{T 0/2}2P.96/2006 /svc Arrêt du 27 juillet 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.Greffier: M. Vianin. X. ________,recourant, représenté par Me W.________, avocat, contre Département des institutions du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 1,case postale 3962,1211 Genève 3, Tribunal administratif du canton de Genève,rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,1211 Genève 1. Art. 9 Cst.; remboursement d'une note de fraiset d'honoraires d'avocat, recours de droit public contre l'arrêt duTribunal administratif du canton de Genèvedu 14 février 2006. Faits: A.Le 7 mars 2001, le Conseil d'Etat du canton de Genève a ordonné une enquêtedisciplinaire pour différents manquements aux devoirs de service à l'encontrede X.________, alors administrateur de la prison Y.________, affectéultérieurement à Z.________, qui dépendait de la Chancellerie d'Etat.Le 30 mars 2001, le Président du Tribunal administratif du canton de Genève(ci-après: le Tribunal administratif) a dénoncé les faits reprochés àl'intéressé au Procureur général comme pouvant être constitutifsd'infractions pénales poursuivies d'office.Au plan administratif, l'enquête disciplinaire a conduit au prononcé d'unavertissement le 11 février 2004, confirmé sur recours le 27 mai 2004 par leChancelier d'Etat. Au plan pénal, la procédure a été classée le 22 octobre2004 par le Procureur général et la Chambre d'accusation a mis X.________ aubénéfice d'un non-lieu le 27janvier 2005. B.Par requête du 19 avril 2005 adressée au Département de justice, police etsécurité du canton de Genève (devenu entre-temps le Département desinstitutions; ci-après: le Département cantonal), X.________ a sollicité laprise en charge de la note de frais et d'honoraires de son conseil du 4 avril2005, par 62'007 fr. 10. Le 15septembre 2005, le Département cantonal arejeté la requête, tant pour les frais occasionnés par la procédure pénaleque pour les frais relatifs à la procédure administrative.Le 20 octobre 2005, X.________ a introduit par devant le Tribunaladministratif une action tendant à ce que l'Etat de Genève soit condamné àlui verser la somme de 62'007 fr. 10 plus intérêts. Statuant par arrêt du 14février 2006, le Tribunal administratif a déclaré cette demande irrecevable.Il a retenu en substance qu'au vu de l'issue de l'enquête disciplinaire, ilétait exclu que l'Etat de Genève prenne en charge les frais de défense pourla procédure administrative. Quant aux frais liés à la procédure pénale, il aconsidéré qu'il n'incombait pas à l'Etat de Genève de les assumer, fauted'une base légale expresse. Les autorités pénales avaient agi "motu proprio"pour élucider des faits paraissant constitutifs de gestion déloyale desintérêts publics et le non-lieu prononcé n'était pas de nature à fonder uneobligation de l'Etat de rembourser les frais d'avocat encourus. C.Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande auTribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt duTribunal administratif du 14 février 2006 et de renvoyer la cause à cetteautorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il dénonce uneviolation du principe de l'interdiction de l'arbitraire. Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et le dispositif deson arrêt et renonce à déposer une détermination. Le Département cantonalconclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité desrecours qui lui sont soumis (ATF 131 I 266 consid. 2 p. 267, 153 consid. 1 p.156, 145 consid. 2 p. 147 et les arrêts cités). 1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic est de nature purement cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulationde l'arrêt attaqué (ATF 132 I 68 consid. 1.5 p. 71; 129I 129 consid. 1.2.1p.131/132, 173 consid. 1.5 p. 176). La conclusion du recourant tendant aurenvoi de la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision dans lesens des considérants est en conséquence irrecevable. 1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile contre une décision finale priseen dernière instance cantonale, qui repose uniquement sur le droit cantonalet touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le présentrecours est recevable au regard des art. 84ssOJ. 1.4 Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit - sous peined'irrecevabilité - contenir un exposé des faits essentiels et un exposésuccinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,précisant en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours dedroit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de lui-même, sil'acte attaqué est en tout point conforme au droit et à l'équité; iln'examine que les moyens de nature constitutionnelle, invoqués etsuffisamment motivés dans le mémoire de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p.31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 110 Ia 1 consid. 2a p.3/4). En outre, dansun recours pour arbitraire, le recourant ne peut pas se contenter decritiquer l'acte entrepris comme il le ferait dans une procédure d'appel oùl'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doitpréciser en quoi l'acte attaqué serait arbitraire (ATF 128 I 295 consid. 7ap. 312).C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyenssoulevés par le recourant. 2.2.1Le recourant ne conteste pas le refus de prise en charge de ses fraisd'avocat pour la procédure administrative. Il allègue que la note de frais etd'honoraires de son conseil du 4 avril 2005 ne concerne que la procédurepénale, ce qui ne ressort pourtant pas clairement du libellé de cette note,faisant uniquement état des prestations de MeW.