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13/07/2006 | SUISSE | N°5A.22/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2006, 5A.22/2006


{T 0/2}5A.22/2006 /svc Arrêt du 13 juillet 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffière: Mme Mairot. X. ________, recourant, représenté parMe Dimitri Gianoli, avocat, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 10 mai 2006. Faits: A.A.a X.________, alors citoyen de la République démocratique du Congo, estarrivé pour la première fois en Suisse le 4 décembre 1991; il a été renvoyéd

ans son pays d'origine en octobre 1992 au terme d'une procédure d'as...

{T 0/2}5A.22/2006 /svc Arrêt du 13 juillet 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffière: Mme Mairot. X. ________, recourant, représenté parMe Dimitri Gianoli, avocat, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 10 mai 2006. Faits: A.A.a X.________, alors citoyen de la République démocratique du Congo, estarrivé pour la première fois en Suisse le 4 décembre 1991; il a été renvoyédans son pays d'origine en octobre 1992 au terme d'une procédure d'asile. De retour en Europe, l'intéressé a contracté mariage en France, le 3janvier1994, avec Y.________, une ressortissante suisse de quinze ans son aînée dontil avait fait la connaissance en tant que requérant d'asile. Le couple aregagné la Suisse le 14 février 1994. Une autorisation de séjour annuelle adès lors été délivrée au mari et a été régulièrement renouvelée jusqu'au 14février 1999. A.b Le 23 février 1998, X.________ a déposé une demande de naturalisationfacilitée fondée sur son mariage avec la prénommée. Les époux ont signé, le 8mars 1999, une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaientvivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresseet n'envisager ni séparation, ni divorce. Ils ont aussi attesté avoirconnaissance du fait que la naturalisation facilitée ne pouvait pas êtreoctroyée lorsque, avant ou pendant la procédure administrative, la communautéconjugale effective n'existait plus, notamment si l'un des conjointsdemandait le divorce ou la séparation, et que si cet état de fait étaitdissimulé, la naturalisation pouvait être annulée ultérieurement. Par décision du 22 avril 1999, X.________ s'est vu accorder la naturalisationfacilitée en application de l'art. 27 de la loi fédérale du 29 septembre 1952sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (ci-après: LN; RS141.0).A.c Le 9 mai 2001, l'Office fédéral des étrangers (actuellement l'Officefédéral des migrations [ODM]) a informé l'intéressé qu'il se voyait contraintd'examiner s'il y avait lieu d'annuler sa naturalisation facilitée, comptetenu du très bref laps de temps qui s'était écoulé entre la décision d'octroidu 22 avril 1999 et la séparation d'avec son épouse survenue, selon lesrenseignements en sa possession, le 1ermai 2000; il lui était donné lapossibilité de présenter des observations à ce sujet, accompagnéesd'éventuels documents en relation avec sa séparation ou son divorce.Dans ses déterminations du 11 juin 2001, X.________ a notamment affirmé, parl'intermédiaire de son avocat, qu'il n'avait pas fait de déclarationsmensongères, ni dissimulé de faits essentiels au Département fédéral dejustice et police (DFJP) et qu'au moment où il avait demandé la nationalitésuisse, ainsi que lorsqu'il l'avait reçue, il vivait effectivement encommunauté conjugale avec son épouse, son couple ne connaissant en outre pasde difficultés matrimoniales. Il a ajouté que la vie commune avait duré plusd'une année encore après la décision de naturalisation facilitée, que sesdifficultés conjugales étaient apparues au printemps 2000 et que les épouxvivaient séparés depuis le mois de mai de cette année-là; un projet deconvention matrimoniale avait été élaboré en juillet 2000, mais il n'avaitpas été homologué, et des pourparlers avaient été initiés avec son épouse "envue de formaliser les modalités de leur vie séparée". Après avoir rappelé lescirconstances de leur rencontre, l'intéressé a encore souligné qu'il avait dûrenoncer à la nationalité de son pays d'origine après l'acquisition de lanationalité suisse, "conformément aux prescriptions du droit congolais(ex-Zaïre)". A.d Par courrier du 5 février 2003, l'Office fédéral a informé le conseil deX.