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26/06/2006 | SUISSE | N°H.57/06

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2006, H.57/06


Cause {T 7}H 57/06 Arrêt du 26 juin 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Berthoud 1. P.________, 2. S.________, 3. F.________,recourants, tous représentés par Me Jean-Jacques Martin, avocat, place duPort 2, 1204 Genève, contre Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes(FER CIAM 106.1),rue de St-Jean 98, 1201 Genève, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 18 janvier 2006) Faits: A.La société X.________ SA à Genève était affiliée en tant qu'employeur à laCaisse i

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Cause {T 7}H 57/06 Arrêt du 26 juin 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffier : M.Berthoud 1. P.________, 2. S.________, 3. F.________,recourants, tous représentés par Me Jean-Jacques Martin, avocat, place duPort 2, 1204 Genève, contre Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes(FER CIAM 106.1),rue de St-Jean 98, 1201 Genève, intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 18 janvier 2006) Faits: A.La société X.________ SA à Genève était affiliée en tant qu'employeur à laCaisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandesFER-CIAM (la caisse). Les principaux organes de cette société étaientP.________, administrateur, président et délégué, S.________,administratrice, et F.________, administrateur et secrétaire. Par jugement du 5 avril 2001, le Tribunal de première Instance du canton deGenève a accordé à X.________ SA un sursis concordataire de six mois, qui aété prolongé de six mois le 10décembre suivant. Par jugement du 9 septembre2002, le Tribunal de première Instance a prononcé la faillite de la sociétéX.________ SA. Le 25septembre 2002, la caisse a demandé des précisions quantà l'abandon de la procédure concordataire au commissaire au sursis, puiss'est adressée au tribunal, qui lui a fait parvenir copie de son jugement le28 octobre 2002. Par trois décisions du 15 octobre 2003, la caisse a réclamé à P.________,S.________ et F.________ la réparation d'un dommage de 105'569fr.15 autitre des cotisations d'assurances sociales fédérales et cantonales impayéesdepuis le mois de janvier 2000, qu'elle avait perdues dans la faillite. Lesprénommés ont formé conjointement opposition à ces décisions. La caisse les arejetées, par décision du 29mars 2005, considérant en bref que son dommagerésultait d'une violation des prescriptions de la LAVS commise par négligencegrave. B.P.________, S.________ et F.________ ont recouru conjointement contre cettedécision devant le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton deGenève, en concluant principalement à son annulation. En cours de procédure,la caisse a renoncé à demander la réparation du dommage relatif à la périodedu sursis concordataire (janvier à juillet 2002), soit 2'099fr.60. Par jugement du 18 janvier 2006, la juridiction cantonale a admispartiellement le recours et condamné solidairement les trois prénommés àpayer la somme de 103'469 fr. 55 à la caisse. C.P.________, S.________ et F.________ interjettent recours de droitadministratif contre ce jugement dont ils demandent l'annulation et celle dela décision du 29mars 2005, avec suite de dépens, en concluant à ce qu'ilsoit constaté qu'ils ne sont pas débiteurs de la caisse en leur qualitéd'anciens organes de la société X.________ SA. Tandis que l'intimée conclut implicitement au rejet du recours, l'Officefédéral des assurances sociales renonce à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur la responsabilité des recourants dans le préjudice subipar l'intimée en raison de la perte des cotisations paritaires AVS/AI/APG/ACafférentes aux mois de janvier, février et de la période courant de septembreà décembre 2000. Le Tribunal fédéral des assurances ne peut entrer en matière sur le recoursque dans la mesure où le litige concerne des cotisations aux assurancessociales fédérales. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce qu'il en est dudommage éventuel résultant du non-paiement des cotisations au régime cantonaldes allocations familiales et de l'assurance-maternité (consid. 1a non publiéde l'arrêt ATF 125 V 205; ATF 124 V 146 consid. 1 et la référence). 2.La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner àexaminer si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris parl'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faitspertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ouincomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let.a et b et 105 al. 2OJ). 3.La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du6octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînantla modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Le cas d'espèce reste toutefoisrégi, sur le plan matériel, par les dispositions en vigueur jusqu'au31décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicablessont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants sesont produits (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références). En revanche, lesdispositions générales de procédure de la LPGA (art. 27 à 62 LPGA) sontapplicables au cas d'espèce (art. 52 al. 2 LAVS dans sa teneur en vigueurdepuis le 1erjanvier 2003, art. 52 et 56 LPGA; cf. ATF 130V1). 