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19/07/2006 | SUISSE | N°H.66/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 juillet 2006, H.66/05


Cause {T 7}H 66/05 Arrêt du 19 juillet 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffière : MmeMoser-Szeless Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,recourant, contre A.________, intimé, représenté par Me Soli Pardo, avocat, rue Prévost-Martin5, 1206 Genève, Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 1er février 2005) Faits: A.La société X.________ SA (ci-après: la société), avec siège à Z.________,était affiliée à la Caisse de compensation de la Société suisse desentrepreneurs (ci-aprè

s: la caisse). A.________ était administrateur uniquede la société, dont...

Cause {T 7}H 66/05 Arrêt du 19 juillet 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffière : MmeMoser-Szeless Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,recourant, contre A.________, intimé, représenté par Me Soli Pardo, avocat, rue Prévost-Martin5, 1206 Genève, Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 1er février 2005) Faits: A.La société X.________ SA (ci-après: la société), avec siège à Z.________,était affiliée à la Caisse de compensation de la Société suisse desentrepreneurs (ci-après: la caisse). A.________ était administrateur uniquede la société, dont le but était notamment l'exploitation d'une entreprisegénérale de construction; C.________ en était le directeur. Le 11 mars 1997,X.________ SA a demandé au Tribunal de première instance un sursisconcordataire dans le but de prendre les mesures nécessaires pourdésintéresser ses créanciers et assurer son maintien. Un sursis de six mois aété accordé le 23 avril 1997, puis prolongé jusqu'au 23 avril 1998 (jugementdu Tribunal de première instance du 7 janvier 1998). Saisi d'une requête enrévocation du sursis déposée par le commissaire au sursis, B.________, le 20mars 1998, le tribunal a constaté qu'elle devenait sans objet et a prononcéla faillite de la société en 1998. Par décision du 23 septembre 1998, la caisse a réclamé à A.________, en saqualité d'ex-membre du conseil d'administration de la société, le paiementd'un montant de 294'070 fr. 60, somme représentant les cotisations AVS/AI/APGnon payées de juin 1996 à avril 1997 et de novembre 1997 à février 1998, avecintérêt à 6 % l'an depuis le 1er avril 1998. Le prénommé a formé oppositionen temps utile. B.B.aPar écriture déposée le 23 novembre 1998 devant la Commission cantonalegenevoise de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui: Tribunal cantonal desassurances sociales), la caisse a assigné A.________ en paiement d'un montantde 294'070 fr. 60. Par jugement du 20 novembre 2002, la commission cantonalea admis l'action de la caisse et levé l'opposition formée par le prénommé. Saisi d'un recours formé par ce dernier contre le jugement cantonal, leTribunal fédéral des assurances l'a admis; il a annulé le jugement entrepriset renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle donne suite à lademande de A.________ d'organiser des débats publics. B.b Après avoir entendu B.________ et C.________ en qualité de témoins ettenu une audience de comparution personnelle, le Tribunal cantonal desassurances sociales a statué le 1er février 2005. Il a partiellement admis lademande de la caisse en rendant le dispositif suivant: «A la forme:1. Déclare la requête en mainlevée d'opposition recevable.Au fond: 2. L'admet. 3. Renvoie la cause à la Caisse afin qu'elle calcule le montant du dommagequi doit être réparé correspondant aux cotisations échues jusqu'à fin mars1997. 4. Rejette la requête en mainlevée pour le surplus. (...)». C.L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette un recours dedroit administratif contre le jugement du 1er février 2005, dont il demandel'annulation. Il conclut, en substance, à la condamnation de A.