La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2006 | SUISSE | N°5P.51/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2006, 5P.51/2006


{T 0/2}5P.51/2006 /fzc Arrêt du 10 juillet 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffière: Mme Jordan. X. ________,recourant, représenté par Me Gisèle de Benoit, avocate, contre Y.________,intimée, représentée par Me Jean-Samuel Leuba, avocat,Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, Palais de Justice deMontbenon, 1014 Lausanne. art. 9 Cst. (mesures provisoires selon l'art. 137 CC), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal civil de l'arrondissementde Lausanne du 21 décembre 2005. Faits: A.X. ________, né en 1944, et Y.________,

née en 1954, se sont mariés le 14décembre 1979. Aucun enfan...

{T 0/2}5P.51/2006 /fzc Arrêt du 10 juillet 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffière: Mme Jordan. X. ________,recourant, représenté par Me Gisèle de Benoit, avocate, contre Y.________,intimée, représentée par Me Jean-Samuel Leuba, avocat,Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, Palais de Justice deMontbenon, 1014 Lausanne. art. 9 Cst. (mesures provisoires selon l'art. 137 CC), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal civil de l'arrondissementde Lausanne du 21 décembre 2005. Faits: A.X. ________, né en 1944, et Y.________, née en 1954, se sont mariés le 14décembre 1979. Aucun enfant n'est issu de cette union. B.Par demande du 22 mars 1999, X.________ a ouvert action en divorce. Le mêmejour, il a requis des mesures provisionnelles tendant au paiement d'unecontribution d'entretien en sa faveur, lesquelles ont été rejetées le 5 maisuivant. En bref, après avoir constaté les revenus et charges des parties, lePrésident du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a considéré qu'ilfallait s'écarter d'un strict partage par moitié du solde disponible vu lesfrais de dentiste importants auxquels devrait encore faire face la femme etpour tenir compte du fait que celle-ci ne devait pas pâtir du choix d'unlogement plus modeste; il a ainsi jugé que l'allocation d'une contribution aumari qu'aurait induit un partage du disponible ne se justifiait pas, lesbudgets étant au demeurant équilibrés et dépassant chacun de façon notable leminimum vital respectif des époux. Le 22 septembre 2005, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement deLausanne a écarté la nouvelle requête de mesures provisionnelles du mari,lequel concluait au versement d'une contribution d'entretien de 1'000 fr. àpartir du 1er juillet 2004. Statuant le 21 décembre 2005, le Tribunal civil de l'arrondissement deLausanne a rejeté, sous suite de frais et dépens, l'appel interjeté parX.________, confirmé l'ordonnance de mesures provisionnelles du 22septembreprécédent et déclaré son arrêt immédiatement exécutoire. En bref, il a jugéque la décision du Président était conforme aux règles du droit et del'équité (art. 4 CC) et qu'il n'existait, en l'état, aucun élément nouveau,ou qui aurait été ignoré du premier juge, justifiant que l'intimée accorde -ne serait-ce que pour quelques mois - un entretien à son époux. C.X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre cetarrêt dont il demande l'annulation. Il sollicite en outre l'assistancejudiciaire. L'intimée propose le rejet du recours; l'autorité cantonale n'a pas répondu. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156 et la jurisprudencecitée). 1.1 Les décisions de mesures provisionnelles en matière de divorce ne peuventfaire l'objet que d'un recours de droit public (ATF 100 Ia 12 consid. 1a et bp. 14; 126 III 261 consid. 1 p. 262 et les arrêts mentionnés). Le présentrecours a de plus été déposé en temps utile, compte tenu des féries de Noël(art. 89 al. 1 et 34 al. 1 let. c OJ). 1.2 Sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas en considération en l'espèce(art. 86 al. 2 OJ), le recours de droit public n'est recevable qu'àl'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1OJ). Cela suppose que le grief soulevé devant le Tribunal fédéral ne puissepas être soumis à une autorité cantonale par la voie d'un recours ordinaireou extraordinaire (ATF 126 III 485 consid. 1a p.486/487 et la référence). Dans le canton de Vaud, l'arrêt sur appel en matière de mesuresprovisionnelles peut faire l'objet d'un recours en nullité pour tous lesmotifs prévus par l'art. 444 al. 1 CPC vaud., et, en particulier, pourviolation des règles essentielles de procédure (ch. 3), soit pour déni dejustice formel et pour appréciation arbitraire des preuves (ATF 126 I 257;JdT 2001 III p. 128). Interjeté, non pour ces motifs, mais pour arbitrairedans l'application du droit civil fédéral, le présent recours est doncrecevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ. 