4.4.1Selon la juridiction inférieure, la caisse n'a eu connaissance de sondommage que le 28 octobre 2002, lorsque le Tribunal de première Instance luia communiqué son jugement prononçant la faillite de la société. Les décisionsen réparation du dommage ayant été notifiées aux recourants le 15 octobre2003, soit moins d'une année après que la caisse avait eu connaissance dudommage, il importait peu de savoir si le droit à réparation était soumis audélai de péremption d'une année, selon l'ancien droit, ou de prescription dedeux ans, selon le nouveau droit. Les recourants reprochent aux premiers juges d'avoir considéré à tort que ledroit de demander la réparation du dommage n'était pas périmé. Ilssoutiennent que la caisse a eu connaissance de son dommage lorsqu'elle a reçula réponse du commissaire au sursis, le 3 octobre 2002. La péremption ou laprescription étant des institutions du droit matériel qui concernentl'existence même de la créance en réparation du dommage, il se justifie desoumettre la naissance de la créance en réparation du dommage et sapéremption ou sa prescription à un seul et même régime de droit transitoire.En l'occurrence, l'ancien droit aurait dû être appliqué et la caisse n'étaitplus en droit, plus d'une année après avoir eu connaissance de son dommage,de leur en demander réparation le 15 octobre 2003. 4.2 Selon l'art. 52 LAVS, tel qu'en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002,l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pasdes prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, esttenu à réparation. 4.2.1 D'après l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, en vigueur jusqu'au 31décembre2002, le droit de demander la réparation du dommage se prescrit lorsque lacaisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparationdans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage, et, en tout cas, àl'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. En tantqu'il s'agit de délais de péremption, la caisse de compensation est déchue dudroit d'exiger la réparation du dommage si elle n'a pas agi dans les délaisrequis (cf. ATF 128 V 12 consid. 5a, 17 consid. 2a, 126 V 451 consid.2a, 121III 388 consid. 3b et les références; cf. également Andrea Braconi,Prescription et péremption dans l'assurance sociale, in: Droit privé etassurances sociales, Fribourg 1990, p. 223 et 227 ss). En revanche, si elle arendu une décision de réparation du dommage dans ces délais et, en casd'opposition, ouvert une action dans les 30jours à compter du moment où ellea eu connaissance de l'opposition (ancien art. 81 al. 3 RAVS), ses droitssont sauvegardés pour toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que ladécision entre en force ou qu'un jugement définitif soit rendu (cf.consid.5.1.1 de l'arrêt F. du 30novembre 2004, H96/03, publié in SVR 2005AHV n°15 p.49; RCC 1991 p. 136 consid. 2c; arrêt non publié B. du 8 janvier1990 [H102/88] consid.2c). Avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1erjanvier 2003, l'art.82 RAVS aété abrogé. Depuis lors, le nouvel art.52 LAVS (introduit par le ch.7 del'annexe à la LPGA) prévoit à son al.3 que le droit à réparation estprescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a euconnaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenancedu dommage. Ces délais peuvent être interrompus et l'employeur peut renoncerà s'en prévaloir. Il s'agit de délais de prescription, non de péremption,comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA(cf. SVR 2005 AHV n°15 p.49 consid.5.1.2; FF 1994 V 964 sv., 1999p.4422). 4.2.2 La LPGA ne contient pas de disposition transitoire relative aux délaisde péremption et de prescription prévus par l'ancien art.82 RAVS etl'art.52 al.3 LAVS. Ce point a toutefois été réglé dans un arrêt du27septembre 2005 (ATF 131V425). A cette occasion, le Tribunal fédéral desassurances a jugé que les prétentions en dommages-intérêts qui n'étaient pasencore périmées au 1erjanvier 2003 sont assujetties aux règles deprescription de l'art. 52 al. 3 LAVS qui sont entrées en vigueur à cemoment-là (consid. 5.1 et 5.2), confirmant ainsi le bien-fondé de la pratiqueadministrative (ch.7057.1 des directives de l'OFAS sur la perception descotisations).Il n'y a pas lieu en effet, sur ce point, de s'écarter de la jurisprudence(ATF 102 V 207, consid. 2, ATF 111 II 193, 107 Ib 203 consid. 