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26/07/2006 | SUISSE | N°4C.50/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juillet 2006, 4C.50/2006


{T 0/2}4C.50/2006 /ech Arrêt du 26 juillet 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Zappelli, juge suppléant.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Gilbert Bratschi, contre Bureau national suisse d'assurance,défendeur et intimé, représenté par Me Serge Rouvinet. responsabilité civile recours en réforme contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2005 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.X. ________, né en 1948, a travaillé en Suisse comme installateur sanitairedès 1985. A.a Le 20 février 199

2, alors qu'il travaillait, l'échelle sur laquelle il setrouvait s...

{T 0/2}4C.50/2006 /ech Arrêt du 26 juillet 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Zappelli, juge suppléant.Greffier: M. Thélin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Gilbert Bratschi, contre Bureau national suisse d'assurance,défendeur et intimé, représenté par Me Serge Rouvinet. responsabilité civile recours en réforme contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2005 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.X. ________, né en 1948, a travaillé en Suisse comme installateur sanitairedès 1985. A.a Le 20 février 1992, alors qu'il travaillait, l'échelle sur laquelle il setrouvait s'est rompue et a provoqué sa chute. Il a subi une entorse de lacolonne cervicale, des contusions de la colonne lombaire et une entorse del'épaule droite avec de multiples hématomes. Cet accident a entraîné uneincapacité de travail totale.Le 13 mai 1992, le docteur A.________, neurologue, a constaté que l'examenobjectif ne mettait en évidence qu'un syndrome cervical et lombaire assezdiscret, avec un status neurologique électroclinique normal. Ildiagnostiquait un syndrome subjectif post-traumatique avec des cervicalgieset des dorso-lombalgies résiduelles; probablement en raison d'unedécompensation psychique, ces troubles s'aggravaient.Selon le rapport du médecin traitant, le docteur B.________, rapport établile 16 juin 1992 à l'attention de l'assurance-accidents, le patient présentaitun syndrome subjectif post-traumatique important à la suite de l'accident.Du 21 septembre au 16 octobre 1992, le patient a été admis à la clinique demédecine rééducatrice de l'assurance-accidents à Bellikon. Le rapportd'hospitalisation mentionne notamment des syndromes douloureuxcervico-vertébral et lombo-vertébral. Il y est constaté que ces troubles sontrésistants à la thérapie et qu'il existe une nette différence entre lesconstatations subjectives et objectives. Une reprise du travail à lami-journée fut tentée le 26 octobre 1992 au matin, sans succès. A.b Le même jour, dans la soirée, alors que X.________ était arrêté au volantde sa voiture, celle-ci fut heurtée à l'arrière par un véhicule immatriculéen France. La responsabilité civile du détenteur était assurée auprès de JohnMillion à Annemasse. Les deux conducteurs établirent un constat amiable,lequel fait état de dégâts aux véhicules et ne mentionne aucune atteinte àl'intégrité corporelle. La compagnie d'assurances Allianz Continentale,garante de la couverture des dommages causés en Suisse par suite del'utilisation du véhicule, a reconnu que la responsabilité exclusive del'accident incombait au détenteur.A la suite de cet accident, X.________ s'est plaint à son médecin traitant dedouleurs rachidiennes, de vertiges et de nausées. Le médecin a estimé quelors du nouvel accident, il s'était produit un choc indirect sur la colonnevertébrale déjà atteinte lors du premier accident. Il en résultait uneaccentuation des symptômes déjà présents. Il existait un syndrome subjectifpost-traumatique préexistant consécutif au premier accident. En raison decelui-ci, de la nature de l'affection et de l'évolution défavorable depuis lepremier accident, il était difficile de faire un pronostic sur l'état desanté du patient. Dès le 27 octobre 1992, celui-ci s'est derechef trouvé enincapacité de travail totale. B.B.aX.________ ayant présenté une demande de prestations del'assurance-accidents, le docteur C.________, neurologue, a pratiqué le 27août 1993 un test de Rorschach. Cet examen a révélé la décompensation d'unepersonnalité fragile, utilisant des défenses névrotiques mal adaptées dansune situation de stress. Plus tard, le docteur D.