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18/07/2006 | SUISSE | N°4C.117/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2006, 4C.117/2006


{T 0/2}4C.117/2006 /svc Arrêt du 18 juillet 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Mathys.Greffier: M. Thélin. X. ________, demandeur et recourant,représenté par Me Bernard Lachenal, avocat, contre Y.________,défendeur et intimé, représenté parMe Geneviève Carron, avocate. enrichissement illégitime recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 février 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Z. ________ est une société anonyme constituée selon le droit français; sonsiège se trouve à A.________, à proximité de B.

________, où elle a inauguréen décembre 1999 une installation de karti...

{T 0/2}4C.117/2006 /svc Arrêt du 18 juillet 2006Ire Cour civile MM. les juges Corboz, président, Favre et Mathys.Greffier: M. Thélin. X. ________, demandeur et recourant,représenté par Me Bernard Lachenal, avocat, contre Y.________,défendeur et intimé, représenté parMe Geneviève Carron, avocate. enrichissement illégitime recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 février 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.Z. ________ est une société anonyme constituée selon le droit français; sonsiège se trouve à A.________, à proximité de B.________, où elle a inauguréen décembre 1999 une installation de karting en salle. W.________,administrateur dès septembre 1999, a activement participé à cetteréalisation. Y.________, domicilié à C.________, est actionnaire; il assumele rôle d'agent fiduciaire pour des investisseurs qui ne souhaitent pasparticiper directement.Le jour de l'inauguration, X.________, un frère de W.________, s'estentretenu avec un avocat de la société qui se trouvait en relation d'amitiéou d'affaires avec la plupart des actionnaires, y compris avec Y.________. Le29 décembre 1999, X.________ a fait virer le montant de 130'514,82 euros surun compte bancaire de Y.________.La société s'est trouvée en redressement judiciaire dès le 27 mai 2002 etelle bénéficie actuellement d'un plan de continuation sur dix ans. B.Le 20 octobre 2003, X.________ a ouvert action contre Y.________ devant leTribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait aupaiement de 190'891 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 12 juillet2002. Il soutenait qu'il s'était lié au défendeur par un contrat de fiducieayant pour objet de placer dans l'entreprise de Z.________ le montant viré le29 décembre 1999. Le défendeur n'avait pas satisfait à son obligation derendre des comptes et il était donc tenu de restituer cette somme. Ledemandeur a par la suite modifié son argumentation. Il a affirmé que ledéfendeur avait reçu ledit montant «à charge de n'en disposer que surinstructions [du demandeur] et après conclusion d'un contrat de fiducie enbonne et due forme», et que ce contrat n'avait jamais été conclu.Le défendeur a pris des conclusions tendant au rejet de la demande. Il asoutenu que le montant reçu par lui avait bien été investi dans l'entreprisede Z.________, mais pour le compte de W.________, conformément à desinstructions que ce dernier lui avait données par écrit le 5 janvier 2000.Le tribunal lui a donné gain de cause par jugement du 21 avril 2005. Il aretenu que le demandeur et le défendeur étaient effectivement liés par unpacte de fiducie. Cependant, même s'il croyait avoir agi pour le compte deW.________, le défendeur avait disposé des fonds conformément auxinstructions de son cocontractant et dans son intérêt, de sorte qu'il n'étaittenu à aucune restitution.Statuant le 17 février 2006 sur l'appel du demandeur, La Cour de justice aconfirmé ce jugement. Elle a toutefois retenu que le défendeur avait d'aborddisposé des fonds sans mandat mais dans l'intérêt du demandeur, et que cedernier avait ensuite, de manière tacite, ratifié cette gestion. C.Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert le Tribunalfédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que le défendeursoit condamné à payer 190'891 fr. avec suite d'intérêts.Le défendeur conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Ilest dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est enprincipe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al.1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4 p. 140).Le Tribunal fédéral ne peut pas juger au delà des conclusions des partiesmais il n'est pas lié par les motifs que celles-ci invoquent (art.63 al. 1OJ) et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al.4, 63al. 3 OJ). Néanmoins, en règle générale, il se prononce seulement sur lesquestions juridiques que la partie recourante soulève conformément auxexigences de l'art. 55 al. 1 let.c OJ concernant la motivation du recours(ATF 127 III 397 consid.2a p.400; 116 II 92 consid. 