________ aupaiement de l'entier du dommage consécutif au non-versement des cotisationsd'assurances sociales (fédérales) pour la période allant de juin 1996 au 31mars 1998. A. ________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours,subsidiairement à son rejet. De son côté, la caisse a conclu à l'annulationdu jugement cantonal, en demandant que le prénommé soit condamné «à verser laréparation du dommage» correspondant au non-versement des cotisationsparitaires de juin 1996 à février 1998. Considérant en droit: 1.1.1 Contestant la recevabilité du recours de droit administratif, l'intimésoutient que le jugement entrepris, qui en tant que décision de renvoi dudossier à la caisse devrait être qualifié de décision incidente, ne pourraitêtre attaqué que «lorsque la Caisse intimée aura donné suite au renvoi duTribunal cantonal des assurances sociales». 1.2 Selon le dispositif du jugement cantonal, la requête en mainlevéed'opposition est admise et la cause est renvoyée à la caisse intimée «afinqu'elle calcule le montant du dommage qui doit être réparé correspondant auxcotisations échues jusqu'à fin mars 1997», la requête en mainlevée étantrejetée pour le surplus. Il convient d'interpréter ce dispositif en ce sensque A.________ a été déclaré responsable du dommage correspondant à la pertedes cotisations sociales dues par la société du mois de juin 1996 à la fin dumois de mars 1997, la cause étant renvoyée à la caisse pour qu'elle fixe lemontant du dommage. 1.3 Dans le cadre d'un procès en responsabilité régi par les art. 52 aLAVS et81 aRAVS - dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31décembre 2002, applicableen l'espèce dès lors que l'action en réparation du dommage a été intentéeavant l'entrée en vigueur de la LPGA au 1er janvier 2003 (cf. ATF 130 V 1) -,il appartient à la juridiction saisie d'une action en réparation d'examinerles conditions de la responsabilité en tant que telles. Le renvoi à la caissede compensation n'est admissible que dans la mesure où il s'agit dedéterminer le montant du dommage parce qu'il ne peut pas être fixé de manièredéfinitive (SVR 1999 AHV n° 10 p. 29; RCC 1987 p. 456). Ceci est uneconséquence du fait que la décision en réparation de la caisse est annuléepar l'opposition du débiteur, sans que cette dernière puisse statuer ànouveau si elle entend maintenir sa demande en réparation du dommage;l'opposition met un terme à la procédure d'exécution en cours, de manière àcontraindre la caisse à introduire une action en justice pour faire valoirson droit (art. 81 al. 3 aRAVS; ATF 117 V 134 consid. 5). En l'occurrence, le renvoi de la cause à l'intimée ordonné par la juridictioncantonale ne porte que sur la fixation du dommage; pour le reste, lespremiers juges ont retenu que les conditions de la responsabilité deA.________ étaient remplies en ce qui concerne le dommage résultant descotisations impayées pour la période allant de juin 1996 à mars 1997. Unetelle décision constitue une décision finale, puisqu'elle met un terme à laprocédure pendante devant la juridiction cantonale, qui est alors dessaisiede l'affaire; comme telle, elle est susceptible d'être attaquée par la voiedu recours de droit administratif. Déposé dans le délai de 30 jours dès laréception du jugement cantonal, le recours de l'OFAS est ainsi recevable auregard des art. 101 let. a, 103 let. b et 106 al. 1 OJ. 2.2.1Sur le fond, le litige porte sur la responsabilité de A.________ dans lepréjudice causé à l'intimée au sens de l'art. 52 aLAVS et de la jurisprudencey relative (ATF 126 V 237 consid. 2a, 123 V 170 consid.2a, 122 V 66 consid.4a et les références), par la perte des cotisations paritaires afférentes àla période allant de juin 1996 à avril 1997 et de novembre 1997 à février1998. Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et lesprincipes jurisprudentiels applicables en matière de responsabilité del'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer. 2.2 Comme le litige n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner siles premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou parl'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont étéconstatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ontété établis au mépris de règles essentielles de procédure (art.132 encorrélation avec les art.104 let.aetbet 105al.2OJ). 3.3.1La juridiction cantonale a retenu qu'en sa qualité d'organe de la sociétéfaillie, A.________ s'était rendu coupable d'une faute ou d'une négligencegrave en ne surveillant pas avec la diligence nécessaire la gestion dupaiement des cotisations sociales qu'il avait déléguée à C.