________, chef de cliniqueen neurologie, a établi un rapport d'expertise le 14 février 1994 selonlequel le patient présentait des troubles neuropsychologiques qui n'étaientpas spécifiques et qui pouvaient être attribués aussi bien à des douleurschroniques qu'à un état dépressif ou à un traumatisme cervical. Le syndromecervical post-traumatique consécutif à l'accident de travail de février 1992était encore très important en octobre de la même année, mais l'accident decirculation avait aggravé la situation. Les plaintes du patient étaient liéesaux deux accidents. En raison de l'importance des troublesneuropsychologiques existant au moment du second accident, le premier de cesévénements se trouvait à l'origine des deux tiers, au moins, de la totalitédes troubles neuropsychologiques; il était cependant illusoire de fixer uneproportion précise. L'importance des troubles n'était cependant pas enrapport avec le traumatisme puisqu'ils s'étaient aggravés dès le premieraccident. Une partie des troubles étaient imputables à la structurepsychologique du patient et à une consommation excessive de médicaments, cesfacteurs externes étant quantifiés à raison d'un tiers chacun. Enfin, lestroubles neuropsychologiques actuels entraînaient une incapacité de travailde 35%, taux qui ne correspondait pas à la capacité réelle du patient.A l'issue de son propre examen, le docteur E.________, médecind'arrondissement de l'assurance-accidents, a relevé qu'il n'était paspossible de déterminer la part imputable à chacun des événements. Sur la basede l'expertise du docteur D.________, il a fixé à un tiers, pour l'estimationde l'atteinte à l'intégrité, la part des troubles neuropsychologiquesconsécutifs à l'accident du 26 octobre 1992, après déduction des facteursexternes. B.b Allianz Continentale a admis le 8 novembre 1994 qu'une part d'un tiers dusolde de la perte de gain, après déduction des facteurs étrangers auxaccidents, était imputable à ce dernier événement. La caissed'assurance-accidents a exercé un droit de recours portant sur 4'866.50 fr.de frais de traitement et 56'225 fr. d'indemnités journalières. B.c X.________ a présenté une demande de prestations à l'Office cantonal del'assurance-invalidité. Mandatés en qualité d'experts, les docteursF.________, psychiatre, et G.________, rhumatologue, ont déposé leur rapportle 31 octobre 1995. Ils ont constaté que l'ensemble des symptômes (céphalées,vertiges, hypotension orthostatique, troubles du sommeil, fatigue) évoquaitune dystonie neurovégétative, soit un dysfonctionnement qui n'était pasassimilable à une pathologie, survenant fréquemment chez les personnesdevenues moins actives physiquement, ce qui était le cas du patient. Ils'agissait d'un problème de comportement. Les experts ont posé le diagnosticd'une sinistrose, ou névrose de compensation, qui se développait dans lecadre d'une personnalité parfaitement compensée, présentant des élémentsclairs d'exagération, voire de simulation. Par ailleurs, lescervico-lombalgies relevaient d'une pathologie commune fortement influencéepar la sinistrose. En conclusion, X.________ disposait objectivement d'unepleine capacité de travail mais cherchait à faire croire le contraire.Par décision du 14 février 1997, l'assurance-accidents a mis fin au paiementde ses prestations avec effet au 29 février 1996. Ce prononcé était fondé surl'avis du docteur H.________, autre médecin d'arrondissement, selon lequelX.________ bénéficiait d'une mobilité active de la colonne vertébrale etadoptait néanmoins un comportement d'invalide. Cet avis correspondait àl'appréciation du docteur F.________. B.d X.________ ayant formé opposition, l'assurance a confié une missiond'expertise au professeur I.________, chef du service de neurologie du Centrehospitalier universitaire vaudois. Selon son rapport du 28 mars 1998,l'examen clinique révélait des douleurs mal systématisées, des troublessensitifs d'allure non organique, des douleurs inappropriées face à unstimulus mineur, et un défaut de congruence entre les mouvements spontanés etceux exécutés sur ordre de l'expert. L'ensemble du tableau clinique(lombosciatalgies, cervico-céphalées, syndrome vertigineux) s'intégrait dansun syndrome post-traumatique, avec une composante fonctionnelle prédominante.Les examens ne montraient pas de lésions consécutives aux deux accidents.L'état clinique actuel ne pouvait pas être attribué à ces lésions pour unepart supérieure à 25%. Même si l'essentiel du tableau (75%) relevait derépercussions psychiques et de l'évolution d'un syndrome douloureux sanslésion organique majeure, il fallait néanmoins reconnaître au patient uneincapacité de travail totale.Par décision du 25 juin 1998, l'assurance a rejeté l'opposition; ce prononcéfut ensuite confirmé par le Tribunal administratif du canton de Genève.Par arrêt du 27 septembre 2000, le Tribunal fédéral des assurances a rejetéle recours de X.