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13/07/2006 | SUISSE | N°I.182/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2006, I.182/05


Cause {T 7}I 182/05 Arrêt du 13 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless B.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, placePépinet 4, 1003 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 9 septembre 2004) Faits: A.A.a B.________, ressortissant portugais né en 1958 - alors ouvrier-machinistede presses auprès du Service d'assainissement de X.________ - a Ã

©té victimed'un accident professionnel le 28 octobre 1998. I...

Cause {T 7}I 182/05 Arrêt du 13 juillet 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless B.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, placePépinet 4, 1003 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 9 septembre 2004) Faits: A.A.a B.________, ressortissant portugais né en 1958 - alors ouvrier-machinistede presses auprès du Service d'assainissement de X.________ - a été victimed'un accident professionnel le 28 octobre 1998. Il a chuté en descendantd'une échelle, ce qui a provoqué une rupture partielle du tendon du musclesus-épineux avec conflit sous-acromial de l'épaule gauche, pour laquelle il asubi une intervention chirurgicale (arthroscopie et acromioplastie) le 12avril 1999. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) apris en charge le cas. Reprenant le travail au cours de l'été 1999, B.________ a continué à souffrirde cervico-brachialgies gauches. En raison de l'aggravation des douleurs, ila été mis en arrêt de travail, d'abord partiel, puis total à partir du 4juillet 2000 et adressé à la Clinique Y.________, où il a séjourné du 4octobre au 15 novembre suivant. Dans un rapport du 25décembre 2000, lesmédecins de la clinique ont estimé que l'assuré, qui présentait notamment unétat dépressif majeur, était totalement incapable de travailler dans saprofession, mais disposait d'une capacité de travail «quasiment totale» dansune activité adaptée (sans port de charges lourdes, ni mouvement répétitif encontrainte du bras gauche, ni ne dépassant l'horizontale). Après avoir requisl'avis du docteur S.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, etexaminé à son tour l'assuré, le docteur O.________, médecin-conseil de laCNA, a indiqué que la mobilité passive de l'épaule était difficile à évaluerà cause d'une défense volontaire de la part du patient, l'impression quiprévalait étant celle d'un trouble fonctionnel sans relation avec les lésionsorganiques démontrables; il concluait qu'une capacité de travail entièredans une activité adaptée, exercée à hauteur d'établi, était exigible(rapport d'examen du 31 janvier 2002). Par décision du 21 mars 2002, confirmée le 3 mai 2002 sur opposition del'assuré, la CNA a alloué à B.________ une rente d'invalidité fondée sur untaux d'invalidité de 39 % à compter du 1er mai 2002, ainsi qu'une indemnitépour atteinte à l'intégrité d'un taux de 5 %. A.b Entre-temps, le 4 décembre 2000, l'assuré a présenté une demande deprestations de l'assurance-invalidité. Après avoir mis en oeuvre un staged'observation professionnelle, l'Office de l'assurance-invalidité pour lecanton de Vaud (ci-après: l'office AI) a recueilli des renseignementsmédicaux, notamment auprès de la doctoresse E.________ de l'HôpitalZ.________ (rapport du 6février 2001). Il a par ailleurs chargé son Servicemédical régional (SMR) d'examiner l'assuré. Au terme d'un examen clinique etpsychiatrique, les docteurs F.________ et V.________ ont diagnostiqué unelimitation fonctionnelle sur contracture musculaire cervico-scapulaire aprèsacromio-plastie arthroscopique et lésion partielle du sus-épineux de l'épaulegauche, ainsi qu'un trouble somatoforme douloureux; selon eux, cette atteintepsychique ne justifiait pas une incapacité de travail, l'assuré étant parailleurs en mesure d'exercer une activité adaptée à plein temps (rapport du10 septembre 2002). Se fondant sur leurs avis, ainsi que sur les piècesmédicales de la CNA apportées au dossier, l'office AI a, par décision du 5mars 2003, confirmée par décision sur opposition du 31 juillet 2003, rejetéla demande de prestations. Il a considéré que l'assuré était en mesured'exercer une activité adaptée à plein temps qui lui permettait de réaliserun revenu de 45'016 fr. 80; la perte économique (de 38,09 %) en résultant parcomparaison avec le revenu obtenu avant l'invalidité n'était pas susceptibled'ouvrir le droit à une rente. B.B.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton deVaud qui a fait verser à la procédure le dossier de la CNA. Statuant le 9septembre 2004, le tribunal a débouté l'assuré. C.B.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugementdont il demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclutprincipalement à l'octroi d'une rente entière de l'assurance-invalidité; àtitre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à la juridictioncantonale pour qu'elle ordonne une expertise psychiatrique. L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.1.1 Le litige porte sur le droit du recourant à une rente del'assurance-invalidité, singulièrement sur le degré d'invalidité qu'ilprésente. 