2.Il ne sera pas tenu compte des allégations contenues dans la partie "FAITS"du recours qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué et dont le recourant nedémontre pas qu'elles auraient fait l'objet d'un recours cantonal pourappréciation arbitraire des preuves (cf. supra consid.1.2). Dans la mêmemesure, la réponse est irrecevable. 3.Le recourant se plaint d'une application arbitraire de l'art. 163 al. 1 CCqui fonde l'obligation d'entretien dans le cadre des mesures provisoires del'art. 137 CC. 3.1 Le tribunal d'arrondissement a jugé conforme aux règles du droit et del'équité (art. 4 CC) l'ordonnance sur mesures provisoires du 22septembre2005 refusant au recourant l'allocation d'une contribution d'entretien dès le1er juillet 2004; il n'existait, en l'état, aucun élément nouveau, ou quiaurait été ignoré du premier juge, justifiant que l'intimée accorde - neserait-ce que pour quelques mois - un entretien à son époux. En effet, en dépit de la diminution de ses revenus (4'630 fr. en 1999, 2'742fr. en 2005) due à l'échéance de certaines de ses polices d'assurance-vie, lemari, entièrement invalide, pouvait encore faire face à ses besoinsimmédiats, son minimum vital étant couvert (2'500 fr. environ, inchangédepuis 1999, comprenant le minimum de base, le loyer et l'assurance maladie).En outre, selon les critères de l'art. 125 CC, le devoir de solidarité entreles conjoints s'était estompé à la faveur de l'indépendance économique, au vude la durée de la séparation des parties: plus celle-là était ancienne, plusle devoir d'entretien des époux tendait à disparaître; en l'occurrence, laprocédure avait été initiée en 1999. Par ailleurs, selon l'autorité cantonale, le fait que l'épouse perçoive unerente AI pour conjoint ne fondait pas le versement d'aliments durant lalitispendance. En effet, la rente complémentaire était une contributionversée par l'AI en faveur de la femme, seule bénéficiaire, et dont le servicen'était assuré que pour la durée du mariage; le recourant ne disposeraitd'aucun moyen pour la récupérer après le divorce dès lors qu'elle tomberaitipso jure. L'enjeu - pour peu qu'il eût existé - était ainsi limité dans letemps, d'autant que l'audience de jugement était d'ores et déjà appointée au24 novembre 2005. Enfin, que le recourant eût demandé en 1983 le remboursement d'une partie desa caisse de prévoyance pour financer les études de son épouse et lesdépenses liées à la réfection de la maison dont celle-ci était propriétaireen France était une question relevant de la liquidation du régime matrimonialdont seul devait connaître le juge du fond. Il en allait pareillement del'éventuelle diminution de la rente AI résultant du remboursement du capitalde prévoyance. 3.2 Pour le recourant, ce raisonnement est insoutenable. Il serait choquantque l'époux, qui ne peut améliorer sa situation financière en raison de soninvalidité, voie ses ressources limitées à la couverture de ses besoinsminimaux, alors que celui qui jouit de son entière capacité de gain, et parlà de ressources nettement supérieures à celles de son conjoint invalide,augmente encore ses revenus grâce à son statut de conjoint de rentier AI,sans que lui soit faite l'obligation d'en affecter une partie à l'entretiende son conjoint. Il s'agirait, en l'espèce, d'une situation où le devoir desolidarité entre les époux devrait l'emporter, ces derniers ayant vécu enménage commun plus de dix ans et la procédure de divorce ayant été initiéequelque vingt ans après la célébration du mariage. 3.3 Cette critique n'est pas dénuée de pertinence. Si, comme l'a relevé le Tribunal d'arrondissement, il y a lieu d'apprécier,dans le cadre des mesures provisoires de l'art. 137 CC, la situation d'uncouple séparé totalement désuni en s'inspirant des principes régissantl'hypothèse du divorce, il n'en demeure pas moins que, en pareil cas, l'art.163 al. 1 CC constitue la cause de l'obligation d'entretien (ATF 130 III 537consid. 3.2 p. 541). Les deux époux doivent ainsi participer, chacun selonses facultés, aux frais engendrés par l'existence parallèle de deux ménages(arrêt 5P. 352/2003 du 28 novembre 2003, consid. 2.3 publié in FamPra.ch 2004p. 401; arrêt 5P. 437/2002 du 3 juin 2003, consid. 4 publié in FamPra.ch 2003p. 880). De plus, l'absence de perspectives de réconciliation ne saurait àelle seule justifier la suppression de toute contribution d'entretien. L'art.125 CC, auquel il convient de se référer dans une telle hypothèse, concrétiseen effet deux principes: d'une part, comme l'a considéré l'autoritécantonale, celui du "clean break", qui veut que, dans la mesure du possible,chaque époux acquière son indépendance économique et subvienne lui-même à sonentretien (rupture des liens matrimoniaux); d'autre part, celui de lasolidarité, qui implique que les conjoints sont responsables l'un enversl'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté pendant lemariage a pu avoir sur la capacité de gain de l'autre, mais également desautres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien(cf. Message du Conseil fédéral du 15 novembre 1995 concernant la révision ducode civil suisse, FF 1996 I n. 144.6 p. 31-32; arrêt 5P. 352/2003 du 28novembre 2003 consid. 