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30/06/2006 | SUISSE | N°5P.129/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juin 2006, 5P.129/2006


{T 0/2}5P.129/2006 /frs Arrêt du 30 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. D. ________,recourant, représenté par Me Roland Châtelain, avocat, contre C.________,intimée,Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Ire Cour civile, rue du Pommier 1,case postale 1161, 2001Neuchâtel 1, Office des faillites du canton de Neuchâtel, 2053Cernier. art. 9 Cst. (prononcé de faillite), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton deNeuchâtel, Ire Cour civile, du 21 mars 2006. Faits: A.À la requête de C.__

______, à Aarau, D.________, qui exploite depuis octobre2003 ...

{T 0/2}5P.129/2006 /frs Arrêt du 30 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Marazzi.Greffier: M. Abrecht. D. ________,recourant, représenté par Me Roland Châtelain, avocat, contre C.________,intimée,Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Ire Cour civile, rue du Pommier 1,case postale 1161, 2001Neuchâtel 1, Office des faillites du canton de Neuchâtel, 2053Cernier. art. 9 Cst. (prononcé de faillite), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton deNeuchâtel, Ire Cour civile, du 21 mars 2006. Faits: A.À la requête de C.________, à Aarau, D.________, qui exploite depuis octobre2003 en raison individuelle un restaurant à la Chaux-de-Fonds, s'est vunotifier le 10 août 2005 une commination de faillite portant sur la somme de3'741 fr., plus intérêts et frais, par l'Office des poursuites des Montagneset du Val-de-Ruz. Faute de paiement, la poursuivante a requis la faillite deD.________ le 6 octobre 2005. Les parties ont été citées à comparaître àl'audience du 12 décembre 2005 de la Présidente du Tribunal civil de laChaux-de-Fonds. Personne n'a comparu à l'audience, de sorte que, par jugementdu même jour, cette magistrate a prononcé la faillite de D.________. B.D.________ a recouru contre ce jugement de faillite auprès de la Ire Courcivile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, en sollicitant sonannulation. Il a fait valoir en bref qu'il avait trouvé un arrangement depaiement avec C.________ peu avant l'audience du 12 décembre 2005, à laquelleil ne s'était pas présenté parce qu'il croyait que la créancière suspendraitses démarches et en avertirait directement le tribunal. Il a en outre alléguéque d'une manière générale, l'ensemble de ses fournisseurs et des salaires deson personnel avaient jusqu'à présent été payés, et qu'il disposait desliquidités lui permettant de faire face à ses engagements, si bien que sasolvabilité paraissait établie. Le recourant a requis et obtenu de l'autorité cantonale supérieure lasuspension de l'exécution du jugement de faillite. À la requête du jugeinstructeur, il a déposé le 6 février 2006, soit dans le délai prolongé à ceteffet, ses observations sur l'extrait du registre des poursuites (art.8 LP)qui avait été requis d'office. Ultérieurement, il a produit la photocopied'un avis de débit attestant du paiement de quatre autres poursuites par11'508 fr. 55. C.Statuant par arrêt du 21 mars 2006, l'autorité cantonale a rejeté le recourset a dit que la faillite de D.________ prendrait effet le 22 mars 2006 à 14heures. La motivation de cet arrêt est en substance la suivante:C.aSelon l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité judiciaire supérieure peut annulerle jugement de faillite lorsque le débiteur, en déposant son recours, rendvraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que depuis lors ladette, intérêts et frais compris, a été payée, que la totalité du montant àrembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure àl'intention du créancier ou que le créancier a retiré sa réquisition defaillite. En l'espèce, le recourant a établi par titre que la créance déduite enpoursuite avait été payée et que C.________ avait retiré sa réquisition defaillite, ce que confirme le nouvel extrait du registre des poursuites, du 3février 2006. L'art. 174 al. 2 LP exige toutefois encore, pour l'annulationd'un jugement de faillite, que le débiteur rende vraisemblable sasolvabilité. Cette exigence ne doit pas être soumise à des conditions tropsévères; il suffit que la solvabilité soit plus probable que l'insolvabilité. C.b L'examen du dossier montre les efforts consentis par le recourant pourredresser sa situation. Au 27 décembre 2005, l'extrait du registre despoursuites faisait état de 32 poursuites pour un montant total de 101'911 fr.15, sans aucun acte de défaut de biens ouvert. Le 3 février 2006, un nouvelextrait du registre des poursuites n'indique plus que 23 poursuites pour unmontant total de 85'338 fr. 15 [réd.: dont 4 poursuites payées (art. 8a LP)pour un montant total de 9'779 fr. 60]. L'ensemble du découvert enversC.