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27/06/2006 | SUISSE | N°4C.51/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juin 2006, 4C.51/2006


{T 0/2}4C.51/2006 /ech Arrêt du 27 juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Romy, Juge suppléante.Greffière: Mme Crittin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Marc-Antoine Aubert, contre A.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Gilles Favre. contrat de travail; résiliation immédiate, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du5 octobre 2005. Faits: A.A. ________ AG (ci-après: A.________) est une société anonyme qui a pour butle commerce de détail pour le

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{T 0/2}4C.51/2006 /ech Arrêt du 27 juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Romy, Juge suppléante.Greffière: Mme Crittin. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Marc-Antoine Aubert, contre A.________ AG,défenderesse et intimée, représentée par Me Gilles Favre. contrat de travail; résiliation immédiate, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vaud du5 octobre 2005. Faits: A.A. ________ AG (ci-après: A.________) est une société anonyme qui a pour butle commerce de détail pour les biens de consommation de toutes sortes. En2002, elle a repris par fusion la société B.________ AG (anciennementC.________ AG), laquelle avait elle-même repris par fusion en 2001 la sociétéD.________ AG. Elle exploite 179 points de vente sous la raison socialeC.________. X. ________ a été engagé par D.________ AG le 8 janvier 1990. Les rapports detravail se sont poursuivis avec B.________, puis avec A.________. B.B.aA.________ subit des pertes très importantes en raison des vols, qu'ilssoient le fait de personnes extérieures ou du personnel. Pour remédier àcette situation, elle a établi des directives très strictes s'agissant dutraitement des marchandises. Ces règles sont régulièrement rappelées aux employés par le biais debulletins d'information internes, lesquels sont remis à tout le personnel viales chefs de secteurs et les chefs de groupes succursales. Ces bulletins sontégalement affichés visiblement dans chaque succursale, sur les panneauxd'information destinés aux collaborateurs. Ainsi, la circulaire "Info aux collaborateurs" du 17 octobre 2001 contientles règles suivantes concernant les marchandises:"Les cas de vols à l'étalage qui se sont produits récemment dans lessuccursales nous ont incités à établir de nouveau clairement les règles àsuivre avec les marchandises: Aucune marchandise ne peut être emportée sans quittance ou sans formulairepour les appareils prêtés, faute de quoi cela sera assimilé à un volsanctionné en conséquence. Ces règles sont valables pour toutes les marchandises: articles neufs,d'occasion, recyclés, réparations, retours, échantillons de fournisseurs,pièces de rechange etc. Les appareils peuvent uniquement être prêtés avec l'accord du chef desuccursale et moyennant le formulaire prévu à cet effet. Les collaborateurs qui emportent des marchandises de la succursale doiventêtre en possession d'un ticket de caisse ou d'un formulaire de prêt pour lesarticles concernés. Les marchandises défectueuses ou inutilisables ne sont pas remisesindividuellement au personnel. Les articles F doivent être supprimés encaisse conformément aux indications de manuels de vente R 15, être dotés del'autocollant F et renvoyés au centre de distribution (Dossier de service,page 54). Veuillez retourner les articles G au centre de distributionmoyennant le formulaire pour crédit et l'autocollant G (Dossier de service,page 54)".Auparavant déjà, dans une circulaire du 24 septembre 2001, l'attention desemployés avait été attirée sur ces mêmes prescriptions. Dans un bulletin du 13 février 2002, le service de sécurité de C.________ amentionné qu'un collaborateur de la centrale avait été licencié sur-le-champaprès avoir emporté un ordinateur portable (Personnal Computer) chez lui.Dans son bulletin du 15 avril 2002, le même service a rappelé les règlesprécitées en matière de vols commis par le personnel, en précisant que cesprescriptions devaient être observées par l'ensemble du personnel. Un autrebulletin du 15 octobre 2002 a fait état de trois licenciements pour vols. Sur tous les bulletins du service de sécurité, il est rappelé que lescontrôles des sacs et des poches des collaborateurs peuvent être effectuésn'importe quand; des conseils en matière de lutte contre le vol sontégalement régulièrement fournis au personnel. Il ressort des témoignages recueillis que ces directives doivent êtrescrupuleusement suivies par les collaborateurs et leur sont constammentrappelées. Le personnel ne peut les ignorer. Les enfreindre constitue unefaute grave, pouvant conduire au licenciement. Ces règles sont adressées parposte interne aux chefs de succursales, qui doivent les afficher. Elles leursont également transmises lors des réunions, qui se déroulent une fois parmois. B.b X.