Ruckstuhl, Öffentlichrechtliche Baumängel in:Beraten und Prozessieren in Bausachen, Bâle 1998, n.14.56, p. 582/583;Magdalena Ruoss Fierz, Massnahmen gegen illegales Bauen, thèse Zurich 1998,n. 2.2.1 p. 58 et ch. 2.3.3 p. 83). En revanche, la cour cantonale n'étaitpas dispensée pour autant de tenir compte de leur bonne foi dans la pesée desintérêts en présence qu'elle devait faire dans l'application du principe dela proportionnalité. 3.5 Le Tribunal administratif a estimé que la remise en état immédiate deslieux ne pouvait pas être exigée des recourants, dans la mesure où elleaurait pour conséquence qu'ils ne pourraient plus exercer leur professiondans les locaux dont ils sont propriétaires et qu'ils ont acquis à cette fin;il a dès lors différé la réaffectation à l'habitation du deuxième étage etdes combles de l'immeuble à la vente de celui-ci. Les recourants considèrentpour leur part qu'ils devraient être déliés de toute obligation à cet égard,compte tenu de leur bonne foi.Le changement d'affectation litigieux concerne les deux appartements de sixpièces sis au deuxième étage et dans les combles du bâtiment. L'affectationdu deuxième étage à des bureaux est intervenue avant l'acquisition del'immeuble par les recourants, en décembre 1994, à leur insu. Ceux-cin'avaient aucun moyen de savoir que ce niveau avait été affecté sans droit àl'usage de bureaux, sauf à se faire remettre une copie de l'autorisation deconstruire délivrée en octobre 1984 au précédent propriétaire des lieux.Selon les plans qui leur ont été présentés, et dont ils n'avaient aucuneraison de mettre en doute l'exactitude, seuls les combles étaient destinés àun appartement de six pièces, alors désaffecté. Il importe peu que l'immeubleétait mentionné comme "habitation" au registre foncier; comme les comblesétaient en principe voués à l'habitation lorsqu'ils l'ont acquis, ilspouvaient de bonne foi croire que l'affectation au logement était limitée àce niveau et que l'immeuble n'était de ce fait pas assujetti à la loicantonale sur les démolitions, transformations et rénovations de maisonsd'habitation.Lorsque, comme en l'espèce, le destinataire de l'ordre de remise en état peutse prévaloir de sa bonne foi, seul un intérêt public particulièrementimportant peut justifier une telle mesure qui porte une atteinte grave à lapropriété (cf. ATF 111 Ib 213 consid. 6 précité). Or, l'immeublecorrespondait, de par sa conception et sa typologie, à un hôtel particulieravant les travaux de transformations autorisés en octobre 1984, puisque lepropriétaire des lieux occupait l'appartement du deuxième étage et utilisaitune partie des bureaux des étages inférieurs pour son cabinet d'avocat. Parailleurs, il ne ressort pas du dossier que les appartements du deuxième étageet des combles aient effectivement été loués à des tiers. Lorsque lesrecourants ont déposé leur demande d'autorisation de transformer, celafaisait plus de dix ans que ces locaux étaient soustraits à l'habitation;même si la remise en état peut en principe être ordonnée durant trente ans(ATF 107 Ia 121 consid. 1a p. 123), cette circonstance devait égalemententrer en ligne de compte dans la pondération des intérêts en présence.L'atteinte portée en l'occurrence à la loi cantonale sur les démolitions,transformations et rénovations de maisons d'habitation par le changementd'affectation illicite est donc minime en tant qu'elle revient à soustraireau marché locatif deux appartements de six pièces, dont il n'est pas établiqu'ils auraient effectivement été affectés à la location. L'ordre de remiseen état cause en revanche un préjudice important aux recourants, qui doiventréaffecter à leurs frais, en cas de vente de l'immeuble, les locaux dudeuxième étage et des combles à l'habitation alors qu'ils ne sont en rienresponsables de la situation illicite.En définitive, l'arrêt attaqué, qui confirme la remise en état des lieux audépart des recourants pour une contravention à la LDTR, ne tient passuffisamment compte du fait que ces derniers ne sont pas les auteurs duchangement d'affectation illicite et porte une atteinte excessive à leursintérêts par rapport à l'intérêt public qu'il s'agit de préserver. 4.Le recours doit par conséquent être admis, dans la mesure où il estrecevable; le canton de Genève, qui succombe, est dispensé des fraisjudiciaires (art. 156 al. 2 OJ); en revanche, il versera une indemnité dedépens aux recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'unavocat (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et l'arrêt attaquéannulé. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à titre de dépens aux recourants,solidairement entre eux, à la charge du canton de Genève. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, ainsiqu'au Département des constructions et des technologies de l'information etau Tribunal administratif de la République et canton de Genève. Lausanne, le 28 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.273/2006
Date de la décision : 28/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-28;1p.273.2006 ?
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