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24/07/2006 | SUISSE | N°1P.415/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 juillet 2006, 1P.415/2006


{T 0/2}1P.415/2006 /col Arrêt du 24 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourant, représenté par Me Vincent Spira, avocat, contre Ministère public du canton de Genève,Palais de Justice, place du Bourg-de-Four 1,1204 Genève,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. refus de mise en liberté provisoire, recours de droit public contre l'ordonnance de la Cham-bre d'accusation ducanton de Genève du 4 juillet 2006. Faits: A.A. ________ a été arrêté le 14 juin

2004 dans le cadre d'une instructionpénale ouverte à la suite...

{T 0/2}1P.415/2006 /col Arrêt du 24 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourant, représenté par Me Vincent Spira, avocat, contre Ministère public du canton de Genève,Palais de Justice, place du Bourg-de-Four 1,1204 Genève,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. refus de mise en liberté provisoire, recours de droit public contre l'ordonnance de la Cham-bre d'accusation ducanton de Genève du 4 juillet 2006. Faits: A.A. ________ a été arrêté le 14 juin 2004 dans le cadre d'une instructionpénale ouverte à la suite du décès de B.________, tué par balle le 13 juin2004 à Genève, ainsi que d'une bagarre survenue le même jour à Renens et aucours de laquelle C.________ a été grièvement blessé. Le Juge d'instructiongenevois en charge de la procédure a inculpé A.________ de lésionscorporelles graves, d'agression et de complicité d'assassinat. Par ordonnancedu 7 octobre 2005, la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: laChambre d'accusation) a renvoyé A.________ devant la Cour d'assises du cantonde Genève pour lésions corporelles graves, meurtre ou assassinat,subsidiairement tentative de meurtre ou d'assassinat et conduite d'unvéhicule automobile sans permis.Par arrêt du 28 janvier 2006, la Cour d'assises a condamné A.________ à unepeine d'emprisonnement de vingt-quatre mois pour omission de prêter secourset conduite d'un véhicule automobile sans permis. Elle a également révoqué lesursis accordé le 3 février 2003 par le Tribunal de police de Genève pour unepeine de dix-huit mois d'emprisonnement sous déduction de huit mois etvingt-quatre jours de détention préventive. Tant A.________ que le Procureurgénéral du canton de Genève se sont pourvus en cassation contre cet arrêt,conformément aux art. 338 ss du code de procédure pénale genevois (CPP/GE).Par ordonnance du 17 mars 2006, la Chambre d'accusation a rejeté une requêtede mise en liberté déposée par A.________, retenant notamment l'existenced'un risque de réitération. A.________ a retiré son pourvoi en cassation le20 mars 2006. B.Le 4 avril 2006, la Chambre d'accusation a rejeté une nouvelle requête demise en liberté provisoire, considérant en substance que les mesuresd'encadrement et de traitement proposées par A.________ n'étaient passuffisantes pour pallier au risque de réitération. De plus, le principe de laproportionnalité était respecté eu égard à la peine prononcée par la Courd'assises, celle-ci étant susceptible d'être prolongée en raison du pourvoien cassation déposé par le Procureur général. C.A.________ a recouru au Tribunal fédéral contre cette ordonnance. Par arrêtdu 5 mai 2006 (1P.215/2006), la Ire Cour de droit public a partiellementadmis le recours, considérant en substance que la décision querellée n'étaitpas suffisamment motivée s'agissant du risque de réitération. De plus, unpronostic sur l'application de l'art. 38 CP - relatif à la libérationconditionnelle - était indispensable, dès lors que la durée de la détentionpréventive atteignait déjà les deux tiers de la peine prononcée par la Courd'assises. Si elle estimait que des risques de réitération ne permettaientpas la mise en liberté provisoire, elle était invitée à transmettre le cas àla Commission de libération conditionnelle du canton de Genève (ci-après: lacommission) ou à veiller d'une autre manière à une application coordonnée del'art. 38 CP et des dispositions des art. 151 ss CPP/GE.Donnant suite à cet arrêt, la Chambre d'accusation a transmis le dossier dela cause à la commission. Le 28 juin 2006, celle-ci lui a communiqué qu'elleavait émis un préavis positif dans sa séance du 6juin 2006, estimant queA.________ remplissait les conditions d'une libération conditionnelle. LaChambre d'accusation a néanmoins refusé de le mettre en liberté, parordonnance du 4 juillet 2006. En substance, elle a précisé qu'elle craignaitla réitération d'actes portant atteinte à la vie ou à l'intégrité corporelleet que les mesures proposées par A.________ n'étaient pas suffisantes pourréduire ce risque. Elle s'était écartée du préavis de la commission en raisondu fait qu'il n'était pas motivé. Enfin, prenant en compte la peine déjàinfligée - y compris la révocation du sursis - elle estimait que le principede la proportionnalité demeurait respecté. D.