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20/07/2006 | SUISSE | N°C.151/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juillet 2006, C.151/05


Cause {T 7}C 151/05 Arrêt du 20 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Wagner Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rueMarterey 5, 1014 Lausanne, recourant, contre T.________, intimé, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 7 avril 2005) Faits: A.A.a T.________ a émargé à l'assurance-chômage à différentes reprises depuisle 1er janvier 1993. Le 26 juin 1997, il a requis des indemnités à partir du1er juillet 1997; dans sa demande, il indiquait qu'il était disposé etcapa

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Cause {T 7}C 151/05 Arrêt du 20 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Wagner Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rueMarterey 5, 1014 Lausanne, recourant, contre T.________, intimé, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 7 avril 2005) Faits: A.A.a T.________ a émargé à l'assurance-chômage à différentes reprises depuisle 1er janvier 1993. Le 26 juin 1997, il a requis des indemnités à partir du1er juillet 1997; dans sa demande, il indiquait qu'il était disposé etcapable de travailler à plein temps. Celui-ci a fait contrôler son chômage eta été réinscrit à l'Office régional de placement (ORP) en qualité dedemandeur d'emploi. Un délai-cadre d'indemnisation allant du 1er octobre 1997au 30 septembre 1999 a été ouvert.Jusqu'à la fin de l'année 1998, les entretiens de conseil avec l'ORP ont eulieu l'après-midi. La conseillère ORP a indiqué que T.________ lui avait faitpart de sa volonté d'être convoqué les après-midi pour des raisonsd'insomnies chroniques, qu'elle avait convoqué délibérément celui-ci lesaprès-midi de façon à ne pas le contrarier et ainsi se protéger de toutcomportement disproportionné de sa part, et que c'est l'attitude agressive etcombative de l'assuré face à la société en général qui avait dicté sa façonde gérer le dossier (déclaration du 18janvier 2000).A partir de 1999, un différend s'est élevé entre l'assuré et l'ORP à proposdes heures auxquelles étaient fixés ses entretiens de conseil. T.________ nes'est pas présenté à plusieurs entretiens auxquels il avait été convoqué.Pour ce motif, l'ORP a suspendu le droit de l'intéressé à l'indemnité dechômage pour une période de 3 jours dès le 16 avril 1999 (décision n°204059176 du 23 avril 1999), pour une période de 6 jours dès le 6 mai 1999(décision n° 204090061 du 10mai 1999), pour une période de 16 jours dès le29 avril 1999 (décision n° 204106682 du 19 mai 1999), et durant une périodede 31jours dès le 20 mai 1999 (décision n° 204117317 du 25 mai 1999).Par décision du 24 novembre 1999, le Service de l'emploi du canton de Vaud arejeté le recours formé par T.________ contre les décisions des 23 avril 1999et 10 mai 1999. Par une autre décision rendue le même jour, il a rejeté lerecours formé par celui-ci contre la décision du 19 mai 1999. Le 10 février2000, le Service de l'emploi a rendu une décision par laquelle il a déclaréirrecevable le recours formé par l'assuré contre la décision du 25 mai 1999.Par jugement du 31 janvier 2003, le Tribunal administratif du canton de Vauda annulé la décision de l'ORP du 23 avril 1999 suspendant le droit del'assuré à l'indemnité pendant une durée de 3 jours. En revanche, il a rejetéle recours formé par T.________ contre la décision d'irrecevabilité rendue le10 février 2000 par le Service de l'emploi.Par arrêt du 27 janvier 2004 (cause C 44/03), le Tribunal fédéral desassurances a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formépar T.________ contre ce jugement. A.b Le 2 juillet 1999, T.________ s'est présenté à un entretien de conseil.Par lettre du 12 juillet 1999, l'ORP a informé T.