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18/07/2006 | SUISSE | N°1P.848/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2006, 1P.848/2005


1P.848/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 18 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Fonjallaz et Eusebio.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat, contre Y.________,représenté par Me Pierre Scherb, avocat,Z.________, représenté par Me Sandrine Cuenat Shaciri, avocate,intimés,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. classement de la plainte pénale, recours de droit public contre l'ordonnan

ce de la Cour de justice du cantonde Genève du 3 novembre 2005. Fa...

1P.848/2005 /fzc{T 0/2} Arrêt du 18 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Fonjallaz et Eusebio.Greffière: Mme Angéloz. X. ________,recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat, contre Y.________,représenté par Me Pierre Scherb, avocat,Z.________, représenté par Me Sandrine Cuenat Shaciri, avocate,intimés,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. classement de la plainte pénale, recours de droit public contre l'ordonnance de la Cour de justice du cantonde Genève du 3 novembre 2005. Faits: A.Un conflit parental aigu oppose X.________ et son époux Y.________, quivivent séparés depuis 2001, chacun d'eux revendiquant le droit de garde surleur fils Z.________, né en 2000. Le 31 mai 2005, X.________ a déposé plainte pénale contre son époux, pour desactes sexuels commis en présence de leur enfant, voire sur ce dernier. Elle aété entendue par la police qui a aussi auditionné l'enfant, le père, le DrA.________, auteur d'un rapport médical, et un témoin. Une curatrice a parailleurs été désignée à l'enfant le 20 juin 2005. B.Par décision du 2 septembre 2005, le Procureur général du canton de Genève aclassé la plainte, faute de prévention pénale suffisante au vu des élémentsrecueillis. Contre cette décision, X.________ et la curatrice de l'enfant ont recouru àla Chambre d'accusation cantonale, demandant notamment son annulation etl'ouverture d'une instruction pénale. Y.________ a conclu à l'irrecevabilitédu recours de son épouse, faute de qualité pour agir, subsidiairement à sondéboutement ainsi qu'au déboutement du recours de la curatrice. Par ordonnance du 3 novembre 2005, la Chambre d'accusation, après avoir admisla qualité pour recourir de X.________ et joint les deux recours, a écartéces derniers, en confirmation de la décision qui lui était déférée. C.X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral, pourarbitraire dans l'appréciation des preuves, en concluant à l'annulation de ladécision attaquée. Y. ________ conclut à l'irrecevabilité du recours, faute de qualité pourrecourir de son auteur, subsidiairement à son rejet. La curatrice del'enfant, en sollicitant l'assistance judiciaire, conclut également àl'irrecevabilité du recours, s'en rapportant à justice sur le fond. LeProcureur général conclut au rejet du recours. L'autorité cantonale se réfèreà sa décision. La recourante a répliqué. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Indépendamment de la qualité de partie de la recourante en instancecantonale, se pose la question de sa qualité pour former le présent recoursde droit public. Outre que cette qualité est contestée par les intimés, ils'agit là d'une question de recevabilité, que le Tribunal fédéral examined'office et avec une pleine cognition (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60; 130 I312 consid. 1 p. 317). 1.1 La qualité pour former un recours de droit public s'apprécie en principeexclusivement sur la base de l'art. 88 OJ, qui ouvre cette voie de droit àquiconque est atteint par la décision attaquée dans ses intérêts personnelset juridiquement protégés. Selon la jurisprudence relative à cettedisposition, le droit de punir n'appartenant qu'à l'Etat, le lésé n'est pashabilité à former un recours de droit public pour se plaindre sur le fondd'un acquittement, d'un non-lieu ou d'un classement; en particulier, il nepeut se plaindre d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, dès lors qu'untel grief revient à remettre en cause le prononcé sur le fond. Il peut enrevanche invoquer la violation, équivalant à un déni de justice formel, desdroits procéduraux qui lui sont reconnus en tant que partie par le droitcantonal de procédure ou qui découlent directement de la Constitutionfédérale ou de la CEDH (ATF 131 I 455 consid. 1.2.1 p. 458/459; 129 II 297consid. 2.3 p. 301; 128 I 218 consid. 1.1 p. 219/220; 126 I 97 consid. 1a p.99; 125 I 253 consid. 1b p. 255). Indépendamment des conditions de l'art. 88 OJ, le lésé qui revêt la qualitéde victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI peut toutefois former un recours dedroit public sur la base de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, aux conditionsprévues par cette disposition. Il peut donc contester sur le fond unedécision d'acquittement, de non-lieu ou de classement, s'il était déjà partieà la procédure cantonale et si la sentence attaquée touche ses prétentionsciviles ou peut avoir des effets sur le jugement de celles-ci (ATF 131 I 455consid. 1.1.1 p. 459; 128 I 218 consid. 1.1 p. 220). Cette dernière conditionimplique qu'il ait pris des conclusions civiles sur le fond dans le cadre dela procédure pénale, pour autant que cela pouvait raisonnablement être exigéde lui (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). S'il ne l'apas fait, il lui incombe d'expliquer pourquoi, d'indiquer quelles conclusionsciviles il entendrait faire valoir et d'exposer en quoi la décision attaquéepourrait avoir une incidence négative sur le jugement de celles-ci; il estcependant renoncé à cette exigence si, compte tenu notamment de la nature del'infraction, on peut discerner d'emblée et sans ambiguïté, quellesprétentions civiles il pourrait élever et en quoi la décision attaquée estsusceptible de les influencer négativement (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187et les arrêts cités). 