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en libertéprovisoire. Il invoque une violation de l'art. 10 Cst. et se plaintd'arbitraire dans la constatation des faits (art. 9 Cst.). Il requiert enoutre l'assistance judiciaire gratuite. La Chambre d'accusation a renoncé àformuler des observations. Le Procureur général du canton de Genève s'estdéterminé; il conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à sonrejet. A.________ a renoncé à présenter des observations complémentaires. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instancecantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquementprotégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exceptionà la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recouranttendant à ce que le Tribunal fédéral mette fin à sa détention préventive estrecevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p.333). 2.Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la libertépersonnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si ellerepose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espècel'art. 34 CPP/GE (cf. également l'art. 27 Cst./GE). Elle doit en outrecorrespondre à un intérêt public et respecter le principe de laproportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par lesbesoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou deréitération (cf. art. 34 let. a à c CPP/GE). La gravité de l'infraction - etl'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à cesconditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes(art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 34 in initioCPP/GE). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, leTribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois del'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF123 I 268 consid. 2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9Cst. et ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273consid. 2.1 p.275). En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitrairelorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élémentde preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatationsinsoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41).En l'espèce, le recourant ne remet pas en cause la base légale sur laquellerepose la détention préventive et ne conteste pas l'existence de chargessuffisantes à son encontre. Il nie cependant l'existence d'un risque deréitération et d'un danger de fuite. Sous l'angle de la proportionnalité, ilcritique également la durée de sa détention. 3.Eu égard à la durée de la détention préventive et compte tenu de l'arrêtprécédemment rendu par la Cour de céans dans la même affaire (arrêt1P.215/2006 du 5 mai 2006), il convient d'examiner en premier lieu le respectdu principe de la proportionnalité. Le recourant fait grief à l'autoritéattaquée d'avoir violé ce principe en refusant d'ordonner sa mise en libertéprovisoire après vingt-cinq mois de détention préventive et malgré un préavispositif de la Commission de libération conditionnelle. A cet égard, il seplaint en substance d'une appréciation arbitraire des faits pertinents. 3.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH, le prévenu doit êtrelibéré lorsque la durée de la détention préventive se rapproche de la peineprivative de liberté qui sera éventuellement prononcée (ATF 132 I 21 consid.4.1 p. 27; 128 I 149 consid. 2.2 p. 151; 126 I 172 consid. 5a p. 176 s.; 107Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). Cette durée probable dela peine doit être évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviterque le juge du fond ne soit incité à prononcer une peine excessive pour lafaire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF 124 I 208 consid.6 p. 215; 116 Ia 143 consid. 5a p. 147). La durée de la détention préventives'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances concrètes du casd'espèce (ATF 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273; arrêtsde la Cour européenne des droits de l'homme Contrada c. Italie, du 24 août1998, par. 54; W. c. Suisse, du 26 janvier 1993, Série A, vol. 254, par. 30).A titre exceptionnel, il y a lieu de tenir compte de la possibilité d'unelibération conditionnelle selon l'art. 38 CP si une appréciation descirconstances concrètes permet d'emblée d'aboutir à la conclusion que, selontoute vraisemblance, les conditions de l'art. 38 ch. 1 al. 1 CP sontréalisées, ainsi que dans la situation particulière où la détention estprolongée durant la procédure de recours cantonale contre un jugement decondamnation, alors qu'elle dépasse déjà les deux tiers de la peine privativede liberté prononcée (cf. arrêt 1P.215/2006 du 5 mai 2006, consid. 4.1 et lajurisprudence citée). 3.2 En l'occurrence, le recourant a été condamné à la peine de vingt-quatremois d'emprisonnement par la Cour d'assises, qui a également révoqué unsursis qui lui avait été octroyé pour une peine de dix-huit moisd'emprisonnement. La peine de vingt-quatre mois est susceptible d'êtreaggravée, dès lors que le Procureur général a déposé un pourvoi, qui estactuellement pendant devant la Cour de cassation (art. 356 al. 2 CPP/GE acontrario). A ce jour, le recourant a effectué plus de vingt-cinq mois dedétention préventive. La durée de celle-ci dépasse donc celle de la peineprononcée en première instance par la Cour d'assises. 