La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2006 | SUISSE | N°1A.102/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2006, 1A.102/2005


{T 0/2}1A.102/2005 / 1P.250/2005 /col Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Jomini. Association A.________ et consorts,recourants,tous représentés par Me Robert Lei Ravello, avocat, contre la société B.________,intimée, représentée par Me Peter Schaufelberger, avocat,Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud, place duChâteau 1, 1014 Lausanne,Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne. plan d'extraction pour l'exploitation d'une gravière,recour

s de droit administratif (1A.102/2005) et recoursde droit publi...

{T 0/2}1A.102/2005 / 1P.250/2005 /col Arrêt du 4 juillet 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Jomini. Association A.________ et consorts,recourants,tous représentés par Me Robert Lei Ravello, avocat, contre la société B.________,intimée, représentée par Me Peter Schaufelberger, avocat,Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud, place duChâteau 1, 1014 Lausanne,Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014Lausanne. plan d'extraction pour l'exploitation d'une gravière,recours de droit administratif (1A.102/2005) et recoursde droit public (1P.250/2005) contre l'arrêt du Tribunal administratif ducanton de Vaud du 3 mars 2005. Faits: A.La société anonyme B.________ exploite sur le territoire de la commune deSavigny un important gisement de matériaux graveleux. La première étape decette exploitation a été autorisée sous l'empire de la loi cantonale vaudoisedu 21 novembre 1967 sur les carrières, en vigueur jusqu'au 31 mars 1990(ancienne loi sur les carrières - aLCar), le Département des travaux publics,de l'aménagement et des transports ayant délivré à la société B.________ le1er mars 1989 un premier permis de gravière (gravière dite du Pétozan, du nomdu ruisseau qui traverse le site).Le 19 mai 1989, le département cantonal précité a octroyé à la sociétéB.________ un permis complémentaire pour "exploiter les installations detraitement sur la surface partielle des parcelles nos 238, 240 et 980", dansle périmètre de la gravière du Pétozan, installations servant au concassage,au criblage et au lavage des graviers; la décision prévoyait une remise enétat des lieux après la dernière étape d'exploitation. Ces installations detraitement ont été en définitive aménagées sur la seule parcelle n° 238,propriété de la société B.________. Les autres installations fixes del'exploitante - un hangar atelier, des bureaux, un concasseur de matériaux derecyclage et une centrale à béton - sont situées sur la parcelle n° 235, aulieu-dit "Geffry", entre la gravière du Pétozan et le hameau de laClaie-aux-Moines.Auparavant, le 15 décembre 1987, l'Office fédéral des forêts et de laprotection du paysage (compétent à l'époque pour l'octroi de certainesautorisations de défricher) avait permis à la société B.________ de déboiserles rives du ruisseau du Pétozan sur une longueur de 450 m environ, enrelation avec l'exploitation de la gravière du Pétozan. Cette décisionimposait un reboisement de compensation "sous forme de rives boisées pour leruisseau du Pétozan qui devra être reconstitué, dans toute la mesure dupossible sur son tracé initial, et dans tous les cas dans un lit naturel". Ilétait prévu que le reboisement soit réalisé avant la fin de l'année 2002. B.La société B.________ a déposé le 13 novembre 1997 auprès du Départementcantonal des travaux publics, de l'aménagement et des transports une demandetendant à l'adoption d'un plan d'extraction et à l'octroi simultané d'unpermis d'exploiter pour la gravière "Les Gavardes", constituant une extensionde la gravière du Pétozan en direction du sud-est, dans l'axe du sillongraveleux existant à cet endroit. Ce gisement est répertorié dans le plandirecteur cantonal des carrières (PDCar) sous le numéro 1243-001. Le volumeexploitable est estimé à 1'560'000 m³ et le rythme d'exploitation prévu estde 90'000 m³ par an (même rythme que pour la gravière de Pétozan). Le dossiercontient un "mémoire technique et