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17/07/2006 | SUISSE | N°4C.202/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2006, 4C.202/2005


{T 0/2}4C.202/2005 /ech Arrêt du 17 juillet 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch, Favre, Kisset Mathys.Greffier: M. Carruzzo. A. ________ B.V.,B.________ A.S.,défenderesses et recourantes,toutes deux représentées par Mes Jean-Marc Reymond et Silvio Venturi, contre C.________ SA,demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Pierre Gross. contrat de vente, recours en réforme contre le jugement de la Courcivile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du1er décembre 2004. Faits: A.C. ________ SA (demanderesse) est une société anonyme de

droit espagnol, dontle siège est à ... (Espagne) et l'un de...

{T 0/2}4C.202/2005 /ech Arrêt du 17 juillet 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch, Favre, Kisset Mathys.Greffier: M. Carruzzo. A. ________ B.V.,B.________ A.S.,défenderesses et recourantes,toutes deux représentées par Mes Jean-Marc Reymond et Silvio Venturi, contre C.________ SA,demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Pierre Gross. contrat de vente, recours en réforme contre le jugement de la Courcivile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du1er décembre 2004. Faits: A.C. ________ SA (demanderesse) est une société anonyme de droit espagnol, dontle siège est à ... (Espagne) et l'un des buts le commerce de ciment. A. ________ B.V. (défenderesse) - anciennement X.________ B.V. - est unesociété de droit néerlandais, avec siège à ... (Pays-Bas), active dans lecommerce international de ciment. B. ________ A.S. (défenderesse) - anciennement Y.________ A.S. - est unesociété de droit turc dont le siège est à ... (Turquie). A.a Les parties ont entretenu des relations contractuelles portant sur lalivraison de ciment. Il en est résulté un différend. Reprochant auxdéfenderesses de ne lui avoir pas livré, en 1997 et 1998, les quantités deciment prévues dans le contrat du 25 octobre 1995, la demanderesse leur aréclamé le paiement de USD 4'000'000.-, à titre de peine conventionnelle, etde USD 939'635.75 à titre de dommages-intérêts. Les défenderesses ontcontesté ces prétentions et exigé, de leur côté, que la demanderesse versâtUSD 534'999.47 à A.________ B.V. en paiement du ciment que celle-ci lui avaitlivré en 1997. A.b Sous le titre "Droit et juridiction", le chiffre XII du contrat du 25octobre 1995 énonce, notamment, ce qui suit: "... Mais dans le cas où un tel règlement n'est pas possible, les partiesconviennent que ce différend sera soumis à la juridiction du tribunalcompétent à Lausanne, en Suisse, où la décision sera finale et liera les deuxparties. Le droit suisse sera applicable conjointement avec les ICC 500(édition 1993) et la dernière édition des Incoterms." B.Par mémoire du 16 septembre 1998, adressé à la Cour civile du Tribunalcantonal du canton de Vaud, la demanderesse a conclu à ce que lesdéfenderesses fussent condamnées solidairement à lui payer USD4'000'000.-plus intérêts. Dans leur réponse, les défenderesses ont conclu au rejet de lademande et, reconventionnellement, au paiement de USD 534'999.47 en faveur deA.________ B.V., intérêts en sus. La demanderesse a augmenté ses conclusions,dans sa réplique après réforme, réclamant en plus de la somme précitée,USD939'635.75 avec les intérêts y afférents. Se fondant sur l'art. 5 al. 1 LDIP et la prorogation de for stipulée auchiffre XII du contrat du 25 octobre 1995, la Cour civile a admis sacompétence et est entrée en matière. Bien que la contestation n'ait aucunrapport avec la Suisse, les parties étant toutes domiciliées à l'étranger,elle a appliqué le droit de ce pays conformément à l'élection de droitfigurant dans ledit contrat. Par jugement du 1er décembre 2004, elle acondamné solidairement les défenderesses à payer à la demanderesse USD3'455'340.84, avec intérêts à 5% l'an dès le 28juin 1997, et USD 216'403.50avec intérêts à 5% l'an dès le 16novembre 2001. C.Contre ce jugement les défenderesses ont formé un recours en nullité cantonalque la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté, dans lamesure où il était recevable, par arrêt du 5 octobre 2005. D.Agissant par la voie du recours en réforme, les défenderesses invitent leTribunal fédéral à annuler le jugement rendu par la Cour civile, à débouterla demanderesse de toutes ses conclusions et à la condamner à payer USD534'999.47, avec intérêts à 5% l'an dès le 17 février 1997, à A.