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14/07/2006 | SUISSE | N°I.201/06

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 juillet 2006, I.201/06


Cause {T 7}I 201/06 Arrêt du 14 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Piguet P.________, recourant, contre Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, intimé Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 26 janvier 2006) Faits: A.A.a P.________, musicien professionnel, travaillait en qualité de professeurde guitare électrique pour le compte de X.________. Le 12février 1999, il aété victime d'un traumatisme sonore, alors qu'il branchait une installationde sonorisation dont l'amplificateur et la

table de mixage étaient régléessur le volume maximal de 7...

Cause {T 7}I 201/06 Arrêt du 14 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Piguet P.________, recourant, contre Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203Genève, intimé Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 26 janvier 2006) Faits: A.A.a P.________, musicien professionnel, travaillait en qualité de professeurde guitare électrique pour le compte de X.________. Le 12février 1999, il aété victime d'un traumatisme sonore, alors qu'il branchait une installationde sonorisation dont l'amplificateur et la table de mixage étaient régléessur le volume maximal de 750 watts. Il n'a depuis lors plus exercé d'activitéprofessionnelle. Les suites de cet accident ont été prises en charge par la GeneraliAssurances Générales (ci-après: la Generali). Selon le docteur L.________, àqui cette assurance avait confié la réalisation d'une expertiseotoneurologique, l'assuré souffrait d'acouphènes subjectifs continusconsécutifs à un traumatisme acoustique qui ne restreignaient nullement sacapacité de travail (rapport du 7 janvier 2000). Sur la base de cesobservations, la Generali a, par décision du 9 octobre 2001, confirmée suropposition le 26 février 2002, mis un terme au versement de ses prestationsavec effet au 31 janvier 2000.Invoquant l'existence d'une hyperacousie invalidante, P.________ a recourucontre la décision sur opposition auprès du Tribunal administratif du cantonde Genève, qui a ordonné une expertise bidisciplinaire, otoneurologique etpsychiatrique. Selon les experts mandatés, les docteurs M.________ etR.________, l'assuré présentait un acouphène qui devait être considéré commetrès grave et une hyperacousie. L'association de ces deux pathologies avaitun caractère invalidant et justifiait une incapacité de travail totale commemusicien et de 50% dans une autre activité.Après avoir pris connaissance des résultats de cette expertise, la Generaliet l'assuré ont convenu par transaction (du 12 mai 2003) que celle-ci luiverserait une indemnité pour atteinte à l'intégrité correspondant à un tauxde 10% et un montant de 22'195 fr. à titre d'indemnités journalières, etparticiperait à hauteur de 1'500 fr. aux honoraires de son avocat, P.________renonçant pour sa part à une rente d'invalidité ainsi qu'à toute prétentionpour frais médicaux futurs. A.b Le 16 mai 2003, P.________ a présenté une demande de prestations auprèsde l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après:l'office AI). Se fondant sur les pièces recueillies dans le cadre de laprocédure en matière d'assurance-accidents, l'office AI a, par décision du 17août 2004, confirmée sur opposition le 22 septembre suivant, alloué àl'assuré une demi-rente d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 50%. B.P.________ a formé recours contre la décision sur opposition du 22septembre2004 auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République etCanton de Genève, qui l'a débouté par jugement du 26 janvier 2006. C.P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dontil demande l'annulation, concluant à l'octroi d'une rente entièred'invalidité. L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales n'a pas présenté de déterminations. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit du recourant à une rente del'assurance-invalidité, singulièrement sur le taux d'invalidité à la base decette prestation. 2.Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité.Selon l'art. 132 al.1OJ dans sa version selon le ch. III de la loi fédéraledu 16 décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1erjuillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances peut aussiexaminer l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par laconstatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertude l'art. 132 al. 2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicableslorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations del'assurance-invalidité. Selon le ch. II let. c de la loi fédérale du 16décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants devant leTribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée en vigueur de lamodification. Dès lors que le recours qui est soumis au Tribunal fédéral desassurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006, son pouvoir d'examenrésulte de l'art. 132 OJ (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2006). 