rapport d'impact", rédigé par le bureauImpact-Concept S.A. Ce rapport indique notamment que selon les prévisions àce moment-là, l'exploitation de la gravière du Pétozan serait terminée en2001, et que les limites proposées pour la gravière des Gavardes prennent encompte le solde des matériaux exploitables dans le gisement (p. 1). Ilprécise par ailleurs que les matériaux seront traités dans les installationsactuelles (concassage, lavage, triage) et que le réaménagement du site sefera par comblement avec des matériaux terreux et pierreux sains (p. 2). Leprojet de plan d'extraction (à l'échelle 1:2'000) figure plusieurspérimètres, notamment le périmètre du site n° 1243-001 du plan directeur descarrières, le "périmètre d'exploitation antérieur Claie-aux-Moines et encours Pétozan", le "périmètre du plan d'extraction" et le "périmètre de lademande de permis d'exploiter simultanée au plan d'extraction". La parcellen° 238, où se trouve actuellement déjà l'unité de traitement, est inclusedans le "périmètre du plan d'extraction" (liseré jaune). A l'intérieur de cepérimètre, le plan indique en outre l'emplacement d'une piste d'accès etd'une bande transporteuse (tapis roulant), menant du fond de la gravière àl'unité de traitement. Là où ces piste et bande franchissent le ruisseau duPétozan, le plan d'extraction prévoit une interruption du boisement de larive, sur une longueur d'environ 14 m. Le rapport d'impact comprend unchapitre "trafic" (p. 45 ss), un chapitre "bruit" (p.49 ss - bruit provenantde l'exploitation et bruit le long des voies de communication) et un "plan decirculation" (annexe n° 178-6.2), donnant des indications sur les itinérairesempruntés par les poids-lourds et sur l'importance du trafic issu de lagravière.En l'état, le périmètre du plan d'extraction est classé dans la zone agricolede la commune de Savigny. C.Le projet relatif à la gravière des Gavardes a été mis à l'enquête publiquedu 27 février au 30 mars 1998.L'Association A.________ et consorts ont formé opposition. L'Association,constituée le 2 mars 1998, a pour but de défendre les intérêts généraux duquartier des Méguettes, ensemble de villas situé à l'est du périmètre du pland'extraction. Selon le projet mis à l'enquête publique, l'extrémité du"périmètre de la demande de permis d'exploiter" - un peu en retrait dupérimètre du plan d'extraction proprement dit, un talus devant être réalisédans l'intervalle - se trouve à 75 m de la villa la plus proche. Lesparticuliers précités, consorts de l'Association, font partie despropriétaires fonciers de ce quartier.Le 30 mars 1999, le Département cantonal de la sécurité et de l'environnement(DSE) a rendu une "décision finale relative à l'étude de l'impact surl'environnement" et il a adopté le plan d'extraction en fixant différentesconditions d'exploitation; il a dit en outre que les permis d'exploiterseraient délivrés, par étapes successives, une fois remplies les conditionsprévues à l'art. 17 de la nouvelle loi cantonale sur les carrières, du 24 mai1988 (LCar; RSV 931.15). Néanmoins, l'opposition de l'Association et consortsa été partiellement admise et deux modifications ponctuelles du projet ontété décidées: d'une part la distance minimum entre la limite est du périmètred'exploitation et les bâtiments les plus proches du quartier des Méguettes aété portée à 100 m, au lieu de 75 m; d'autre part, dans un secteur A deprotection des eaux, l'épaisseur de la couche protectrice au-dessus de lanappe phréatique a été augmentée. D.L'Association et consorts ont recouru contre cette décision auprès duDépartement cantonal des institutions et des relations extérieures (DIRE).Dans le cadre de l'instruction, cette autorité a requis de la sociétéB.________ le dépôt d'un plan complémentaire des circulations (documentétabli en mars 2000). Deux rapports d'expertise complémentaires sur lastabilité des sols, en fonction des conditions géotechniques et hydrologiquesdans le périmètre du plan d'extraction, ont également été déposés en 2000.Le DIRE a rejeté le recours de l'Association et consorts par une décisionrendue le 20 novembre 2001. Un recours formé par un autre voisin(C.