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27/06/2006 | SUISSE | N°5A.11/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juin 2006, 5A.11/2006


{T 0/2}5A.11/2006 /frs Arrêt du 27 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffière: Mme Mairot. X. ________,recourant, représenté par Me Valentin Aebischer, avocat, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 13 mars 2006.Faits: A.A.a X.________, ressortissant turc né le 1er mai 1968, est entré en Suisse enseptembre 1990 pour y déposer une demande d'asile, dont il a étédéfinitive

ment débouté le 6 juillet 1994. Un délai de départ échéant le 15oc...

{T 0/2}5A.11/2006 /frs Arrêt du 27 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffière: Mme Mairot. X. ________,recourant, représenté par Me Valentin Aebischer, avocat, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. annulation de la naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 13 mars 2006.Faits: A.A.a X.________, ressortissant turc né le 1er mai 1968, est entré en Suisse enseptembre 1990 pour y déposer une demande d'asile, dont il a étédéfinitivement débouté le 6 juillet 1994. Un délai de départ échéant le 15octobre 1994 lui a été imparti. Le 29 juillet 1994, il a épousé Y.________, ressortissante suisse née le 25mars 1955, rencontrée en septembre 1993 à l'occasion d'un cours d'allemand.Une autorisation de séjour annuelle lui a dès lors été délivrée. A.b Le 30 mai 1997, X.________ a déposé une demande de naturalisationfacilitée fondée sur son mariage avec la prénommée. Le 31 mars 2000, lesépoux ont signé une déclaration écrite aux termes de laquelle ilsconfirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à lamême adresse et n'envisager ni séparation, ni divorce. Ils ont aussi attestéavoir connaissance du fait que la naturalisation facilitée ne pouvait pasêtre octroyée lorsque, avant ou pendant la procédure administrative, lacommunauté conjugale n'existait plus, notamment si l'un des conjointsdemandait le divorce ou la séparation, et que, si cet état de fait étaitdissimulé, la naturalisation pouvait être annulée ultérieurement. Par décision du 11 avril 2000, X.________ s'est vu accorder la naturalisationfacilitée en application de l'art. 27 de la loi fédérale du 29 septembre 1952sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (ci-après: LN; RS141.0).A.c Le 28 août 2000, les époux ont déposé une requête commune en divorcedevant le Tribunal d'arrondissement de l'est vaudois. Ils ont en outre signéune convention réglant les effets accessoires du divorce, qui a été prononcéle 7 mars 2001. Le 15 mai 2001, la Représentation de Suisse à Ankara (Turquie) a transmis àl'Office fédéral de l'état civil une demande en vue du mariage de X.________avec une compatriote turque, A.________, née le 11 février 1980. Cette uniona été célébrée en septembre 2001. A.d Le 22 mars 2002, le Département de l'intérieur du canton de Fribourg ademandé à X.________ de se prononcer sur une éventuelle annulation de ladécision de naturalisation facilitée. Le 31 mars suivant, Y.________ et luiont fait savoir aux autorités que leur demande en divorce avait été déposée àl'amiable et qu'ils étaient depuis restés en bons termes. L'ex-épouse del'intéressé a en outre expliqué que, pour des raisons de santé, il ne luiétait plus possible d'avoir des enfants. Elle avait donc convaincu son marid'accepter le divorce afin qu'il puisse refaire sa vie avec une personne àmême de lui donner une descendance. Elle a encore relevé que, selon elle, lafamille de celui-ci avait fait pression sur lui pour qu'il se remarie au plusvite. B.Le département cantonal a porté ces faits à la connaissance de l'Officefédéral des étrangers (OFE, devenu par la suite l'Office fédéral del'immigration, de l'intégration et de l'émigration [IMES], puis l'Officefédéral des migrations [ODM]) qui a ouvert, le 27 mai 2002, une procédure enannulation de la naturalisation facilitée à l'égard de X.________, enl'invitant à faire valoir son point de vue. Le 2 juin 2002, les ex-époux ontrappelé le contenu de leur précédent courrier. Entendue le 5 septembre 2002 par la gendarmerie vaudoise, sur commissionrogatoire de l'OFE, Y.________ a déclaré qu'elle avait rencontré X.