3.3.1Le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment oùles faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que lejuge n'a pas à prendre en considération les modifications de droit ou del'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse(ATF 129 V 4 consid. 1.2). Par conséquent, le droit éventuel à une rente del'assurance-invalidité, laquelle prendrait naissance au plus tôt le 1er mai2002 (art. 29 al. 1 let. b et 48 al. 2 1ère phrase LAI), doit être examiné auregard de l'ancien droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2002 et, aprèsle 1er janvier 2003, respectivement le 1er janvier 2004, en fonction desnouvelles normes de la LPGA et des modifications de la LAI consécutives à la4ème révision de cette loi (ATF 130 V 455 et les références; voir égalementATF 130 V 329). 3.2 Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et lesprincipes jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité (art. 8 al. 1LPGA et 4 LAI), à son évaluation chez les assurés actifs (art. 16 LPGA et 28al. 2 LAI), à l'échelonnement des rentes selon le taux d'invalidité (art. 28al. 1 LAI dans sa version antérieure et postérieure au 1er janvier 2004),ainsi qu'à la valeur probante des rapports et expertises médicaux (ATF 125 V352 consid. 3a et les références). Il convient donc d'y renvoyer, enprécisant que les principes développés jusqu'alors par la jurisprudence enmatière d'évaluation de l'invalidité demeurent applicables, que ce soit sousl'empire de la LPGA ou de la 4ème révision de la LAI (ATF 130 V 348 consid.3.4; arrêts P. du 17 mai 2005, I 7/05, consid. 2, et M. du 6septembre 2004,I 249/04, consid. 4). 4.4.1Se fondant sur les conclusions des experts M.________ et R.________, lajuridiction cantonale a considéré que le recourant disposait d'une capacitérésiduelle de travail de 50% dans toute activité autre que celle demusicien. Pour sa part, le recourant estime que les acouphènes bilatérauxdont il est atteint l'empêchent fondamentalement d'exercer une quelconqueactivité professionnelle. 4.2 L'examen audiologique auquel a procédé le docteur M.________ n'a rienrelevé de particulier, en dehors de discrètes séquelles bilatérales dutraumatisme acoustique et d'un abaissement des seuils subjectifs d'inconfortet de la douleur en relation avec une hyperacousie. Selon ce médecin,l'assuré souffrait d'un acouphène chronique invalidant et d'une hyperacousiegénérant un important stress émotionnel et des troubles affectifs (anxiété,trouble du sommeil, difficultés de concentration, irritabilité, etc.).D'après le docteur R.________, la réaction de stress précitée était àl'origine d'une dysthymie chez une personnalité pouvant être sinon considéréecomme relativement compensée. L'assuré ne présentait en effet pas d'affectionpsychique de nature à influencer sa capacité de travail. Un traitementcognitivo-comportemental axé sur une meilleure gestion du stress étaitnéanmoins susceptible d'aider le recourant à mieux gérer son problème. Comptetenu des atteintes à la santé présentées par le recourant, la capacité detravail était, selon les experts, nulle dans une activité de musicien et nedépassait pas 50% dans une autre activité (rapports des 17 février et 26mars 2003). 4.3 Cette expertise bidisciplinaire remplit toutes les conditions auxquellesla jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document. A défautd'éléments contradictoires ressortant du dossier médical, les premiers jugesétaient dès lors fondés, sans qu'il ne soit nécessaire de mettre en oeuvreune mesure d'instruction complémentaire, à retenir les conclusionsconcordantes exposées par les docteurs M.________ et R.________. D'ailleurs,le recourant ne relève aucune circonstance particulière ou élément concretpermettant de douter de l'objectivité de cette appréciation. Certes fait-ilvaloir sa perception subjective de la situation; elle ne saurait toutefoisprévaloir en l'absence d'observations médicales concluantes. 5.Il convient encore d'examiner si l'évaluation du taux d'invalidité à laquelleont procédé les premiers juges est conforme aux règles légales applicablesainsi qu'aux principes dégagés par la jurisprudence en la matière. 5.1 Déposée le 16 mai 2003, soit largement plus de douze mois après lasurvenance de l'incapacité de travail (art. 29 al. 1 let. b LAI), la demandede prestations se révèle tardive au sens de l'art. 48 al. 2 LAI, de sorte quele début du droit à une éventuelle rente d'invalidité, partant le moment oùil convient de procéder à la comparaison des revenus (ATF 129 V 223 consid.4.1, 128 V 174), doit être fixé au mois de mai 2002. 5.25.2.1Les premiers juges ont admis que sans son invalidité, le recourantaurait probablement pu réaliser un revenu annuel de 49'912fr. en 2000. Ilssont parvenus à ce montant en se référant au salaire statistique auquelauraient pu prétendre les hommes effectuant des activités requérant desconnaissances professionnelles spécialisées dans le secteur privé en 2000(valeur médiane, tous secteurs confondus, niveau de qualification 3), soit5'307 fr. par mois, et en arrêtant un taux d'activité de 75%. 5.2.2 En l'occurrence, il n'est pas possible de suivre le raisonnement de lajuridiction cantonale, ne serait-ce que pour le motif que le moment où elle aprocédé à la comparaison des revenus était erroné (cf. consid. 