________ qu'il résultait d'autres investigations que son client avaitobtenu la naturalisation facilitée par des déclarations mensongères ou par ladissimulation de faits essentiels. Il avait en effet été constaté, sur labase d'informations confidentielles qui ne pouvaient être divulguées enraison d'intérêts privés importants au sens de l'art. 27 al. 1 let. b PA, quel'intéressé aurait abusé de son mariage avec une ressortissante suisse pourassurer son séjour en Suisse et obtenir la nationalité de ce pays, ce quiétait corroboré par le fait que les époux s'étaient séparés peu de tempsaprès l'obtention de dite nationalité. L'office envisageait donc d'annuler sanaturalisation facilitée et lui impartissait un délai pour se prononcer surcette mesure. X. ________, agissant par son mandataire, a présenté de nouvellesdéterminations le 7 mars 2003, sollicitant préalablement de pouvoir consulterles pièces du dossier. Sur le fond, il a notamment exposé que c'était sonépouse qui avait éprouvé le besoin de se séparer de lui en mai 2000 et que,malgré ses multiples tentatives pour reprendre la vie commune, elle s'y étaitopposée. Il a de plus soulevé une violation de son droit d'être entendu, dansla mesure où, l'accès au dossier lui étant interdit, il lui était impossiblede se déterminer sur les faits et motifs invoqués par l'Office fédéral, quiétaient tenus pour confidentiels.Le 28 mars 2003, l'Office fédéral a accordé à X.________, par l'intermédiairede son conseil, le droit de consulter les pièces de la cause, dont une note,datée du même jour, précisait ce qui suit:"Le dossier contient des informations confidentielles qui ne peuvent êtredivulguées en raison de la protection des données (cf. articles 27 et 28 dela loi sur la procédure administrative (PA). En effet, d'importants intérêtsprivés exigent que le secret soit gardé (art. 27, alinéa 1, lettre b PA).Toutefois, il en ressort que Monsieur X.________ aurait abusé du mariage avecMadame Y.________ pour assurer son séjour en Suisse et, par la suite, obtenirla nationalité suisse. Il en ressort aussi que la communauté conjugale nepouvait plus être qualifiée de stable au moment de la naturalisation".Par courrier du 25 avril 2003, X.________ a reproché à l'Office fédéral, parle biais de son mandataire, de ne pas lui avoir transmis, contrairement à sademande spécifique, l'intégralité du dossier en caviardant, au besoin, lesnoms des personnes susceptibles d'être identifiées pour maintenir lasauvegarde des intérêts privés au sens de l'art. 27 PA. Affirmant qu'il luiétait impossible de réfuter les arguments sur lesquels cette autoritéentendait se fonder pour prononcer une éventuelle décision d'annulation de sanaturalisation facilitée, il a confirmé les conclusions prises dans sesdéterminations du 7 mars 2003. B.Par décision du 19 novembre 2003, l'Office fédéral a prononcé, avecl'assentiment des autorités compétentes des cantons concernés, l'annulationde la naturalisation accordée à X.________ le 22avril 1999. Contre cette décision, celui-ci a déposé un recours administratif que le DFJPa rejeté le 10 mai 2006. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande auTribunal fédéral d'annuler la décision du DFJP du 10 mai 2006 et,principalement, de maintenir la naturalisation facilitée qui lui a étéoctroyée le 22 avril 1999; subsidiairement, il requiert le renvoi du dossierà l'autorité fédérale pour nouvelle décision dans le sens des considérants,le tout sous suite de frais et dépens. Des déterminations sur le fond n'ontpas été requises. D.Par ordonnance du 28 juin 2006, le président de la cour de céans a admis lademande d'effet suspensif présentée par le recourant. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition larecevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p.156;131 II 58 consid. 1 p. 59 et les références). 1.1 La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de droitadministratif en vertu des art. 51 LN, 97 et 98 let. b OJ. En effet, commeelle a trait à une naturalisation facilitée, et non à une naturalisationordinaire, elle n'est notamment pas visée par le motif d'exclusion de l'art.100 al. 1 let. c OJ (arrêt 5A.26/2005 du 7décembre 2005 consid. 1.1 et lajurisprudence citée; cf. aussi ATF 105 Ib 154 consid. 1 p. 156). Déposé entemps utile et dans les formes requises par une personne ayant manifestementqualité pour l'interjeter, le présent recours est dès lors recevable auregard des art.98 let. b, 103 let. a, 106 al. 1 et 108 OJ. 1.2 Conformément à l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit administratifpeut être formé pour violation du droit fédéral, y compris pour excès ou abusdu pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid.2a p. 60). Saisi d'un telrecours, le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral,qui englobe notamment les droits constitutionnels (ATF 129 II 183 consid. 