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03/07/2006 | SUISSE | N°2P.39/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 juillet 2006, 2P.39/2006


{T 0/2}2P.39/2006 /viz Arrêt du 3 juillet 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président, Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Meylan,Juge suppléant.Greffière: Mme Charif Feller. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Freymond, avocat, contre Municipalité de X.________,représentée par Me Minh Son Nguyen, avocat,Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne. art. 9 et 29 Cst., art. 6 CEDH (déplacement non disciplinaire sans réductionde traitement), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton

deVaud du 29 décembre 2005. Faits: A.A.a A.________, né le 9 m...

{T 0/2}2P.39/2006 /viz Arrêt du 3 juillet 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président, Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Meylan,Juge suppléant.Greffière: Mme Charif Feller. A. ________,recourant, représenté par Me Olivier Freymond, avocat, contre Municipalité de X.________,représentée par Me Minh Son Nguyen, avocat,Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne. art. 9 et 29 Cst., art. 6 CEDH (déplacement non disciplinaire sans réductionde traitement), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deVaud du 29 décembre 2005. Faits: A.A.a A.________, né le 9 mars 1952, a été engagé le 21 août 1979 en qualité deboursier communal et chef du Service de Bourse et de Comptabilité del'administration de la Commune de X.________. Il a été nommé à titredéfinitif, le 10 novembre 1980. A.b Une enquête disciplinaire a été ouverte contre A.________ en 1999. Il luiétait reproché, dans le cadre du renouvellement d'un emprunt, d'avoir tardé àprésenter des propositions à la Municipalité de X.________ (ci-après: laMunicipalité), d'avoir donné des informations inexactes et de ne pas avoirrespecté une décision municipale. Aucune sanction n'a été prononcée àl'encontre de A.________ à la suite de cette procédure disciplinaire.En avril 2003, A.________ a fait l'objet d'un blâme assorti d'unavertissement. Il lui était reproché, en substance, une exécutioninsatisfaisante des missions, un contrôle insuffisant des tâches effectuéespar les autres services, une gestion du personnel et une communicationinterne et externe peu efficaces ainsi qu'un comportement général marqué parde nombreuses absences. A.________ n'a pas recouru contre cette décision.Ayant appris que A.________ était devenu l'unique associé-gérant d'unbar-dancing, la Municipalité lui a adressé un courrier, en juin 2003, danslequel, tout en prenant note que son motif était uniquement "d'ordreparental", elle lui a reproché un certain manque de clairvoyance ainsi qued'avoir omis d'informer le Municipal dont il dépendait. Elle a égalementlaissé entendre qu'à l'avenir, des problèmes similaires la conduirait sansnul doute à prendre des mesures extrêmes. A.c Après que la Commission des Finances de la Ville de X.________ eut relevéde nombreux problèmes dans les budgets 2003, 2004 et 2005, la Municipalité amandaté, en décembre 2004, une fiduciaire pour analyser la situation duService des finances. Son rapport, daté du 15 février 2005, fait état de trèsgrosses lacunes dans l'organisation, liées au manque de formation et àl'attitude de A.________; ilpropose, en bref, soit de compléter la formationde celui-ci soit d'engager un responsable du département des finances ayantles qualifications requises. Le 10 mars 2005, une délégation municipale ainformé A.________ des conclusions dudit rapport et de l'éventualité del'engagement d'un nouveau chef de service, parallèlement à son maintien dansune fonction de comptable sans modification de salaire. Le 4 avril 2005, laMunicipalité a décidé de réorganiser le Service des finances. Une séancetenue le 19 avril 2005 avec l'intéressé, en vue de lui permettre de continuerà travailler dans un poste correspondant à ses compétences, n'a pas abouti àun accord. Le 26 avril 2005, la Municipalité a imparti à l'intéressé un délaipour se déterminer au sujet de l'engagement d'un nouveau chef de service etde son maintien dans une fonction de comptable, tout en mettant l'ensemble dudossier à sa disposition. Le 17 mai 2005, A.