1.2 Le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment oùles faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que lejuge n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou del'état de fait postérieurs à la date déterminante de la décision litigieuse(ATF 130 V 446 consid. 1.2.1, 129 V 4 consid. 1.2). Aussi, le droit éventuelà une rente d'invalidité, qui prendrait naissance au plus tôt en juin 2001(art. 29 al. 1 let. b LAI; cf. certificat médical du docteur D.________ du 5juin 2000 et courrier de la Ville de X.________ à la CNA du 3 novembre 2000),est-il régi par les dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre2002 pour la période courant jusqu'à cette date, et par les nouvelles règlesintroduites par la LPGA pour la période postérieure (ATF 130 V 445 et lesréférences; voir également ATF 130 V 329). En revanche, les modifications dela LAI du 21 mars 2003 (4ème révision de la LAI), entrées en vigueur le 1erjanvier 2004 (RO 2003 2852) ne sont pas applicables au présent cas. 1.3 Les premiers juges ont exposé les règles légales (dans leur teneur envigueur à partir du 1er janvier 2003) relatives à la notion d'invalidité, àl'échelonnement du droit à une rente et à la manière d'évaluer le tauxd'invalidité. Ils ont également rappelé la jurisprudence rendue en matière detroubles somatoformes douloureux (cf. ATF 130 V 352), ainsi que celle surl'appréciation de la valeur probante des rapports médicaux. Dès lors que laLPGA n'a pas modifié les notions d'incapacité de travail, d'incapacité degain, d'invalidité et de méthode de comparaison des revenus dansl'assurance-invalidité (ATF 130V343), il suffit de renvoyer à leursconsidérants sur ces points. 1.4 Le jugement entrepris porte sur des prestations del'assurance-invalidité. Selon l'art. 132 al.1OJ dans sa version selon lech. III de la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la LAI(en vigueur depuis le 1er juillet 2006), dans une procédure concernantl'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral desassurances peut aussi examiner l'inopportunité de la décision attaquée etn'est pas lié par la constatation de l'état de fait de l'autorité cantonalede recours. En vertu de l'art. 132 al. 2 OJ, ces dérogations ne sontcependant pas applicables lorsque la décision qui fait l'objet d'un recoursconcerne les prestations de l'assurance-invalidité. Selon le ch. II let. c dela loi fédérale du 16 décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recourspendants devant le Tribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée envigueur de la modification. Dès lors que le recours qui est soumis auTribunal fédéral des assurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006,son pouvoir d'examen résulte de l'art. 132 OJ dans sa teneur en vigueurjusqu'au 30 juin 2006. 2.La juridiction cantonale a retenu que l'assuré disposait, sur le planphysique, d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée (àsavoir n'impliquant pas de mouvement du membre supérieur gauche au-delà de90°, ni port de charges lourdes et mouvements répétitifs contraires au membresupérieur gauche). Elle a par ailleurs nié le caractère invalidant du troublesomatoforme douloureux diagnostiqué par les médecins du SMR, conformément auxconclusions de leur rapport du 3 septembre 2002 (recte 10septembre). Elle ena déduit que l'invalidité du recourant ne résultait que d'atteintessomatiques et que l'office AI avait correctement apprécié le degréd'invalidité de l'assuré en le fixant à 38.09 %.Le recourant reproche aux premiers juges de n'avoir pas mis en oeuvre uneexpertise psychiatrique, alors qu'une telle mesure d'instruction étaitnécessaire en présence d'un trouble somatoforme douloureux et que le rapportdes médecins du SMR ne permettait pas de se prononcer sur les questionsdéterminantes relatives à cette atteinte (genèse de la pathologiepsychiatrique, existence d'un trouble de la personnalité, mise en valeurd'une capacité de travail éventuelle). Le recourant soutient également queles limitations physiques et psychiques dont il est atteint l'empêcheraientcertainement d'exercer une activité lucrative lui permettant d'obtenir unrevenu atteignant 62 % de celui qu'il réalisait sans invalidité et que sontaux d'incapacité de travail aurait dû être fixé à 100 %. 3.3.1Au vu des rapports médicaux au dossier, il est établi que l'assuré souffred'une limitation fonctionnelle sur contracture musculaire aprèsacromioplastie arthroscopique et lésion partielle du sus-épineux de l'épaulegauche; si cette atteinte l'empêche de reprendre son ancienne activitéd'ouvrier-machiniste, le recourant dispose cependant d'une capacité detravail entière dans une activité adaptée. Ainsi, selon le docteurO.________, il n'y a pas lieu de considérer le recourant comme mono-manuel etune capacité de travail entière est exigible dans une activité légère,exercée à hauteur d'établi (rapport d'examen du 31janvier 2002). Le docteurS.________ confirme pour sa part les bonnes mobilités de l'épaule gauche,déjà signalées par les médecins de la Clinique Y.