3.4p. 188; 128 II 56 consid.2b p. 60). Comme il n'est pas lié par les motifsque les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisonsque celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décisionattaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art.114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 précité). Le recourant peut aussi seplaindre d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art.104 let. b OJ). Lorsque, comme en l'espèce, la décision n'a pas été renduepar une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit d'office et librementles constatations de fait de l'autorité intimée (art.105 al. 1 OJ), qui nele lient pas (art. 105 al. 2 OJ, a contrario). 2.2.1En vertu de l'art. 27 al. 1 LN, un étranger peut, ensuite de son mariageavec un ressortissant suisse, former une demande de naturalisation facilitées'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout, ou s'il y réside depuis uneannée et vit depuis trois ans en communauté conjugale avec ce ressortissantsuisse. La naturalisation facilitée ne peut pas être accordée, enparticulier, s'il n'y a pas de communauté conjugale au moment du dépôt de larequête ou à la date de la décision de naturalisation. Selon lajurisprudence, la notion de communauté conjugale au sens de l'art. 27 LNrequiert non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore unevéritable communauté de vie des conjoints. Tel est le cas s'il existe unevolonté intacte des deux époux de maintenir une union conjugale stable. Unedemande en divorce déposée peu après l'obtention de la naturalisationfacilitée est un indice d'absence de cette volonté lors de l'octroi de lacitoyenneté suisse (ATF 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121II49 consid. 2b p.52 et les arrêts cités). 2.2 Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17novembre 1999 sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'ODM peut, avecl'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans lanaturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par ladissimulation de faits essentiels. Pour que la naturalisation facilitéepuisse être annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors quel'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut surtoutqu'elle ait été obtenue grâce à un comportement déloyal et trompeur (ATF 130II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid.4a p. 101). Point n'est besoind'une astuce au sens où ce terme est utilisé dans la définition del'escroquerie en droit pénal. Mais il est nécessaire que l'intéressé aitdonné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait sciemmentlaissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 130 II 482précité). Tel est le cas si, par exemple, le requérant déclare vivre encommunauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de divorcer une foisobtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ounon déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 5A.26/2005 du 7décembre2005 consid. 2.2; 5A.7/2003 du 28 août 2003 consid. 3). La nature potestative de la prescription énoncée à l'art. 41 al. 1 LN confèreune certaine liberté d'appréciation à l'autorité administrative compétente.Dans l'exercice de cette liberté, celle-ci doit s'abstenir de tout excès ouabus. Commet un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation l'autorité qui sefonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstancespertinentes ou rend une décision tout simplement arbitraire, contraire au butde police de la loi ou au principe de la proportionnalité (cf. ATF 130 III176 consid. 1.2 p. 180 et les références). 2.3 En procédure administrative fédérale prévaut le principe de la libreappréciation des preuves (art. 40 PCF par renvoi de l'art. 19 PA). Libre,l'appréciation des preuves l'est avant tout en ce qu'elle n'obéit pas à desrègles de preuve légales, qui prescriraient à quelles conditions précisesl'autorité devrait considérer que l'administration de la preuve a réussi etquelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens depreuve les uns par rapport aux autres. Lorsque la décision intervient, commeen l'espèce, au détriment de l'intéressé, l'administration supporte lefardeau de la preuve. Quand elle envisage d'annuler la naturalisationfacilitée, l'autorité compétente doit rechercher si l'époux naturalisé amenti lorsqu'il a déclaré former une communauté conjugale stable avec sonconjoint suisse; comme il s'agit là d'un fait psychique en relation avec desfaits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus del'administration et difficiles à prouver, il est légitime que l'autoritécompétente puisse se fonder sur une présomption. Dès lors, si l'enchaînementrapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation aété obtenue frauduleusement, il appartient à l'administré, en raison nonseulement de son obligation de collaborer à l'établissement des faits (art.13 PA), mais encore de son propre intérêt, de renverser cette présomption(ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485/486 et les références citées). Comme