________), joint à cette cause, a également été rejeté. La décisionattaquée du 30 mars 1999 a toutefois été réformée et le plan d'extraction aété complété par différentes "dispositions réglementaires", notammentl'obligation pour l'exploitant d'adresser régulièrement au service cantonalspécialisé des rapports écrits de contrôle des niveaux sonores et desretombées de poussières. E.L'Association et consorts ont recouru contre la décision du DIRE auprès duTribunal administratif du canton de Vaud. C.________ a également recouru. Lesdeux causes ont été jointes.A la requête du juge instructeur du Tribunal administratif, la sociétéB.________ a produit un rapport du bureau Impact-Concept daté du 30octobre2003, intitulé "Etude complémentaire au rapport d'impact du 13 novembre 1997- nuisances sonores liées à l'exploitation - maison Boss, parcelle n° 222".Pendant l'instruction, le Service cantonal des forêts, de la faune et de lanature, rattaché au Département de la sécurité et de l'environnement (DSE), arendu deux décisions: l'une le 15 août 2003 et l'autre le 24 septembre 2004,qui toutes deux modifient l'autorisation de défricher délivrée à la sociétéB.________ le 15 décembre 1987. La seconde décision "proroge le terme de lareconstitution du cordon boisé du Pétozan à l'emplacement de la piste d'accèsà l'actuelle gravière du Pétozan (...) au 31 décembre 2010". Le servicecantonal a précisé que lors de l'examen préalable du plan d'extraction, ilavait implicitement admis à cet endroit (tronçon de 14 m) le report dureboisement compte tenu de la nécessité de maintenir le passage pourl'exploitation de la future gravière. L'Association et consorts ont recourucontre la décision du 24 septembre 2004. Ce recours a été joint aux causespendantes.Le Tribunal administratif a rejeté tous les recours par un arrêt rendu le 3mars 2005. Les griefs de l'Association et consorts contre le pland'extraction et contre la décision prolongeant le délai de reboisement ontété déclarés infondés. F.L'Association et consorts ont déposé un recours de droit administratif et unrecours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif. F.a Par la voie du recours de droit administratif (cause 1A.102/2005), ilsdemandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et d'ordonner unenouvelle enquête publique, subsidiairement de renvoyer l'affaire à l'autoritéde première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.Ils présentent différents griefs au sujet notamment de l'étude de l'impactsur l'environnement, de la prolongation du délai de reboisement des rives duruisseau du Pétozan, du maintien des installations de traitement del'ancienne gravière, et de la distance séparant la limite de la gravière deleurs terrains.La société B.________ ainsi que le Département de la sécurité et del'environnement concluent au rejet du recours. L'Office fédéral del'environnement (OFEV - auparavant: OFEFP) a déposé des observations. LeTribunal administratif a renoncé à se déterminer. F.b Par la voie du recours de droit public (cause 1P.250/2005), l'Associationet consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunaladministratif. Ils critiquent certaines modalités d'exploitation par étapesde la gravière des Gavardes en dénonçant une violation de la législationcantonale.La société B.________ ainsi que le Département de la sécurité et del'environnement concluent au rejet du recours, dans la mesure où il estrecevable. Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer. G.Par une ordonnance du 30 mai 2005, le Président de la Ire Cour de droitpublic a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourants. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Il se justifie de joindre le recours de droit administratif et le recours dedroit public pour statuer en un seul arrêt. 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les arrêts cités). Dece point de vue, le recours de droit administratif doit être traité enpremier lieu, vu la nature subsidiaire du recours de droit public (art. 84al. 2 OJ). 