________ formé contre l'arrêt du Tribunal administratif.Selon la cour fédérale, aucune séquelle d'ordre somatique n'était imputableaux deux accidents mais il était indéniable que l'assuré souffrait detroubles psychiques et qu'il existait un lien de causalité naturelle entreles accidents et ces troubles. En revanche, le lien de causalité adéquatefaisait défaut. L'accident du 20 février 1992 était de peu de gravité etcelui du 26 octobre 1992 se situait dans la limite inférieure des accidentsde gravité moyenne; cependant, il n'était ni impressionnant niparticulièrement dramatique car les personnes impliquées n'avaient pas faitappel à la police et X.________ n'avait subi aucun choc direct sur la colonnevertébrale. Enfin, il n'existait pas de lésions physiques observables. B.e Le 12 mai 1997, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité a rejeté lademande de prestations. Sur la base de l'expertise du docteur F.________ etde l'avis du docteur H.________, il a retenu que l'incapacité de travail durequérant était due à des causes qui ne relevaient pas del'assurance-invalidité. Le Tribunal fédéral des assurances a confirmé cettedécision par arrêt du 27 septembre 2000, considérant que l'expertise dudocteur F.________ était probante et que l'hypothèse d'une névrose decompensation était compatible tant avec le constat du docteur D.________,relatif à des symptômes subjectifs et exagérés par rapport au traumatismesubi, qu'avec celui du docteur C.________ révélant la décompensation d'unepersonnalité fragile, utilisant des défenses névrotiques mal adaptées. B.f A la suite de chutes provoquées par des vertiges, X.________ a subi unefracture du poignet gauche le 24 mai 2000, puis de l'os cuboïde de lacheville droite le 26 août 2000. Le 19 avril 2001, l'assurance-accidents arejeté une demande de prestations consécutive à ces événements, annoncéscomme des rechutes des accidents du 20février et du 26 octobre 1992.L'opposition de l'assuré a été rejetée par décision du 16 juillet 2001 aumotif que les vertiges ne constituaient pas des séquelles imputables à cesaccidents.En septembre 2000, X.________ a subi une intervention chirurgicale pour unesténose de l'artère mésentérique supérieure (chirurgie digestive). A lademande de son psychiatre, le docteur J.________, il fut ensuite admis à laclinique genevoise de Montana du 21 novembre au 5 décembre 2000, où ondiagnostiqua, outre un trouble dépressif récurrent avec un épisode actuelsévère qui présentait des signes psychotiques, un trouble somatoformedouloureux. Selon une lettre du docteur J.________ du 16 janvier 2001, lepatient était en traitement chez lui depuis le 31 octobre 2000; il souffrait,outre des symptômes précités, d'une dystonie neurovégétative. B.g A la suite d'une demande de prestations déposée le 1er mars 2001 auprèsde l'Office cantonal de l'assurance-invalidité, une expertise a été réaliséesous la direction des docteurs K.________ et L.________, à la Polycliniquemédicale universitaire de Lausanne. Selon le rapport de ces médecins,X.________ souffrait d'un trouble dépressif récurrent, comportant un épisodeactuel sévère avec symptômes psychotiques, et un symptôme somatoformedouloureux persistant sous forme de rachialgies cervicales et lombaires. Lesexperts ne partageaient pas le diagnostic de sinistrose posé au moisd'octobre 1995 par le docteur F.________, disant avoir sur ce dernierl'avantage de bénéficier d'une perspective plus longue. Ils remarquaient quel'affection actuelle remontait au 20 février 1992 et que le troublesomatoforme douloureux s'était progressivement aggravé depuis lors. Lapathologie s'était fixée depuis onze ans et le patient était absent du mondedu travail depuis cette date. En revanche, l'état dépressif s'était nettementaggravé en septembre 2000 à la suite de l'intervention de chirurgiedigestive, laquelle avait ravivé les craintes de mort ressenties lors desaccidents de 1992. Il s'ensuivait que le patient était en incapacité detravail totale depuis septembre 2000. Avant cette date, son incapacité detravail était déjà fortement réduite, sans qu'il fût possible de laquantifier.Le 4 juin 2003, sur la base de cette expertise, l'Office cantonal del'assurance-invalidité a alloué à X.