________ en décembre 2000,attestant d'une récupération fonctionnelle complète, ainsi qu'une excellenteconservation des masses musculaires (cf. rapport d'examen du 26septembre2001). Sur la question de la capacité de travail du recourant du point de vuesomatique, le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable. 3.2 Sur le plan psychiatrique, les docteurs F.________ et V.________ ontdiagnostiqué un trouble somatoforme douloureux, en précisant que l'étatdépressif majeur dont avait fait état le docteur A.________ de la CliniqueY.________, le 13 octobre 2000, n'était plus présent lors de leur examen.Selon eux, l'affection psychique diagnostiquée ne justifiait pas uneincapacité de travail, ni ne limitait la reprise d'une activitéprofessionnelle adaptée à à plein temps.Contrairement à l'avis des premiers juges, cette appréciation n'emporte pasla conviction. Dans la partie de leur rapport (du 10septembre 2002)consacrée à l'évaluation psychiatrique du recourant, les médecins du SMR sesont en effet limités à décrire l'entretien avec la psychiatre de manièrerelativement sommaire («statut psychiatrique»), puis à en déduire quelqueslignes plus loin («diagnostic et appréciation consensuelle du cas») lediagnostic de trouble somatoforme douloureux qualifié de non invalidant. Leurconclusion n'est cependant pas mise en relation avec les constatationsprécédentes, de sorte qu'il n'est pas possible de voir sur quels éléments lesmédecins se sont fondés pour arriver à leur diagnostic. Par ailleurs, comme le relève à juste titre le recourant, le rapport du SMRne permet pas de se faire une opinion sur la vraisemblance de l'étatdouloureux qu'il présente, ni sur ses ressources psychiques. Les médecinsconstatent certes que l'assuré reste dans l'ensemble fixé sur ses douleurs,sans toutefois porter une appréciation sur la symptomatologie douloureuse ettout en affirmant que le trouble somatoforme douloureux n'atteint pas leseuil diagnostic invalidant. Leur rapport ne contient pas non plus leséléments nécessaires pour examiner les critères dégagés par la jurisprudence(et rappelés dans le jugement entrepris) qui sont susceptibles de fonder,exceptionnellement, le caractère non exigible de la réintégration dans leprocessus de travail (cf. ATF 130 V 354, consid. 2.2.4 et les arrêts cités).Sur ce point, il comporte quelques affirmations selon lesquelles la viesociale du recourant est maintenue et il ne présente pas de troublesdépressifs ou anxieux au moment de l'expertise, sans que les médecins necherchent à expliquer pourquoi l'assuré «reste complètement fixé sur sasymptomatologie douloureuse et paresthésique». Or, le docteur F.________avait précisément relevé auparavant la nécessité que l'expert chargé d'uneévaluation psychiatrique donne des renseignements sur l'existence éventuelled'un trouble susceptible d'expliquer l'abandon (tout au moins partiel), parl'assuré, de l'utilisation du membre supérieur gauche, ainsi que sur lagenèse du trouble dépressif (diagnostiqué par le docteur A.________) et la«curieuse attitude adoptée 2 ans après l'opération de l'épaule gauche» (avismédical du 25 juillet 2002). On ne peut trouver aucune des explicationsrequises dans son rapport du 10septembre 2002.Dès lors que l'avis des médecins du SMR, pas plus qu'une autre pièce médicaleau dossier, ne permet de répondre à la question décisive qui se pose enprésence de troubles somatoformes douloureux: celle de savoir si la personneconcernée possède en elle suffisamment de ressources psychiques pour faireface à ses douleurs et réintégrer le circuit économique, eu égard auxcritères dégagés par la jurisprudence, une nouvelle expertise psychiatriques'impose. Aussi, convient-il de retourner la cause à l'office intimé pourinstruction complémentaire sous la forme d'une telle expertise - dans lecadre de laquelle il incombera à l'expert de répondre aux questions soulevéesci-dessus -, et nouvelle décision. 4.Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Lerecourant, représenté par un avocat, obtient gain de cause, de sorte qu'il adroit à des dépens à la charge de l'intimé (art. 159 al. 1 en corrélationavec l'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances ducanton de Vaud du 9 septembre 2004 et la décision de l'Office del'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 31 juillet 2003 sontannulés, la cause étant renvoyée audit office pour qu'il procède conformémentaux considérants. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'intimé versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe sur lavaleur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale. 4.Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour laprocédure en première instance au regard de l'issue du procès de dernièreinstance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 13 juillet 2006 Au
nom du Tribunal fédéral des assurances p. la Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.182/05
Date de la décision : 13/07/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-13;i.182.05 ?
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