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21/06/2006 | SUISSE | N°H.167/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 juin 2006, H.167/05


Cause {T 7}H 167/05 Arrêt du 21 juin 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Boinay, suppléant. Greffière : MmeBerset 1. A.________,2. B.________,recourants, tous les deux représentés par Me Maurice Favre, avocat, avenueLéopold-Robert 66,2300 La Chaux-de-Fonds, contre Caisse de compensation de l'Industrie Horlogère pour l'AVS, Grand-Rue 5, 2400Le Locle, intimée Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel (Jugement du 27 septembre 2005) Faits: A.La société X.________ SA (ci-après: la société) était affiliée en qualitéd'employeur à la Caisse d

e compensation pour l'Industrie Horlogère pour l'AVS(ci-après: la c...

Cause {T 7}H 167/05 Arrêt du 21 juin 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Boinay, suppléant. Greffière : MmeBerset 1. A.________,2. B.________,recourants, tous les deux représentés par Me Maurice Favre, avocat, avenueLéopold-Robert 66,2300 La Chaux-de-Fonds, contre Caisse de compensation de l'Industrie Horlogère pour l'AVS, Grand-Rue 5, 2400Le Locle, intimée Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel (Jugement du 27 septembre 2005) Faits: A.La société X.________ SA (ci-après: la société) était affiliée en qualitéd'employeur à la Caisse de compensation pour l'Industrie Horlogère pour l'AVS(ci-après: la caisse) lorsqu'elle fut déclarée en faillite le 6juin 2003.Après la clôture de la faillite, la caisse exigea de A.________ etB.________, respectivement président et vice-président du conseild'administration, le paiement d'un montant de 206'989 fr. 80 à titre deréparation du dommage subi dans la faillite de la société (décisions du 13octobre 2004). L'opposition des deux administrateurs a été rejetée pardécision du 2 février 2005. B.A.________ et B.________ ont recouru contre cette décision devant le Tribunaladministratif du canton de Neuchâtel en concluant à son annulation. Par jugement du 27 septembre 2005, la juridiction cantonale a admispartiellement le recours et réduit à 182'846 fr. 20 le montant dû à lacaisse. C.A.________ et B.________ interjettent recours de droit administratif, enconcluant à l'annulation du jugement cantonal et des décisions de la caisse. La caisse conclut implicitement au rejet du recours. L'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur la responsabilité des recourants pour le préjudice subipar l'intimée aux conditions de l'art. 52 LAVS. Dès lors, la décisionlitigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner siles premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou parl'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont étéconstatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ontété établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 encorrélation avec les art. 104 let.a et b et 105 al. 2 OJ). 2.Le jugement entrepris expose de manière correcte les dispositions légales etréglementaires (art. 52 LAVS, art. 14 al. 1 LAVS en relation avec les art. 34ss RAVS), ainsi que les principes jurisprudentiels applicables en matière deresponsabilité de l'employeur et des organes de celui-ci (ATF 123 V 15consid. 5b, 108 V 202 consid. 3a). On peut donc y renvoyer sur ces points. 3.La réclamation de l'intimée a trait aux cotisations impayées pour deuxpériodes distinctes: la première s'étend de juin à décembre 2002 et laseconde concerne avril 2003. Le montant réclamé pour la première périodes'élève à 166'472fr. 15 après rectification et déduction de deux acomptes.Pour la seconde période, la réclamation se monte à 11'898fr. 85 aprèsdéduction d'un acompte. A ces deux montants s'ajoutent des intérêtsmoratoires de 4'475 fr. La créance totale de la caisse porte en définitivesur 182'846 fr. 4.Les recourants font grief aux juges cantonaux d'avoir procédé à uneconstatation incomplète ou manifestement inexacte des faits. Ils reprochent àla juridiction cantonale de n'avoir pas pris en compte le pland'assainissement (présenté par la société à l'appui de sa demanded'ajournement de la faillite) et les promesses d'abandon de créances yafférentes. A leur avis, ces éléments auraient dû amener les premiers juges àconstater que les administrateurs avaient des raisons sérieuses de penserqu'ils pourraient s'acquitter de leur dette dans un délai raisonnable. Pourles recourants, le jugement cantonal omet également de prendre enconsidération le sursis au paiement des cotisations arriérées, octroyé par lacaisse le 29 avril 2003 et retient, de façon erronée, que l'intimée n'avaitpas connaissance de la demande d'ajournement de la faillite lorsqu'elle aaccepté la demande de sursis. S'agissant des cotisations d'avril 2003, lesrecourants estiment qu'ils étaient en mesure de réunir les fonds nécessairesau paiement, si la faillite n'avait pas été prononcée. 