2.1 La contestation porte sur un plan d'extraction et sur une décisionséparée de l'autorité forestière cantonale, prise en relation avec ce pland'extraction.Conformément à l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 al. 1 PA, la voiedu recours de droit administratif est ouverte contre les décisions (prises endernière instance cantonale - art. 98 let. g OJ) fondées sur le droit publicfédéral. Il en va clairement ainsi dans la mesure où les recourants s'enprennent à la décision séparée du 24 septembre 2004 prorogeant le terme de lareconstitution d'un cordon boisé et modifiant ainsi partiellement uneautorisation de défricher délivrée en 1987. La décision prise en 2004 est eneffet fondée exclusivement sur la loi et l'ordonnance fédérales sur lesforêts (art. 6 LFo [RS 921.0] et art. 7 OFo [RS 921.01]) de sorte que, pourla protection juridique, la réglementation ordinaire des art. 97 ss OJ estapplicable (cf. art. 46 LFo). 2.2 La situation juridique est plus complexe en tant que le plan d'extractionest l'objet du litige. 2.2.1 Ce plan est un instrument défini aux art. 6 ss de la loi cantonale surles carrières (LCar). L'art. 6 al. 1 LCar dispose que l'exploitationcommerciale de nouvelles carrières - par quoi on entend notamment lesgisements de gravier (art. 1 al. 1 LCar) - ne peut s'effectuer que dans unezone affectée à cet effet et selon les conditions particulièresd'exploitation fixées pour l'extraction des matériaux; ces éléments fontl'objet d'un plan spécial dit "plan d'extraction" s'il n'existe pas une zoned'extraction dans le plan général d'affectation communal. Le plan litigieuxest donc un plan d'affectation au sens des art. 14 ss LAT, par lequell'autorité cantonale modifie dans un périmètre donné le régime prévu par leplan d'affectation communal (en l'occurrence celui de la zone agricole). Enoutre, la loi sur les carrières renvoie, pour la procédure, aux règlesapplicables aux plans d'affectation cantonaux (art. 12 LCar).Ce plan fixe par ailleurs des conditions d'exploitation (programmed'exploitation, indications sur le traitement des matériaux, etc. - pour ladéfinition actuelle du contenu du plan à ce propos, cf. art. 8 ss durèglement d'application de la loi sur les carrières, du 26 mai 2004 [RLCar,RSV 931.15.1]). Comme le volume global d'exploitation du gisement de gravierest en l'occurrence supérieur à 300'000 m³, le droit fédéral soumetl'autorisation d'exploiter à une étude de l'impact sur l'environnement (art.1 de l'ordonnance relative à l'étude d'impact sur l'environnement [OEIE; RS814.011], en relation avec le ch. 80.3 de l'annexe à cette ordonnance) et ledroit cantonal prévoit que l'étude d'impact est effectuée dans la procédured'adoption du plan d'extraction (ch. 80.3 de l'annexe au règlement du 25avril 1990 d'application de l'ordonnance fédérale relative à l'étude del'impact sur l'environnement [RVOEIE; RSV 814.03.1]). Il en a été ainsi dansle cas particulier. 2.2.2 En matière d'aménagement du territoire, la loi énumère les décisionspouvant faire l'objet d'un recours de droit administratif. Il s'agit, selonl'art. 34 al. 1 LAT, des décisions sur des indemnisations résultant derestrictions apportées au droit de propriété, sur la reconnaissance de laconformité à l'affectation de la zone de constructions
et d'installationssises hors de la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation en vertu desart. 24 à 24d LAT. L'art. 34 al. 3 LAT dispose que les autres décisionsprises par les autorités cantonales de dernière instance sont définitives, lerecours de droit public au Tribunal fédéral étant réservé.L'objet principal de la contestation est, en l'espèce, un plan d'affectation.En vertu de l'art. 34 LAT, seule la voie du recours de droit public est doncen principe ouverte. La jurisprudence admet cependant qu'une décisionrelative à l'adoption d'un plan d'affectation fasse l'objet d'un recours dedroit administratif lorsque l'application d'autres prescriptions du droitfédéral - en matière de protection de l'environnement, ou de protection desforêts, notamment - est en jeu (ATF 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 125 II 10consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 234; 121 II 72consid. 