il s'agit d'une présomption de fait, qui relève simplement del'appréciation des preuves (Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du codecivil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1, Fribourg 1969, p. 249, avecles références) et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. les auteurscités à l'ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486, ainsi que Fabienne Hohl,Procédure civile, t. I, n. 958 ss p. 185 s. et n. 1132 p. 218), l'administrén'a pas besoin, pour la renverser, d'apporter la preuve du contraire du faitprésumé, soit de faire acquérir à l'autorité compétente la certitude qu'iln'a pas menti; il suffit que, par l'administration d'une ou de plusieurscontre-preuves, il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilitéraisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une union stable avecson conjoint. Il peut le faire soit en rendant vraisemblable la survenanced'un événement extraordinaire, susceptible d'expliquer une dégradation rapidedu lien conjugal, soit qu'il n'avait pas encore conscience de la gravité desproblèmes rencontrés par son couple - et qu'il avait, par conséquent, encorela volonté réelle de former une union
stable avec son conjoint - au moment oùil a signé sa déclaration. 3.Le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir violé les art. 26 à28PA en fondant sa décision sur des pièces du dossier dont elle lui a refusél'accès. Le risque de représailles craint par la ou les personnes ayantfourni les informations litigieuses serait totalement infondé, de sortequ'aucun intérêt privé ne justifiait que le secret soit gardé. Il conteste enoutre que le contenu essentiel de ces informations lui ait été communiqué,dès lors que la note de dossier du 28 mars 2003 se limite à formuler lesconclusions auxquelles l'autorité est parvenue, sans indiquer le moindreélément susceptible d'étayer sa position. Ainsi, aucune occasion ne luiaurait été donnée, de facto, de se déterminer à ce sujet. 3.1 Le droit à la consultation des pièces peut être limité lorsque desintérêts publics ou privés importants exigent que le secret soit gardé (cf.art. 26 et 27 PA; ATF 121 I 225 consid. 2 p. 227 ss). Selon l'art.28PA, unepièce dont la consultation a été refusée à la partie ne peut être utilisée àson désavantage que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou parécrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outrel'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves (cf. ATF 115 Ia 293consid. 5c p. 304). 3.2 Selon la décision attaquée, les informations en question faisaient étatde ce que le recourant avait abusé de son mariage avec une citoyenne suissepour obtenir la nationalité helvétique; elles émanaient d'un tiers qui avaitexpressément demandé que ni les informations fournies, ni son identité nesoient révélées à l'intéressé, car il craignait notamment une réactionviolente de celui-ci. Le DFJP a considéré que, ces craintes n'étant pasinfondées, l'Office fédéral avait correctement appliqué les art. 27 et 28 PA,puisqu'il avait communiqué au recourant le contenu essentiel des informationslitigieuses et lui avait donné l'occasion de se déterminer à ce sujet; audemeurant, vu l'examen des faits pertinents et leur déroulementchronologique, le recours devait être rejeté même sans tenir compte desinformations en question. Dès lors que, concrètement, ces informations n'apparaissent pas décisives, legrief de violation des art. 26 à 28 PA tombe à faux (arrêt 5A.7/2003 du 25août 2003 consid. 2.2; cf. ATF 126 I 15 consid.2a/aa p. 16; 122 I 53consid. 4a p. 55; 119 Ia 134 consid. 2d p.139; 117 II 630 consid. 2b nonpublié; 109 Ia 217 consid. 5b p.233/234). 4.Le DFJP estime que l'examen des faits pertinents de la cause et leurdéroulement chronologique particulièrement rapide sont de nature à fonder laprésomption selon laquelle, au moment de la signature de la déclarationcommune du 8 mars 1999, le recourant n'avait plus la volonté, si tant estqu'il l'ait jamais eue, de maintenir une communauté conjugale stable au sensde l'art. 27 LN. Tout porte donc à penser que, par son mariage avec uneressortissante suisse, le recourant cherchait avant tout à obtenir uneautorisation de séjour, puis la nationalité suisse. A défaut decontre-preuves apportées par celui-ci, il y a lieu de s'en tenir à laprésomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement. 4.1 A l'appui de son appréciation, le département intimé relève quel'intéressé est arrivé pour la première fois en Suisse le 4 décembre 1991 etqu'il a été renvoyé dans son pays d'origine en octobre 1992, au terme d'uneprocédure d'asile. Après s'être marié en France avec Y.