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14/07/2006 | SUISSE | N°C.335/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 juillet 2006, C.335/05


Cause {T 7}C 335/05 Arrêt du 14 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton G.________, recourant, représenté par Me Gérard Gillioz, avocat, avenue de laGare 64, 1920 Martigny, contre Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales du Valais, rue de laPorte-Neuve 20, 1951Sion, intimée Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion (Jugement du 11 août 2005) Faits: A.G. ________, né en 1960, travaillait comme machiniste lorsque le 2août 1999,il a été victime d'un accident ayant entraîné l'ampu

tation de l'annulaire etde l'auriculaire de sa main droite; son ...

Cause {T 7}C 335/05 Arrêt du 14 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Cretton G.________, recourant, représenté par Me Gérard Gillioz, avocat, avenue de laGare 64, 1920 Martigny, contre Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales du Valais, rue de laPorte-Neuve 20, 1951Sion, intimée Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion (Jugement du 11 août 2005) Faits: A.G. ________, né en 1960, travaillait comme machiniste lorsque le 2août 1999,il a été victime d'un accident ayant entraîné l'amputation de l'annulaire etde l'auriculaire de sa main droite; son cas a été simultanément traité par laCaisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) et l'Officecantonal AI du Valais (ci-après: l'Office AI). Il a également requis - etobtenu - de la Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales duValais (ci-après: la Caisse) le versement d'indemnités dès le 1er juillet2003; il était disposé à travailler à mi-temps. Les assureurs invalidité et accidents lui ont respectivement alloué une renteentière pour la période du 1er août 2000 au 31 janvier 2001 (décision du 9février 2004, confirmée sur opposition et sur recours les 9 juin et 2novembre suivants) et une rente fondée sur un degré d'incapacité de gain de24 % avec effet dès le 1er juillet 2003 (décision du 26 juin 2004); dansl'intervalle, l'assuré a encore bénéficié d'une mesure d'ordre professionnelsous forme d'un reclassement dans la profession d'aide-concierge. L'Office AIa mis fin à ses prestations le 30 juin 2003, le taux d'invalidité aprèsréadaptation ayant été fixé à 15%. Se référant à la décision de la CNA, l'intéressé a déposé une nouvelledemande d'indemnités de chômage, le 1er juillet 2004, dans laquelle ilindiquait disposer d'une capacité de travail de 76 % depuis le début du moisprécédent. La Caisse a adapté les prestations dans ce sens sans toutefoisaccéder à la requête ampliative de G.________, déposée le 24 août 2004,tendant à la correction des décomptes antérieurs dans la même mesure(décision du 3 novembre 2004 confirmée sur opposition le 23 décembresuivant). B.Par jugement du 11 août 2005, la Commission cantonale valaisanne de recoursen matière de chômage a débouté l'assuré. C.L'intéressé interjette recours de droit administratif contre ce jugement dontil requiert l'annulation. Il conclut, sous suite de frais et dépens, àl'octroi «d'indemnités de chômage à hauteur d'un taux d'indemnisation de 76 %du 1er juillet 2003 au 31 mai 2004».La Caisse propose le rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie arenoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.1.1 Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage,singulièrement sur l'adaptation rétroactive de son gain assuré pour lapériode du 1er juillet 2003 au 31 mai 2004. 1.2 Le jugement entrepris expose correctement les normes et la jurisprudencerelatives au droit à l'indemnité de chômage lorsque l'assuré est sans emploiou partiellement sans emploi (art. 8 al. 1 let. a et 10 al.1 et 2 LACI),qu'il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1let. b et 11 al. 1 LACI; art. 4 al. 1 et 5 OACI) et qu'il est apte auplacement (art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 et 2 LACI; art. 15 al. 3 OACI),ainsi qu'à l'indemnité journalière en cas d'incapacité passagère de travail,totale ou partielle (art. 28 LACI), de sorte qu'il suffit d'y renvoyer. 