________ faisait au 3 février 2006 l'objet de neuf saisies de salaire, unavis de saisie et trois commandements de payer. Les autres créanciers durecourant, au nombre de quatre, sont l'Administration fédérale descontributions (créances de 9'549 fr. 85, 8'029 fr. 90 et 11'351 fr. 10 quifont l'objet de saisies de salaire), le Service communal d'action sociale(commandement de payer de 2'000fr.), Assura SA (créance de 460fr. 20 austade de l'avis de participation à la série) et la caisse maladie MutuelleAssurances (commandement de payer de 2'853fr.05). C.c Dans ses observations du 6 février 2006, le recourant explique qu'il aréduit ses frais généraux, en particulier l'effectif de son personnel, ainsique ses stocks, que depuis quelques mois l'évolution des affaires s'estaméliorée et que grâce à un chiffre d'affaires d'environ 60'000 fr. enjanvier 2006, il est en mesure d'effectuer ces prochains jours de nouveauxpaiement par 10'000 fr. (qui ont été effectués par la suite; cf.lettre B infine supra). Il n'en demeure pas moins que le recourant ne sera pas en mesureà moyen terme de payer totalement les cinq créanciers qui l'ont mis auxpoursuites, puisqu'il ne peut assurer que des acomptes mensuels d'un peu plusde 10'000 fr. Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté. D.Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,D.________ conclut avec suite de frais et dépens à l'annulation de cet arrêt.Il a en outre présenté une demande d'effet suspensif, que le Président de laCour de céans, après avoir recueilli les déterminations de C.________ et del'autorité cantonale, a admise par ordonnance du 21 avril 2006. Invitée à présenter sa réponse éventueIle au recours, l'autorité cantonale adéclaré n'avoir pas d'observations à présenter et s'est référée à sonjugement. C.________ n'a pas fait usage de la faculté qui lui a été donnée derépondre au recours, étant précisé que dans ses déterminations sur la requêted'effet suspensif, elle avait indiqué que suite à un arrangement de paiementconvenu avec le débiteur, elle avait retiré la réquisition de faillite etsouhaitait éviter que la faillite définitive soit prononcée. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé en temps utile contre une décision confirmant en dernière instancecantonale la faillite du recourant (ATF 119 III 49 consid. 2 p.51; 118 III 4consid. 1 p. 5), le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et89 al. 1 OJ. Toutefois, les allégations, preuves ou faits qui n'ont pas étésoumis à l'autorité cantonale ne peuvent être pris en considération dans lecadre d'un recours de droit public pour arbitraire; les éléments nouveaux quele recourant invoque à l'appui de son recours de droit public (cf. consid.2.1 infra) sont donc irrecevables (ATF 119 II 6 consid. 4a; 118 III 37consid. 2a et les arrêts cités). 2.2.1Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir fait une appréciationarbitraire de sa solvabilité au regard de l'art. 174 al. 2 LP. Il fait valoirque, comme le retient l'arrêt attaqué, une reprise des affaires et lesmesures d'assainissement - en particulier de réduction des frais généraux -qu'il a prises lui ont permis de réduire les créances déduites en poursuitede plus de 16'000 fr. entre le 27 décembre 2005 et le 3 février 2006. Cetteévolution favorable se serait d'ailleurs poursuivie, puisque le dernierextrait du registre des poursuites qui lui a été délivré le 24 mars 2006ferait état d'un solde de poursuite de 57'164 fr. 20, soit une diminution entrois mois de 44'746fr. 95 par rapport au relevé du 27 décembre 2005. Or àce rythme d'amortissement de quelque 15'000 fr. par mois, dont le recourantaffirme qu'il pourrait être tenu, la totalité du passif encore ouvertpourrait être amortie en quatre mois environ. En ne tenant que trèspartiellement et insuffisamment compte de cette évolution dans sonappréciation de la solvabilité du recourant, l'autorité cantonale seraittombée dans l'arbitraire. 2.22.2.1Selon l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité judiciaire supérieure peut annulerle jugement de faillite lorsque le débiteur, en déposant son recours, rendvraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que depuis lors ladette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité dumontant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieureà l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré saréquisition de faillite (ch. 3). Ces faits nouveaux, exhaustivement énumérésdans cette disposition, peuvent conduire à l'annulation du jugement defaillite à la condition que le débiteur rende vraisemblable sa solvabilité.Un fait est rendu vraisemblable si le juge, dans son libre examen, aboutit àla conviction qu'il correspond avec une probabilité suffisante auxallégations de la partie (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 398). Concrètement, ilsuffit donc, pour l'annulation du jugement de faillite, que la solvabilité dufailli soit plus probable que son insolvabilité; ce faisant, il ne faut pasposer d'exigences trop sévères (Giroud, Kommentar zum Bundesgesetz überSchuldbetreibung und Konkurs, vol. II, 1998, n. 26 ad art. 174 LP et lesréférences citées; arrêt non publié 5P.146/2004 du 14 mai 2004, consid. 