5.Le point de vue des recourants ne saurait être suivi. Les juges cantonaux onten effet examiné la problématique du sursis au regard de la jurisprudence duTribunal fédéral des assurances (VSI 1999 p.23 et 26). A leur avis, lesrecourants n'avaient pas démontré qu'au moment où ils ont pris leur décisionde reporter le versement des cotisations sociales, ils avaient des raisonssérieuses et objectives de penser qu'ils pourraient s'acquitter de leur dettedans un délai raisonnable. Par ailleurs, les premiers juges ont fixél'échéance du délai de paiement pour les cotisations d'avril 2003 au 10 mai2003, soit à une date antérieure au prononcé de la faillite, si bien qu'iln'y avait pas lieu de traiter différemment cette partie de la réclamation. 6.S'agissant des cotisations de juin à décembre 2002, ainsi que les intérêtsmoratoires s'y rapportant - dont les recourants ne contestent plus, à justetitre, qu'ils fassent partie du dommage - les juges cantonaux ont retenu quela société avait des difficultés financières importantes en 2002, lesquellesont provoqué une perte au bilan de plus de trois millions de francs. Ils enont déduit que les recourants ne pouvaient pas penser pouvoir faire face àleurs obligations dans un délai raisonnable, lorsqu'ils ont renoncé à verserles cotisations dues à la caisse. Ces faits doivent être complétés par leséléments suivants. Pour l'exercice 2002, la société avait budgétisé un chiffre d'affaires net de11'500'000 fr. Lors de l'établissement des comptes, celui-ci ne s'élevait enréalité qu'à 3'442'740 fr. Pour la même période, le capital-actions était de400'000 fr. et les réserves de 407'406fr. 98. Le résultat comptable révélaitune perte de 3'376'664fr. 11 et des fonds propres négatifs par 2'607'240fr.42. Ces chiffres prenaient en compte des valeurs de continuationd'activité et non des valeurs de liquidation. De plus, pour parvenir à cerésultat, les recourants, personnellement ou par l'intermédiaire de leursociété Y.________, ont dû faire des apports d'argent à hauteur de 3'680'000fr. entre le 6 mai et le 4décembre 2002. C'est dire que malgré lesinvestissements conséquents opérés par les recourants, la perte résultant dubilan dépassait trois millions de francs.Ces éléments comptables établissent que, très rapidement dans le courant del'année 2002, il existait des raisons sérieuses d'admettre que la sociétéétait surendettée. S'il n'est pas possible d'établir à partir de quelle dateexacte il y a eu surendettement, faute de connaître les chiffres d'affairesmensuels, il ne fait pas de doute qu'au plus tard dans le deuxième semestre2002, les conditions d'application de l'art.725 al. 2 CO étaient remplies.En tant que président et vice-président du conseil d'administration, lesrecourants ne pouvaient pas ignorer cette situation. Ils ne contestentd'ailleurs pas avoir eu connaissance de l'existence des graves difficultésfinancières rencontrées durant l'année 2002. Cependant, ils n'ont pas réagi,alors même qu'ils étaient d'ores et déjà conscients que l'établissement d'unbilan à la valeur de liquidation ferait apparaître une situation financièreencore plus catastrophique. Contrairement à ce que prétendent les recourants,la situation financière de la société les obligeait d'abord à faire établirun bilan intermédiaire et ensuite à procéder à un assainissement ou à enaviser le juge (art. 725 al. 2 CO). Le non-respect des prescriptions du droitde la société anonyme constitue une violation des obligations stipulées parl'art. 52 LAVS (ATF 114 V 223 consid. 4a; arrêt K. du 4 novembre 2004, H297/03). Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les recourants ontviolé leurs obligations d'administrateurs en 2002, en n'entreprenant pas lesdémarches imposées par l'art. 725 al. 2 CO. On ajoutera que lesinvestissements importants de mai à décembre 2002 attestent tout au plus que,subjectivement, les recourants croyaient à la reprise des affaires et auredressement de la société. Cette circonstance ne suffit pas à établir qu'ilsdisposaient de raisons sérieuses leur permettant de penser, au moment où ilsont pris la décision de différer le paiement des cotisations sociales encause que l'arriéré de cotisations pourrait être remboursé dans un délairaisonnable (cf. arrêt P. du 13 février 2001, H 233/00). Même si l'on examine les possibilités de survie de la société au moment de lafaillite, on constate que la correspondance, datant de cette période etproduite par les recourants, n'établit pas que l'assainissement de la sociétéétait vraisemblable. En effet, il ressort de la lettre du 14 février 2003 deZ.________ que le montant de 400'000 fr. que A.________ se proposaitd'injecter dans la société permettait (tout au plus) de faire face auxbesoins de la trésorerie de la fin du mois. De surcroît, ce dernierpréconisait une vente de machines inutilisées pour créer des liquidités, cequi n'est pas compatible avec la poursuite des activités sociales. Parailleurs, postérieurement au refus d'ajournement de la faillite, Z.________n'a pris aucune mesure en vue de l'assainissement de la société. Il s'estborné à préciser, dans une lettre du 4 avril 2003, qu'il n'y avait pasd'autre possibilité que d'envisager l'étude d'un éventuel abandon de créance.La banque a d'ailleurs subordonné cet engagement à deux conditions(remboursement immédiat du solde des lignes de crédit et abandon de créancesde la part de tous les autres créanciers dans la même mesure qu'elle). Onpeut inférer de cette lettre que cet établissement avait l'intention de fairepasser la sauvegarde de ses intérêts avant la survie de la société. Pour sapart, la Banque W.