________en septembre 1993, qu'ils s'étaient régulièrement fréquentés et qu'ilsavaient finalement décidé de se marier pour vivre ensemble. Elle n'avait pasrencontré de problèmes avec lui. Fin 2000, à la suite d'ennuis de santé, elleavait pris la décision de lui demander de la quitter afin qu'il refasse savie avec une autre femme et puisse avoir des enfants. De plus, elle a affirméque son ex-époux ne se rendait pas souvent dans son pays d'origine, qu'ellel'y avait accompagné une fois après le prononcé du divorce, qu'au moment designer la déclaration du 31 mars 2000, leur union était encore stable etqu'elle n'avait alors pas l'intention de se séparer ou de divorcer, enfin,que son ex-époux avait toujours été correct et n'avait en aucun cas abusé dumariage pour obtenir la nationalité suisse. En réponse à une demande d'informations complémentaires de l'IMES concernantles problèmes de santé qu'elle avait rencontrés fin 2000 et le rôle qu'ilsavaient pu jouer dans la rupture de sa relation conjugale, Y.________ aconfirmé qu'après une longue réflexion, elle avait convaincu son époux dedivorcer. Elle avait subi une hystérectomie et estimait, pour le reste, nepas avoir à s'étendre sur des questions relevant de sa vie intime.Par décision du 21 juillet 2004, l'IMES a annulé, avec l'assentiment desautorités fribourgeoises et vaudoises concernées, la naturalisation facilitéeoctroyée à X.________ le 11 avril 2000. Contre cette décision, celui-ci a déposé un recours administratif que leDépartement fédéral de justice et police (ci-après: DFJP) a rejeté le 13 mars2006. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande auTribunal fédéral de dire que la décision de l'IMES du 21 juillet 2004 etcelle du DFJP du 13 mars 2006 sont annulées, partant, que sa naturalisationfacilitée est confirmée et qu'il conserve sa nationalité suisse. Des déterminations n'ont pas été requises. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition larecevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p.156;131 II 58 consid. 1 p. 59 et les références). 1.1 La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de droitadministratif en vertu des art. 51 LN, 97 et 98 let. b OJ. En effet, commeelle a trait à une naturalisation facilitée, et non à une naturalisationordinaire, elle n'est notamment pas visée par le motif d'exclusion de l'art.100 al. 1 let. c OJ (arrêt 5A.26/2005 du 7 décembre 2005 consid. 1.1 et lajurisprudence citée; cf. aussi ATF 105 Ib 154 consid. 1 p. 156). Déposé entemps utile et dans les formes requises par une personne ayant manifestementqualité pour l'interjeter, le présent recours est dès lors recevable auregard des art.98 let. b, 103 let. a, 106 al. 1 et 108 OJ. 1.2 Conformément à l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit administratifpeut être formé pour violation du droit fédéral, y compris pour excès ou abusdu pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a p. 60). Saisi d'un telrecours, le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral,qui englobe notamment les droits constitutionnels (ATF 129 II 183 consid. 3.4p. 188; 128 II 56 consid. 2b p. 60). Comme il n'est pas lié par les motifsque les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisonsque celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décisionattaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art.114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 précité). Le recourant peut aussi seplaindre d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art.104 let. b OJ). Lorsque, comme en l'espèce, la décision n'a pas été renduepar une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit d'office et librementles constatations de fait de l'autorité intimée (art.105 al. 1 OJ), qui nele lient pas (art. 105 al. 2 OJ, a contrario). 2.2.1En vertu de l'art. 27 al. 1 LN, un étranger peut, ensuite de son mariageavec un ressortissant suisse, former une demande de naturalisation facilitées'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout, ou s'il y réside depuis uneannée et vit depuis trois ans en communauté conjugale avec ce ressortissantsuisse. La naturalisation facilitée ne peut pas être accordée, enparticulier, s'il n'y a pas de communauté conjugale au moment du dépôt de larequête ou à la date de la décision de naturalisation. Selon lajurisprudence, la notion de communauté conjugale au sens de l'art. 27 LNrequiert non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore unevéritable communauté de vie des conjoints. Tel est le cas s'il existe unevolonté commune et intacte des deux époux de maintenir une communautéconjugale stable. Une demande en divorce déposée peu après l'obtention de lanaturalisation facilitée est un indice d'absence de cette volonté lors del'octroi de la citoyenneté suisse (ATF 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49consid. 2b p. 52 et les arrêts cités). 