________, pour lapériode de juin 1996 au 23 avril 1997, date de l'octroi du sursisconcordataire. En revanche, elle a considéré que la responsabilité del'intimé n'était plus engagée à partir de cette date, parce qu'il n'étaitplus intervenu dans la gestion de la société, croyant que le commissaire ausursis s'en occupait à sa place, sans que celui-ci ne l'eût détrompé sur cepoint. Par ailleurs, l'intimé s'était employé à rechercher activement unrepreneur, ainsi que de nouveaux mandats, si bien qu'on ne pouvait luireprocher de s'être désintéressé du sort de la société. 3.2 L'autorité de surveillance recourante fait valoir que l'intimé a continuéà occuper la fonction d'administrateur de la société après la nomination ducommissaire au sursis et que ses pouvoirs n'avaient pas été restreints par leTribunal de première instance compétent. Aussi, lui incombait-il de verserles cotisations paritaires pendant toute la durée du sursis concordataire,l'appréciation subjective de son rôle pendant cette période n'étant pasdéterminante. A.________ devait dès lors être tenu responsable du dommagecausé par le non-paiement des cotisations sociales au-delà du 23avril 1997. 4.4.1Selon l'art. 298 al. 1 LP, le débiteur peut poursuivre son activité sousla surveillance du commissaire. Le juge du concordat peut cependant prescrireque certains actes ne pourront être valablement accomplis qu'avec le concoursdu commissaire, ou autoriser le commissaire à poursuivre l'activité del'entreprise à la place du débiteur. L'art. 298 al. 2 LP prévoit que saufautorisation du juge du concordat, il est interdit, sous peine de nullité,d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de seporter caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis. A moins que le juge du concordat n'en dispose autrement, il découle ainsi del'art. 298 LP que le débiteur conserve la libre disposition de ses biens.Celui-ci peut poursuivre l'exploitation de son entreprise et accomplir tousles actes juridiques qui entrent dans le cadre de la gestion quotidienne decelle-ci, à l'exception toutefois de ceux qui sont mentionné à l'art. 298 al.2 LP (Staehelin/Bauer/Staehelin (édit.), Kommentar zum Bundesgesetz überSchuldbetreibung und Konkurs, SchKG III, Art. 221-352, Bâle 1998, n. 3 adart. 298; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur lapoursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 2003, n. 8 ss ad art. 298). Leversement des cotisations dues sur les salaires payés n'entre pas dans lacatégorie des actes juridiques qui tombent sous le coup des actes prohibéspar l'art. 298 al. 2 LP. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les montantsdus à des institutions de prévoyance sociale à partir de la date du sursissont des dettes de la masse qui ne sont pas touchées par le concordat et quipeuvent, de ce fait, être immédiatement payées (ATF 100 III 30; RDAT 1999 In° 71 p. 278, arrêt M. du 17 janvier 2002, H38/01, et arrêt non publié H. du17 mars 1998, H 277/97). 4.2 Des faits constatés par la juridiction cantonale, et qui lient la Cour decéans, il ressort que A.________ est resté administrateur de la société aprèsl'octroi du sursis concordataire et qu'aucune restriction des pouvoirs desorganes de X.________ SA en faveur du commissaire au sursis n'a été ordonnéepar le juge du concordat. Par ailleurs, B.________ se chargeait de lasurveillance des affaires comptables de la société et de la mise en placed'un concordat, alors que la gestion des affaires courantes était assurée parla direction de la société. A cet égard, les premiers juges ont constaté quele commissaire au sursis avait surtout des contacts avec C.________ en ce quiconcerne la gestion courante et, en particulier, le paiement des cotisationssociales, mais que A.________ était pourtant présent lors des discussions surla répartition des paiements. Il apparaît au vu de ces circonstances que la gestion de la société en causeest restée en mains de son ancienne direction, sans que le commissaire ausursis eût été autorisé à poursuivre les activités de X.________ SA à laplace de ses organes. Le juge du concordat n'a pas non plus limité lespouvoirs des organes de la société en leur enjoignant de ne pas s'occuper detout ou partie des affaires de X.________ SA ou prescrit que certains actesdevaient être accomplis avec le concours de B.