2.3 publié in FamPra.ch 2004 p. 401; arrêt 5P.437/2002du 3 juin 2002, consid. 4 publié in FamPra.ch 2003 p. 880). En l'espèce, la procédure de divorce a été initiée en 1999 et, depuis lors,par décision de mesures provisoires, les époux ont vécu économiquement defaçon indépendante. Chacun a en effet couvert ses dépenses indispensables(2'250 fr. pour la femme; 2'500 fr. pour le mari) avec ses propres revenus(4'960 fr. [rente complémentaire AI incluse], respectivement 4'630 fr.), touten disposant d'un solde disponible confortable. En effet, au vu des "budgetséquilibrés et dépassa[nt] chacun de façon notable le minimum vital respectif"des parties, mais aussi pour tenir compte des frais de dentiste importantsauxquels l'épouse devait encore faire face (11'200 fr. 80) et de la modicitéde son loyer (790 fr.), le juge des mesures provisoires avait décidé des'écarter d'un partage par moitié du solde disponible, lequel aurait justifiéune rente en faveur du mari. Il convient d'ajouter que le calcul avait étéopéré en comptant, dans les revenus de l'épouse, une rente AI complémentairepour conjoint et que l'époux bénéficiait alors d'assurances-vie luigarantissant des indemnités pour perte de gain en plus de sa rented'invalidité. Depuis le 1er juillet 2004, le recourant ne dispose plus que de 2'742 fr.,ses assurances perte de gain étant arrivées à échéance. Il subit ainsi unmanque à gagner qu'il ne pourra combler d'une autre manière vu son invaliditétotale. Certes, il peut encore subvenir seul à ses besoins immédiats,lesquels s'élèvent toujours à 2'500 fr., comprenant le minimum de base, leloyer et l'assurance-maladie. On ne saurait toutefois lui opposer ce seulargument pour lui refuser toute contribution d'entretien, alors que, d'unautre côté, l'intimée dispose d'un salaire de 4'597 fr. et touche une rentecomplémentaire AI de 604 fr., pour des dépenses incompressibles de 2'250 fr.En mesures provisoires, dans le cadre de la méthode dite du minimum vital, lerecourant dispose d'un droit au partage d'un éventuel excédent. Et, même dansla perspective d'un divorce, chacun des époux a le droit de participer demanière identique au train de vie antérieur (ATF 119 II 314 consid.4b/aa p.318, 114 II 26). Par ailleurs, l'autorité intimée ne pouvait sans arbitrairefaire fi du fait que l'épouse perçoit la rente complémentaire pour conjointd'un montant de 604 fr., motif pris qu'elle disposerait d'un droit propre àune telle rente. Si celle-ci est certes destinée à permettre au rentierd'assumer l'entretien de son conjoint, il n'en demeure pas moins que celui-làen est le seul titulaire (cf. ATF 119 V 425 consid. 4a p. 428 et lesréférences; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 305/2003 du 15février 2005, consid. 6.1) et qu'en l'espèce, l'intimée peut largementsubvenir à ses besoins élémentaires. Enfin, il n'est pas soutenable de nier le principe même d'une contributionmotif pris que l'enjeu de la question serait limité dans le temps, la rentecomplémentaire tombant ipso jure après le divorce et l'audience de jugementétant fixée à une date proche. Il est en effet possible de fixer une pensionéchelonnée tenant compte de l'extinction de la rente complémentaire. Enoutre, la décision de modification des contributions d'entretien prend enprincipe effet au moment du dépôt de la requête (ATF 111 II 103 consid. 4 p.107 s.; Leuenberger, op. cit., n. 18 ad art. 137 CC; cf. aussi arrêt 5P.205/2002 du 24 octobre 2002, consid. 2.2 publié in FamPra.ch 2003 p. 183).C'est en vain que l'intimée objecte que le recourant est responsable de lagestion hasardeuse de sa prévoyance, dispose de ressources suffisantespuisqu'il possède une voiture, pourtant non indispensable, et a une amiedepuis sept ans; ces allégations ne trouvent aucun appui dans l'arrêtattaqué. 4. Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé.L'intimée, qui succombe, supportera les frais de la procédure et versera desdépens au recourant (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Dans cette mesure, lademande d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.La demande d'assistance judiciaire du recourant est sans objet. 3.Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimée. 4.L'intimée versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal civil de l'arrondissement de Lausanne. Lausanne, le 10 juillet 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.51/2006
Date de la décision : 10/07/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-10;5p.51.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award