1b p. 75 et les arrêts cités). En pareil cas, on est en présenced'une décision fondée non seulement sur la législation en matièred'aménagement du territoire, mais également sur des prescriptions spécialesdu droit public fédéral au sens de l'art. 5 al. 1 PA. Par conséquent, danscette mesure, les règles de la procédure de recours de droit administratifs'appliquent (art. 97 ss OJ). Dans la mesure en revanche où la contestationporte sur d'autres éléments du plan, sans qu'il y ait un rapport de connexitésuffisamment étroit entre l'application du droit administratif fédéral etcelle des normes en matière d'aménagement du territoire ou d'autres normes dudroit cantonal, comme la législation sur les carrières, l'art. 34 al. 3 LATexclut tout autre recours au Tribunal fédéral que le recours de droit public(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 123 II 359 consid. 1a/aa p. 361 et lesarrêts cités). 2.2.3 En l'espèce, les recourants ont choisi à juste titre la voie du recoursde droit administratif pour contester certains éléments du plan d'extractionqui, d'après ce que l'on peut déduire de leurs griefs, auraient été décidésen violation des règles matérielles et formelles du droit fédéral de laprotection de l'environnement. 2.3 Les particuliers qui sont propriétaires de maisons directement voisinesde l'extrémité est du périmètre de la gravière des Gavardes - soit, d'aprèsles indications du dossier, MM. D.________ et E.________ ainsi que les épouxF.________ et G.________, domiciliés chemin de Bellevue à Savigny - ont unintérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de ladécision attaquée, qui permet à la société intimée d'effectuer des travauximportants à proximité, et ils ont donc qualité pour recourir au sens del'art. 103 let. a OJ. Cette question de recevabilité peut demeurer indécises'agissant des deux autres recourants, l'Association A.________ etH.________. Il y a donc lieu d'entrer en matière, étant précisé que larecevabilité du recours de droit public sera examinée plus bas (consid. 8). 3.Dans le cadre du recours de droit administratif, les recourants présententleurs premiers griefs sous le titre "planification, sécurité du droit". Ensubstance, ils reprochent à l'autorité cantonale d'avoir modifié, lors del'adoption du plan d'extraction de la gravière des Gavardes, des conditionsfixées dans les autorisations relatives à la gravière du Pétozan. Enparticulier, le remblayage complet de la première gravière serait différé,par rapport au programme prévu en 1987, à cause de la première étaped'exploitation de la seconde gravière; les installations de traitement sur laparcelle n° 238 sont maintenues alors qu'elles devaient être démontées à lafin de l'exploitation de la gravière du Pétozan; la réalisation de la pisted'accès au gisement de gravier des Gavardes empêcherait également une remiseen état intégrale du site du Pétozan. Or, par ces griefs, les recourants nese plaignent pas d'une violation du droit public (ou administratif) fédéral,au sens de l'art. 5 PA; ils ne font pas davantage valoir que des règles dudroit cantonal, dont l'application serait étroitement liée à celle du droitfédéral, auraient été violées (cf. supra, consid. 2). Les critiques, quiconcernent la possibilité d'inclure dans le périmètre d'un nouveau pland'extraction des terrains utilisés auparavant pour l'exploitation d'unegravière précédente, relèvent en définitive de la seule législation cantonalesur les carrières. Ces griefs, où il n'est pas question d'une violation dudroit fédéral (cf. art. 104 let. a OJ), sont irrecevables dans le cadre durecours de droit administratif.Toujours sous le titre "planification, sécurité du droit", les recourantscritiquent la mise à l'enquête publique du projet de plan d'extraction avantla fin de la procédure d'adaptation du plan directeur cantonal des carrières.Ce plan directeur sectoriel (PDCar - cf. art. 4 et 5 LCar), adopté par leGrand Conseil du canton de Vaud le 18 septembre 1991, a fait l'objet d'unerévision. Un avant-projet a été mis en consultation publique le 24 février1998 et l'adaptation a été adoptée par le Grand Conseil