7b/aa) et de ladoctrine (Rhinov/Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung,Ergänzungsband, n° 15 B III d; Attilio Gadola, Verjährung und Verwirkung imöffentlichen Recht, in: AJP 1/95, p. 58), lesquelles considèrent que lesprescriptions relatives à la prescription et à la péremption du nouveau droits'appliquent aux prétentions nées sous l'ancien droit, pour autant quecelles-ci n'aient pas déjà été prescrites ou périmées avant l'entrée envigueur du nouveau droit.En revanche, la Cour de céans a laissé ouverte laquestion de savoir si la période écoulée sous l'ancien droit doit être portéeen compte dans le délai de prescription de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS(consid.5.2).4.3 Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations duesne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388consid. 3a). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées depéremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour lacaisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire derecouvrement. Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de l'ancien art. 82 al.1 RAVS, il faut entendre, en règle générale, le moment où la caisse decompensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attentionraisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaientplus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraînerl'obligation de réparer le dommage (ATF 128 V 17 consid.2a, 126 V 444consid. 3a, 452 consid. 2a, 121 III 388 consid.3b et les références). En cequi concerne le moment de la connaissance du dommage en cas de faillite, lajurisprudence retient généralement celui du dépôt de l'état de collocation,ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillitefaute d'actifs (ATF 129 V 195sv. consid. 2.3). Ces principes demeurentactuels sous l'empire de l'art.52 al.3 LAVS. En l'occurrence, la caisse de compensation a demandé réparation de sondommage le 15 octobre 2003. Que l'on retienne ainsi le 9septembre 2002 commedate de la connaissance par la caisse de son dommage (soit au moment où leTribunal de première Instance, après un premier et un second sursisconcordataire, a prononcé la faillite de la société), ou le 3 octobre 2002(date à laquelle le commissaire au sursis a fait savoir à la caisse que lesperspectives du concordat étaient devenues inexistantes), le délai deprescription de deux ans prévu par l'art.52 al. 3 LAVS n'avait pas expiré etl'intimée a donc agi en temps utile. 5.5.1Les recourants invoquent ensuite une faute concomitante de la caisse, àqui ils font grief d'avoir omis de diminuer son dommage, en ne procédant paselle-même, après cession, au recouvrement des créances de la faillie contreses propres débiteurs. 5.2 La jurisprudence admet l'application par analogie des art. 4 LRCF et 44al. 1 CO, et la réduction de l'obligation de réparer le dommage au sens del'ancien art. 52 LAVS en raison d'une faute propre de la caisse decompensation intéressée (ATF 122 V 185). Il faut cependant quel'administration ait gravement violé ses devoirs, ce qui sera le cas lorsquela caisse a violé des prescriptions élémentaires en matière de fixation et deperceptions des cotisations. La violation de ces obligations doit êtreconstitutive de négligence grave et être en relation de causalité avec ledommage subi (ATF 122 V 185 consid. 3c; Thomas.Nussbaumer, Die Haftung desVerwaltungsrates nach Art.52 AHVG, PJA 1996, §9 pp.1081-1982). En l'espèce, la société faillie a fait état à l'inventaire de créances contredes débiteurs commerciaux (chiffre 90); l'administration de la faillite aproposé aux créanciers d'abandonner ces débiteurs et offert la cession desdroits de la masse à leur encontre. Quoi qu'en disent les recourants, lacaisse intimée ne peut se voir reprocher une faute concomitante, dans le faitde ne pas avoir fait usage de cette possibilité. D'une part, le dommage étaitdéjà survenu à ce moment et le comportement de la caisse n'a pas contribué àen augmenter le montant. D'autre part, le fait de ne pas avoir risqué lesdeniers publics dans des procédures de recouvrement aléatoires et onéreusesne peut en aucun cas être considéré comme un comportement illicite ou laviolation d'une obligation de la caisse constitutive d'une négligence grave. Pour le surplus, le montant du dommage n'est, en tant que tel, ni contesté nisujet à discussion. 6.La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte pas surl'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario), etl'émolument judiciaire doit être calculé en fonction de la valeur litigieuse(art. 153a OJ). Les recourants qui succombent, supportent les frais dejustice (art. 156 al. 1 OJ), de même qu'ils n'ont pas droit à une indemnitéde dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté. 2.Les frais de justice, d'un montant total de 6'000fr., sont mis à la chargedes recourants solidairement entre eux, à parts égales, et sont couverts parles avances de frais de 5'000fr. qu'ils ont effectuées. La différence, soit3'000fr. chacun, leur est restituée. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurancessociales. Lucerne, le 26 juin 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.57/06
Date de la décision : 26/06/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-26;h.57.06 ?
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