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11/07/2006 | SUISSE | N°6A.45/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 juillet 2006, 6A.45/2006


{T 0/2}6A.45/2006 /rod Arrêt du 11 juillet 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, contre Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne. Exécution de l'expulsion judiciaire, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif ducanton de Vaud du 1er mai 2006. Faits: A.X. ________, ressortissant albanais né en 1960, est arrivé en Suisse pour lapremière fois en 1997. Il a successivement déposé trois d

emandes d'asile,dont il a chaque fois été débouté. Le 23 aoû...

{T 0/2}6A.45/2006 /rod Arrêt du 11 juillet 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, contre Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne. Exécution de l'expulsion judiciaire, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif ducanton de Vaud du 1er mai 2006. Faits: A.X. ________, ressortissant albanais né en 1960, est arrivé en Suisse pour lapremière fois en 1997. Il a successivement déposé trois demandes d'asile,dont il a chaque fois été débouté. Le 23 août 1999, il a été condamné pour infraction grave à la loi fédéralesur les stupéfiants à huit ans de réclusion, sous déduction de cinq centseptante-quatre jours de détention préventive, et à quinze ans d'expulsion duterritoire suisse. Par décision du 6 mai 2003, définitive et exécutoiredepuis le 4 juillet suivant, la Commission de libération du canton de Vaud aordonné sa libération conditionnelle mais refusé de différer son expulsion àtitre d'essai (art. 55 al. 2 CP). B.X.________ souffre d'une affection pulmonaire sévère et invalidante,nécessitant une prise en charge pneumologique spécialisée et des traitementssophistiqués associés à une physiothérapie intensive. Cette affection limiteses chances de survie à moyen terme. Le 11 juin 2004, après avoir exercé sans succès un recours en grâce tendant àla remise de sa peine accessoire d'expulsion, X.________ a saisi le Servicede la population du canton de Vaud d'une demande en constatation del'incompatibilité de l'exécution de l'expulsion avec le principe denon-refoulement prévu aux art. 5 LAsi et 3 CEDH. Il faisait valoir qu'enl'absence d'infrastructure médicale adéquate en Albanie et au Kosovo - d'oùest originaire son épouse - son retour dans son pays d'origine ou sonémigration dans la province d'origine de son épouse compromettrait gravementsa survie. Il a produit divers certificats médicaux et confirmé sa demande le23 décembre 2004. Le 11 janvier 2005, il a aussi demandé, pour les mêmes motifs, lareconsidération de son renvoi par l'Office fédéral des réfugiés. L'office atransmis la demande au Service pénitentiaire du canton de Vaud, comme objetde sa compétence. X.________ a alors présenté, le 21janvier 2005, unedemande de report sine die de son expulsion au service pénitentiaire. Le 27 janvier 2005, le chef du Département vaudois des Institutions et desRelations Extérieures (ci-après DIRE), dont dépendent les deux servicesconcernés, s'est saisi des demandes de X.________. Par décision du 5 octobre2005, il les a rejetées et dit que l'expulsion pouvait être exécutée. C.Par arrêt du 1er mai 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud arejeté le recours exercé par X.________ contre la décision du chef du DIRE. En substance, les juges cantonaux ont considéré que X.________, à qui laqualité de réfugié avait été déniée par décisions entrées en force, nepouvait se fonder sur les art. 5 LAsi et 33 de la Convention de Genèverelative au statut des réfugiés (RS 0.142.30). Il pouvait tout au plusinvoquer l'art. 3 CEDH, qui interdit la torture et les traitements inhumainsou dégradants. Mais les renseignements recueillis par le chef du DIRE sur lesinfrastructures médicales existant en Albanie et au Kosovo laissaientapparaître que l'intéressé ne se trouverait pas privé des soins appropriés etqu'il ne serait dès lors pas exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDHà son retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'exécution del'expulsion ne porterait pas atteinte à sa vie privée et familiale d'unemanière incompatible avec l'art. 8 CEDH, puisque son épouse n'avait pas undroit de présence assuré en Suisse. Contrairement à ce que soutenaitX.________, rien ne s'opposait donc à l'exécution de son expulsion. D.Contre cet arrêt, dont il demande l'annulation, X.________ interjette unrecours de droit administratif au Tribunal fédéral, pour violation des art.3et 8 CEDH. Il requiert d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Invité à se déterminer, le Tribunal administratif du canton de Vaud a concluau rejet du recours, sans motiver ses conclusions. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Les décisions de dernière instance cantonale qui ordonnent l'exécution d'uneexpulsion judiciaire, ou constatent la licéité de l'exécution d'une telleexpulsion, peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif, maisuniquement pour violation du principe de non-refoulement prévu aux art. 45LAsi, 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (RS0.142.30), 3 CEDH et 3 de la Convention de New-York contre la torture etautres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0. 105), oupour violation de droits de rang constitutionnel dans l'application de cesdispositions légale et conventionnelles (ATF 121 IV 345 consid. 1a p. 347s.). En particulier, dans la mesure où elles concernent un condamné dont lasituation familiale a pu être examinée à l'occasion de la libérationconditionnelle, ces décisions ne peuvent pas faire l'objet d'un recours dedroit administratif pour violation de l'art. 8 CEDH (cf. art. 101 let. c OJ;arrêt 6A.76/2005 du 9mars 2006, consid. 