2.2 Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17novembre 1999 sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'ODM peut, avecl'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans lanaturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par ladissimulation de faits essentiels. Pour que la naturalisation facilitéepuisse être annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors quel'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut surtoutqu'elle ait été obtenue grâce à un comportement déloyal et trompeur (ATF 130II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 4a p. 101). Point n'est besoind'une astuce au sens où ce terme est utilisé dans la définition del'escroquerie en droit pénal. Mais il est nécessaire que l'intéressé aitdonné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait sciemmentlaissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 130 II 482consid. 2 p. 484). Tel est le cas si, par exemple, le requérant déclare vivreen communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de divorcer unefois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soitou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 5A.26/2005 du 7décembre 2005 consid. 2.2; 5A.7/2003 du 28 août 2003 consid. 3). La nature potestative de la prescription énoncée à l'art. 41 al. 1 LN confèreune certaine liberté d'appréciation à l'autorité administrative compétente.Dans l'exercice de cette liberté, l'autorité doit s'abstenir de tout excès ouabus. Commet un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation l'autorité qui sefonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstancespertinentes ou rend une décision tout simplement arbitraire, contraire au butde police de la loi ou au principe de la proportionnalité (cf. ATF 130 III176 consid. 1.2 p. 180 et les références). 2.3 En procédure administrative fédérale prévaut le principe de la libreappréciation des preuves (art. 40 PCF par renvoi de l'art. 19 PA). Libre,l'appréciation des preuves l'est avant tout en ce qu'elle n'obéit pas à desrègles de preuve légales, qui prescriraient à quelles conditions précisesl'autorité devrait considérer que l'administration de la preuve a réussi etquelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens depreuve les uns par rapport aux autres. Lorsque la décision intervient, commeen l'espèce, au détriment de l'intéressé, l'administration supporte lefardeau de la preuve. Quand elle envisage d'annuler la naturalisationfacilitée, l'autorité compétente doit rechercher si l'époux naturalisé amenti lorsqu'il a déclaré former une communauté conjugale stable avec sonconjoint suisse; comme il s'agit là d'un fait psychique en relation avec desfaits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus del'administration et difficiles à prouver, il est légitime que l'autoritécompétente puisse se fonder sur une présomption. Dès lors, si l'enchaînementrapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation aété obtenue frauduleusement, il appartient à l'administré, en raison nonseulement de son obligation de collaborer à l'établissement des faits (art.13 PA), mais encore de son propre intérêt, de renverser cette présomption(ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485/486 et les références citées). Comme il s'agit d'une présomption de fait, qui relève simplement del'appréciation des preuves (Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du codecivil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1, Fribourg 1969, p. 249, avecles références) et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. les auteurscités à l'ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486, ainsi que Fabienne Hohl,Procédure civile, t. I, n. 958 ss p. 185 s. et n. 1132 p. 218), l'administrén'a pas besoin, pour la renverser, d'apporter la preuve du contraire du faitprésumé, soit de faire acquérir à l'autorité compétente la certitude qu'iln'a pas menti; il suffit que, par l'administration d'une ou de plusieurscontre-preuves, il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilitéraisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une union stable avecson conjoint. Il peut le faire soit en rendant vraisemblable la survenanced'un événement extraordinaire, susceptible d'expliquer une dégradation rapidedu lien conjugal, soit en rendant vraisemblable qu'il n'avait pas encoreconscience de la gravité des problèmes rencontrés par son couple - et qu'ilavait, par conséquent, encore la volonté réelle de maintenir une union stableavec son conjoint - au moment où il a signé sa déclaration. 