________ BV. La demanderesse conclut à l'irrecevabilité du recours. A titre subsidiaire,elle en propose le rejet dans la mesure où il est recevable. E.Par écriture du 6 avril 2006, antérieure au dépôt de sa réponse, lademanderesse a fait valoir, par l'intermédiaire de son avocat, que le chiffreXII du contrat du 25 octobre 1995 excluait tout recours au Tribunal fédéraldans la présente espèce. Sur quoi, le conseil des défenderesses a déposé, le 13 avril 2006, sans yavoir été invité, une requête tendant à ce que soit ordonné, en temps utile,un second échange d'écritures. Bien qu'il se soit déjà déterminé, dans cetterequête, sur le point litigieux, il a soutenu que celle-ci ne pouvaitremplacer l'échange d'écritures requis.L'avocat de la demanderesse conclut à ce que la requête des défenderessessoit écartée, voire rejetée. F.Les défenderesses ont, en outre, formé un recours de droit public contrel'arrêt rendu le 5 octobre 2005 par la Chambre des recours. Ledit recours aété déclaré irrecevable par arrêt séparé de ce jour (cause 4P.110/2006). Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Les défenderesses requièrent le Tribunal fédéral d'ordonner un second échanged'écritures. A leur avis, il se justifierait de faire droit à cette requêteen appliquant par analogie l'art. 57 al. 4 OJ, étant donné que l'arrêt rendule 5 octobre 2005 par la Chambre des recours contiendrait deux élémentsnouveaux: d'une part, la question - finalement laissée ouverte - de larenonciation à recourir; d'autre part, une motivation en partie différente ausujet de l'existence d'un contrat de vente. 1.1 Il n'est pas possible de se rallier à cet avis. L'arrêt de la Chambre desrecours du 5 octobre 2005 forme l'objet du recours de droit publicsusmentionné. Il ne pourrait donner lieu à un second échange d'écritures quesi la Chambre des recours avait modifié ou complété l'état de fait dujugement de la Cour civile du 1er décembre 2004, tout en rejetant le recoursen nullité (ATF 84 II 134). Il n'est pas démontré que ce soit le cas. LaChambre des recours a, bien plutôt, fondé son arrêt sur les faits constatéspar la Cour civile. 1.2 En revanche, on peut se demander s'il conviendrait de donner auxdéfenderesses l'occasion de se déterminer sur l'objection de la demanderessevoulant que le recours en réforme soit irrecevable en l'espèce puisque lechiffre XII du contrat prévoit une renonciation à recourir. Le fait que le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité d'un recoursqui lui est soumis commanderait plutôt le rejet de la requête ad hoc desdéfenderesses, d'autant plus que celles-ci auraient eu la possibilité deformuler des observations au sujet du chiffre XII du contrat, c'est-à-diresur la question de la renonciation au recours, dans leur acte de recoursdéjà. D'un autre côté, il sied de relever que la demanderesse ne s'est pasprévalue d'une telle renonciation dans la procédure cantonale du recours ennullité, puisqu'elle n'a traité ce problème que dans son écriture du 6 avril2006 adressée au Tribunal fédéral. Aussi faut-il donner raison auxdéfenderesses lorsqu'elles soutiennent qu'elles ne devaient pas compternécessairement avec semblable objection. Il y aurait donc lieu, normalement,de les laisser encore s'exprimer sur le point controversé. Toutefois, l'économie de la procédure permet, en l'occurrence, à la Cour decéans de ne pas ordonner un second échange d'écritures. En effet, dans leurécriture du 13 avril 2006, les défenderesses ne se sont pas bornées àformuler une requête ad hoc, mais ont pris position de manière circonstanciéesur la question de la renonciation au recours. Comme l'on tiendra compte,pour l'examen de cette question, des arguments qu'elles ont avancés dans cemémoire, leur droit d'être entendues est respecté. Pour le surplus, il n'y apas de raison de faire droit à leur requête tendant à ce que soit ordonné unsecond échange d'écritures. 2.Il y a lieu d'examiner si la demanderesse fait valoir à juste titre que lechiffre XII du contrat du 25 octobre 1995 contient une renonciation àrecourir impliquant l'irrecevabilité du présent recours en réforme. 2.1 Force est de constater, au préalable, que la décision attaquée n'est pasune sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Il ne s'agitdonc pas, en l'occurrence, de la renonciation au recours prévue à l'art. 192LDIP, mais d'une renonciation à entreprendre une décision prise par untribunal étatique ordinaire. A cet égard, la jurisprudence a admis la validité d'une renonciationanticipée à recourir en réforme au Tribunal fédéral, lorsque le litige portesur des droits dont les parties peuvent librement disposer. En revanche, iln'est pas possible de renoncer d'avance à recourir lorsque sont en cause desdroits subjectifs strictement personnels, qui échappent à la disposition desparties, ou encore des droits fondamentaux inaliénables et imprescriptibles(ATF 113 Ia 26 consid. 3b p. 30 s.). On n'a pas affaire, en l'espèce, à de tels droits, de sorte qu'unerenonciation à recourir était, en principe, admissible. 