________ qu'il était amené àprocéder à l'examen de son aptitude au placement. Il l'invitait à luiindiquer quelle était sa disposition et sa disponibilité à exercer uneactivité salariée et quels étaient ses objectifs professionnels. Constatantque l'assuré avait été sanctionné à plusieurs reprises en raison derendez-vous manqués et qu'il ne s'était pas présenté à des entretiens deconseil fixés le matin, pour le motif qu'il souffrait d'insomnie, l'ORPl'invitait également à produire un certificat médical.Dans sa réponse du 15 juillet 1999, T.________ a déclaré qu'il présentait unedisponibilité totale à l'exercice d'une activité salariée. Il n'a donnéaucune suite à la requête de l'ORP tendant à la production d'un certificatmédical.Par décision du 30 septembre 1999, l'ORP a déclaré T.________ inapte auplacement depuis le 12 juillet 1999. Par décision du 30 mars 2004, le Servicede l'emploi de l'Etat de Vaud a confirmé cette décision. B.Dans une lettre du 5 avril 2004, T.________ a formé recours contre ladécision du Service de l'emploi du 30 mars 2004 devant le Tribunaladministratif du canton de Vaud.Par jugement du 7 avril 2005, le Tribunal administratif a admis le recours,annulé la décision du Service de l'emploi du 30 mars 2004 et renvoyé la causeà l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. C.Le Service de l'emploi de l'Etat de Vaud interjette un recours de droitadministratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci. Atitre subsidiaire, il demande que le dossier soit renvoyé à la caisse dechômage pour qu'elle se prononce sur les autres conditions du droit àl'indemnité. T. ________ conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office régional deplacement de Lausanne se rallie aux conclusions formulées par le Service del'emploi. Le Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit de l'intimé à l'indemnité journalière durant lesmois de juillet à septembre 1999, plus particulièrement sur son aptitude auplacement à partir du 12 juillet 1999. 2.La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant lamodification de nombreuses dispositions légales dans le domaine del'assurance-chômage. Cependant, le litige doit être examiné selon le droit envigueur le 12 juillet 1999, date à partir de laquelle l'aptitude au placementde l'intimé a été niée par l'ORP et le Service de l'emploi. Par ailleurs, ledroit en vigueur jusqu'en septembre 1999 est déterminant en ce qui concerneson droit à l'indemnité journalière. Ainsi, le cas d'espèce reste régi parles dispositions de la LACI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard auprincipe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au momentoù les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467consid. 1).Pour la même raison, les dispositions de la novelle du 22 mars 2002 modifiantla LACI, entrée en vigueur le 1er juillet 2003 (RO 2003 1728), ainsi que lesdispositions de l'OACI modifiées le 28 mai 2003, entrées en vigueur le 1erjuillet 2003 également (RO 2003 1828), ne sont pas non plus applicables. 3.L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que s'il est apte au placement(art.8 al.1 let.fLACI). Est réputé apte à être placé, le chômeur qui estdisposé à accepter un travail convenable et est en mesure et en droit de lefaire (art.15 al.1LACI, applicable en l'espèce dans sa teneur en vigueurjusqu'au 30 juin 2003). L'aptitude au placement comprend ainsi deuxéléments: la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté defournir un travail -plus précisément d'exercer une activité lucrativesalariée- sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sapersonne, et d'autre part la disposition à accepter un travail convenable ausens de l'art.16LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendreun tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisantequant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre desemployeurs potentiels. L'aptitude au placement peut dès lors être niéenotamment en raison de recherches d'emploi continuellement insuffisantes, encas de refus réitéré d'accepter un travail convenable, ou encore lorsquel'assuré limite ses démarches à un domaine d'activité dans lequel il n'a,concrètement, qu'une très faible chance de trouver un emploi (ATF125V58consid.6a, 123V216 consid.3). En particulier, un chômeur doit êtreconsidéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation dans lechoix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver unemploi (ATF 123 V 216 consid. 