3.L'examen chronologique des faits pertinents a conduit le département intimé àprésumer que le recourant avait conscience de l'instabilité de son couplelorsqu'il a déclaré, le 31 mars 2000, former avec son épouse une véritablecommunauté conjugale au sens de l'art. 27 LN. 3.1 Pour le DFJP, cette conclusion résulte déjà du fait que les préparatifsdu mariage se sont déroulés alors que la demande d'asile du recourant avaitété rejetée en première instance. Anticipant la décision sur recours,l'intéressé a donc pris les devants afin de faire obstacle à un éventuelrenvoi, prudente précaution puisque celui-ci a été confirmé le 6 juillet1994. Un délai a été imparti au recourant pour quitter la Suisse le 12juillet 1994; or il s'est marié le 29 juillet suivant, soit dix mois aprèsavoir rencontré sa future épouse. Si l'influence exercée par le rejet d'unedemande d'asile sur la décision des conjoints de se marier ne préjuge pas ensoi de la volonté que les époux ont ou n'ont pas de fonder une communautéconjugale effective et ne peut constituer un indice de mariage fictif que sielle est accompagnée d'autres éléments troublants, comme une grandedifférence d'âge, tel est précisément le cas ici puisque l'ex-épouse durecourant était de treize ans son aînée, situation tout à fait inhabituelledans le milieu socioculturel dont il est issu; que son épouse turque actuelleait douze ans de moins que lui confirme d'ailleurs cette appréciation. Deplus, les conjoints ont introduit une procédure de divorce le 28 août 2000, àsavoir cinq mois après la signature de leur déclaration commune du 31 mars2000, et quatre mois à peine après l'obtention par le recourant, le 11 avril2000, de la nationalité suisse. L'écoulement d'un laps de temps aussi courtentre la déclaration commune et
l'intention, traduite dans les faits, de seséparer confirme qu'en mars 2000, le couple n'envisageait déjà plus une viefuture partagée. 3.2 Selon le recourant, le seul fait qu'il se soit marié quelques semainesaprès avoir reçu la décision confirmant définitivement le rejet de sa demanded'asile et son renvoi de Suisse ne constitue pas un indice suffisant pourretenir qu'il a conclu un mariage fictif, d'autant que la décision desconjoints de se marier était bien antérieure à celle de l'autorité derecours; quant à la différence d'âge entre les époux, elle ne serait pasinhabituelle. Il expose en outre que, contrairement à ce qui ressort del'état de fait d'arrêts topiques, il n'avait précédemment jamais été marié enTurquie et n'a entretenu aucune relation durant son mariage avec la jeunefemme turque qu'il a épousée après son divorce. Ces arguments ne sont pas décisifs. S'il est exact que les préparatifs dumariage ont forcément dû se dérouler avant le rejet définitif de la demanded'asile, il n'en demeure pas moins que les intéressés ont pris la décision dese marier alors qu'une telle procédure était pendante. Certes, le fait qu'uneressortissante suisse et un ressortissant étranger contractent mariage afinnotamment de permettre au conjoint étranger d'obtenir une autorisation deséjour ne signifie pas nécessairement qu'ils n'ont pas formé une véritableunion conjugale au sens de l'art.27 al. 1 let. c LN. Contrairement à ce queprétend le recourant, le fait que son épouse suisse fût de treize ans sonaînée constitue toutefois un indice en ce sens, compte tenu du milieusocioculturel dont il est issu; il s'est du reste remarié - six moisseulement après son divorce - avec une jeune femme turque, cette fois-ci, dedouze ans sa cadette. En outre, il ne s'est écoulé que cinq mois entre lemoment où le recourant a signé la déclaration du 31 mars 2000 et celui dudépôt de la demande en divorce. Dans ces conditions, la rapidité aveclaquelle les événements se sont enchaînés autorisait le département intimé àprésumer que le recourant avait conscience de l'instabilité de son couplelorsqu'il a déclaré former une union effective et stable avec son épouse. 4.Le DFJP a par ailleurs estimé que les ennuis de santé rencontrés fin 2000 parl'ex-épouse du recourant, qui avait subi une hystérectomie et s'était dèslors trouvée dans l'impossibilité d'enfanter, ne constituaient pas unecontre-preuve suffisante, autorisant à penser que l'intéressé n'avait pasmenti en déclarant former une union stable avec sa conjointe. 