________. Conformément à lajurisprudence rappelée ci-avant, il appartenait donc à l'administrateur de lasociété de verser les cotisations paritaires dans le cadre de la gestion desaffaires courantes, et non au commissaire au sursis. Le fait que celui-ciétait chargé de la surveillance de l'activité de la société au sens de l'art.298 al. 1 LP et donnait des instructions à la direction de la sociétéconcernant la priorité des paiements à effectuer ne libérait pas l'intimé, ensa qualité d'organe de la société, de ses devoirs de surveillance et decontrôle en matière de paiement des cotisations sociales (voir arrêtK. du 5février 2003, H 183/01, consid.3.3 et les arrêts cités). Si l'administrateurde la société était certes tenu de suivre les instructions et injonctions ducommissaire au sursis, c'est à lui qu'incombait toutefois de poursuivre lesactivités de la société et de s'occuper du paiement des charges courantes. Acet égard, il ne ressort pas des faits constatés par l'autorité cantonale -ni du reste des pièces au dossier - que le commissaire au sursis se seraitpersonnellement occupé de tâches administratives liées au paiement descharges sociales courantes ou en aurait déchargé l'administrateur de lasociété.Par ailleurs, même si l'intimé ne s'est plus occupé de la gestion desaffaires de la société après le 23 avril 1997, comme l'a constaté lajuridiction cantonale, mais s'est consacré à la recherche de repreneurs et denouveaux mandats, cette répartition des tâches ne le libérait pas de sondevoir de surveiller les activités de C.________ auquel la gestion de lasociété avait été déléguée. On rappellera à cet égard que l'administrateur ale devoir d'exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de lagestion pour s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les statuts, lesrèglements et les instructions données (art. 716a al. 1 ch. 5 CO). Lanomination d'un commissaire au sursis n'a en rien modifié les devoirs quiincombaient à A.________ en sa qualité d'administrateur unique de la société,à défaut de restriction de ses pouvoirs. Aussi, ne pouvait-il sedésintéresser totalement du domaine des cotisations sociales et ne pascontrôler la gestion et la marche des affaires, comme il était déjà tenu dele faire avant le 23avril 1997. Contrairement à ce qu'ont retenu lespremiers juges, l'appréciation subjective de l'intimé quant à son rôleeffectif après la nomination du commissaire au sursis - il croyait êtredésinvesti de tout pouvoir de décision - n'y change rien, dès lors qu'ilétait formellement resté administrateur de la société au cours de laprocédure concordataire et que ses pouvoirs n'avaient pas été limités. En conséquence, on doit retenir, contrairement à l'avis des premiers juges,que l'intimé répond du dommage causé à la caisse de compensation
égalementpour la période postérieure à l'octroi du sursis concordataire. 5.En ce qui concerne le dommage découlant du non-paiement des cotisationsd'assurances sociales de droit fédéral pour les périodes de juin 1996 à avril1997 et de novembre 1997 à février 1998 (294'070fr.60), il n'a pas étécontesté par l'intimé et n'apparaît du reste pas discutable au vu des piècesdu dossier. 6.Compte tenu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas conforme audroit fédéral et le recours s'avère bien fondé. 7.La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). L'intimé, quisuccombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 en relation avecl'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurancessociales de la République et canton de Genève du 1er février 2005 est annulé. 2.A.________ est condamné à verser à la Caisse de compensation de la Sociétésuisse des entrepreneurs la somme de 294'070 fr. 60, à titre de réparation dudommage. 3.Les frais de justice, d'un montant de 8'000 fr., sont mis à la charge deA.________. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse de compensation dela Société Suisse des Entrepreneurs, Genève, et au Tribunal cantonal desassurances sociales. Lucerne, le 19 juillet 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.66/05
Date de la décision : 19/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-19;h.66.05 ?
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