3 et la référence, 112 V 327 consid. 1a et lesréférences; DTA 2004 n°18 p. 188 consid. 2.2). 4.4.1Selon les premiers juges, les déclarations de l'intimé relatives à sesinsomnies, ses réticences à collaborer pleinement avec l'Office du travail,ainsi que de façon générale, son comportement et ses propos excessifs,soulevaient de très sérieux doutes quant à sa capacité de travail. Il auraitdès lors fallu que l'autorité cantonale ordonne à l'assuré qu'il se fasseexaminer par le médecin-conseil aux frais de l'assurance, au sens de l'art.15 al. 3 LACI. 4.2 S'il existe des doutes sérieux quant à la capacité de travail d'unchômeur, l'autorité cantonale peut ordonner qu'il soit examiné par unmédecin-conseil, aux frais de l'assurance (art. 15 al. 3 LACI; DTA 2003 n° 3p. 58 consid. 2b, 1998 n° 5 p. 31 consid. 3b/cc, 1993/1994 n° 13 p. 105 s.consid. 3c et la référence). 4.3 Dans le cas particulier, l'art. 15 al. 3 LACI n'entre pas enconsidération.En effet, on ne trouve au dossier aucune pièce médicale attestant quel'assuré soit malade ou qu'il présente une incapacité de travail. Cela vautégalement en ce qui concerne les déclarations de l'intimé, qui n'a pas faitvaloir qu'il serait atteint d'un état maladif ayant des répercussions sur sacapacité de travail. Ainsi que cela ressort du dossier, l'ORP a interpellécelui-ci à deux reprises à propos de ses problèmes d'insomnie. Par lettre du19 avril 1999, il a invité l'assuré à produire un certificat médicalpermettant de légitimer son refus de répondre aux convocations fixées lematin à des entretiens de contrôle et de conseil. Dans sa réponse du 21 avril1999, l'intimé a déclaré qu'il avait déjà expliqué de manière détaillée auxconseillers ORP ses problèmes aigus d'insomnie et qu'il ne pouvait queconfirmer que pour des raisons pratiques, il lui était très difficile devenir voir son conseiller ORP à 8 h. 15 alors qu'il ne pouvait s'endormirqu'aux environs de 6 h. Par lettre du 12 juillet 1999, l'ORP a interrogél'assuré sur son aptitude au placement, en renouvelant sa requête tendant àla production d'un certificat médical. Le 15 juillet 1999, l'intimé a réponduque sa disponibilité à l'exercice d'une activité salariée était totale, queses objectifs professionnels étaient tributaires de son prochain emploi etque les insinuations de l'ORP relatives à ses problèmes d'insomnieparaissaient quelque peu incongrues au regard de l'objet de sa requête, quiétait d'obtenir un service ou un geste de civilité qui n'aurait en rienperturbé le bon fonctionnement de l'ORP.Même si l'intimé présente des problèmes d'insomnie, on ne saurait donc enconclure qu'il existait des doutes sérieux quant à sa capacité de travail.Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'un examenmédical au sens de l'art. 15 al. 3 LACI était nécessaire. 4.4 Selon les premiers juges, il ne ressort pas des déclarations de l'intimé,selon lesquelles ses insomnies lui permettent difficilement de se rendre lematin aux entretiens de contrôle et de conseil, qu'il soit inapte auplacement. Cela ne ressort pas non plus de son comportement, même si l'assuréa démontré une insoumission certaine à l'autorité représentée parl'assurance-chômage, car on ne peut déduire de sa part une insoumission àtoute autorité et, partant, une incapacité à se mettre au service de toutemployeur éventuel. 