2 p. 94). Le Tribunalfédéral peut donc admettre un recours pour des motifs autres que ceuxinvoqués par la partie recourante; il peut aussi rejeter un recours enopérant une substitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant un raisonnementjuridique autre que celui de la juridiction cantonale (ATF 130 III 136consid. 1.4 in fine). Une partie peut également présenter une argumentationjuridique nouvelle, pour autant que celle-ci repose sur les constatations defait de la décision attaquée (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34; 125 III 305consid. 2e p. 312). 2.La Cour de justice a statué sur la base du droit suisse en considérant queles parties pouvaient faire élection de droit en tout temps (art. 116 al. 2et 3 LDIP) et que leur choix du droit suisse ressortait de ce que toutes deuxs'étaient précisément référées, dans le procès, à ce droit. Son jugementconcernant le droit applicable est incontesté et il n'y a pas lieu d'yrevenir. 3.En instance de réforme, le demandeur ne fonde ses prétentions que sur lesrègles de l'enrichissement illégitime. Il affirme avoir versé 130'514,82euros en prévision d'un contrat de fiducie que le défendeur s'est par lasuite refusé à conclure.Aux termes de l'art. 62 al. 1 et 2 CO, celui qui, sans cause légitime, s'estenrichi aux dépens d'autrui est tenu à restitution (al. 1). La restitutionest due, en particulier, de ce qui a été reçu en vertu d'une cause qui nes'est pas réalisée (al. 2). Conformément à la thèse du demandeur, cesdispositions permettent de répéter des versements faits en exécutionanticipée d'un contrat en cours de négociation ou d'élaboration, quand cecontrat n'a finalement pas été conclu (ATF 119 II 20 consid. 2a p. 22; voiraussi ATF 127 III 421 consid. 3c/bb p.426).Aux termes de l'art. 8 CC, chaque plaideur doit, si la loi ne prescrit lecontraire, prouver les faits qu'il allègue pour en déduire son droit. Lorsquele juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux,il doit statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce même fait(ATF 126 III 189 consid. 2b p. 191/192; voir aussi ATF 129 III 18 consid. 2.6p. 24; 127 III 519 consid. 2a p.521/522). Ces règles s'appliquent notammentà l'action pour cause d'enrichissement illégitime (ATF 106 II 29 consid. 2 p.31; Gilles Petitpierre, Commentaire romand, ch. 54 ad art. 62 CO; HermannSchulin, Commentaire bâlois, ch. 41 ad art. 62 CO). En cas de prestationmotivée par une cause future, celui qui prétend exercer le droit derépétition doit prouver sa prestation et la cause en prévision de laquelle ill'a faite (Paul Carry, Les conditions générales de l'action en enrichissementillégitime en droit suisse, thèse, Genève 1927, p.188/189; Hermann Becker,Commentaire bernois, 1941, ch. 26 ad art.62 CO; Hugo Oser et WilhelmSchönenberger, Commentaire zurichois, 1929, ch. 18 ad art. 62 CO). Savoirs'il doit aussi prouver que cette cause ne s'est pas réalisée prête àcontroverse; certains auteurs professent l'affirmative (loc. cit.: Carry;Becker) tandis que selon la thèse contraire, il incombe à l'adverse partie deprouver que la cause s'est réalisée (Oser/Schönenberger). Selon lajurisprudence, en tant que celui qui agit sur la base de l'art. 62 CO doitprouver un fait négatif, les règles de la bonne foi imposent à l'autre partiede coopérer à l'élucidation des faits, notamment en offrant la preuvecontraire (ATF 106 II 29 consid. 2 p. 31).La Cour de justice a établi sans équivoque le versement de 130'514,82 euros.Le demandeur a soutenu que le défendeur devait garder l'argent reçu, mais ilne ressort pas de l'arrêt qu'il soit parvenu à apporter une preuve à cesujet. Le défendeur a soutenu qu'il devait verser l'argent à Z.________ pourle compte du frère du demandeur, mais il n'apparaît pas non plus que cetteversion ait été prouvée. On ne sait donc pas ce que le défendeur devait fairede l'argent reçu sur son compte et rien n'exclut la version du défendeur.Ainsi, l'arrêt ne constate pas la cause pour laquelle le versement estintervenu, ce qui fait déjà échec à l'action fondée sur les règles del'enrichissement illégitime.Dans les constatations de la Cour de justice, on cherche vainement les faitscaractéristiques d'une intervention spontanée du défendeur dans les affairesdu demandeur, intervention qui serait pertinente au regard de l'art. 419 COconcernant la gestion d'affaire sans mandat, suivie d'une ratification par ledemandeur. Toutefois, cette anomalie n'influence pas l'issue de la cause cardans son résultat, l'arrêt est conforme au droit fédéral. Le recours enréforme, mal fondé, doit être rejeté. 4.A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolumentjudiciaire et les dépens à allouer à la partie qui obtient gain de cause. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 6'000 fr. 3.Le demandeur acquittera une indemnité de 7'000 fr. à verser au défendeur àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 18 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.117/2006
Date de la décision : 18/07/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-18;4c.117.2006 ?
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