le 9 septembre 2003(cf. Bulletin du Grand Conseil, session de septembre 2003, p. 1976 ss et 2076ss). La question de la coordination de la procédure d'adoption du pland'extraction litigieux avec celle concernant l'adaptation du plan directeurdes carrières relève du seul droit cantonal, en matière d'aménagement duterritoire et de gestion des gravières. Le Tribunal fédéral, saisi d'unrecours de droit administratif, ne peut pas non plus se prononcer sur cepoint.Il en va de même des griefs relatifs aux "volumes et phases d'exploitation"car on ne voit pas en quoi la définition des tranches ou étapes, dans desconditions annexes au plan d'extraction, compromettrait l'application dudroit fédéral de la protection de l'environnement ou des forêts. 4.Les recourants critiquent à plusieurs égards l'étude de l'impact surl'environnement (EIE). Ils prétendent que le rapport de 1997 du bureauImpact-Concept est lacunaire et dépassé, notamment à cause de l'absence dansle dossier d'origine du plan des circulations déposé en 2000, aprèsl'adoption du plan d'extraction par le Département de la sécurité et del'environnement. 4.1 Comme cela ressort du dossier et de l'arrêt attaqué, les prétendueslacunes du dossier ne concernent pas des modifications du projet initial (ilen aurait été ainsi en cas d'extension du périmètre du plan d'extraction, oud'intensification du programme d'exploitation, par exemple); elles serapportent plutôt à l'évaluation de certains effets de l'installationlitigieuse (sur la stabilité des sols, sur l'environnement) et à ladéfinition plus précise de certains éléments de l'exploitation (organisationdes circulations). Aussi le Tribunal administratif a-t-il considéré que lesétudes accompagnant le projet de plan, destinées à établir la conformité duprojet avec la réglementation applicable, ne devaient pas être confonduesavec le plan lui-même; ces études pouvaient être précisées, corrigées oucomplétées sans réouverture de la procédure de planification. 4.2 Comme le projet est soumis à étude d'impact, certaines règles formellessont prescrites directement par le droit fédéral, quand bien même, pourl'ouverture d'une nouvelle gravière ou l'extension d'une gravière existante,l'ordonnance relative à l'étude d'impact renvoie au droit cantonal pour ladétermination de la procédure décisive (art. 5 ch. 3 OEIE et ch. 80.3 annexeOEIE - il s'agit en l'occurrence de la procédure d'adoption du pland'extraction). Les nuisances provoquées par le trafic des camionstransportant les matériaux (gravier, matériaux de remblayage), dans l'aired'exploitation et sur les routes alentour, doivent être décrites dans lerapport d'impact, puis évaluées dans le cadre de la procédure décisive (cf.art. 9 al. 2 LPE, art. 9, 17 ss OEIE). Dans le cas particulier, le rapportd'impact de 1997 contient des indications sur ces différents points, et lesrecourants ne critiquent nullement le contenu de ce rapport, nil'appréciation faite à ce sujet dans la décision finale du Département de lasécurité et de l'environnement. Ils se bornent en effet à tirer argument del'établissement, après l'adoption du plan d'extraction, d'un plancomplémentaire des circulations. On ne peut pas déduire de cette nouvellepièce que le rapport d'impact serait lacunaire, ni que l'étude d'impactaurait été effectuée sur des bases insuffisantes. Les recourants n'expliquentdu reste pas en quoi le plan complémentaire des circulations - qui à premièrevue se borne à expliquer plus en détail l'organisation du transport desmatériaux dans l'aire d'exploitation, en précisant la localisation decertains éléments - donnerait des indications décisives pour l'applicationdes normes du droit fédéral sur la protection contre les nuisances. Pour lesurplus, les griefs de violation des prescriptions relatives à l'étuded'impact sont inconsistants. 