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20/06/2006 | SUISSE | N°1P.221/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2006, 1P.221/2006


{T 0/2}1P.221/2006/col Arrêt du 20 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourante, représentée par Me Isabelle Jaques, avocate, contre Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal ducanton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale; assistance d'un avocat d'office fondée sur la loi fédéralesur l'aide aux victimes d'infraction, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal du canton de Vauddu 20 février 2006. Faits: A.Le 21 décembre 2005, B.________ a é

té renvoyé devant le Tribunalcorrectionnel de l'arrondissemen...

{T 0/2}1P.221/2006/col Arrêt du 20 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourante, représentée par Me Isabelle Jaques, avocate, contre Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal ducanton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale; assistance d'un avocat d'office fondée sur la loi fédéralesur l'aide aux victimes d'infraction, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal du canton de Vauddu 20 février 2006. Faits: A.Le 21 décembre 2005, B.________ a été renvoyé devant le Tribunalcorrectionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois comme accusé de viol et decontravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, d'office et sur plaintede A.________.Par décision du 2 février 2006, le Président de cette juridiction a refusé dedésigner un avocat d'office à la plaignante en sa qualité de victime au sensde la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5) aumotif que l'accusé, sans domicile connu, serait défaillant à l'audience dejugement fixée dans un premier temps le 8avril 2006, puis renvoyée au 8 août2006.Statuant par arrêt du 20 février 2006, le Tribunal d'accusation du Tribunalcantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a déclaréirrecevable le recours formé par A.________ contre cette décision. B.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral principalement d'annuler cet arrêt et de renvoyer le dossierde la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens desconsidérants, subsidiairement de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'unavocat d'office lui est désigné en la personne de Me Isabelle Jaques, avocateà Lausanne. Elle sollicite l'assistance judiciaire.Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156 et les arrêts cités). Ilvérifie en particulier la voie de droit ouverte, sans être lié par ladénomination de l'acte de recours (ATF 121 I 173 consid. 3a p. 175). Vu soncaractère subsidiaire, le recours de droit public n'est pas recevable si laviolation alléguée peut être soumise au Tribunal fédéral ou à une autreautorité fédérale, par une action ou un autre moyen de droit quelconque (art.84 al. 2 OJ; ATF 128 II 259 consid. 1.1 p. 262; 126 I 97 consid. 1c p. 101). 1.1 Une décision de refus d'entrer en matière prise par une autoritécantonale statuant en dernière instance peut, même quand elle est fondée surle droit cantonal de procédure, faire l'objet d'un recours de droitadministratif au Tribunal fédéral dans les cas où l'autorité, si elle avaitstatué sur le fond, aurait dû appliquer le droit public fédéral (ATF 127 II264 consid. 1a p. 267; 123 I 275 consid. 2c p. 277; 121 II 190 consid. 3a p.192 et les arrêts cités). Tel est le cas en l'occurrence où la recouranteattaquait une décision refusant de lui désigner un avocat d'office en saqualité de victime fondée directement sur l'art. 3 al. 4 LAVI, respectivementsur le droit cantonal d'exécution de cette loi dénué de portée indépendante(arrêt 1A.47/1998 du 4 mars 1998; arrêt 1P.277/1995 du 17 décembre 1996consid. 1b non publié à la ZBl 99/1998 p. 28). Au demeurant, dans la mesureoù l'interprétation faite en l'occurrence du droit cantonal pourrait entraverl'application du droit public fédéral, le recours de droit administratif estseul recevable à l'exclusion du recours de droit public (arrêt 1A.249/2000 du26 janvier 2001 consid. 1 paru à la ZBl 102/2001 p. 475). La décisionattaquée ne mentionnant pas la voie du recours de droit administratif (ATF123 II 231 consid. 8a p. 237/238), on ne saurait reprocher au conseil de larecourante d'avoir déposé un recours de droit public (cf. ATF 129 II 125consid. 3.3 p. 134; 127 II 198 consid. 2c p. 205; 120 II 270 consid. 2 p.272). Ce dernier, irrecevable comme tel, peut être traité comme un recours dedroit administratif, dès lors qu'il satisfait aux conditions de recevabilitéde ce moyen de droit (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509 et les arrêts cités). 