4.5 Les circonstances du cas d'espèce démontrent les difficultés de l'intiméavec l'autorité, lesquelles sont allées grandissantes. En effet, comme celaressort de la déclaration de la conseillère ORP du 18janvier 2000, si lesentretiens de contrôle et de conseil ont eu lieu l'après-midi jusqu'à la finde l'année 1998, c'est sur le désir de l'assuré et parce que la conseillèreORP, en convoquant délibérément celui-ci l'après-midi, a cherché à ne pas lecontrarier et à se protéger de tout comportement disproportionné de sa part.C'est l'attitude agressive et combative de l'intimé face à la société engénéral qui avait dicté à la conseillère ORP sa façon de gérer le dossier. Apartir de 1999, un autre conseiller ORP s'est occupé du dossier de l'assuré.Un différend s'est élevé à propos des heures auxquelles étaient fixés sesentretiens de conseil. L'intimé ne s'est pas présenté à plusieurs entretiensauxquels il avait été convoqué. Certes, s'est-il présenté le 2juillet 1999auprès de l'ORP. Pour autant, cela n'a rien changé à son attitude vis-à-visde l'administration, étant donné qu'il considère les entretiens de contrôleet de conseil comme étant totalement stériles (cf. ses déclarations des 21avril et 15 juillet 1999, déjà citées).Contrairement à l'avis des premiers juges, l'aptitude au placement del'intimé doit être niée. En effet, les difficultés avec l'autorité concernentl'heure fixée pour les rendez-vous avec l'ORP. A l'origine, l'assuré ademandé que ces rendez-vous soient fixés l'après-midi. A partir du moment oùl'ORP, par lettre du 12 avril 1999, a invité l'intimé à produire unjustificatif écrit expliquant les raisons pour lesquelles il demandait quel'entretien prévu pour le 16 avril 1999 à 8 h. 15 soit annulé, lesdifficultés avec l'autorité ont pris de l'ampleur. Dans ses explications du13 avril 1999, l'assuré a évoqué ses problèmes d'insomnie pour ne pas aller àce rendez-vous. Il n'est pas non plus allé aux rendez-vous du 26 avril 1999 à9 h., du 29 avril 1999 à 11 h. et du 10 mai 1999 à 15 h.Le refus de l'intimé de se rendre aux rendez-vous avec l'ORP fixés le matinentre 8 h. 15 et 11 h. est un indice d'une disponibilité insuffisante de sapart. La disposition à accepter un travail convenable (supra, consid. 3)implique une disponibilité pendant l'horaire normal de travail (ThomasNussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in : SchweizerischesBundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 218 et note n° 476).Même si, dans sa lettre du 15 juillet 1999, l'assuré a déclaré qu'ilprésentait une disponibilité totale pour exercer une activité salariée, celaest toutefois difficilement crédible en ce qui concerne l'exercice d'uneactivité à plein temps. Dans son mémoire du 25novembre 2000 devant leService de l'emploi, l'intimé a affirmé qu'en effectuant environ 420postulations, il avait démontré sa disponibilité à accepter un travailconvenable et que si un employeur potentiel avait agendé un rendez-vous lematin, il s'y serait bien évidemment rendu. Pour autant, ces affirmations nesuffisent pas pour admettre que l'assuré ait été disposé à travailler à pleintemps pendant l'horaire normal de travail. 4.6 Dès le 12 juillet 1999, l'ORP a procédé à l'examen de l'aptitude auplacement de l'intimé. Le prononcé d'inaptitude au placement du 30septembre1999 devant être confirmé, l'intimé n'a plus droit à l'indemnité depuis le 12juillet 1999. Son droit à l'indemnité jusqu'au 30septembre 1999, date àlaquelle a pris fin le délai-cadre d'indemnisation, doit donc être nié.Il se justifie dès lors d'annuler le jugement entrepris. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton deVaud, du 7 avril 2005, est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties,
au Tribunal administratif ducanton de Vaud, à l'Office régional de placement, à la Caisse publiquecantonale vaudoise de chômage et au Secrétariat d'Etat à l'économie. Lucerne, le 20 juillet 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances p. la Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.151/05
Date de la décision : 20/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-20;c.151.05 ?
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