5.1). Et mêmeen tenant compte des données statistiques de l'année 2002, les valeurs surlesquelles se sont fondés les premiers juges ne sauraient servir de base àl'évaluation de l'invalidité. En se référant à la valeur médiane des salairesbruts standardisés, tous secteurs confondus, que pouvaient prétendre leshommes effectuant des activités requérant des connaissances professionnellesspécialisées dans le secteur privé (niveau de qualification 3), ils ontméconnu le fait que le recourant, d'une part, exerçait une activitéprofessionnelle bien définie (professeur de musique), et que, d'autre part,il ne disposait d'aucune formation spécifique (musicale ou pédagogique),celui-ci ayant au contraire déclaré avoir acquis ses connaissances enautodidacte. Par ailleurs, il n'existe aucun indice concret au dossierpermettant d'affirmer - et le recourant ne l'a du reste jamais prétendu - quecelui-ci exercait une activité à temps partiel de 75% avant son accident. 5.2.3 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuréaurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir aumoment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1 etla référence). Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière laplus concrète possible; c'est pourquoi il se déduit en principe du salaireréalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenantcompte de l'évolution des salaires (Meyer-Blaser, Bundesgesetz über dieInvalidenversicherung [IVG], 1997, p. 205-206). Ce n'est qu'en présence decirconstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte etqu'on recoure aux données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur lastructure des salaires (ESS) éditée par l'Office fédéral de la statistique.Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de ladernière activité professionnelle de l'assuré (arrêt T. du 23 mai 2000, U243/99, consid.2b), ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu necorrespond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser,selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple,lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuréétait au chômage (arrêt L. du 4 septembre 2002, I 774/01), ou rencontrait desdifficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de sonétat de santé (RCC 1985 p. 662). On peut également songer à la situation danslaquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte àla santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité(sur l'ensemble de la question, arrêt T. du 17 octobre 2003, B 80/01, consid.5.2.2).5.2.4 En l'espèce, le niveau de rémunération de P.________ dépendait dunombre d'heures enseignées, partant du nombre d'élèves inscrits à ses cours.Or, le volume de travail du recourant avait connu une nette baisse à compterde 1995, motivant son inscription au chômage à partir de janvier 1996(chômage partiel). Dans ces circonstances, le revenu que le recourant avaitobtenu à partir de 1996 ne reflétait pas le revenu de ce qu'il étaitvraisemblablement apte à gagner en tant que personne valide. Il se justifiaitdès lors de se référer aux données statistiques, à savoir le salaire deréférence auquel pouvait prétendre les hommes sans formation spécifique dansle secteur de l'enseignement en 2002, soit 4'357 fr. par mois ou 52'284 fr.annuellement (Enquête suisse sur la structure des salaires 2002, p. 43, TA1,chiffre 80; niveau de qualification 4). Comme les salaires bruts standardiséstiennent compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit une duréehebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans la branche concernée (41,4heures, La Vie économique, 3/2006, p. 90, B9.2), il en résulte un revenu sansinvalidité de 54'114 fr. 5.3 Pour déterminer le revenu d'invalide, il y a également lieu de se référeraux données statistiques. Au vu du large éventail d'activités que l'assurépeut encore exercer en dépit de son état de santé, le salaire de référenceest celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activitéssimples et répétitives (niveau de qualification 4) dans le secteur privé,soit 4'557 fr. par mois en 2002 ou 54'684 fr. par année (Enquête suisse surla structure des salaires 2002, p. 43, TA1). Après adaptation de ce montant àl'horaire usuel dans les entreprises en 2002 (41,7 heures, La Vie économique,3/2006, p. 90, B9.2), le revenu annuel doit être porté à 57'008 fr. Comptetenu d'une capacité résiduelle de travail de 50% et d'un abattement de 15%sur le salaire statistique tenant compte de l'ensemble des circonstancespersonnelles et professionnelles du cas particulier (ATF 126 V 78 consid. 5),on obtient en définitive un revenu d'invalide de 24'228 fr. 5.4 Comparé au revenu sans invalidité de 54'114 fr., ce montant donne un tauxd'invalidité - arrondi - de 55%, ouvrant droit à une demi-rented'invalidité. 6.Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable dans sonrésultat et le recours se révèle par conséquent mal fondé. Le litige ayant pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 14 juillet 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances p. la Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.201/06
Date de la décision : 14/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-14;i.201.06 ?
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