3.2.1 S'agissant d'un cas particulier où la détention est prolongée durant laprocédure de recours cantonale contre un jugement de condamnation, alorsqu'elle dépasse déjà les deux tiers de la peine prononcée, l'autoritéattaquée devait tenir compte de la possibilité d'une libérationconditionnelle selon l'art. 38 CP. Comme elle y a été invitée dans l'arrêt1P.215/2006 précité, elle devait s'en référer à la Commission de libérationconditionnelle si elle craignait un risque de récidive. Or, cette commissiona émis un préavis positif et l'a fait savoir à la Chambre d'accusation parcourrier du 28 juin 2006. Si cette dernière estimait que le courrier enquestion n'était pas suffisamment explicite, il lui appartenait de demanderdes explications complémentaires; elle ne pouvait pas simplement l'écarter,comme elle l'a fait, au motif qu'il ne contenait pas de développements sur lecomportement actuel du prévenu, sur sa conduite future et sur d'éventuellesrègles de conduites. Ce document n'apparaît d'ailleurs pas d'emblée dénué defondement, puisqu'il se réfère à un examen du dossier effectué lors d'uneséance du 6 juin 2006, ainsi qu'à la pratique constante du Service cantonald'application des peines, pour conclure que le recourant remplissait lesconditions d'une libération conditionnelle. Par conséquent, en retenant, sansautre motivation, que les conditions d'une telle libération n'étaient pasremplies, la Chambre d'accusation a procédé à une constatation arbitraire desfaits pertinents. L'ordonnance querellée doit donc être annulée pour cepremier motif. 3.2.2 Concernant la durée de la détention préventive subie par le recourant,la Chambre d'accusation a considéré que "au vu de la peine déjà infligée, ycompris la révocation du sursis précédemment accordé par le Tribunal depolice - et nonobstant celle qui pourrait l'être ultérieurement, vu lepourvoi en cassation du Parquet - [...] le principe de proportionnalitédemeur[ait] respecté". Cette appréciation ne saurait être suivie. Il y ad'abord lieu de relever que la peine infligée précédemment, dont le sursis aété révoqué, ne peut pas être prise en considération. En effet, elle serapporte à des faits et à une procédure différents de ceux qui font l'objetde la présente cause, de sorte qu'on ne saurait considérer que le recourantse trouve actuellement en détention préventive pour cette condamnationantérieure indépendante.Par ailleurs, dans le cadre de l'appréciation de la proportionnalité de ladétention préventive, il faut constater en premier lieu qu'une durée devingt-cinq mois est, en soi, particulièrement longue. De plus, s'agissant del'estimation de la peine encourue, le jugement prononcé par la Cour d'assisesa une valeur significative, dans la mesure où il rend le pronostic sur ladurée probable de la peine nettement moins incertain. Il n'est du restenullement prétendu - le Procureur général a déposé des observations dans laprésente procédure - ou établi que cette décision serait manifestementerronée. D'ailleurs, s'il est vrai que la peine de trois ans d'emprisonnementrequise par le Ministère public en première instance (arrêt de la Courd'assises du 28 janvier 2006, p.22) est supérieure à celle infligée, cen'est pas dans une proportion telle que l'on pourrait y voir un indice ducaractère insoutenable du jugement de la Cour d'assises. Sur le vu de ceséléments, la durée de la détention préventive subie par le recourantn'apparaît pas d'emblée très éloignée de la peine encourue.Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, soit de la longue duréede la détention préventive, du fait qu'elle paraît proche de la peineencourue devant l'instance de recours et qu'elle dépasse la peine prononcéeen première instance, alors que les conditions d'une libérationconditionnelle pourraient être remplies, il y a lieu de constater que lemaintien en détention du recourant viole le principe de la proportionnalité. 4.Il s'ensuit que le recours doit être admis, sans qu'il soit nécessaired'examiner les autres griefs soulevés par le recourant. L'ordonnance attaquéedoit donc être annulée et la libération provisoire du recourant ordonnée. Iln'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Lerecourant, assisté d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de l'Etatde Genève (art. 159 al. 1 et 2 OJ). Dans ces conditions, sa demanded'assistance judiciaire est sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis. 2.Le recourant est mis en liberté provisoire. 3.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 4.L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 2000 fr. à titre dedépens. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auMinistère public et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. Lausanne, le 24 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral
suisse Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.415/2006
Date de la décision : 24/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-24;1p.415.2006 ?
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