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04/07/2006 | SUISSE | N°1A.86/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2006, 1A.86/2006


{T 0/2}1A.86/2006 /col Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourante, représentée par Me Philippe A. Grumbach, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la France, recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusationdu 14 mars 2006. Faits: A.Le 20 juillet 2005, le Premier Ju

ge d'instruction au Tribunal de GrandeInstance de Paris a ...

{T 0/2}1A.86/2006 /col Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourante, représentée par Me Philippe A. Grumbach, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, case postale 3108,1211 Genève 3. entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la France, recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusationdu 14 mars 2006. Faits: A.Le 20 juillet 2005, le Premier Juge d'instruction au Tribunal de GrandeInstance de Paris a adressé à la Suisse une commission rogatoire pour lesbesoins d'une information suivie contre B.________ et autres, des chefsd'abus de biens sociaux, abus de confiance, recel et financement d'uneentreprise terroriste. La demande fait état de marchés de construction enCorse, partiellement subventionnés, dont les coûts avaient été majorés de 10à 15% sur l'intervention de B.________ afin de tenir compte de la"spécificité corse", c'est-à-dire pour éviter la commission d'attentats. Lasociété C.________ aurait émis des factures fictives, et B.________ avaitadmis s'être ainsi rémunéré de façon occulte. L'autorité requérante désireobtenir tous renseignements sur les comptes au nom, notamment, de C.________,ainsi que sur le cheminement des fonds prélevés sur ces comptes. Dans uncomplément du 3 novembre 2005, le Juge d'instruction parisien expose queB.________ avait donné des précisions sur les comptes destinataires decertains versements opérés depuis le compte de C.________, en particulier len° xxx auprès de la banque X.________. L'autorité suisse est priée devérifier ces informations et d'obtenir l'intégralité de la documentationbancaire. B.Le Juge d'instruction du canton de Genève, chargé d'exécuter cette demanded'entraide, est entré en matière le 22 juillet 2005 et a rendu plusieursordonnances de transmission. Le 4 novembre 2005, il a ordonné la productionde toute la documentation relative au compte précité, détenu par A.________,ressortissante française domiciliée à Paris. A la demande de cette dernière,une audition a eu lieu le 8décembre 2005 au cours de laquelle dameA.________ a donné au juge d'instruction des précisions sur la gestion de soncompte et ses liens avec B.________; ce dernier lui avait prêté deux fois250'000 FF, versés sur son compte en décembre 2000 et février 2001. A l'issuede l'audience, le Juge d'instruction a fait savoir qu'il envisageait detransmettre à l'autorité requérante le procès-verbal, ce à quoi l'intéressées'est opposée.Par ordonnance de clôture partielle du 13 décembre 2005, le juged'instruction a décidé de transmettre à l'autorité requérante les documentsd'ouverture du compte précité, avec les relevés depuis décembre 1999(ouverture) jusqu'au 18 novembre 2005, ainsi que le procès-verbal d'auditiondu 8 décembre 2005. L'autorité requérante demandait expressémentl'intégralité de la documentation bancaire et ces pièces, de même que leprocès-verbal, étaient utiles à l'enquête et propres, le cas échéant, àmettre A.________ hors de cause. C.Par ordonnance du 14 mars 2006, la Chambre d'accusation genevoise a rejeté lerecours formé par dame A.________. Les documents à transmettre étaientsuffisamment identifiés. L'intéressée avait expressément renoncé à présenterses objections au Juge d'instruction, réservant ses arguments à l'autorité derecours. La demande d'entraide avait été communiquée tardivement à larecourante, mais celle-ci avait pu faire valoir tous ses griefs en instancede recours. Sous l'angle de la proportionnalité, la transmissioncorrespondait à l'entraide requise. L'audition de la titulaire du compten'était pas expressément requise, mais elle correspondait également au sensde la demande. D.A.________ forme un recours de droit administratif. Elle demande au Tribunalfédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation et d'ordonner lecaviardage de certains renseignements bancaires. Elle conclut au refus detransmettre le procès-verbal de son audition, subsidiairement d'en caviardercertains passages.La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Juged'instruction conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice serallie à la décision attaquée. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre unedécision confirmée par l'autorité cantonale de dernière instance, relative àla clôture partielle de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de laloi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS351.1). La recourante est titulaire de la relation bancaire au sujet delaquelle le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements(art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP). Elle a également qualité pours'opposer à la transmission de ses propres déclarations (ATF 126 II 258consid. 2d/bb, 122 II 130 consid. 2b). 2.Renonçant à se prévaloir des irrégularités qui ont pu être réparées eninstance cantonale, la recourante invoque le principe de la proportionnalité.Les opérations antérieures au premier versement effectué par B.________n'intéresseraient pas l'autorité requérante. Dans l'optique d'une infractionde recel ou de blanchiment, seules seraient relevantes les opérations audébit du compte, ou en provenance des personnes mises en cause. Or, le comptede la recourante n'a fait l'objet d'aucune sortie de fonds et n'a été créditéque de deux virements du genre de celui évoqué par l'autorité. Lesinformations sur les virements de compte à compte, les détails sur la gestiondes titres, les versements de personnes étrangères à l'enquête ou de larecourante elle-même ainsi que sur son état de fortune, ne seraient d'aucuneutilité. 