________ a travaillé à ... comme remplaçant du chef de succursale, puisà ..., comme chef de succursale. Le 1erseptembre 2002, il a été muté àE.________, en cette dernière qualité. A la fin de l'année 2002, son salairemensuel brut était de 4'457 fr., perçu treize fois l'an, auquel s'ajoutaientdes primes variables, des primes garanties de 550 fr. et un montantforfaitaire de 500fr. en remboursement de frais. B.c A la succursale de E.________,, certains articles défectueux, ouincomplets à la suite de vols, étaient stockés dans une armoire-vitrine. Ils'agissait principalement d'appareils de prix, conservés dans l'idée depouvoir recomposer des sets dans l'hypothèse où les pièces volées seraientretrouvées, ou en cas de vols partiels sur un appareil similaire. Lesappareils défectueux ou incomplets de prix modiques étaient retournés à lacentrale de distribution. Constatant lors d'un contrôle que cette armoire contenait trop demarchandises, Y.________, alors chef de groupes succursales, a donné l'ordreà X.________ de la sortir du stock. En mai 2002, un téléphone portable Nokia 8310 portant le numéro de série...3164 a été envoyé en réparation. Il avait subi un dégât d'eau et nepouvait être réparé. En novembre 2002, une cliente a acquis un appareil Nokia8310. Constatant qu'il ne fonctionnait pas, elle l'a rapporté au magasinquelques heures après. L'emballage portait le numéro de série IMEI ...5441.Ce portable a été renvoyé au centre de réparation, qui l'a retourné à lasuccursale en mentionnant que ce même appareil avait été déclaré irréparableen mai 2002. Il s'agissait en réalité du portable répondant au numéro desérie ...3164. Y.________ s'est rendu à la succursale de Lausanne Ale, afinde comprendre pourquoi le portable ...3164 se trouvait dans un emballagecorrespondant au numéro de série ...5441. Il s'est avéré que le portableno...5441 était en possession de X.________. Le 10 décembre 2002, X.________ a signé une reconnaissance de culpabilité. Ala rubrique "description du délit", on lit ce qui suit:"M. X.________ a pris pour lui un Nokia 8310 démarqué selon ses dires (actionnon avérée en réalité). Cet art. manque sur l'inventaire de 9.02. L'appareilest en mains de M. X.________ depuis env. 2 mois. La boîte est restée aumagasin mais l'appareil ... 5441 a été remplacé par l'IMEI ...3164 (rép.stock). En outre, l'appareil ... 5441 fonctionne".Par lettre du 11 décembre 2002, A.________ a résilié le contrat de travail deX.________ avec effet immédiat. Le même jour, elle a déposé une plaintepénale pour abus de confiance. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 9juin 2004. X. ________ soutient, sans avoir toutefois pu l'établir, que l'armoirecontenait 3 cartons abritant le Nokia 8310 et qu'il aurait utilisé leurcontenu, dont un téléphone portable incomplet pour reconstituer un appareilfonctionnant, en l'occurrence celui qui a été trouvé en sa possession. Ildéclare avoir utilisé cet appareil pour un usage privé et professionnel. Ilne sait pas pourquoi un portable, qui aurait dû être dans l'armoire, a étévendu.Après une pénalité d'un mois, X.________ a perçu des indemnités de chômagedès le 1er février 2003. Il a retrouvé un emploi en juin 2004. C.Par demande du 11 novembre 2003, X.________ a ouvert action contre A.________devant les juridictions vaudoises en paiement de la somme de 43'617 fr.40,avec intérêt à 5% l'an dès le 11 décembre 2002. La défenderesse a conclu àlibération. Par jugement du 9 février 2005, le Président du Tribunal civil duTribunal d'arrondissement de Lausanne a rejeté l'action ouverte par ledemandeur. Ce jugement a été confirmé par la Chambre des recours du Tribunal cantonalvaudois par arrêt du 5 octobre 2005. D.Le demandeur exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut,avec suite de frais et dépens, à ce que l'arrêt rendu le 5 octobre 2005 soitréformé, en ce sens que A.________ lui doit paiement de la somme de 43'617fr.40, avec intérêt, et subsidiairement, à ce que l'arrêt rendu le 5 octobre2005 soit annulé et la cause renvoyée devant la Chambre des recours pournouvelle décision dans le sens des considérants. La défenderesse requiert lerejet du recours, avec suite de dépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires,et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun Tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le montant de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présentrecours en réforme est recevable, puisqu'il a été formé en temps utile (art.54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Le recours en réforme peut être formé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43al.1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c). Le Tribunal fédéral conduit sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuvesn'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatationsreposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faillecompléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'apas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairementétablis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4; ATF 127III 248 consid. 