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04/07/2006 | SUISSE | N°1A.99/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2006, 1A.99/2006


{T 0/2}1A.99/2006 /ajp Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président, Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. X.________,recourante, représentée par Me Nicolas Piérard, avocat, contre Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne. Entraide judiciaire en matière pénale aux USA, recours de droit administratif contre la décision de l'Office central USA du5 avril 2006. Faits: A.Le 27 septembre 2002, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amériquea adressé à l'autorité centrale suisse une demande d'entraide judiciaire,pou

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{T 0/2}1A.99/2006 /ajp Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président, Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. X.________,recourante, représentée par Me Nicolas Piérard, avocat, contre Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne. Entraide judiciaire en matière pénale aux USA, recours de droit administratif contre la décision de l'Office central USA du5 avril 2006. Faits: A.Le 27 septembre 2002, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amériquea adressé à l'autorité centrale suisse une demande d'entraide judiciaire,pour les besoins d'une enquête menée par le Procureur pour l'arrondissementEst de la Virginie. L'enquête concerne une entité dénommée Y.________,composée d'une centaine d'organisations, qui se livreraient, au moyen detransactions financières complexes, au financement d'opérations terroristes;elle aurait des liens avec Al-Qaïda, le Hamas et le Djihad islamiquepalestinien. Plus de 26 millions d'US$ auraient été transférés à des entitésde l'Ile de Man détenant des comptes bancaires en Suisse. Les fonds,provenant d'investissements, étaient versés à des oeuvres prétendumentcaritatives, parmi lesquelles A.________. Celle-ci avait versé, les 17 et 20août 2001 5,8 et 1,6millions d'US$ sur un compte en Suisse au nom deX.________. Les infractions poursuivies sont le blanchiment d'argent et lesoutien aux activités terroristes. L'autorité requérante désire notammentobtenir la documentation au sujet de la société X.________ et de son compteauprès d'une banque suisse. Le 8 avril 2004, l'autorité requérante a présenté une requête complémentaire,exposant que les avoirs de A.________ avaient été déposés sur un comptedétenu par X.________ à Jersey. L'analyse de ce compte avait permis deconstater qu'une partie importante des fonds avait été transférée sur uncompte ouvert par la même société auprès de la banque B.________ à Zürich,dont la documentation intégrale est également requise. B.Par décision du 15 décembre 2004, l'Office central a admis la demandecomplémentaire. La banque a produit, le 6 janvier 2005, les documentsrelatifs au compte détenu par X.________. Celle-ci a formé opposition. Ses administrateurs étaient C.________ et sonfils, citoyens et banquiers saoudiens, qui avaient ouvert le compte afin deprocéder à des investissement privés conformes aux principes de la loiislamique. Les versements mentionnés dans la demande complémentaire avaientété effectués dans ce but. Toute implication dans le financement duterrorisme était contestée, aucune accusation de ce genre n'ayant étéformulée par les autorités américaines. La demande était entachée d'erreurs,de lacunes et de contradictions; les principes de la double incrimination etde la proportionnalité étaient violés. C.Par décision du 5 avril 2006, l'Office central a rejeté l'opposition. Endépit de ses explications, l'opposante avait reçu plusieurs montantsprovenant du Y.________. La demande d'entraide était suffisamment claire etles infractions décrites pouvaient être qualifiées, en droit suisse, definancement du terrorisme. L'intégralité de la documentation bancaire, ycompris les documents internes et les documents antérieurs à 1998, étaitnécessaire à l'exécution de l'entraide. Les explications de la recouranteseraient transmises à l'autorité requérante. Le rappel du principe de laspécialité était propre à empêcher une utilisation des renseignements à desfins fiscales. D.X.