2;cf. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes etla faillite, 2001, n.45 ad art. 174 LP; Cometta, Commentaire romand,Poursuite et faillite, 2005, n. 9 ad art. 174 LP), notamment lorsque laviabilité de l'entreprise du débiteur ne saurait être déniée d'emblée (arrêtnon publié 5P.80/2005 du 15 avril 2005, consid. 3.2, avec référence auMessage du Conseil fédéral, FF 1991 III 1 ss, p.130/131). 2.2.2 Le débiteur doit produire les moyens de preuve idoines à rendrevraisemblable sa solvabilité, c'est-à-dire la disponibilité de liquiditésobjectivement suffisantes pour acquitter ses dettes exigibles (Cometta, op.cit., n. 8 ad art. 174 LP; Gilliéron, op. cit., n. 44 ad art. 174 LP).L'autorité judiciaire cantonale supérieure devant se prononcer sur la base dela vraisemblance de la solvabilité du poursuivi, il suffit que, sur la based'éléments objectifs, elle acquière l'impression d'une certaine vraisemblanced'un ratio de liquidités suffisant à moyen terme, sans pour autant qu'elledoive exclure la possibilité d'une insolvabilité installée (Gilliéron, op.cit., n. 44 ad art. 174 LP). La ratio legis est en effet d'éviter la faillitelorsque l'entreprise du débiteur paraît viable et que le manque de liquiditéssuffisantes apparaît passager (Brönnimann, Novenrecht und Weiterziehung desEntscheides des Konkursgerichtes gemäss Art. 174 E SchKG, in Recht undRechtsdurchsetzung, Festschrift für Hans Ulrich Walder zum 65. Geburtstag,Zurich 1994, p.433 ss, 446-447; cf. ATF 122 III 133 consid. 4b p. 136; 109III consid. 2; 91 I 1; arrêt du Kassationsgericht du canton de Zurich du 23octobre 1997, in ZR 1998 n° 31, p. 93-94). 2.32.3.1En l'espèce, il résulte des constatations de fait de l'arrêt attaqué quedepuis le prononcé de la faillite par la Présidente du Tribunal civil de laChaux-de-Fonds - faillite que le recourant aurait pu éviter (cf.art. 172 ch.3) s'il n'avait cru par négligence que la créancière avec qui il avait trouvéun arrangement avertirait directement le tribunal -, les mesures prises parle recourant pour redresser sa situation lui ont permis de réduire lescréances déduites en poursuite de plus de 16'000 fr. entre le 27 décembre2005 et le 3 février 2006. Aux dires du recourant, cette évolution favorablese serait d'ailleurs poursuivie, un extrait du registre des poursuites du 24mars 2006 montrant une diminution de 44'746fr. 95 par rapport à l'extrait du27 décembre 2005, mais le Tribunal fédéral ne peut pas tenir compte de cesfaits nouveaux (cf.consid. 1 supra). À cela s'ajoute que C.________,principal créancier du recourant, souhaite éviter la faillite de ce dernier -qui a respecté l'arrangement de paiement convenu avec elle - et qu'aucune despoursuites en cours contre le recourant n'est au stade de la commination defaillite. 2.3.2 Nonobstant le fait que l'entreprise du recourant paraisse ainsi viableet le manque de liquidités en voie d'être résorbé, l'autorité cantonale arefusé d'annuler la faillite pour le motif que le recourant, qui ne peutassurer que des acomptes mensuels d'un peu plus de 10'000 fr., ne sera pas enmesure à moyen terme de payer totalement les cinq créanciers qui l'ont misaux poursuites. Cette appréciation n'apparaît toutefois pas soutenable auregard des faits retenus dans l'arrêt attaqué. Dès lors qu'on admet, comme lefait l'autorité cantonale elle-même, que le recourant, ensuite des mesuresd'assainissement qu'il a prises et de l'évolution favorable des affaires, esten mesure d'amortir les dettes déduites en poursuite à raison d'un peu plusde 10'000 fr. par mois, soit de les acquitter intégralement en quelque septmois, on ne peut qu'en déduire la vraisemblance d'un ratio de liquiditéssuffisant à moyen terme - la période considérée rentrant dans les prévisionsdu moyen terme - pour payer les dettes exigibles. C'est dès lors de manièrearbitraire que les juges cantonaux ont considéré, au regard de l'état de faitqu'ils ont retenu, que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable sasolvabilité, au sens de l'art. 174 al.2 LP. 3.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis dans la mesure oùil est recevable et l'arrêt attaqué annulé. Obtenant gain de cause, lerecourant a droit à des dépens, qui, comme GastroSocial Pensionskasse nes'est pas opposée à l'annulation du jugement de faillite, seront mis à lacharge du canton de Neuchâtel (art. 159 al. 1 et 2 OJ; cf. arrêt non publié5P.80/2005 du 15 avril 2005, consid. 4). Il ne sera pas perçu d'émolumentjudiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Il est statué sans frais. 3.Le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de 2'000fr. àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonaldu canton de Neuchâtel, Ire Cour civile, ainsi qu'à l'Office des faillites ducanton de Neuchâtel. Lausanne, le 30 juin 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.129/2006
Date de la décision : 30/06/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-30;5p.129.2006 ?
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