________ une rente entière dès le1ermars 2001. Il a retenu que sa capacité de travail était nulle depuis lemois de septembre 2000. C.Le 27 octobre 2004, X.________ a ouvert action contre le Bureau nationalsuisse d'assurance, établissement qui doit assumer la réparation des dommagescausés en Suisse par des véhicules étrangers, devant le Tribunal de premièreinstance du canton de Genève. Sa demande tendait au paiement de 140'015fr.80, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 15 mai 2000, à titre dedommages-intérêts pour incapacité de travail du 1er mars 1996 au 31 juillet2004; de 85'915 fr. 80, avec intérêts dès le 1er août 2004, à titre dedommages-intérêts pour atteinte à l'avenir économique, et de 35'000 fr., avecintérêts dès le 26 octobre 1992, à titre d'indemnité de réparation morale. Lademande était fondée sur l'incapacité de travail consécutive au troubledépressif persistant.Contestant toute obligation, le défendeur a conclu au rejet de la demande.Le tribunal lui a donné gain de cause par jugement du 16 juin 2005. Il aretenu que le demandeur n'avait pas qualité pour agir car la caissed'assurance-accidents était subrogée à tous ses droits.Statuant le 16 décembre 2005 sur l'appel du demandeur, la Cour de justice aconfirmé le jugement. Elle n'a certes pas admis la subrogation de la caissed'assurance-accidents mais elle a dénié l'existence d'un lien de causalitéadéquate entre l'accident du 26 octobre 1992 et le trouble psychique dudemandeur, ce qui conduisait aussi au rejet de l'action. D.Agissant par la voie du recours en réforme, X.________ requiert le Tribunalfédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que le défendeursoit condamné aux prestations déjà réclamées dans les instances cantonales. Atitre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt et le renvoi de lacause à la juridiction cantonale.Le défendeur conclut au rejet du recours.Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où ilétait recevable, le recours de droit public introduit simultanément contre lemême prononcé. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Ilest dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun tribunal
suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est enprincipe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al.1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doitconduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans ladécision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière depreuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatationsreposant sur une inadvertance manifeste ou qu'il soit nécessaire de compléterles constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenucompte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis(art. 63 al. 2, 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p.140). Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait quis'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avecprécision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est paspossible d'en tenir compte (mêmes arrêts). Par ailleurs, si les constatationsde la décision attaquée ne sont pas suffisamment complètes pour permettrel'application du droit, le Tribunal fédéral annule ce prononcé et il renvoiela cause à la juridiction cantonale afin que celle-ci prenne une nouvelledécision après complètement de l'état de fait (art. 64 al. 1 OJ).Le Tribunal fédéral ne peut pas juger au delà des conclusions des partiesmais il n'est pas lié par motifs que celles-ci invoquent (art. 63 al.1OJ)et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63 al.3 OJ). Néanmoins, en règle générale, il se prononce seulement sur lesquestions juridiques que la partie recourante soulève conformément auxexigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ concernant la motivation du recours(ATF 127 III 397 consid. 2a p.400; 116 II 92 consid. 2 p. 94). 