4.3 En connexité avec leurs critiques contre l'étude d'impact, les recourantsse plaignent d'une violation du droit d'être entendu parce que le Tribunaladministratif n'a pas donné suite à des réquisitions de preuve qu'ils avaientprésentées, sur des points selon eux importants pour évaluer les incidencesdu projet sur l'environnement (ils demandaient la production de nouveauxrapports par la société intimée ou par l'administration cantonale). Dans lecadre du recours de droit administratif, il y a lieu de déduire de ces griefsque les recourants reprochent à la juridiction cantonale d'avoir considéré àtort que l'étude d'impact était complète dans les domaines litigieux.La première critique concerne l'estimation des quantités de matériauxpierreux traités sur le site de la gravière. Il est clair que les reprochesdes recourants doivent être écartés car le plan d'extraction, avec sesannexes, contient les données requises (quantité approximative des matériaux,modalités d'exploitation, profondeur, mode de traitement des matériaux, etc.- cf. art. 8 LCar, définissant le contenu du plan d'extraction), permettant àl'autorité judiciaire de contrôler le résultat de l'étude d'impact. LeTribunal administratif a du reste retenu que les rapports complémentaires nedonnaient pas d'indications différentes de celles du dossier initial,s'agissant des volumes de matériaux. La seconde critique se rapporte aumaintien des installations de traitement sises sur la parcelle n° 238, quiaurait dû selon les recourants être expliqué dans un rapport spécial destinéà l'unité administrative du département chargée des gravières; sur ce pointégalement, les éléments du dossier étaient suffisants pour une évaluation desnuisances provenant de ces installations. Les griefs des recourants à cesujet sont donc mal fondés. 5.Les recourants soutiennent que les autorités cantonales auraient dû, pour desmotifs de protection de l'environnement, imposer un recul supplémentaire dupérimètre d'exploitation par rapport aux maisons du quartier des Méguettes.Ce grief, tel qu'il est présenté, est inconsistant. Par rapport au projet misà l'enquête publique - lequel, d'après le chapitre du rapport d'impact sur laprotection contre le bruit, permettait déjà une exploitation de la gravièresans dépassement des valeurs de planification dans le quartier précité (art.25 LPE) -, le plan d'extraction adopté par le Département de la sécurité etde l'environnement (DSE) éloigne quelque peu (de 25 m) le périmètred'exploitation, donc la source des émissions, et le talus protecteur; ladécision finale de ce département est donc plus favorable aux recourants et,dans son prononcé du 20 novembre 2001, l'autorité administrative de recours(DIRE) a complété les conditions d'exploitation en vue d'assurer un contrôlerégulier du niveau des émissions. Le Tribunal administratif a jugé cettesolution adéquate. Dans ces circonstances, il n'y a en somme aucun motif deconsidérer que les prescriptions du droit fédéral sur la limitation desnuisances auraient été mal appliquées. 6.Les recourants qualifient d'arbitraire la prolongation, pour un tronçon desrives du Pétozan, du délai fixé pour le reboisement après le défrichementautorisé pour l'exploitation de la première gravière.En vertu du droit fédéral, tout défrichement doit en principe être compenséen nature, dans la même région (art. 6 al. 1 LFo). La décision dedéfrichement doit préciser les délais pour réaliser cette compensation (art.7 al. 1 let. c OFo). En l'occurrence, le délai initial (selon la décision dedéfrichement du 15 décembre 1987) était fixé à la fin de l'année 2002; il aété prolongé de huit ans par l'autorité compétente pour l'application de lalégislation forestière dans le cadre de projets d'aménagement cantonaux. LeTribunal administratif a considéré qu'une telle prolongation équivalait à uneadaptation de la décision initiale en raison de la modification sensible descirconstances, et que le sort de l'ancien cordon boisé pouvait être revu lorsde l'adoption du nouveau plan d'extraction, le tronçon riverain litigieux setrouvant dans le périmètre de ce plan. Il ressort en outre de l'arrêt attaquéque le service forestier cantonal avait d'emblée admis (implicitement) dedifférer le reboisement à un endroit où, selon le mode d'exploitation prévupour la gravière des Gavardes, un passage libre devait être maintenu pour letransports des matériaux (piste d'accès et bande).On ne voit pas en