________, il estrevenu en Suisse le 14 février 1994, où il a déposé, le 23 février 1998, unedemande de naturalisation facilitée. Le 8 mars 1999, les époux ont signé unedéclaration commune attestant du caractère stable et effectif de leur union.Sur la base de ce document, le recourant s'est vu accorder, par décision du22 avril 1999, la naturalisation facilitée. Or, dès le 1er mai 2000, il s'estséparé de son épouse en prenant un autre domicile et n'a, à ce jour, plusjamais partagé le même toit qu'elle; de plus, il envisage actuellement dedivorcer. 4.2 Le recourant reproche au DFJP d'avoir enfreint l'art. 41 LN. Il soutientqu'aucun élément du dossier ne permet de présumer qu'il n'avait plus lavolonté, le 8 mars 1999, de maintenir une communauté conjugale stable. Eneffet, la seule séparation des époux un an après l'obtention de sanaturalisation serait manifestement insuffisante pour fonder une telleprésomption. Il relève que les conjoints avaient auparavant connu six ans devie commune harmonieuse, de sorte qu'on ne saurait parler de déroulementchronologique "particulièrement rapide" des événements. Au contraire, selonle cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, il n'est pas du toutsurprenant qu'un couple qui a vécu maritalement [sic] durant plusieurs annéesse sépare l'année suivante. De même, l'engagement d'une procédure en divorceaprès onze ans de mariage, dont six ans de vie commune, ne saurait fonder lamoindre présomption quant à ses intentions prétendument frauduleuses il y asept ans de cela. Il se plaint aussi d'une violation des art. 8 et 9 Cst. 4.3 Il est vrai que le temps écoulé entre la signature de la déclarationcommune, respectivement la naturalisation, et le signe extérieurementperceptible de la rupture de l'union conjugale, à savoir la séparation, peutaller à l'encontre d'une présomption de fait. L'expérience enseigne aussi quecertains événements graves peuvent remettre en cause la vie commune d'unemanière relativement inopinée. Le recourant n'indique toutefois pas lemoindre élément de fait qui permettrait de comprendre pourquoi la communautéconjugale formée avec son épouse, bien que soi-disant encore intacte auprintemps 1999, ne l'était déjà plus un an après. Dans ces circonstances, ily a lieu de s'en tenir à la présomption, qui se justifie vu le laps de tempstout de même relativement court entre la décision de naturalisation et laséparation des conjoints, présomption que corroborent au demeurant d'autresindices (mariage consécutif au rejet d'une requête d'asile, grande différenced'âge entre les époux, dépôt rapide de la demande de naturalisation) et quele recourant n'a pas tenté de renverser. 4.4 La violation des art. 8 et 9 Cst. n'est par ailleurs pas démontrée. Eneffet, on ne voit pas en quoi le DFJP aurait fait preuve d'inégalité detraitement ou d'arbitraire, l'application de l'art. 41 LN dans des caspouvant paraître plus graves que la présente espèce ne signifiant pas encoreque les conditions d'annulation de la naturalisation facilitée du recourantne seraient pas remplies. Le fait que celui-ci n'aurait plus aucun lien avec son pays d'origine, danslequel il ne se serait plus rendu depuis son installation en Suisse, est enoutre sans pertinence pour déterminer s'il y a eu obtention frauduleuse de lanaturalisation au sens de l'art. 41 LN, à savoir un comportement déloyal ettrompeur; il n'est pas non plus décisif que le recourant n'ait pas eu d'autreépouse que Y.________, que celle-ci ait déclaré dans une lettre du 11décembre 2003 qu'elle - et non pas lui - s'était mariée de bonne foi, niqu'il se soit écoulé presque trois ans entre l'annonce d'une éventuelleprocédure en annulation et la décision prise en ce sens. De même, la circonstance que le recourant ait dû renoncer à sa nationalitécongolaise, de sorte qu'il risquerait de devenir apatride, ne permet pasd'empêcher l'annulation de la naturalisation facilitée. Si celle-ci a étéobtenue frauduleusement, l'intéressé doit supporter les conséquences quirésultent pour lui de la perte de la nationalité suisse. Admettre qu'il enaille autrement reviendrait à conférer aux apatrides potentiels uneprotection absolue contre une éventuelle annulation de la naturalisationfacilitée; or c'est cela, et non pas l'inverse, qui contreviendrait auprincipe de l'égalité de traitement (arrêts 5A.22/2004 du 30 août 2004consid. 3.2; 5A.18/2003 du 19novembre 2003 consid. 3.3). 5.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais deson auteur (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et auDépartement fédéral de justice et police. Lausanne, le 13 juillet 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.22/2006
Date de la décision : 13/07/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-13;5a.22.2006 ?
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