2.2 Encore faut-il rechercher si les parties sont convenues d'une tellerenonciation en prévoyant, dans la clause topique de leur contrat, que "ladécision sera finale et liera les deux parties", resp. "the decision shall befinal and binding for both parties". Avec la demanderesse, il faut admettre que tel est le cas. Même s'il n'y estpas indiqué expressément que les parties renoncent à former des recours,ladite clause ne peut pas être comprise autrement que comme une exclusion despossibilités éventuelles d'attaquer la décision rendue par le tribunalcompétent. On ne voit pas, il est vrai, ce que les parties auraient bien puvouloir signifier d'autre, en adoptant la clause en question, que lareconnaissance, par elles, du caractère définitif de la décision à rendre parle tribunal compétent de Lausanne et l'impossibilité d'attaquer cettedécision. L'argument des défenderesses voulant que les parties, en stipulantcette clause, aient entendu consentir par avance à l'exécution de la décisiondu tribunal lausannois dans leurs pays respectifs ne convainc pas. En effet,la possibilité d'exécuter une décision étrangère ne dépend pas d'uneconvention des parties, mais de la mise en oeuvre des prescriptionsjuridiques applicables. Se référant à la jurisprudence relative à l'art. 192 LDIP, les défenderessessoutiennent que le recours auquel il est renoncé devrait être mentionné etexclu expressément. Contrairement à leur opinion, cette jurisprudence ne peutpas être transposée telle quelle au cas d'une décision prise par un tribunalétatique. A l'inverse de la procédure conduite devant celui-ci, qui sedéroule strictement selon les règles établies à cette fin, la procédurearbitrale est laissée, pour l'essentiel, à la disposition des parties. Il enrésulte un besoin d'autant plus impérieux d'une voie de recours destinée àsauvegarder les droits fondamentaux des parties, telle qu'elle a étéinstituée à l'art. 190 al. 2 LDIP. Comme le règlement d'un différend dans lecadre d'une procédure arbitrale n'offre pas les mêmes garanties que si cettetâche est confiée à un tribunal étatique, sans compter que les possibilitésd'attaquer des sentences arbitrales internationales sont de toute façonlimitées, il se justifie que la renonciation à faire usage de cespossibilités soit soumise à des conditions plus strictes que celles dontdépend la validité de la renonciation à attaquer le jugement rendu par untribunal étatique. Au reste, le Tribunal fédéral a récemment précisé sajurisprudence touchant l'art. 192 LDIP en ce sens que les parties n'ont pasbesoin de mentionner expressément l'art. 190 al. 2 LDIP pour exclurevalablement le recours prévu par cette disposition (ATF 131 III 173 consid.4.2.3.1 p. 178; arrêt 4P.198/2005 du 31 octobre 2005, consid. 1.1). Que lesparties n'aient pas expressément exclu le recours en réforme au Tribunalfédéral, dans la présente espèce, ne change, dès lors, rien au fait qu'ellesont valablement renoncé à ce moyen de droit. On ne peut d'ailleurs pass'attendre à ce que des parties étrangères connaissent en détail le systèmede recours de la Suisse ni, partant, à ce qu'elles désignent concrètement parleurs noms les voies de recours entrant en ligne de compte et les excluent(cf., au sujet de l'art. 192 LDIP, l'ATF 131 III 173 consid. 4.2.3.1 p. 178). Les défenderesses font valoir, enfin, que le Tribunal fédéral, dont le siègeest à Lausanne, est visé, lui aussi, par le chiffre XII du contrat en tantque "tribunal compétent à Lausanne". Cet argument tombe à faux pour la raisondéjà qu'il n'est question, dans ce membre de phrase, que du tribunal ausingulier, par quoi il faut entendre le tribunal appelé à statuer au fond. 2.3 Comme les parties ont valablement renoncé à recourir, le recours enréforme soumis au Tribunal fédéral est irrecevable, de sorte qu'il n'est paspossible d'entrer en matière. 3.Cela étant, les défenderesses, qui succombent, seront condamnéessolidairement à payer l'émolument judiciaire et à verser des dépens à lademanderesse (art. 156 al 1 et 7 OJ; art. 159 al. 2 et 5 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.La requête des défenderesses tendant à ce que soit ordonné un second échanged'écritures est rejetée. 2.Le recours est irrecevable. 3.Un émolument judiciaire de 20'000 fr. est mis à la charge des défenderesses,solidairement entre elles. 4.Les défenderesses sont condamnées solidairement à verser à la demanderesseune indemnité de 22'000 fr. à titre de dépens. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 17 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.202/2005
Date de la décision : 17/07/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-17;4c.202.2005 ?
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