2c). Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, maisil n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ) ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 136 consid. 1.4). Le Tribunal fédéral peut donc admettre unrecours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et ilpeut également le rejeter en adoptant une autre argumentation juridique quecelle retenue par l'autorité cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine). 2.Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un contrat detravail. La question litigieuse se pose en revanche de savoir si lesconditions d'une résiliation immédiate de ce contrat pour justes motifs, ausens de l'art. 337 CO, sont bien remplies. 2.12.1.1Selon l'art. 337 al. 1 1re phrase CO, l'employeur et le travailleurpeuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justesmotifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes lescirconstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pasd'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports detravail (cf. art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit êtreadmise de manière restrictive (ATF 130 III 28 consid. 4.1, 213 consid. 3.1;127 III 251 consid. 4a et les références citées). D'après la jurisprudence,les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent être objectivementpropres à détruire le rapport de confiance qui constitue le fondement ducontrat de travail et avoir effectivement entraîné cette perte du rapport deconfiance. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifieson licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peutentraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré unavertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1, 213 consid. 3.1; 129 III 380consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale laviolation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF 130 III 28consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a), mais d'autres incidents peuvent aussijustifier une résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2). Uneinfraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe,un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 117 II 560consid. 3b). Le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueuraccrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leurconfère leur fonction dans l'entreprise (ATF 130 III 28 consid.4.1; 127 III86 consid. 2c). Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al.3CO).Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, ilprendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment laposition et la responsabilité du travailleur, le type et la durée desrapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements(ATF 130 III 28 consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a). Le Tribunal fédéral revoit avec réserve la décision d'équité prise endernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sansraison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière delibre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le casparticulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'apas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris enconsidération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'unpouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestementinjuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 213 consid. 3.1, 28 consid.4.1; 129 III 380 consid. 2). 2.1.2 La cour cantonale a retenu que le demandeur, en qualité de chef desuccursale, était chargé de transmettre les directives répétées de ladéfenderesse sur la prévention des vols et de veiller à leur respect par lescollaborateurs de la société. Ces directives prescrivaient notammentqu'aucune marchandise ne pouvait être emportée sans quittance ou sansformulaire pour les appareils prêtés, le prêt devant obtenir l'accord du chefde succursale. Cette règle valait pour les "articles neufs, d'occasion, àrecycler, réparations, retours, échantillons de fournisseurs, pièce derechange, etc.". En cours d'instruction, le demandeur a reconnu avoir prispour lui un téléphone portable, non mentionné à l'inventaire, et ce depuisdeux mois, lors même que les juges cantonaux ont posé que cet appareiln'était d'aucune utilité pour l'activité professionnelle de l'employé et quel'existence d'une quittance ou d'une fiche de prêt n'a pas été établie. Surle vu de ces éléments, la Chambre des recours a estimé que les directives del'employeur, qui, d'une part, revêtaient une haute importance pour ladéfenderesse, en raison des importantes pertes financières causées par lesvols, et, d'autre part, prévoyaient des conséquences très sévères en cas denon-respect, ont été violées. Elle a relevé que le manquement du demandeurdevait s'apprécier avec d'autant plus de sévérité qu'il avait une fonction decadre et était personnellement chargé de contrôler le respect de cesdirectives par ses subordonnés. Ce manquement a été qualifié de grave parl'instance cantonale, qui a considéré le congé immédiat comme justifié. 2.2 Le demandeur