________ forme un recours de droit administratif. Elle demande l'annulationdes décisions du 5 avril 2006 et 15 décembre 2004, ainsi que des décisionsd'exécution et des mesures de contrainte, et le rejet de la demanded'entraide et de son complément.L'Office central conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la Confédérationsuisse est régie par le Traité conclu dans ce domaine (TEJUS; RS 0.351.933.6)et la loi y relative (LTEJUS; RS 351.93). La loi fédérale sur l'entraideinternationale en matière pénale (EIMP; RS351.1) et son ordonnanced'exécution (OEIMP; RS 351.11) demeurent réservées pour des questions qui nesont pas réglées par le traité et la loi fédérale d'application (ATF 124 II124 consid. 1a p.126), dans la mesure où elle ne rendent pas la coopérationinternationale plus difficile (ATF 129 II 462 consid. 1.1 p. 464). 1.1 La décision par laquelle l'office central suisse octroie l'entraidejudiciaire en vertu de l'art. 5 let. b LTEJUS et rejette une opposition selonl'art. 16 de la même loi, peut être attaquée par la voie du recours de droitadministratif prévue à l'art. 17 al. 1 LTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1b p.126). 1.2 La recourante a qualité pour recourir, au sens de l'art. 80h let. b EIMP,mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la transmission de ladocumentation relative à un compte bancaire dont elle est titulaire (ATF 128II 211 consid. 2.3 et les arrêts cités). 1.3 Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorderl'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationaledoit être accordée (ATF 123 II 134 consid. 1d p.136/137), sans avoirtoutefois à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande(ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 117Ib 64 consid. 5c p. 88, et lesarrêts cités). 2.Reprenant ses motifs d'opposition, la recourante estime que la demanded'entraide serait imprécise, lacunaire et fondée sur de vagues présomptions.Elle n'indiquerait pas quelle infraction aurait commise la recourante enrecevant les montants du Y.________, les trois versements mentionnés n'ayantservi qu'à des investissements. 2.1 A teneur de l'art. 29 ch. 1 let. a TEJUS, l'autorité requérante doitindiquer l'objet et la nature de l'enquête, et fournir une description desprincipaux faits allégués ou à établir. Cet exposé doit permettre de vérifierl'existence d'une "présomption raisonnable" au sens de l'art.1er ch. 2 dutraité, afin de prévenir les recherches indéterminées de moyens de preuve(ATF 118 Ib 547 consid. 3a p. 551). La partie requérante n'a en revanche pasà prouver, ni même à rendre vraisemblables les soupçons dont elle fait état,mais seulement à les exposer de manière suffisamment compréhensible. Tel estle sens de l'art. 29 ch. 1 let. a TEJUS, qui exige l'indication des faits"allégués ou à établir". Pour sa part, l'autorité suisse d'entraide n'a pas àse prononcer sur la vraisemblance de ces soupçons. Elle ne refusera sacollaboration qu'en cas de lacunes, d'erreurs ou de contradictions patentes,faisant apparaître la démarche de l'Etat requérant comme un abus manifeste. 2.2 L'argumentation de la recourante consiste à contester les soupçonsévoqués dans la demande, en expliquant notamment que son compte ne servaitqu'à des investissements de type particulier. Une telle argumentation estirrecevable dans le contexte de l'entraide judiciaire. Celle-ci ne peut eneffet être refusée qu'en cas de contradictions ou de lacunes intrinsèques, cequi exclut toute appréciation des preuves de la part de l'autoritéd'exécution. En l'occurrence, l'autorité requérante expose clairement les raisons quil'ont conduite à s'intéresser au compte de la recourante. Elle expose ainsique le Y.________, composé de nombreuses entités, aurait pour but de financerdes opérations terroristes. Dans ce cadre, Z.________ (dont le nom estcomposé des initiales de l'ayant droit de la recourante) aurait largementfinancé le groupe en versant des fonds, entre 1996 et 2000, notamment àA.________. A partir de 1995, les transactions financières se seraientcomplexifiées afin d'en cacher la nature. Il existerait notamment des liensentre Y.________ et le réseau Al-Qaïda, dont les membres seraient desterroristes reconnus. A propos de l'implication de la recourante, la demandedu 27 septembre 2002 mentionne trois versements - dont deux provenant deA.________ - sur le compte de la recourante en Suisse. Le complément du 15avril 2004 est spécifiquement consacré à la recourante, dont le comptebancaire à Jersey aurait servi à recueillir la plupart des avoirs deA.