1.2 L'objet du litige est limité à la question de savoir s'il existe une voiede recours devant le Tribunal d'accusation contre les décisions du Présidentdu Tribunal correctionnel refusant de désigner un défenseur d'office à lavictime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle pour l'assister devantl'autorité de jugement. Le recours est de ce fait irrecevable en tant qu'ilvise à faire constater que les conditions posées à l'octroi d'un avocatd'office, telles qu'elles résultent des art. 7 de la loi vaudoised'application de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimesd'infractions (LVLAVI) et 29 al. 3 Cst., seraient réunies; en cas d'admissiondu recours, il appartiendra en effet à l'autorité cantonale compétente de seprononcer sur ce point (ATF 124 II 499 consid. 1c p. 502; 123 V 335 consid.1b p. 337; 117 V 121 consid. 1 p.123). 2.La recourante considère que le Tribunal cantonal aurait nié l'existence d'unevoie de recours contre les décisions du président refusant de désigner unavocat d'office à la victime d'infraction sexuelle au terme d'uneinterprétation arbitraire de l'art. 7 LVLAVI qui consacrerait une violationinadmissible de l'art. 29 al. 3 Cst. 2.1 Il est possible également de faire valoir la violation de droits de rangconstitutionnel dans un recours de droit administratif, celui-ci tenant alorslieu de recours de droit public (ATF 130 I 312 consid. 1.2 p. 318). En pareilcas, le Tribunal fédéral n'examine l'interprétation et l'application du droitcantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 122 IV 8 consid. 2a p. 12; 121II 235 consid. 1 p. 237/238 et les références citées; sur la notiond'arbitraire, voir ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219). Il vérifie en revanchelibrement si l'interprétation non arbitraire de la norme cantonale estcompatible avec le droit fédéral pertinent (cf. ATF 131 I 394 consid. 3.2 p.396 et les arrêts cités). 2.2 L'art. 7 LVLAVI prévoit que, dans le cadre de la procédure pénale, leCentre ou la victime peut demander la désignation d'un avocat d'officelorsque la défense des intérêts de la victime et la situation personnelle decelle-ci le justifient (al. 1). La demande est adressée au juge d'instructionqui la transmet immédiatement, avec son préavis, au président du for; elleest présentée directement au président lorsque le tribunal est saisi (al. 2).Le président statue à bref délai. Sa décision est susceptible d'un recours auTribunal d'accusation conformément aux articles 301 et suivants du Code deprocédure pénale vaudois (CPP vaud.; al. 3). 2.3 Selon l'arrêt attaqué, qui se fonde sur une application analogique del'art. 295 let. a CPP vaud., le recours au Tribunal d'accusation contre ladécision du président du tribunal refusant de désigner un conseil d'office àla victime ne serait recevable qu'en cours d'enquête. Dans l'hypothèseinverse, la victime se trouverait dans une position plus favorable que cellede l'accusé, lequel ne peut se plaindre d'une pareille décision qu'à l'appuid'un recours en nullité contre le jugement principal. Par ailleurs, cettesolution mettrait en cause le principe selon lequel la compétence du Tribunald'accusation cesse dès le moment où l'ordonnance de clôture est devenuedéfinitive et où l'autorité de jugement s'est saisie de la cause.Le Tribunal cantonal s'est ainsi écarté du texte clair de l'art. 7 al. 3LVLAVI qui ne subordonne à aucune restriction particulière dans le temps lerecours de la victime présumée contre le refus du président du for de luidésigner un avocat d'office. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de dérogerau sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque desraisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sensvéritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler destravaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de lasystématique de la loi (ATF 131 I 394 consid. 3.2 p. 396 et les arrêtscités). On peut se demander si les arguments tirés de l'égalité de traitemententre le prévenu et la victime sont à cet égard pertinents (cf. arrêt6P.88/1995 du 6 octobre 1995 résumé à la SJ 1996 p. 12). La victime présuméed'une infraction à l'intégrité physique, psychique et sexuelle jouit d'unstatut particulier dans la procédure pénale, depuis l'entrée en vigueur de laloi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions, propre à justifier untraitement différencié du point de vue procédural sans porter atteinte àl'art. 8 Cst., s'agissant notamment de l'assistance juridique octroyée à lavictime fondée sur l'art. 3 LAVI (cf. ATF 121 II 209 consid. 