quoi cette décision, qui confirme le principe dureboisement intégral des rives du Pétozan mais en retarde de quelques annéesla réalisation, serait contraire aux règles matérielles du droit forestierfédéral, ou compromettrait à terme la conservation de la forêt. Lesrecourants ne présentent aucun argument sérieux à l'encontre de cettesolution, que l'Office fédéral de l'environnement n'estime au demeurant pasinopportune. Le Tribunal administratif a ainsi veillé à l'applicationcoordonnée du droit forestier et du droit cantonal relatif à l'aménagement degravières; il n'a pas violé le droit fédéral, de sorte que les griefs desrecourants sont sur ce point mal fondés. 7.Il résulte des considérants précédents que, dans la mesure où il estrecevable, le recours de droit administratif est entièrement mal fondé. 8.Par la voie du recours de droit public, les recourants critiquent certainesmodalités d'exploitation de la gravière des Gavardes. Ils prétendent que leplan d'extraction transgresse le "principe de l'exploitation par étapesrestreintes dans le temps", découlant de la législation cantonale sur lescarrières; selon eux, il serait contestable de prévoir seulement deux étapesd'exploitation, de respectivement huit et neuf ans.La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie àl'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint parl'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Lerecours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserverdes intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et lesarrêts cités). Comme propriétaires fonciers voisins, les recourants
ne seplaignent pas de ce que le plan d'extraction modifierait ou supprimerait uneprescription d'un plan antérieur qui était destinée, au moins accessoirement,à la protection des intérêts des voisins. Le "principe de l'exploitation parétapes", ou plutôt les règles du droit cantonal applicables au programmed'exploitation des gisements de gravier (cf. notamment l'art. 16 RLCar,invoqué par les recourants, qui dispose que "le programme d'exploitation pourles gisements importants est conçu en tenant compte de la possibilité d'uneexécution simultanée par roulement des trois phases successives depréparation, d'extraction et de remise en état pour chaque étape"), ne sontpas destinés à protéger les intérêts des voisins. Les recourants invoquentencore, de façon confuse ou trop sommaire, différents principes et garanties(sécurité des relations juridiques, bonne foi, proportionnalité, droit d'êtreentendu, interdiction de l'arbitraire, règles cardinales en matière deprotection de l'environnement). Or, comme la contestation porte - dans lecadre du recours de droit public - sur la définition des étapesd'exploitation, la simple référence à ces principes ne change rien au faitque les recourants ne peuvent pas invoquer à cet égard une atteinte à desintérêts juridiquement protégés. Le recours de droit public doit doncd'emblée être déclaré irrecevable en application de l'art. 88 OJ. 9.Les recourants, qui succombent, doivent supporter l'émolument judiciaire(art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Ils auront en outre à payer une indemnité àla société intimée, assistée d'un avocat (art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Les causes 1A.102/2005 et 1P.250/2005 sont jointes. 2.Le recours de droit administratif est rejeté, dans la mesure où il estrecevable. 3.Le recours de droit public est irrecevable. 4.Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des recourants. 5.Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la société B.________ à titre dedépens, est mise à la charge des recourants. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants et del'intimée, au Département de la sécurité et de l'environnement et au Tribunaladministratif du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral del'environnement. Lausanne, le 4 juillet 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.102/2005
Date de la décision : 04/07/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-04;1a.102.2005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award