4.1 Le département intimé a considéré que les explications données parl'intéressée, selon lesquelles elle aurait incité le recourant à accepter undivorce pour qu'il puisse avoir une descendance, n'apparaissaient pasconvaincantes car, bien avant la désunion, elle n'était déjà pas favorable àl'idée d'avoir des enfants En épousant une personne nettement plus âgée quelui, le recourant ne pouvait en outre ignorer que cette question seraitdélicate et que l'écoulement du temps ne manquerait pas d'amenuiser une telleperspective. En mars 2000, après plus de cinq ans de mariage et alors que sonépouse était âgée de 45 ans, il devait savoir que les chances pour leurcouple d'avoir des enfants étaient considérablement réduites, voire nulles.L'intervention chirurgicale pratiquée fin 2000 ne constituait donc pas unévénement imprévu, aux conséquences si extraordinaires qu'elles auraientprovoqué une brusque rupture de la communauté conjugale; au demeurant, lavolonté du couple de se séparer était apparue plusieurs mois avantl'hospitalisation de l'épouse. Or, selon l'expérience générale, les éventuelles difficultés qui peuventsurgir entre époux, après plusieurs années de vie commune, dans unecommunauté de vie effective, intacte et stable n'entraînent la désunion qu'auterme d'un processus prolongé de dégradation des rapports conjugaux, enprincipe entrecoupé de tentatives de réconciliation. Que les difficultésconjugales rencontrées par les intéressés aient abouti au dépôt d'une requêtecommune en divorce quatre mois à peine après la décision de naturalisationfacilitée amène à la conclusion que leur communauté conjugale n'était sansdoute déjà plus étroite et effective durant les mois précédents et, partant,au moment de la signature de la déclaration commune du 31 mars 2000. A celas'ajoutait la précipitation avec laquelle le recourant s'était remarié, sixmois après le prononcé du divorce, avec une jeune ressortissante turque. 4.2 Le recourant soutient qu'il est erroné d'affirmer qu'il aurait invoquéles ennuis de santé de son ex-épouse et, conséquemment, l'impossibilité pourelle d'avoir désormais des enfants comme contre-preuve. Il prétend que si lesconjoints ont choisi de divorcer, c'est en raison de la ferme intention del'épouse de mettre un terme à leur union, intention dont elle ne l'a informéqu'après qu'il eût obtenu sa naturalisation. Ses problèmes gynécologiques,qu'elle connaissait de longue date et dont elle souffrait déjà lorsqu'elle adécidé de mettre un terme à leur mariage, ne seraient qu'un élément parmid'autres ayant contribué à forger sa volonté de divorcer. S'agissant, commedans le cas particulier, d'un couple sans enfant, qui ne dispose pas d'unefortune importante et dans lequel chaque conjoint est en mesure de contribuerà son propre entretien, lorsque l'un d'eux veut divorcer, l'autre acceptegénéralement rapidement; une requête commune en divorce est alors déposéedans un très court laps de temps, même si le mariage a duré plusieurs années.Quant à sa nouvelle union avec une ressortissante turque, elle aurait étéarrangée par sa famille, ce qui expliquerait la rapidité de sa conclusion. 4.3 Ces arguments ne parviennent pas à mettre en doute le fait que l'uniondes époux n'était plus effective et stable au moment de la signature de ladéclaration commune du 31 mars 2000 ou de la décision de naturalisation du 11avril 2000, que le recourant en avait conscience et qu'il a dissimulé cetteréalité en sachant - à tout le moins en pouvant supposer - quel'administration ne lui accorderait pas la naturalisation facilitée s'il l'eninformait. Le recourant n'avance en effet aucun élément qui expliqueraitpourquoi la prétendue union stable formée avec son épouse a été rompue enquelques semaines, réfutant au contraire que les ennuis de santé de celle-ciaient pu jouer ce rôle. Il tente par ailleurs à tort de contester lebien-fondé de la règle, déduite de l'expérience générale de la vie, selonlaquelle un ménage uni depuis plusieurs années ne se brise pas en quelquessemaines sans qu'un événement extraordinaire en soit la cause et sans que lesconjoints en aient eu le pressentiment, et cela même en l'absence d'enfant,de fortune ou de dépendance financière de l'un des époux par rapport àl'autre. Enfin, il importe peu que son remariage ait été arrangé par safamille. Les conditions d'application de l'art. 41 LN sont ainsi remplies et l'on nevoit pas que l'administration ait abusé de son pouvoir d'appréciation (cf.supra consid. 2.2) en annulant la naturalisation facilitée du recourant. 5.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais deson auteur (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et auDépartement fédéral de justice et police. Lausanne, le 27 juin 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.11/2006
Date de la décision : 27/06/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-27;5a.11.2006 ?
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