3b p. 212). Onobservera par ailleurs que le principe selon lequel la compétence du Tribunald'accusation cesse dès le moment où l'autorité de jugement est saisie de lacause connaît des exceptions, dont l'art. 7 al. 3 LVLAVI pourrait fairepartie. Quoi qu'il en soit, à supposer que l'interprétation retenue soitencore soutenable, elle ne saurait être entérinée, car elle aboutirait àentraver l'application du droit fédéral.Dans sa teneur originelle, l'art. 7 LVLAVI permettait au centre deconsultation ou à la victime de demander l'assistance judiciaire lorsque ladéfense des intérêts de celle-là justifiait le recours à un avocat. Ildéclarait applicable la loi vaudoise sur l'assistance judiciaire. L'art. 11de ladite loi se limitait à prévoir la possibilité pour le président dutribunal de désigner un avocat d'office à celui qui se constitue partiecivile dans un procès pénal. Il n'indiquait en revanche aucune voie derecours contre un éventuel refus de ce magistrat. Les victimes s'adressaientalors directement auprès du Tribunal fédéral. Dans un arrêt 1A.48/1997 du 4mars 1998, ce dernier a déclaré irrecevable au regard de l'art. 98 let. g OJle recours de droit administratif d'une victime dirigé contre une décision duPrésident du Tribunal de district refusant de lui désigner un avocat d'officeau motif qu'une voie de droit cantonale auprès d'une autorité judiciairerépondant aux exigences de l'art. 17 LAVI s'imposait en vertu de l'art. 98aOJ. Le législateur cantonal a ainsi offert à la victime présumée unepossibilité de recours auprès du Tribunal d'accusation contre le refus duprésident de lui désigner un conseil d'office par une modificationcorrespondante de l'art. 11 al. 2 de la loi sur l'assistance judiciaire enmatière civile (Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud,séance du 7 septembre 1998, p. 1835). La référence faite à cette loi ayantété supprimée, la teneur de l'art. 7 LVLAVI a été adaptée en conséquence(Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud, séance du 8 juin1999, p. 1354).Le législateur cantonal a ainsi prévu une voie de recours auprès du Tribunald'accusation contre un éventuel refus de désigner un avocat d'office à lavictime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI de manière à se conformer à l'art. 98aOJ, qui impose aux cantons d'instituer des autorités judiciaires de dernièreinstance cantonale, dans la mesure où leurs décisions peuvent directementfaire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, et àl'art. 17 LAVI, qui exige des cantons la désignation d'une autorité derecours unique, indépendante de l'administration et jouissant d'un pleinpouvoir d'examen, dans la mesure où la demande repose directement sur l'art.3 al. 4 LAVI. L'interprétation retenue, qui restreint cette faculté au refusprononcé en cours d'enquête, sans pour autant lui substituer une autre voiede droit auprès d'une autre autorité judiciaire, viole l'art. 98a OJ enrelation avec l'art. 17 LAVI. Certes, si l'on étend le régime juridiqueapplicable au prévenu à la victime présumée qui se constitue partie civile,celle-ci pourrait en principe contester le refus du président de lui désignerun avocat d'office dans le cadre d'un recours en nullité à la cour decassation dirigé contre le jugement final (cf. Bovay/Dupuis/Moreillon/Piguet, Procédure pénale vaudoise, Lausanne 2004, note 4.1 ad art.104 CPP vaud., p. 131). Obliger la victime à agir de la sorte irait toutefoisà l'encontre du but poursuivi par la loi fédérale sur l'aide aux victimesd'infractions, qui vise à accorder à la victime une aide, notammentjuridique, rapide et efficiente (cf. arrêt 1P.277/1995 du 17décembre 1996consid. 3b et 3c/bb paru à la ZBl 99/1998 p. 31/32 et les références citées;voir aussi Peter Gomm/Dominik Zehntner, Kommentar zum Opferhilfegesetz, 2eéd., 2005 n. 2 ad art. 16, p.308).L'arrêt attaqué revient ainsi à priver la victime d'un recours immédiat surle plan cantonal contre le refus de se voir désigner un avocat d'officeprononcé après la clôture de l'enquête, alors qu'une telle faculté s'imposeen vertu du droit fédéral (cf. arrêts 1A.47/1998 du 4mars 1998 et1P.277/1995 du 17 décembre 1996). Il doit être annulé. On ne voit pas qu'uneautre autorité que le Tribunal d'accusation serait compétente pour statuer,dans la mesure où cette autorité connaît exceptionnellement de recoursdirigés contre des décisions prises alors que l'autorité de jugement estsaisie (art. 295 let. b à e CPP vaud.). Cela étant, il convient de luirenvoyer la cause pour qu'il se prononce au fond sur le recours dont laplaignante l'avait saisi. 3.Le recours, traité comme recours de droit administratif, doit ainsi êtreadmis, dans la mesure où il est recevable, ce qui rend sans objet la demanded'assistance judiciaire formulée par la recourante pour la procédurefédérale. Le canton de Vaud, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires(art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une indemnité de dépens à larecourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et l'arrêt attaquéannulé. La cause est renvoyée au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonaldu canton de Vaud pour nouvelle décision. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens, àla charge du canton de Vaud. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante etau Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 20 juin 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.221/2006
Date de la décision : 20/06/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-20;1p.221.2006 ?
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