2.Le demandeur se plaint en premier lieu de ce que la Cour de justice aurait,par inadvertances manifestes, retenu un état de fait inexact. Il se réfèrel'art. 63 al. 2 OJ.Il y a inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale, par une simpleinattention, a dressé un état de fait qui, à l'évidence, ne correspond pas aurésultat de l'administration des preuves; tel est le cas par exemple sil'autorité a omis de mentionner un fait clairement établi ou si, par mégarde,elle s'est clairement trompée sur un point de fait établi sans équivoque; iln'y a en revanche pas d'inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale aretenu ou écarté un fait à la suite d'un raisonnement ou d'un choix dansl'appréciation des preuves. Il y a aussi inadvertance manifeste quand uneconstatation est manifestement contraire aux pièces du dossier et que cela nepeut s'expliquer que par l'inattention. Il en est ainsi lorsque l'autorité aomis de prendre connaissance d'une pièce, l'a mal lue ou mal comprise parmégarde, mais non lorsqu'elle a mal apprécié les preuves. En outre, larectification n'intervient que si le point de fait est pertinent pour l'issuedu litige (ATF 115 II 399 consid. 2a; 121 IV 104 consid. 2b p. 106) et lemoyen tiré de l'inadvertance manifeste n'est recevable que si l'acte derecours contient l'indication exacte de la constatation attaquée et la piècedu dossier qui la contredit (art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 110 II 494 consid.4).Selon le demandeur, la Cour de justice a indiqué qu'il soutenait avoir étéincapable de travailler dès les accidents de 1992 mais qu'il n'avait faitvaloir de prétentions qu'à partir du 1er mars 1996. A son avis, elle auraitdû indiquer les raisons pour lesquelles il avait agi de la sorte. En omettantde les rappeler, elle laisse entendre qu'il ne s'estimait titulaire d'aucundroit avant cette date en raison de l'absence de toute atteinte à sa santé.Cet argument, qui repose sur une supposition relative aux motifs de l'arrêt,est sans fondement. De cet élément de fait, qui est effectivement cité, lesjuges ne déduisent aucune conséquence quant au sort de l'action. Lacirconstance relevée par le demandeur est donc sans pertinence. Au demeurant,les motifs pour lesquels il n'a élevé des prétentions que dès le 1er mars1996 ressortent de l'état de fait rappelé par ailleurs dans l'arrêt attaqué.Avant cette date, le dommage a été pris en charge par l'assurance-accidents.Il est aussi fait grief aux précédents juges d'avoir ignoré les nombreuxrapports médicaux établis par le médecin traitant du demandeur, le docteurB.________. La prise en considération de ces pièces, dans lesquelles cemédecin confirmait notamment les avis des docteurs D.________, I.________,K.________ et L.________, aurait apporté de nombreux indices complémentaireset elle aurait conduit à douter de la force probante du rapport fourni par ledocteur F.________, défavorable au demandeur. Ce dernier leur reproche encorede n'avoir pas tenu compte des critiques du docteur J.________ relatives à cemême rapport. Avec cette argumentation, le demandeur ne s'en prend qu'àl'appréciation des preuves par la juridiction cantonale, de sorte qu'elle estirrecevable à l'appui du recours en réforme. 3.Le demandeur se plaint de violation du droit à la preuve garanti par l'art. 8CC. Il reproche à la Cour de justice de n'avoir pas donné suite à ses offresde preuves et contre-preuves, pertinentes, présentées selon lui en tempsutile dans sa demande en justice et dans son mémoire d'appel. La cour auraitdû l'entendre personnellement, ainsi que son médecin traitant et diversspécialistes ou experts. Une nouvelle expertise aurait dû être ordonnée enraison des divergences qui apparaissent dans les rapports et avis médicaux.Faute d'avoir administré ces preuves, la Cour de justice n'est prétendumentpas autorisée à retenir qu'il n'avait pas souffert d'une pathologie psychiqueinvalidante avant septembre 2000, d'une part, et qu'il n'existait pas de liende causalité adéquate entre l'accident d'octobre 1992 et l'état dépressifpostérieur à septembre 2000, d'autre part.Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire,prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Pour toutes lesprétentions relevant du droit privé fédéral, l'art. 8 CC répartit le fardeaude la preuve - auquel correspond en principe le fardeau de l'allégation (cf.Vogel/Spühler, Grundriss des Zivilprozess-rechts, 8e éd., Berne 2006, n.54p. 264; Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, Berne 2001, ch. 786 p. 152)- et, partant, les conséquences de l'absence de preuve ou d'allégation (ATF129 III 18 consid. 