________. Ceux-ci auraient ensuite été transférés sur le compte de larecourante en Suisse, et les enquêteurs soupçonnent ainsi des actes desoutien au terrorisme ou de blanchiment de capitaux. Plusieurs transactionssur ce compte sont mentionnées à titre d'exemple. L'autorité requérante expose par conséquent de manière suffisante en quoiconsistent ses soupçons, particulièrement à l'égard de la recourante. Lacondition de la "présomption raisonnable" est ainsi réalisée. 3.Sous l'angle de la double incrimination, la recourante conteste l'applicationà son encontre des art. 260ter (participation à une organisation criminelle)et 305bis CP (blanchiment d'argent), en relevant que ni sa propre implicationdans une organisation, ni la provenance criminelle des fonds ne seraientdémontrées. L'Office central n'a pas résolu ces questions, estimant que lesconditions d'application de l'art. 260quinquies, qui réprime le financementdu terrorisme, étaient de toute façon réalisées. La recourante le conteste envain. En effet, si l'autorité requérante ne démontre pas que les sommesversées sur le compte de la recourante auraient ensuite été affectées aufinancement d'actes terroristes, c'est précisément sur ce point qu'elledésire être renseignée en obtenant des détails sur la destination finale desfonds. L'argumentation de la recourante tombe par conséquent à faux. 4.L'invocation du principe de la proportionnalité n'est pas mieux fondée. Lademande d'entraide n'est en effet pas limitée aux mouvements de fonds quisont déjà connus, et ne sont mentionnés qu'à titre d'exemples par lesenquêteurs américains. Ceux-ci désirent expressément obtenir l'intégralité dela documentation bancaire dès 1996. Contrairement à ce qu'elle soutient, larecourante n'est pas visée qu'à titre de bénéficiaire de certains transferts,mais, de manière beaucoup plus générale, en tant que participante éventuelleà des activités de blanchiment et de financement du terrorisme. Compte tenudu rôle central de la recourante dans la réception des fonds provenantnotamment de A.________, et de la personnalité de ses ayants droit -nommément désignés par l'autorité requérante -, l'étendue de l'entraiderequise n'a rien d'exagéré. Les explications de la recourante quant auxraisons et à la nature des investissements opérés par l'intermédiaire de soncompte n'enlèvent pas aux renseignements transmis leur utilité, au moinspotentielle. L'intégralité de la documentation bancaire paraît en effetnécessaire pour vérifier que ces investissements n'ont rien a voir, ni enamont ni en aval, avec les infractions poursuivies. L'Office central s'estprononcé sur les diverses catégories de pièces bancaires, et les a jugéespertinentes, ce qui équivaut au tri exigé par la jurisprudence. A défautd'une argumentation de détail de la part de la recourante, les considérationsde l'Office central échappent à la critique. Tant la documentation interne ducompte que les estimations mensuelles présentent une utilité pour l'enquête,si celle-ci devait révéler que les fonds parvenus sur le compte de larecourante ont une origine criminelle. 5.La recourante invoque enfin l'art. 5 al. 1 TEJUS. Elle estime que les moyensde preuve requis seront en réalité utilisés pour des procédures fiscales.Elle relève qu'aucune des entités mentionnées dans la demande ne fait encorel'objet d'une mise en accusation, que le FBI n'aurait jamais été actif dansl'enquête et que le Procureur et l'enquêteur principal seraient spécialisésen matière fiscale. La recourante ne prétend pas, toutefois, qu'elle-même ouses ayants droit feraient ou seraient susceptibles de faire l'objet d'uneprocédure à caractère fiscal aux Etats-Unis. Ses craintes relèvent biendavantage du procès d'intention, et rien ne permet de douter que la réservede la spécialité, dont est assortie toute transmission de documents à l'Etatrequérant, sera bien respectée par celui-ci. 6.Le recours de droit administratif est par conséquent rejeté, aux frais de larecourante (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et àl'Office fédéral de la justice, Office central USA. Lausanne, le 4 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.99/2006
Date de la décision : 04/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-04;1a.99.2006 ?
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