1.2 Le présent recours n'est pas formé par la recourante en son nom propre,en qualité de mère de la victime au sens de l'art. 2 al. 2 LAVI, mais au nomde son fils mineur, en tant que représentante légale de celui-ci, ce qu'ellejustifie en précisant qu'elle dispose toujours, conjointement avec le père,de l'autorité parentale et en alléguant qu'elle n'en a pas été privée du faitde la nomination d'un curateur à son fils. Pour le surplus, elle n'indiquepas clairement sur quelle disposition elle se fonde pour recourir au nom deson fils; dans son mémoire, elle évoque la qualité de victime, au sens del'art. 2 al. 1 LAVI, de ce dernier, alors que dans sa réplique elle se réfèreexpressément à l'art. 88 OJ. La recourante ne saurait déduire sa qualité pour recourir de cette dernièredisposition, dès lors que le recours est formé exclusivement pour arbitrairedans l'appréciation des preuves, grief que, même en admettant qu'ellepourrait agir pour son fils, elle n'est pas habilitée à soulever (cf. supra,consid. 1.1). En revanche, à supposer qu'elle puisse former le présentrecours au nom de son fils, la recourante aurait qualité pour recourir sur labase de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI. Certes, si elle a assurément participé àla procédure cantonale, la recourante n'indique en aucune manière quellesconclusions civiles elle entendrait prendre et en quoi la décision attaquéepourrait influencer négativement le jugement de celles-ci; au vu del'infraction qu'elle a dénoncée, les prétentions civiles, notamment enréparation du tort moral, qu'elle pourrait élever au nom de son fils sonttoutefois manifestes et l'incidence négative du classement litigieux sur lesort de celles-ci est non moins évident. Pour déterminer ce qu'il en est dela recevabilité du recours sous l'angle de la qualité pour recourir, il y adès lors lieu de rechercher si, comme elle le prétend, la recourante peut leformer au nom de son fils nonobstant la désignation d'une curatrice à cedernier. 1.3 A teneur de l'art. 306 al. 2 CC, les dispositions sur la curatelle dereprésentation sont applicables lorsque, dans une affaire, les intérêts despère et mère s'opposent à ceux de l'enfant. Cette disposition renvoie àl'art. 392 ch. 2 CC, qui prescrit que l'autorité tutélaire institue unecuratelle lorsque les intérêts du mineur sont en opposition avec ceux dureprésentant légal.Selon la jurisprudence relative à l'art. 392 ch. 2 CC, le pouvoir dureprésentant légal tombe s'il y a conflit d'intérêts au sens de cettedisposition; dès ce moment, et non seulement après l'institution de lacuratelle, le représentant légal ne peut plus représenter valablement lepupille (ATF 107 II 105 consid. 5 p. 112/113). Plus exactement, l'existenced'un conflit d'intérêts, qui doit être admise dès que se présente le risqued'une mise en danger abstraite des intérêts du pupille (ATF 107 II 105consid. 4 p. 109 ss), emporte une limitation du pouvoir de représentation dureprésentant légal; exception faite de l'affaire où il y a conflitd'intérêts, le représentant légal demeure habilité à agir pour le pupille;pour cette affaire concrète, ses pouvoirs s'éteignent en revanche dès quesurgit le conflit d'intérêts (ATF 107 II 105 consid. 5 p.113). Cettejurisprudence est applicable aux relations entre un mineur et sonreprésentant légal, soit le détenteur de l'autorité parentale (cf. ATF 118 II101 consid. 4 p. 103 ss). De ce qui précède, il découle notamment que, lorsqu'un curateur a été désignéaux fins de représenter un pupille, respectivement un mineur, pour uneaffaire déterminée, le pouvoir de représentation ainsi conféré au curateurest exclusif de celui du représentant légal. 1.4 En l'espèce, après avoir été informé du dépôt de la plainte pénale de larecourante contre son époux, le Tribunal tutélaire du canton de Genève, parordonnance du 20 juin 2005, a désigné une curatrice au fils de la recourante,aux fins de le représenter dans le cadre de la procédure pénale dirigéecontre son père. Il a justifié ce prononcé par le conflit d'intérêts inhérentau fait que, suite à une plainte pénale de la mère, le père pourrait fairel'objet d'une procédure pénale pour une suspicion d'abus sexuels surl'enfant, sur lequel les deux parents détenaient toujours l'autoritéparentale. La recourante n'a pas attaqué cette décision par un recours et ne sauraitdonc, en contestant l'existence d'un conflit d'intérêts, en remettre ici encause le bien-fondé. Au demeurant, l'existence d'un conflit d'intérêts entrel'enfant et, non seulement le père, mais la mère de ce dernier, donc larecourante, n'est pas déniable, au vu de l'acuité des tensions entre lesparents, qui se disputent âprement le droit de garde sur l'enfant, que chacund'eux pourrait être tenté de manipuler. Dès lors et au vu de la jurisprudenceprécitée, la recourante n'est, depuis le prononcé de la décision désignantune curatrice à l'enfant, plus habilitée à représenter ce dernier et,partant, à agir pour lui dans le cadre de la procédure pénale. Parconséquent, elle n'a pas qualité pour former au nom de son fils un recours dedroit public contre le classement. 2.Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable. La recourante, qui succombe,supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ). Une indemnité de dépens seraallouée à chacun des intimés, à la charge de la recourante (art. 159 OJ). Larequête d'assistance judiciaire de l'enfant devient dès lors sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est déclaré irrecevable. 2.Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge de la recourante. 3.Une indemnité de dépens de 1500 francs est allouée à chacun des intimés, à lacharge de la recourante. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux représentants des parties, auProcureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice ducanton de Genève. Lausanne, le 18 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.848/2005
Date de la décision : 18/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-18;1p.848.2005 ?
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