2.6 p. 24; 127 III 519 consid. 2a p.522). On fondeégalement sur cette disposition le droit à la preuve, c'est-à-dire la facultépour une partie d'être admise à apporter la preuve de ses allégués dans lesprocès civils (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24). Il ressortit au droitfédéral de déterminer le degré de certitude ou de vraisemblance dont dépendla reconnaissance de la prétention concernée. En revanche, savoir si, dans lecas particulier, ce degré de certitude est ou non réalisé, relève del'appréciation des preuves par le juge, appréciation qui ne peut êtrecritiquée que par la voie du recours de droit public (arrêt 4C.64/2003 du 18juillet 2003, Pra 2004 p. 135 n. 28, consid. 4 p. 137; ATF 120 II 393 consid.4b p.397). L'art. 8 CC ne prescrit pas quelles mesures probatoires doiventêtre ordonnées et il ne détermine pas non plus comment le juge doit forger saconviction. Il n'exclut ni l'appréciation anticipée des preuves (ATF 129 III18 consid. 2.6 p. 25) ni la preuve par indices (ATF 114 II 289 consid. 2a p.291). Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'un fait estétabli - ou réfuté - à satisfaction de droit, la question de la répartitiondu fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de l'art. 8 CC n'apas d'objet. Il s'agit alors d'une question de pure appréciation des preuvesqui relève du recours de droit public (ATF 127 III 519 consid. 2a p.522).Contrairement à son argumentation, le demandeur n'a pas requis la Cour dejustice de le convoquer pour être entendu oralement et il n'a pas non plusrequis l'administration des preuves dont il fait présentement état. Ilsoutenait que les accidents de 1992 se trouvent en lien de causalité adéquateavec le dommage et le tort moral qu'il subit. Il n'a conclu qu'à titresubsidiaire au renvoi de la cause au Tribunal de première instance. La Courde justice exerçait un pouvoir d'examen complet. Il devait donc prévoir quecette autorité, si elle admettait sa qualité pour agir, examinerait ensuitele bien-fondé de ses prétentions. Il lui incombait alors d'invoquer d'emblée,aux fins de cet examen, tous les moyens de preuve qu'il jugeait nécessaires,ce qu'il n'a pas fait. Dans ces conditions, les juges n'ont pas violé l'art.8 CC en statuant sur la base des documents déjà versés au dossier. 4.Le demandeur reproche à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 58 al. 1 LCRen considérant qu'il n'y avait pas de lien de causalité adéquate entrel'accident de la circulation du 26 octobre 1992 et son état dépressifrécurrent. A son avis, la Cour s'est référée de manière erronée à l'arrêtrendu le 27 septembre 2000 dans la cause qui l'opposait à la caissed'assurance-accidents, où le Tribunal fédéral des assurances a déniél'existence de ce lien de causalité. La Cour a prétendument perdu de vue quela question de la causalité adéquate ne se résout pas de la même manière endroit des assurances sociales et en droit de la responsabilité civile. Deplus, le Tribunal fédéral des assurances a statué sans connaître le rapportd'expertise de 2003, critique vis-à-vis du rapport du docteur F.________. Dece rapport d'expertise, selon le demandeur, il résulte que le troubledépressif remonte au 20 février 1992, date de l'accident de travail, et quela capacité de travail était déjà fortement réduite avant septembre 2000.La Cour a également retenu à tort l'influence de l'état maladif préexistant àl'accident du 26 octobre 1992. Cet état maladif n'a pas atteint un degré degravité suffisant pour entraîner la rupture du lien de causalité adéquate;cela ressort du fait que Allianz Continentale et l'assurance-accidents ontcouvert le préjudice résultant de ce dernier événement jusqu'en 1996.Toujours selon l'argumentation du demandeur, l'intervention de chirurgie n'aexercé qu'une influence mineure, la capacité de travail étant déjà fortementatteinte auparavant d'après les docteurs K.________ et L.________. Enfin,pour élucider le lien de causalité adéquate, il est sans pertinence que ledemandeur n'ait plus travaillé depuis 1992.Selon la jurisprudence, constitue la cause adéquate d'un dommage tout faitqui, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, étaitpropre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, en sorte quela survenance de ce résultat paraît de façon générale favorisée par le faiten question. La notion de causalité adéquate est en principe définie demanière identique en droit de la responsabilité civile et en droit desassurances sociales mais l'appréciation doit tenir compte, dans chacun de cesdomaines, des objectifs spécifiques de la législation concernée (ATF 123 III110 consid. 