________ s'y est opposé. A lasuite de discussions infructueuses, la Municipalité a décidé, le 6 juillet2005, d'engager un nouveau directeur financier pour le 1er janvier 2006 auplus tard et d'affecter A.________ à sa nouvelle fonction en lui garantissantle même traitement. B.Par arrêt du 29 décembre 2005, le Tribunal administratif du canton de Vaud arejeté le recours de A.________ contre la décision de la Municipalité du 6juillet 2005. Il a considéré, en résumé, qu'en procédant à un déplacement nondisciplinaire sans réduction de traitement, la Municipalité n'avait pas tentéde contourner les contraintes d'une procédure disciplinaire, telle que prévueà l'art. 59 du Statut du personnel de la Ville de X.________ (ci-après: leStatut), le recourant ayant bénéficié de garanties au moins aussi étenduesque celles prévues par cette disposition. Par ailleurs, la mesure étaitjustifiée, compte tenu de la profonde restructuration qui s'imposait. Quant àla nouvelle fonction du recourant, qui correspondait à ses aptitudes, elle nepouvait être qualifiée de subalterne. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Il se plaint dela violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), de son droit àun débat public (art. 6 par. 1 CEDH) et du principe de l'interdiction del'arbitraire (art. 9 Cst.).La Municipalité conclut à l'irrecevabilité du recours en tant qu'il est fondésur le grief de l'arbitraire et à son rejet pour le surplus. Le Tribunaladministratif propose le rejet du recours.Par ordonnance du 13 avril 2006, le Président de la IIe Cour de droit publica rejeté la requête de mesures provisionnelles formulée par le recourant,tendant notamment à interdire à la Municipalité d'engager un chef du Servicedes finances jusqu'à droit connu sur l'issue du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 132 III 291 consid. 1p. 292). 1.1 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert uniquement àcelui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels etjuridiquement protégés (ATF 130 I 306 consid. 1 p. 309, 82 consid. 1.3 p.85). Sont des intérêts personnels et juridiquement protégés ceux quidécoulent d'une règle de droit fédéral ou cantonal ou directement d'unegarantie constitutionnelle spécifique pour autant que les intérêts en causerelèvent du domaine que couvre ce droit fondamental (ATF 129 I 113 consid.1.2 p. 117, 217 consid. 1 p. 219). La protection contre l'arbitraire inscriteà l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.) - qui doit être respectée dans touteactivité administrative de l'Etat - ne confère pas à elle seule la qualitépour agir au sens de l'art. 88 OJ (ATF 131 I 366 consid. 2.6 p. 371; 126 I 81consid. 4-6 p. 81 ss, voir aussi ATF 129 I 217 consid. 1.3 p. 222). 1.2 Le recourant se plaint de la violation de règles de procédure ayantconduit à son déplacement non disciplinaire. Il a ainsi la qualité pour agirau sens de l'art. 88 OJ, y compris lorsqu'il invoque la violation de l'art. 9Cst. En effet, il ressort de l'arrêt attaqué qu'une application par analogiedes dispositions (singulièrement l'art. 21) sur le déplacement nondisciplinaire prévues dans la loi du 12 novembre 2001 sur le personnel del'Etat de Vaud, interprétées à la lumière de la jurisprudence du Tribunalfédéral (cf. ATF 93 I 694), ainsi que des dispositions sur le déplacement àtitre de peine disciplinaire, prévues dans le Statut (en particulier l'art.59), font dépendre le déplacement non disciplinaire de l'intéressé deconditions matérielles qui tendent à le protéger d'un transfert injustifié. 1.3 Il y a lieu d'entrer en matière sur le présent recours qui, déposé entemps utile (art. 89 OJ), remplit les exigences de forme de l'art. 90 al. 1OJ. 2.2.1Le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé l'art. 6par. 1 CEDH en ne faisant pas droit à sa requête portant sur la tenue d'uneaudience publique.L'art. 6 par. 1 CEDH garantit notamment le droit à la tenue d'une audiencepublique lorsque sont en jeu des "droits et obligations de caractère civil"(ATF 130 II 425 consid. 