________ pour la périodeallant du 8 juin 2001 au 1er mars 2005.Dans sa demande, le recourant a invoqué l'art. 56G de la loi genevoise surl'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (RS/GE E 2 05), dispositionselon laquelle le Tribunal administratif connaît en instance unique desactions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droitpublic cantonal, qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision et quidécoulent - notamment - des rapports entre l'Etat et ses agents publics. Il afondé sa prétention sur une règle jurisprudentielle que le Tribunaladministratif a établie dans un arrêt du 9 octobre 2001, publié dans laSemaine Judiciaire 2002 I p. 427 ss. Dans cette jurisprudence, le Tribunaladministratif a admis l'indemnisation des frais d'avocat d'un magistrat quiavait été poursuivi pénalement mais qui n'avait fait l'objet d'aucunecondamnation.Dans son recours de droit public, le recourant reproche à l'autorité intiméed'avoir fait preuve d'arbitraire en considérant que sa situation étaitdifférente de celle du magistrat concerné par l'arrêt du 9 octobre 2001, ence sens qu'il n'avait pas été dénoncé pénalement par un tiers, mais que lesautorités pénales avaient agi "motu proprio". Il rappelle que l'enquêtepénale dirigée à son encontre était consécutive à la dénonciation du 30 mars2001 du Président du Tribunal administratif et soutient que l'autoritéintimée a retenu arbitrairement que les autorités pénales avaient agid'office. 2.2 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situationde fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair etindiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de lajustice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de lasolution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elleapparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situationeffective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.De plus, pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que samotivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soitarbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul faitqu'une autre solution - en particulier une autre interprétation de la loi -que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 132III 209 consid. 2.1 p. 211; 131I217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 173 consid.3.1 p. 178). Enfin, lorsque le recourant s'en prend à l'appréciation despreuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que sile juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen depreuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyenimportant propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la basedes éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8consid. 2.1 p. 9). 2.3 Dans son arrêt du 9 octobre 2001, le Tribunal administratif a comblé unelacune de la législation cantonale qui ne prévoit pas le remboursement desfrais de défense d'un magistrat faisant l'objet d'une poursuite pénale pourdes actes commis dans l'exercice de ses fonctions. Une telle prise en chargepar l'Etat répond au souci de préserver l'indépendance du juge et de lemettre à l'abri de pressions de la part de justiciables. A cet égard, iln'est pas arbitraire de considérer que cette protection ne s'étend pas auxfonctionnaires cantonaux, dont le risque d'atteinte à l'indépendance estsensiblement moins élevé. En cas d'attaque injustifiée, ceux-ci bénéficientd'ailleurs de l'appui de leur hiérarchie au sein du pouvoir exécutif et ne setrouvent pas isolés face à des tentatives de déstabilisation.La protection accordée aux magistrats vise en outre la situation danslaquelle ils font l'objet d'une plainte pénale émanant de tiers, soit depersonnes pouvant avoir intérêt à les influencer, à faire peser une menacesur eux ou à compliquer et retarder l'instruction d'une cause. Dans ce sens,le remboursement des frais de défense pénale se justifie en cas d'enquêtepénale diligentée à la suite d'une plainte, mais pas lorsque la justiceintervient d'office ou, autrement dit, lorsqu'elle agit "motu proprio".Dans le cas particulier, le recourant n'a pas été dénoncé par un tiersintéressé à exercer une quelconque pression sur lui pouvant justifierl'intervention de l'Etat. L'ouverture de l'enquête pénale dirigée à sonencontre résulte de l'intervention du Président du Tribunal administratif,soit d'une autorité judiciaire, qui a été amené à considérer que certainscomportements révélés par une enquête disciplinaire pouvaient relever del'application de la loi pénale. Dans un tel cas de figure, il n'est pasarbitraire de considérer que la justice pénale agit d'office, par oppositionà la dénonciation de la part d'un tiers. Il en irait de même dans l'hypothèsed'un magistrat qui serait dénoncé pénalement par le Conseil supérieur de lamagistrature.Le grief d'arbitraire dans l'application du droit et dans la constatation desfaits articulé par le recourant est en conséquence infondé. 3.Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il estrecevable.Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al.1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auDépartement des institutions et au Tribunal administratif du canton deGenève. Lausanne, le 27 juillet 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier: