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17/07/2006 | SUISSE | N°I.297/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2006, I.297/05


Cause {T 7}I 297/05 Arrêt du 17 juillet 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Berthoud Office cantonal AI Genève, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant, contre F.________, 1949, intimée, représentée par la CAP Compagnie d'assurance deprotection juridique SA, avenue du Bouchet 2, 1211 Genève 28 Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 16 mars 2005) Faits: A.F. ________, née en 1949, a travaillé en qualité de couturière à domicile,rémunérée à la tâche, en plus d'une activité de concierge à temps partiel.Elle a c

essé son travail en octobre 1999 en raison de douleurs. Le 5juillet2...

Cause {T 7}I 297/05 Arrêt du 17 juillet 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffier : M. Berthoud Office cantonal AI Genève, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant, contre F.________, 1949, intimée, représentée par la CAP Compagnie d'assurance deprotection juridique SA, avenue du Bouchet 2, 1211 Genève 28 Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 16 mars 2005) Faits: A.F. ________, née en 1949, a travaillé en qualité de couturière à domicile,rémunérée à la tâche, en plus d'une activité de concierge à temps partiel.Elle a cessé son travail en octobre 1999 en raison de douleurs. Le 5juillet2000, elle s'est annoncée à l'assurance-invalidité en invoquant des troublesfibromyalgiques, une hernie discale ainsi qu'une sciatique. L'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'office AI)a recueilli de nombreux avis médicaux portant sur l'état de santé del'assurée et sur sa capacité de travail. En particulier, l'assurée a étésoumise à une expertise psychiatrique par le SMR X.________. La doctoresseA.________, psychiatre, a relevé que l'examen clinique psychiatrique n'avaitpas montré de dépression majeure, de décompensation psychotique, d'anxiétégénéralisée, de troubles phobiques et de troubles de la personnalité.L'assurée avait toutefois présenté un épisode dépressif moyen réactionnel àses problèmes somatiques, qui était actuellement en rémission complète(rapport du 15juillet 2003). De son côté, la doctoresse V.________,médecin-chef au SMR, a estimé que le trouble fibromyalgique n'était pasinvalidant à défaut d'une comorbidité psychiatrique. Par ailleurs, elle aconstaté que l'assurée souffrait d'une sarcoïdose de stadeII sans altérationde la fonction pulmonaire, qui n'avait toutefois aucune répercussion sur lacapacité de travail dans une activité de couturière à domicile et de petiteconciergerie (rapport du 22juillet 2003). Par décision du 18septembre 2003, confirmée sur opposition le 10novembre2003, l'office AI a rejeté la demande de rente. B.F.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal des assurancessociales du canton de Genève en concluant à l'octroi d'une rente entièred'invalidité à compter du 1eroctobre 2000. En cours de procédure, elle aproduit un rapport d'expertise multidisciplinaire émanant de la Policliniquemédicale universitaire de Y.________ (PMU), à l'issue duquel les docteursP.________, C.________ et S.________ ont fait état de fibromyalgie, desarcoïdose pulmonaire, cutanée, parotidienne et musculaire, d'un troubledépressif récurrent, épisode actuel moyen sans syndrome somatique ainsi qued'une personnalité à traits histrioniques; selon ces médecins, ces affectionsont une influence sur la capacité de travail qui est diminuée à 40% dans sonancienne activité de couturière (rapport du 25juin 2004). Par jugement du 16mars 2005, la juridiction cantonale a admis partiellementle recours et renvoyé la cause à l'office AI pour instruction complémentaireet nouvelle décision. Sans se prononcer sur la part du temps consacréerespectivement à la tenue du ménage et à l'exercice de l'activité lucrative,les premiers juges ont, dans leurs considérants, suivi l'avis des médecins dela PMU, admettant que les effets conjugués de la sarcoïdose et du troublesomatoforme réduisaient globalement la capacité de travail à 40%. C.L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dontil demande l'annulation et implicitement celle de sa propre décision, enconcluant à ce que la cause lui soit renvoyée afin qu'il puisse instruire laquestion des effets invalidants des limitations fonctionnelles induites parla sarcoïdose musculaire. L'intimée conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. L'Office fédéraldes assurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité.Selon l'art.132 al.1 OJ dans sa version selon le ch.III de la loi fédéraledu 16décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1erjuillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances peut aussiexaminer l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par laconstatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertude l'art.132 al.2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicableslorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations del'assurance-invalidité. Selon le ch.II let.c de la loi fédérale du16décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants devant leTribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée en vigueur de lamodification. Dès lors que le recours qui est soumis au Tribunal fédéral desassurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006, son pouvoir d'examenrésulte de l'ancien art.132 OJ, dont la teneur correspond à celle du nouvelal.1. 2.Le litige porte sur le droit de l'intimée à des prestations del'assurance-invalidité et plus précisément sur le caractère invalidant de sestroubles de santé. Il est en effet établi que l'intimée souffre d'un troublefibromyalgique, d'un trouble dépressif et d'une sarcoïdose (rapports du SMRLéman des 15et 22juillet 2003), ainsi que d'une personnalité à traitshistrioniques (rapport de la PMU de Y.________ du 25juin 2004). Tandis que l'office recourant soutient que seule la sarcoïdose estsusceptible de réduire la capacité de travail de l'intimée, cette dernièreestime en revanche, avec les premiers juges, que toutes ces affections sontinvalidantes et que l'AI doit en répondre. 3.3.1Les premiers juges ont exposé correctement les règles légales qui serapportent à la notion d'invalidité, ainsi que les principes jurisprudentielsrelatifs à l'appréciation de la valeur probante des rapports médicaux. Demême, ils ont précisé à juste titre que la loi fédérale sur la partiegénérale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1erjanvier 2003, n'était pas applicable à la présente procédure (cf. ATF 129 V 4consid. 1.2, 169 consid. 1, 356 consid. 1 et les arrêts cités). Par ailleurs, la juridiction cantonale a rappelé les principes que lajurisprudence a développés en matière de troubles somatoformes douloureux.Elle a ainsi énuméré les circonstances, exceptionnelles, dans lesquelles undiagnostic de trouble somatoforme douloureux persistant peut entraîner uneinvalidité (cf. ATF 131V49, 130V352 et 396); il suffit, à cet égard, derenvoyer au consid.7 du jugement attaqué. Au sujet du critère de la comorbidité psychiatrique (qui se place au premierplan pour déterminer si l'assuré dispose ou non des ressources nécessairespour vaincre ses douleurs), un diagnostic de trouble dépressif récurrent,épisode actuel moyen (F33.1), ne suffit pas à établir l'existence d'unecomorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importante. En effet,les états dépressifs constituent généralement des manifestations (réactives)d'accompagnement des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu'ils nesauraient faire l'objet d'un diagnostic séparé (ATF 130 V 358 consid.3.3.1in fine; Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seineBedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St.Gall 2003, p.81, note 135), sauf à présenter les caractères de sévéritésusceptibles de les distinguer sans conteste d'un tel trouble (arrêt D. du20avril 2006, I805/04, consid.5.2.1; voir également Fauchère, A propos del'article de Jean Pirrotta «Les troubles somatoformes douloureux du point devue de l'assurance-invalidité», in SZS/RSAS 2006 p. 135). Quant aux autrescritères consacrés par la jurisprudence (les affections corporelleschroniques et la durée du processus maladif, la perte d'intégration socialedans toutes les manifestations de la vie, l'état psychique cristallisé etl'échec de traitements), ils constituent un instrument, pour l'expert etl'administration (le cas échéant pour le juge), servant à qualifier lasouffrance vécue par un assuré, afin de déterminer si celui-ci dispose ou nondes ressources psychiques permettant de surmonter cet état; ces critères neconstituent pas une liste de vérification mais doivent être considérés commeune aide à l'appréciation globale de la situation douloureuse dans un casconcret. On ajoutera encore que dans un arrêt récent ayant trait à la fibromyalgie, leTribunal fédéral des assurances est parvenu à la conclusion qu'il existaitdes caractéristiques communes entre cette atteinte à la santé et le troublesomatoforme douloureux. Celles-ci justifiaient, lorsqu'il s'agissaitd'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie, d'appliquer paranalogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troublessomatoformes douloureux (ATF132V65). 3.2 En l'espèce, la doctoresse A.________, psychiatre au SMR, a attesté quel'intimée avait souffert d'un épisode dépressif moyen qui était en rémissioncomplète (rapport du 15juillet 2003), tandis que la doctoresse C.________,psychiatre à la PMU, a fait état d'un trouble dépressif récurrent, épisodeactuel moyen sans syndrome somatique, ainsi que d'une personnalité à traitshistrioniques (consultation de psychiatrie du 30mars 2004). A la lumière deces deux avis psychiatriques, l'état dépressif a représenté chez l'intiméeune manifestation (réactive) d'accompagnement du syndrome douloureux, desorte que cette affection ne peut être reconnue comme étant constitutived'une comorbidité psychiatrique autonome du trouble fibromyalgique. Il en vade même, ainsi que les premiers juges l'ont admis à juste titre, dudiagnostic de personnalité à traits histrioniques. En revanche, contrairement à l'avis du Tribunal cantonal, on ne sauraitadmettre que l'intimée réunit en sa personne plusieurs des autres critèresconsacrés par la jurisprudence (ou du moins pas dans une mesure très marquée)qui fondent un pronostic défavorable en ce qui concerne l'exigibilité d'unereprise d'activité professionnelle. En particulier, le recourant relève àjuste titre que l'intimée conserve une vie sociale normale; l'expertisepsychiatrique du SMR a établi que l'intéressée, mère d'une famille très unie,a beaucoup d'amis qui la soutiennent. Quant à l'état psychique, il n'est pascristallisé, comme en témoigne la psychiatre A.________ qui rapporte quel'épisode dépressif moyen est en rémission complète. Cela étant, il est pour le moins douteux que le trouble fibromyalgique semanifeste avec une sévérité telle que, d'un point de vue objectif, seule unemise en valeur limitée de la capacité de travail de l'intimée puisse êtreraisonnablement exigée d'elle. 3.3 L'office recourant admet que la question des limitations fonctionnellesinduites par la sarcoïdose musculaire n'a pas été instruite à satisfaction.On ignore effectivement la mesure dans laquelle cette affection estsusceptible de déployer des effets invalidants, dès lors que les experts dela PMU ont fixé le taux de la capacité résiduelle de travail de l'intiméeglobalement à 40% dans une activité de couturière, en tenant compte dusyndrome douleureux. Il sied ainsi de renvoyer le dossier à l'administrationafin qu'elle reprenne l'instruction de ce point. Cette question éclaircie, il incombera également à l'office AI de porter sonattention sur le rôle que peuvent jouer les conséquences de cette maladiecomme critère secondaire dans l'appréciation de l'exigibilité d'une activitélucrative. Enfin, la part du temps que l'assurée consacrerait à la tenue de son ménageet à l'exercice des deux activités lucratives sans l'atteinte à la santédevra également faire l'objet d'investigations complémentaires, comme l'ontadmis les premiers juges. 4.L'intimée, qui succombe, n'a pas droit aux dépens qu'elle demande (art.159al.1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal desassurances sociales du canton de Genève du 16mars 2005 et la décision suropposition de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genèvedu 10novembre 2003 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pourinstruction complémentaire au sens des motifs et nouvelle décision. 2.Il n'est perçu de frais de justice. 3.Il n'est pas alloué de dépens. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurancessociales. Lucerne, le 17 juillet 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.297/05
Date de la décision : 17/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-17;i.297.05 ?
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