2.2 et les arrêts cités). L'applicabilité de l'art. 6par. 1 CEDH aux agents publics dépend avant tout de la nature (régalienne ounon) des fonctions exercées par ceux-ci (ATF 129 I 207 consid. 4 p. 211 ss etles arrêts cités). Seuls les litiges des agents participant directement ouindirectement à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions visant àsauvegarder des intérêts généraux de l'Etat ou d'autres collectivitéspubliques ne sont pas soumis à l'art. 6 CEDH. Les agents publics, quin'exercent pas une fonction de nature régalienne, peuvent se prévaloir del'art. 6 CEDH, pour autant qu'il s'agisse de litiges de nature patrimonialedécoulant des rapports de service et qu'ils ne concernent pas simplement desprescriptions de service ou d'organisation (ATF 129 I 207 consid. 4.2 p. 212concernant la classe de traitement d'un enseignant du secondaire). L'art. 6par. 1 CEDH s'applique également lorsque sont en cause la violation desdroits de la personnalité (ATF 130 II 425 consid. 2.3 p. 430). 2.2 En l'espèce, bien que le litige concerne un agent public ne participantpas à l'exercice de la puissance publique, il ne porte ni sur des droitspatrimoniaux ni sur des droits de la personnalité. En effet, le salaire durecourant ne subit aucune réduction; quant à son déplacement nondisciplinaire, cette mesure - qui tient compte de ses aptitudes - ne revêtpas un caractère patrimonial, mais ressortit à la sphère d'organisation del'administration. Il s'ensuit que le litige ne tombe pas sous le coup del'art. 6 par. 1 CEDH et que le moyen tiré de la violation de cettedisposition n'est pas fondé. 3.3.1Le recourant fait grief à la juridiction cantonale d'avoir violé son droitd'être entendu en refusant d'ordonner la mise en oeuvre d'une expertise etl'audition de témoins. Le Tribunal administratif aurait versé dansl'arbitraire en retenant, par une appréciation anticipée des preuvesoffertes, que celles-ci n'apporteraient pas davantage de paramètres pourapprécier la situation du recourant. Pour la juridiction cantonale, lespièces produites établissaient de manière suffisante que le recourant n'étaitpas en mesure d'assumer de manière satisfaisante la totalité des chargesliées à sa fonction, notamment en matière de planification financière et deprocédure budgétaire. 3.2 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. comprendnotamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à sesoffres de preuves pertinentes (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia 136consid. 2d p. 139 et les arrêts cités). Ce droit n'empêche cependant pasl'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuvesadministrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'unemanière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves proposées,elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion(ATF 130 II 425 consid. 2.1 p. 429; 119 Ib 492 consid. 5b p. 505-506).La portée du droit d'être entendu est déterminée en premier lieu par le droitcantonal. Dès lors que le recourant considère que celui-ci n'offre pas uneprotection plus étendue que celle résultant de l'art. 29 al. 2 Cst., songrief doit être examiné au regard de la garantie minimale accordée par cettedisposition. 3.3 En l'espèce, le recourant se plaint de ce que l'arrêt attaqué se fondesur un rapport établi à la demande de l'une des parties (la Municipalité) etdont le contenu a été orienté par celle-ci. Ce faisant, le recourant perd devue que l'expertise judiciaire sollicitée ne constitue qu'un mode de preuveparmi d'autres, susceptible d'être ordonné par une autorité administrativeappelée à statuer en première instance. Par ailleurs, le recourant ne relèveaucun élément propre à faire apparaître le rapport litigieux comme peuconcluant. De plus, celui-ci ne fait que confirmer les reproches adressés aurecourant en 2003, sous forme d'un blâme assorti d'un avertissement, qu'iln'avait pas contestés. Enfin, le recourant a eu connaissance du rapportétabli par la fiduciaire, au sujet duquel il a obtenu la possibilité de sedéterminer; or, il ne prétend pas avoir formulé à cette occasion descritiques précises, propres à remettre en cause la force probante de cerapport, qui n'auraient pas été prises en considération. Par conséquent, lefait que le recourant n'ait pas pu exprimer son opinion lors de l'élaborationdu rapport litigieux n'apparaît pas comme décisif.S'agissant de l'audition en qualité de témoin du directeur de la fiduciairechargée de la révision des comptes de la commune au sujet des aptitudesprofessionnelles du recourant, c'est une question qui n'a pas de portéepropre par rapport au grief d'une mauvaise appréciation des preuves à cesujet. Elle sera donc examinée ci-après avec le fond du litige (cf. ATF 130II 425 consid. 