4). Le présent recours n'est dèslors recevable que dans la mesure où il est exercé pour violation de l'art. 3CEDH. 2.Aux termes de l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à despeines ou traitements inhumains ou dégradants. 2.1 Cette disposition confère notamment à tout étranger le droit, quelles quesoient la gravité et la dangerosité des actes qui lui sont reprochés (cf.arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans la cause Chahal contreRoyaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V p. 1855, par. 79 et 80), dene pas être extradé ou expulsé vers un État dans lequel il y a des raisonssérieuses de croire qu'il sera soumis à de tels traitements (JochenFrowein/Wolfgang Peukert, EMRK-Kommentar, 2ème éd., n. 18 ad art. 3 CEDH, p.52; Jacques Velu/Rusen Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme,Extrait du Répertoire pratique du droit belge, Complément t.VII, n. 262 p.212 ss et les références). Elle donne ainsi une garantie absolue denon-refoulement, mais seulement en cas de risques graves pour l'intéressé(ATF 121 II 296 consid. 5a/aa et les références). D'après la jurisprudence des organes institués par la Convention, l'absencede soins appropriés dans le pays de destination peut poser problème en cas demaladie grave de l'étranger extradé ou expulsé. Ainsi, la Cour a jugé quel'expulsion d'un sidéen en phase terminale vers un pays où les soinsnécessaires ne pourraient lui être prodigués violait l'art. 3 CEDH, eu égardà l'ensemble des circonstances de ce cas particulier (arrêt D. contreRoyaume-Uni du 2 mai 1997, Recueil 1997-III, p. 777, par. 49 à 54).Cependant, elle a précisé que les non-nationaux qui ont purgé leur peined'emprisonnement et sont sous le coup d'une décision d'expulsion ne peuventen principe pas revendiquer le droit de rester sur le territoire d'un Étatcontractant afin de continuer à bénéficier de l'assistance médicale, socialeou autre qui leur avait été assurée durant leur séjour en prison par l'Étatqui les expulse (arrêt D. précité, par. 54). L'art. 3 CEDH ne fait obstacle àl'extradition ou à expulsion d'un étranger en raison de problèmes médicauxque dans des circonstances très exceptionnelles et pour autant que soient enjeu des considérations humanitaires impérieuses (arrêt D. précité, par. 54;décision de la Commission européenne des droits de l'homme dans la cause N.A. D. C. contre Suisse du 30 octobre 1998, partiellement publiée in JAAC 1999n° 104 p. 967; plus récemment, arrêt de la Cour dans la cause Amegnigancontre Pays-Bas du 25 novembre 2004, déclarant irrecevable la requête n°25629/04). 2.2 En l'espèce, les médecins qui ont établi les certificats versés audossier ont exprimé l'avis que l'expulsion du recourant à destination del'Albanie ou du Kosovo aggraverait son pronostic vital à moyen terme, parceque les infrastructures médicales existant là-bas ne seraient pas adaptées àson cas. Mais les juges cantonaux ont considéré que, pour évaluer les moyensmédicaux disponibles en Albanie et au Kosovo, les médecins consultés par lerecourant s'étaient fondés sur des supputations. Sur ce point, les jugescantonaux ont dès lors écarté l'avis des médecins, pour se fonder sur lesrenseignements que le chef du DIRE avait obtenus de la Section d'analyse surles migrations et sur les pays de l'Office fédéral des migrations (arrêtattaqué, consid. 3 p.8/9). Opérée par une autorité judiciaire etn'aboutissant pas à des constatations de fait manifestement inexactes, cetteappréciation des preuves lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ). Les renseignements fournis par l'Office fédéral des migrations au chef duDIRE mentionnent l'existence, dans la banlieue de Tirana, d'une cliniquespécialisée dans le traitement des maladies pulmonaires, dotée d'uneinfrastructure suffisante. Ils indiquent encore que, si les conditionsgénérales de travail, l'équipement en appareils, ainsi que les conditionsd'hygiène et sanitaires ne correspondent que partiellement aux exigenceseuropéennes, les médicaments prescrits en Suisse sont disponibles, à un prixplus avantageux (arrêt attaqué, let. E p. 5/6). Il ressort donc de cesrenseignements, retenus par les juges cantonaux, que le recourant pourrait sefaire soigner en Albanie. Certes, les conditions dans lesquelles il recevraitdes soins ne seraient pas aussi favorables qu'en Suisse, mais cettedifférence n'est pas décisive au regard de l'art. 3 CEDH (cf. arrêt Amegniganprécité). Son épouse pourrait le suivre dans ce pays et le soutenirmoralement, voire financièrement. Les circonstances exceptionnelles et lesconsidérations humanitaires impérieuses de la nature de celles qui étaient enjeu dans l'arrêt D. précité de la Cour européenne des droits de l'homme nesont ainsi pas réalisées. L'exécution de l'expulsion judiciaire du recourantne violera dès lors pas l'art. 3 CEDH. Partant, le recours doit être rejetédans la mesure où il est recevable. 3.Comme il est apparu d'emblée que le recours était mal fondé, la requêted'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al.1OJ), arrêtés à 800 fr. (art. 153a OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auTribunal administratif du canton de Vaud et au Département fédéral de justiceet police. Lausanne, le 11 juillet 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.45/2006
Date de la décision : 11/07/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-11;6a.45.2006 ?
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