2.1 En vertu du principe de la proportionnalité, l'entraide ne peut êtreaccordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la véritérecherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question desavoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles àla procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités depoursuite. La coopération internationale ne peut être refusée que si lesactes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie etimpropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaîtcomme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243). Le principe dela proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà desrequêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'iln'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Cela n'empêche pasd'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement luidonner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il estétabli que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; cemode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121II 241 consid, 3a p. 243). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminementde fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant detoutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliquésdans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244). 2.2 Selon la demande, B.________ aurait utilisé la société C.________ pour serémunérer de façon occulte en percevant des suppléments sur des marchéspublics. A propos du compte de la recourante, B.________ aurait indiqué avoireffectué, depuis le compte de sa société, un versement de 38'132 euros(correspondant à 250'000 FF) le 11 décembre 2000, en précisant les raisons dece virement. Compte tenu des faits exposés dans la demande du 20juillet2005, il apparaît que ce montant pouvait provenir des sommes perçues en troplors de la réalisation de divers ouvrages. Il existe également le soupçonqu'une partie de ces sommes ait été versée à des nationalistes corses ou desmouvements terroristes. L'autorité requérante demande expressément laproduction de l'intégralité de la documentation bancaire, ce qui ne paraîtpas exagéré dans le cadre de ses investigations. La recourante relève queseuls deux versements parvenus sur son compte proviendraient de B.________.L'autorité requérante n'en dispose pas moins d'un intérêt à vérifier que cesversements n'ont pas été précédés ou suivis par des opérations du même genre,ainsi qu'à connaître la destination de l'ensemble des fonds qui ont transitésur le compte de la recourante. De ce point de vue, l'existence d'une autrecompte de la recourante n'a pas non plus à être tenue secrète. La gestioninterne du compte constitue également un élément, éventuellement à déchargede la recourante, dont l'autorité requérante doit pouvoir prendreconnaissance. Le principe de la proportionnalité est par conséquent respecté. 3.La remise du procès-verbal d'audition du 8 décembre 2005 pose en revanche unproblème particulier. 3.1 Selon la jurisprudence, les actes de recours et autres écritures adresséspar les parties aux autorités d'exécution de l'Etat requis ne doivent enprincipe pas être transmis aux autorités de l'Etat requérant, lequel n'estpas partie à la procédure d'entraide. En effet, la personne touchée parl'exécution d'une demande d'entraide ne serait plus à même de se défendreefficacement contre les prétentions de l'Etat requérant, si toute pièce surlaquelle elle entend fonder ses moyens d'opposition était susceptible d'êtretransmise à l'étranger (ATF 115 Ib 193 consid. 6 p. 196). Cette jurisprudences'applique avant tout aux actes de procédure proprement dits (mémoires derecours et pièces annexées), et elle n'exclut pas la transmission d'autrespièces, qui font précisément l'objet de la demande d'entraide et dont lasaisie pourrait de toute façon être ordonnée si elles n'avaient pas étéremises spontanément (arrêt 1A.195/1997 du 5 septembre 1997). 3.2 En l'occurrence, la recourante s'est adressée puis présentée au Juged'instruction genevois, dans le seul but d'expliquer son absenced'implication dans les faits poursuivis, et ceci dans la perspective d'unrefus ou d'une limitation de l'entraide judiciaire. Sa démarche s'apparenteainsi à un moyen de défense et le Juge d'instruction ne pouvait ordonner latransmission de ses explications à l'étranger, sans l'avoir préalablementrendue attentive à cette possibilité. A cela s'ajoute que l'audition de larecourante n'était pas requise par le magistrat requérant, et que le Juged'instruction genevois ne pouvait d'ailleurs l'ordonner sans autre, larecourante étant domiciliée en France. Enfin, il apparaît que la dépositionde la recourante ne présente pas un intérêt évident pour l'autoritérequérante, et que celle-ci pourra facilement l'entendre en France, si ellele juge utile, après avoir consulté les documents bancaires. 4.Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit êtreadmis partiellement, en ce sens que la transmission du procès-verbald'audition de la recourante du 8 décembre 2005 doit être refusée. Le recoursest rejeté pour le surplus, et la cause est renvoyée à la Chambred'accusation pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instancecantonale. Un émolument judiciaire réduit est mis à la charge de larecourante, et une indemnité de dépens, elle aussi réduite, lui est allouée,à la charge de l'Etat de Genève. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis partiellement; l'ordonnance de la Chambre d'accusationet l'ordonnance de clôture partielle du 13 décembre 2005 sont annulées entant qu'elles portent sur la transmission du procès-verbal d'audition du 8décembre 2005. 2.Le recours est rejeté pour le surplus. 3.La cause est renvoyée à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision surles frais et dépens de l'instance cantonale. 4.Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge de la recourante. 5.Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à la recourante, à la chargedu canton de Genève. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, auJuge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsiqu'à l'Office fédéral de la justice (B 161854). Lausanne, le 4 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.86/2006
Date de la décision : 04/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-04;1a.86.2006 ?
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