2.1 in fine p. 429). 4.4.1Le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir arbitrairementretenu que les conditions d'un déplacement non disciplinaire étaientréalisées. Les premiers juges n'auraient pas mis en balance l'intérêt privédu recourant au maintien de sa position et l'intérêt public à son déplacementnon disciplinaire, en omettant singulièrement de tenir compte de la perte deconsidération qui résultait de ce déplacement. Le Tribunal administratifaurait estimé à tort qu'il y avait un intérêt public à rétrograder unfonctionnaire en raison de la réorganisation - incontestée - del'administration, et aurait arbitrairement inféré du rapport de la fiduciaireque l'intérêt public commandait ce déplacement, alors que ce rapportproposait également une autre solution. 4.2 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situationde fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clairet indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment dela justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p.211). A cet égard,le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autoritécantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifsobjectifs ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas queles motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que cedernier soit arbitraire dans son résultat. Iln'y a en outre pas arbitrairedu seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraîtconcevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 132 I 13consid. 5.1 p.17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219). 4.3 Le recourant ne conteste pas la nécessité d'une réorganisation duservice, mais soutient, à tort, qu'elle n'impliquerait pas la mesure dedéplacement dont il fait l'objet. En effet, il n'est pas arbitraire deconsidérer que les dysfonctionnements constatés étaient, du moins en partie,liés à l'inaptitude du recourant et que le témoignage requis n'aurait passuffi à remettre en question cette appréciation. Par conséquent, uneréorganisation efficace suppose le déplacement du recourant. Certes, lerapport de la fiduciaire propose une alternative à ce déplacement, à savoirle maintien du recourant dans sa fonction actuelle. Mais cette solutionimpliquerait une formation complémentaire, qui pourrait, à dire d'expert, serévéler peu efficace, compte tenu
de l'âge du recourant et du nombre d'annéesd'activité qu'il lui reste à accomplir. Appelée à choisir entre ces deuxsolutions, la Municipalité, jouissant d'un large pouvoir d'appréciation, sedevait de retenir celle qui paraissait garantir à long terme un plus hautdegré de rationalité et d'efficacité. Dans cette perspective, les mesuresd'accompagnement nécessaires pour assurer le maintien efficace du recourant àson poste pouvaient sans arbitraire être considérées comme disproportionnées.Quant à la perte de prestige liée au déplacement du recourant, elle n'est quela conséquence de son inaptitude avérée. En résumé, l'intérêt public àl'exécution de la mesure retenue l'emporte sur l'intérêt privé du recourant àêtre maintenu dans sa fonction actuelle. 5.Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, lerecourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).LaMunicipalité de X.________ n'a pas droit à des dépens (cf. art. 159 al. 2OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal administratif du canton de Vaud. Lausanne, le 3 juillet 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.39/2006
Date de la décision : 03/07/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-07-03;2p.39.2006 ?
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