________ avait déjà exigé, en février 2003, uncautionnement de 500'000 fr. pour continuer à mettre ses lignes de crédit àdisposition de la société. De plus, les prévisions budgétaires elles-mêmesn'étaient pas tenues. Rien ne permet donc de dire que les recourantspouvaient objectivement penser que les difficultés de la société étaientpassagères. On ajoutera que l'octroi par l'intimée le 29avril 2003, d'unsursis au paiement des cotisations arriérées n'a aucune incidence sur lafaute commise antérieurement. En effet, celui-ci visait uniquement àpermettre à la société d'obtenir un éventuel ajournement de la faillite enprocédure de recours. Aussi doit-on admettre qu'en violant les devoirs qui leur incombaient en leurqualité de membres du conseil d'administration, les recourants ont «démontréun comportement fautif à l'égard de l'AVS» entraînant l'obligation deréparer le dommage subi par la caisse à raison des cotisations de juin àdécembre 2002. 7.S'agissant des cotisations du mois d'avril 2003, la situation est différenteet l'état de fait cantonal doit être complété par les éléments suivants. Leprésident du Tribunal civil du district V.________ a rejeté la demanded'ajournement et prononcé la faillite le 1er avril 2003. Suite à un recoursde la société, le juge instructeur des 1ère et 2èmeCours civiles du Tribunalcantonal a suspendu l'exécution du jugement de faillite par ordonnance du 24avril 2003. La 1ère Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté lerecours par arrêt du 6 juin 2003 et prononcé la faillite à cette date. Unrecours contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral le 25 août2003. Le 14 mai 2003, soit pendant la procédure de recours devant le Tribunalcantonal, la société a versé à l'intimée un acompte de 5'000fr. sur lescotisations d'avril 2003, qui s'élevaient à 16'898 fr. 85. Ces cotisationsconcernent une période postérieure au premier prononcé de faillite et durantlaquelle une procédure de recours contre celui-ci était pendante. Il s'agitd'une période d'incertitude face à l'avenir de la société. Le paiement d'unacompte de 5'000 fr. démontre une volonté de la part des administrateurs detenir les engagements pris le 29 avril 2003 et de ne pas faire passer lesautres créanciers avant les assurances sociales. Dans ces circonstances, il ya lieu d'admettre que les recourants n'ont pas agi fautivement en ne versantpas la totalité des cotisations afférentes à avril 2003. 8.Les manquements des recourants relatifs aux cotisations de juin à décembre2002 sont sans aucun doute possible en rapport de causalité avec le dommagesubi par l'intimée. En effet des mesures prises plus rapidement en vued'assainir la société ou de cesser ses activités auraient permis d'éviter ledommage. De toute manière, le lien de causalité adéquate entre lecomportement des recourants et le dommage survenu ne peut être contesté avecsuccès, lorsque, comme en l'espèce, les salaires versés étaient tels que lescréances de cotisations qui en découlaient directement ex lege n'étaient pluscouvertes (cf. SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5). 9.Le montant du dommage a été établi de façon exacte par les juges cantonauxsur la base des pièces produites. Il doit être réduit des cotisations d'avril2003 par 11'898 fr. 85 (16'898 fr. 85 moins 5'000 fr. d'acompte) et de 69 fr.20 d'intérêts moratoires en rapport avec celles-ci. C'est dès lors un montantde 170'877 fr. 95 qui est dû à l'intimée en réparation du dommage subi. 10.La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte pas surl'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Auvu de l'issue du litige, les recourants n'obtiennent que très partiellementgain de cause dans leurs conclusions principales, dès lors, une partimportante des frais de justice doivent être mis à leur charge (ATF 123 V158, consid.3). Seule une indemnité réduite de dépens doit leur être allouée. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal administratifdu canton de Neuchâtel du 27 septembre 2005, est réformé en ce sens queA.________ et B.________ sont débiteurs de la Caisse de compensation del'Industrie Horlogère pour l'AVS de la somme de 170'877 fr. 95. 2.Les frais de justice d'un montant de 6'000 fr. sont mis à raison de neufdixièmes à la charge des recourants et d'un dixième à la charge de la caisse. 3.Les frais de justice des recourants sont couverts par l'avance de frais de6'000 fr. qu'ils ont versée, la différence, d'un montant de 600 fr., leur estrestituée. 4.La Caisse versera aux recourants la somme de 1'000 fr. (y compris TVA) àtitre de dépens pour l'instance fédérale. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif ducanton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 21 juin 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.167/05
Date de la décision : 21/06/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-21;h.167.05 ?
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