2.L'intéressé reproche aux premiers juges et à la Caisse intimée d'avoir retenuque par sa demande d'indemnités de chômage, les formulaires mensuels«indications de la personne assurée» et l'augmentation de ses recherchesd'emploi dès le mois de juin 2004, il avait clairement manifesté jusqu'àcette date sa volonté de ne travailler qu'à mi-temps, sans prendre enconsidération ses explications concernant la réflexion ayant abouti à lafixation de son taux d'activité en fonction des indications reçues d'uncollaborateur de l'Office AI. 2.1 On notera au préalable que le recourant admet avoir annoncé sadisposition à ne travailler qu'à 50 % et l'avoir confirmée chaque mois, dejuillet 2003 à mai 2004. Dans ces circonstances, il ne remplit donc pas lacondition subjective de l'aptitude au placement, justement rappelée par lajuridiction cantonale. Toutefois, il invoque également, de manière implicite,une violation du droit à la protection de sa bonne foi. 2.2 Le principe de la bonne foi découle directement de la Constitutionfédérale (art. 9) et vaut pour l'ensemble de l'activité étatique; il protègele citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçuesdes autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après une décision, desdéclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 636sv. consid. 6.1, 129 I 170 consid. 4.1, 128 II 125 consid. 10b/aa et lesréférences). Ainsi, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuventobliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à laréglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenuedans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elleait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences, (c) quel'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude durenseignement obtenu, (d) qu'il se soit fondé sur les assurances ou lecomportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles ilne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementationn'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 V 480consid.5, 131 II 636 sv. consid. 6.1, 129 I 170 consid. 4.1, 122 II 123consid. 3b/cc et les références). Ces principes s'appliquent également, par analogie, lorsque l'administrationne se conforme pas à un devoir légal de renseigner (ATF 131V476 ss consid.4 et 5, 124 V 220 consid. 2b, 113 V 70 consid. 2, 112 V 115 et lesréférences). 2.3 L'intéressé soutient qu'il a toujours été disposé à mettre sa force detravail au service d'un employeur selon un horaire normal, mais que lesrenseignements transmis par un collaborateur de l'Office AI l'ont incité às'annoncer auprès du Bureau du travail de sa commune comme demandeur d'emploià temps partiel (50 %). La juridiction cantonale a écarté cet argument enaffirmant, de manière évasive, que le recourant aurait dû se rendre compteque le fonctionnaire en question n'était pas compétent en la matière. 2.4 Replacé dans le contexte, le raisonnement des premiers juges ne semblepas pertinent dans la mesure où l'intéressé aurait bénéficié d'informationsprécises (entre autres, capacité résiduelle de travail de 50 %), fournies parune personne dont l'activité consiste essentiellement à évaluer l'invaliditéd'individus souffrant de handicaps divers. De plus, ces renseignements luiauraient été communiqués au cours d'une procédure complexe, portant à la foissur l'examen du droit à la rente et du droit à des mesures de réadaptation,durant laquelle les médecins consultés et les membres de l'administration luiont démontré, notamment en organisant son reclassement dans la professiond'aide-concierge (1? année de stage), qu'il ne pourrait plus exercer sonancien métier. Cela s'est du reste révélé faux, puisque celui-ci a retrouvé,dès le 1er avril 2005, un emploi de machiniste à temps complet. Dansl'attente d'une décision des assureurs-accidents et invalidité, cescirconstances étaient donc propres à conforter le recourant dans l'idée quesa capacité de travail était désormais limitée à 50 %, ce qui semblenaturellement l'avoir conduit à requérir des indemnités de chômage dans unemême proportion; les premiers juges ne sauraient par ailleurs lui reprocherde ne pas avoir étayé son argumentation dès lors qu'ils n'ont pas jugénécessaire d'accéder à sa requête tendant à la production des dossiers AI etCNA, seules pièces susceptibles d'éclaircir ce point. Ces questions peuvent toutefois rester ouvertes dès lors que le recours doitêtre admis pour violation d'un devoir légal de renseigner. 3.A la lecture du dossier, il apparaît que l'Office régional de placement deMartigny (ci-après: l'ORP) savait, dès le mois d'août 2003, soit au début dudélai-cadre d'indemnisation, que le recourant présentait un degréd'invalidité assurément inférieur aux 50 % annoncés et probablementirrelevant pour l'octroi d'une rente. 3.1 L'art. 27 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale dudroit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1erjanvier 2003,prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs etles organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus derenseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1);chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droitset obligations (...; al. 2); si un assureur constate qu'un assuré ou sesproches ont droit à des prestations d'autres assurances sociales, il les eninforme sans retard (al. 3). Sous l'empire de l'ancien droit, les règles de la bonne foi n'imposaient àl'administration de renseigner spontanément un administré que dans descirconstances particulières (ATF 124 V 220 consid. 