3a p. 112, avec références). Ainsi, par exemple, le droit desassurances sociales ne doit pas récompenser ni favoriser, par desprestations, les tendances à la revendication; c'est pourquoi le Tribunalfédéral des assurances rejette l'existence d'un rapport de causalité adéquateet refuse toute prestation en cas de névrose de revendication (même arrêt,consid. 3b p.113).En l'occurrence, contrairement à ce que soutient le demandeur, la Cour dejustice n'a pas méconnu la jurisprudence. Elle a seulement jugé qu'aucun deséléments propres au domaine de la responsabilité civile ne venait, enl'espèce, contredire le constat d'absence de lien de causalité adéquateretenu par le Tribunal fédéral des assurances. A ce sujet, le demandeur neprésente aucun argument qui soit de nature à invalider cette appréciation. Ilse réfère certes au rapport d'expertise de 2003, postérieur à l'arrêt de cetribunal, mais il n'en fait qu'une lecture partielle, limitée exclusivementaux passages favorables à sa thèse. Par conséquent, son opinion repose sur unétat de fait divergent de celui retenu par la Cour de justice et qui lie leTribunal fédéral en instance de réforme. Le demandeur soutient en effet quesa capacité de travail était déjà fortement réduite avant septembre 2000 enraison de ses troubles psychiques. Or, la cour cantonale a au contraireconsidéré qu'il n'était pas établi avec une vraisemblance prépondérante quele demandeur ait subi une réduction de sa capacité de travail, en raisond'une pathologie psychique, déjà avant septembre 2000. Le recours est doncirrecevable dans la mesure où il est fondé sur un état de fait contraire àcelui retenu par la juridiction cantonale.On ne saurait non plus reprocher aux précédents juges d'avoir en outrerelevé, comme circonstance défavorable au lien de causalité, la présence detroubles neuropsychologiques déjà existants au moment de l'accident du 26octobre 1992. La cour cantonale n'a pas retenu, contrairement à ce qu'affirmele demandeur, que ledit état préexistant ait été important au pointd'entraîner la rupture du lien de causalité. Ils citent cet état préexistantcomme l'un des éléments à prendre en considération. Ils relèvent surtoutl'aggravation déterminante de l'état de santé psychique du demandeur aprèsl'intervention chirurgicale de septembre 2000. Leur constat est d'ailleurssur ce point conforme au rapport précité de 2003. Les experts K.________ etL.________ - le demandeur passe sous silence ce passage de leur rapport - ontclairement relevé l'aggravation sévère de son état psychique depuis cetteintervention. L'argumentation présentée, qui ne se réfère qu'à une partie desfaits sur ce point, n'est donc pas recevable.La Cour de justice a aussi retenu que le demandeur n'a plus travaillé depuis1992. Contrairement à ce qu'il soutient, son raisonnement n'est pasillogique. Une telle circonstance, qui est imputable, tant selon le docteurF.________ que selon le docteur J.________, psychiatre du demandeur, à unedystonie neurovégétative, pouvait aussi raisonnablement expliquer ladégradation postérieure de l'état de santé psychique du demandeur,s'interposant ainsi entre l'accident d'octobre 1992 et les troublespsychiques invalidants constatés dès septembre 2000.En considération de l'ensemble de ces circonstances, il se justified'admettre qu'elles relèguent l'accident d'octobre 1992 à l'arrière-plan,loin des troubles psychiques récurrents actuels du demandeur, en sorte que lelien de causalité adéquate fait défaut. Dans la mesure où il est recevable,le recours doit être rejeté sur ce point également. 5.A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolumentjudiciaire et les dépens à allouer à l'autre partie (art. 156 al. 1 et 159al.
2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 6'000 fr. 3.Le demandeur acquittera une indemnité de 7'000 fr. à verser au défendeur àtitres de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 26 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse: Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.50/2006
Date de la décision : 26/07/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-26;4c.50.2006 ?
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