fait valoir tout d'abord à l'appui de son recours que l'art.337 CO aurait été mal appliqué, parce que les magistrats cantonaux auraientdû, dans un premier temps, examiner et trancher la question de savoir si soncomportement était constitutif d'une infraction pénale. Ils auraient dûconclure que tel n'était pas le cas puisqu'une ordonnance de non-lieu a étérendue. A titre subsidiaire, l'autorité cantonale aurait dû alors examiner sila violation d'une directive interne de la défenderesse suffisait à justifierun licenciement avec effet immédiat. En l'occurrence, la cour cantonale n'a pas examiné si le comportementreproché au demandeur constituait une infraction pénale. Elle a considéré nepas avoir à trancher cette question, puisqu'elle a jugé que la violation desdirectives internes de la défenderesse suffisait à rompre le rapport deconfiance avec l'employeur. Il convient dès lors dans un premier tempsd'examiner si cette solution est conforme au droit fédéral. Dansl'affirmative, l'examen de tous les autres griefs deviendrait superflu. Iln'y a en effet pas lieu d'examiner une argumentation juridique qui nepourrait pas modifier l'issue du litige (Bernard Corboz, Le recours enréforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II 1ss, p. 30). On relèvera en outre que le recours en réforme n'est pas ouvert pour seplaindre seulement des motifs de la décision attaquée, si cela n'a aucuneincidence sur le dispositif (cf. ATF 111 II 1; 106 II 117 consid. 1; 103 II155 consid. 3). Par conséquent, le demandeur n'a pas d'intérêt à se prévaloird'une motivation plutôt que d'une autre et on ne discerne aucune violation del'art. 337 CO sur ce point. Il y a donc lieu d'examiner si la violation des directives internes de ladéfenderesse, reprochée au demandeur, justifie un licenciement avec effetimmédiat, selon l'art. 337 al. 1 CO. 2.2.1 Le demandeur admet avoir enfreint les directives internes de sonemployeur. Il fait cependant valoir que les premiers juges ont omisd'examiner les circonstances dans lesquelles il s'est retrouvé en possessiondu téléphone portable litigieux. Il prétend à cet égard que le téléphoneportable en sa possession a été reconstitué au moyen de pièces se trouvantdans une armoire-vitrine qui contenait des articles défectueux ou incompletsà la suite de vols. L'état de fait du jugement de première instance, auquel l'arrêt attaquérenvoie intégralement, retient que le demandeur n'a pas pu établir ces faits.Ce dernier y voit une violation de l'art. 8 CC et soutient qu'il incombait àla défenderesse de démontrer les circonstances dans lesquelles le demandeurs'est retrouvé en possession de cet appareil. La question d'une éventuelle violation de l'art. 8 CC sur ce point peut êtrelaissée ouverte. En effet, il ressort de l'état de fait, qui lie le Tribunalfédéral et que le demandeur ne conteste pas, que celui-ci a pris pour luil'appareil de téléphone litigieux. Or, comme exposé ci-après, cetaccaparement suffit à violer les directives de la défenderesse, sans qu'ilsoit nécessaire de déterminer les circonstances exactes dans lesquelles ledemandeur s'est emparé de cet objet. Les circulaires datées du 24 septembre2001 et du 17 octobre 2001, remises à tout le personnel via les chefs desecteurs et les chefs de groupes succursales, précisent en effet que lesrègles, selon lesquelles aucune marchandise ne peut être emportée sansquittance ou sans formulaire pour les appareils prêtés, sont valables pourtoutes les marchandises: articles neufs, d'occasion, à recycler, réparations,retours, échantillons, pièces de rechange. Il est en outre expressément prévuque les marchandises défectueuses ou inutilisables ne sont pas remisesindividuellement au personnel. Le demandeur ne conteste pas qu'il avait connaissance de ces directives.Celles-ci ne contiennent aucune exception qui autoriserait les membres dupersonnel à emporter un article, même défectueux, incomplet ou inutilisable,sans quittance ou formulaire de prêt. Par conséquent, peu importe que ledemandeur ait pris l'appareil litigieux dans l'armoire destinée aux objetsdéfectueux ou qu'il ait procédé à un échange avec un appareil en état defonctionnement. Le seul fait d'avoir conservé un appareil pour son usagepersonnel est contraire aux directives internes. 