2b). Il fallait notammentque l'administration soit objectivement en mesure de le faire, quel'administré se trouve avec elle dans une relation de fait ou de droit assezétroite pour qu'il puisse attendre d'elle un tel comportement (Pierre Moor,Droit administratif, vol. I, Berne 1994, p.436) et que celui-ci n'ait pasmanqué de la diligence requise au vu des circonstances (art. 3 al. 2 CC; RAMA1999 n° KV 97 p. 525 consid.4b et les références). Le Tribunal fédéral des assurances a largement retranscrit les travauxlégislatifs et doctrinaux relatifs à l'art. 27 LPGA, mais n'en a pasdéterminé l'étendue. Il a cependant estimé qu'il n'existait pas de motifévident d'abandonner l'assimilation de la violation d'un devoir légal derenseigner à une déclaration erronée après la codification d'une telleobligation dans la LPGA (ATF 131 V 472 consid. 4 et 5). 3.2 L'art. 70 al. 1 et 2 let. b LPGA fait obligation à l'assurance-chômage deprendre en charge, provisoirement, le cas d'un assuré lorsqu'un événement luidonne droit à des prestations, mais qu'il subsiste un doute sur le débiteurde ces dernières (assurance-chômage, maladie, accidents ou invalidité). Il convient ainsi d'examiner si le défaut d'avis spontané de la part del'administration concernant le principe invoqué à l'art. 70 LPGA constitueune violation du droit à la protection de la bonne foi. 3.3 En l'espèce, les liens qui unissent le conseiller ORP et le demandeurd'emploi peuvent être qualifiés d'étroits dans la mesure où le rôle essentieldu premier consiste non seulement à exercer un certain contrôle sur lesdémarches du second, mais aussi à lui prodiguer des conseils. Il ressortégalement des procès-verbaux d'entretiens que celui-ci connaissaitparfaitement la situation du recourant: son accident et les séquellesafférentes, les démarches entreprises auprès des assureurs-accidents etinvalidité et son reclassement professionnel, ses préoccupations financièreset, par dessus tout, la forte probabilité du refus de rente en raison d'undegré d'invalidité insuffisant. On ajoutera encore qu'en sa qualité d'organed'exécution de l'assurance-chômage, le représentant de l'ORP ne pouvaitignorer le principe de prise en charge provisoire des prestations dontl'application est relativement courante. Dans ces circonstances, l'intéressé,qui a du reste toujours rempli consciencieusement ses obligations, pouvaitraisonnablement attendre de son conseiller qu'il lui fasse part de son droità des indemnités de chômage complètes, sous réserve de compensation ou derestitution une fois la décision de l'Office AI connue. Par ailleurs, on nevoit pas en quoi le recourant aurait manqué de diligence en l'occurrence, laprécarité de sa situation financière l'ayant au contraire poussé à s'enquérirde toutes les solutions pouvant améliorer ladite situation. Les mêmesremarques peuvent être formulées à l'encontre de la Caisse qui, par lademande d'indemnités de chômage, connaissait la situation du recourantvis-à-vis de l'assurance-invalidité. Il y a donc eu violation du principe dela bonne foi, ce qui a pour conséquence la correction du gain assuré del'intéressé, pour la période du 1er juillet 2003 au 31 mai 2004, dans la mêmemesure que pour la période postérieure. 4.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Lerecourantqui obtient gain de cause a droit à une indemnité de dépens (art. 159 al. 1en relation avec l'art. 135 OJ, ainsi que l'art. 61 let. g LPGA). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale de recours enmatière de chômage du 11 août 2005, ainsi que la décision sur opposition dela Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales du Valais du 23décembre 2004 sont annulés, la cause étant renvoyée à la Caisse intimée pournouvelle décision dans le sens des considérants. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.La Caisse de chômage des organisations chrétiennes sociales du Valais verseraau recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) àtitre de dépens pour l'instance fédérale. 4.La Commission cantonale de recours en matière de chômage statuera sur lesdépens de la première instance au regard de l'issue du procès. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale derecours en matière de chômage, à l'Office régional de placement, au Servicede l'industrie, du commerce et du travail, et au Secrétariat d'Etat àl'économie. Lucerne, le 14 juillet 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances p. la Présidente de la IIe Chambre: p. le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.335/05
Date de la décision : 14/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-14;c.335.05 ?
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