2.2.2 Le demandeur fait valoir encore qu'il croyait que cet appareil nefaisait plus partie de l'inventaire. Il aurait ainsi mal apprécié le statutdes objets qui se trouvaient dans l'armoire-vitrine et aurait agi parnégligence, de sorte que sa faute ne serait pas suffisamment grave pourdétruire le lien de confiance avec son employeur. On relèvera tout d'abord que ces allégations s'écartent des faits retenusdans l'arrêt attaqué, de sorte que le Tribunal fédéral ne saurait en tenircompte (art. 63 al. 2 OJ). Toutefois, même si l'on admettait, comme lesoutient le demandeur, qu'il pensait que cet article ne figurait plus àl'inventaire, cette circonstance ne lui aurait pas davantage permis des'emparer de l'appareil litigieux, au vu de la teneur claire des directivesde l'employeur, qui ne prévoient aucune exception pour les objets horsinventaire. 2.2.3 Enfin, le demandeur invoque que les premiers juges auraient donné tropd'importance aux directives édictées unilatéralement par l'employeur. Le seulfait que ces directives prévoyaient de très sévères sanctions pour lescontrevenants, dont le licenciement immédiat, ne suffirait pas à les érigeren justes motifs qui s'imposent au juge. En l'espèce, contrairement à ce que prétend le demandeur, la cour cantonalen'a pas fondé l'existence d'un juste motif sur le seul fait que lesdirectives internes prévoyaient de très sévères sanctions pour lescontrevenants. Elle a au contraire examiné si, objectivement, le manquementreproché au demandeur était particulièrement grave et de nature à détruire lerapport de confiance avec son employeur, au vu de l'ensemble descirconstances. A cet égard, elle a admis à juste titre que ces directivesinternes revêtaient une haute importance comme élément de la campagne contrele vol, mise sur pied par la défenderesse en raison des importantes pertesfinancières subies. Aucun employé ne pouvait ignorer ces règles; le demandeuraffirme même qu'il les connaissait. Il convient donc de reconnaître que lesinstructions internes de la défenderesse visant à prévenir les volsconstituent objectivement des règles importantes pour l'entreprise, dont onpeut attendre et exiger le respect absolu de la part des employés. Par ailleurs, la cour cantonale a retenu, également à juste titre, que lecomportement du demandeur, en sa qualité de cadre, devait être apprécié avecune rigueur accrue. En l'espèce, le demandeur, comme chef de succursale,était chargé de transmettre les directives de la défenderesse et de veiller àleur respect par ses subordonnés. Il devait donc témoigner, par son attitude,d'une rigueur exemplaire sur ce point. Son manquement était de nature àaffaiblir de manière notable la politique de la défenderesse en matière delutte contre le vol dans la succursale dont il avait la responsabilité. Lefait que le demandeur, employé de longue date, ait toujours donné jusque-làsatisfaction à son employeur, comme il le soutient, ne modifie pas cetteappréciation et ne permet pas de contrebalancer, en sa faveur, les effetsnégatifs de ses manquements pour la défenderesse. Un avertissement préalableou la poursuite des rapports de travail jusqu'au congé ordinaire n'aurait parailleurs pas eu l'effet escompté sur les employés, soit celui de lesdissuader de détourner le moindre article. 2.3 Pour toutes ces raisons, et même si la présente affaire doit êtreconsidérée comme un cas limite, il convient d'admettre que la cour cantonalen'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation au sens de la jurisprudencefédérale précitée, en qualifiant le manquement du demandeur de grave et enestimant ne pas pouvoir de bonne foi exiger de la défenderesse qu'ellepoursuive les rapports contractuels jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat.C'est donc à bon droit que la Chambre des recours a jugé que la violation desdirectives internes de la société défenderesse était propre à justifier unlicenciement immédiat au sens de l'art. 337 CO. Par conséquent, le recours ne peut qu'être rejeté, sans qu'il soit nécessaired'examiner le grief soulevé en lien avec le refus de l'autorité cantonale detrancher la question de savoir si le comportement reproché était ou nonconstitutif d'une infraction pénale. 3.Le demandeur, qui succombe, paiera l'émolument judiciaire et versera à ladéfenderesse une indemnité à titre de dépens, puisque la valeur litigieusedéterminante, calculée au moment du dépôt de la demande - en premièreinstance -, dépasse le plafond de 30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO (art.156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 27 juin 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.51/2006
Date de la décision : 27/06/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-27;4c.51.2006 ?
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