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20/06/2006 | SUISSE | N°1A.75/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2006, 1A.75/2006


{T 0/2}1A.75/2006 /fzc Arrêt du 20 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,recourant, représenté par Me Alain Le Fort, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Suède, recours de droit administratif contre l'ordonnancede la Chambre d'accusation du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.Le 21 avril 2005, un Procureur du serv

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{T 0/2}1A.75/2006 /fzc Arrêt du 20 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. X. ________,recourant, représenté par Me Alain Le Fort, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Suède, recours de droit administratif contre l'ordonnancede la Chambre d'accusation du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.Le 21 avril 2005, un Procureur du service de la délinquance économique etfinancière de la ville de Borås (Suède) a adressé à la Suisse une demanded'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure pénale dirigée contreX.________ et Y.________, soupçonnés d'infractions graves en matière decomptabilité. Courtier d'assurance dans sa propre société A.________, sociétécollaborant avec la compagnie d'assurances B.________, X.________ aurait reçusur ses comptes privés, entre 2001 et 2004, des commissions non enregistréesdans la comptabilité de la société, pour au moins 1'940'840 SEK. Y.________,qui travaillait pour la compagnie d'assurances B.________, aurait agi demême, percevant au moins 1'262'820 SEK. L'autorité requérante désireconnaître les comptes dont les inculpés disposent en Suisse. Elle désirefaire interroger - selon un questionnaire joint à la demande d'entraide - desemployés de sociétés et de banques en relations d'affaires avec X.________,et obtenir la saisie, notamment, de documents bancaires concernant les avoirsdes inculpés. A la demande de l'Office fédéral de la justice (OFJ),l'autorité requérante a notamment précisé que la société A.________ n'étaitpas tombée en faillite, et que les inculpés ne seraient pas poursuivis pourdes infractions fiscales. B.Par ordonnance du 15 septembre 2005, le Juge d'instruction du canton deGenève, chargé d'exécuter la demande, est entré en matière et a décidé deprocéder aux investigations bancaires requises. Les actes décrits pouvaient,en droit suisse, être qualifiés de banqueroute frauduleuse, violation del'obligation de tenir une comptabilité et gestion déloyale. Le 1er novembre2005, il a ordonné les perquisitions et interrogatoires requis. Par trois ordonnances de clôture du 2 novembre 2005, le Juge d'instruction adécidé de transmettre à l'autorité requérante les documents suivants:- les pièces saisies auprès de C.________ SA, à Genève, concernantun compte détenu par X.________;- une lettre de la banque D.________ SA du 21 octobre 2005 ainsi queles documents d'ouverture, relevés et avis relatifs à une relation au nomde X.________ auprès de cet établissement;- une lettre de la banque E.________ et les documents ayant servi debase à l'ouverture d'un compte, ainsi que les relevés et avis y relatifs. C.Sur recours de X.________, la Chambre d'accusation genevoise a, parordonnance du 27 février 2006, confirmé ces décisions. L'infraction de droitsuédois relative à la violation des règles sur la comptabilité correspondaità l'art. 166 CP, le prononcé de la faillite n'étant qu'une conditionparticulière de répression dont il n'y avait pas lieu de tenir compte sousl'angle de la double incrimination. Il en allait de même des conditionsposées par la jurisprudence pour la répression d'actes de gestion déloyalecommis dans le cadre d'une "Einmanngesellschaft". Les actes d'exécutioncorrespondaient à l'entraide requise. L'autorité requérante s'était engagée àrespecter le principe de la spécialité. D.X.________ forme un recours de droit administratif. Il demande au Tribunalfédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation, ainsi que lesdécisions du 2 novembre 2005; subsidiairement, il demande de refuser latransmission en tant qu'elle concerne les documents de la banque D.________antérieurs à 2001 et postérieurs à 2004, les documents d'ouverture, lesrelevés concernant les débits et les crédits non identifiés comme serapportant aux commissions destinées à la société A.________, ainsi que tousautres documents. Le Chambre d'accusation, le Juge d'instruction et l'OFJ se réfèrent àl'ordonnance attaquée. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit administratif est interjeté en temps utile contre desdécisions confirmées par l'autorité cantonale de dernière instance, relativesà la clôture de la procédure d'entraide judiciaire (art. 80f de la loifédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1).Le recourant est titulaire des comptes et relations bancaires au sujetdesquels le Juge d'instruction a décidé de transmettre des renseignements; ila qualité pour agir sur ce point (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP). 2.Le recourant reprend l'argumentation soumise à la cour cantonale. 2.1 Il soutient en premier lieu que la condition de la double incriminationne serait pas réalisée. Se référant au principe de la légalité des peines, ilconteste que l'on puisse faire abstraction de conditions telles que leprononcé de la faillite; en droit suisse il n'existerait pas de délitréprimant la simple mauvaise tenue de la comptabilité. De la même manière,l'élément de typicité posé par la jurisprudence pour les infractions d'abusde confiance commis dans le cadre d'une "Einmanngesellschatf", soit notammentla diminution déterminante de la fortune nette, ne serait pas réalisé. 2.2 Comme l'a rappelé la Chambre d'accusation, l'examen de la punissabilitéselon le droit suisse comprend, par analogie avec l'art. 35 al. 2 EIMP, leséléments constitutifs de l'infraction, à l'exclusion des conditionsparticulières en matière de culpabilité et de répression (ATF 112 Ib 594consid. 11bb). Ainsi, selon la jurisprudence constante, le prononcé d'unefaillite, condition objective de punissabilité des différents crimes oudélits dans la faillite ou la poursuite (art. 163-166 CP), n'a pas à êtrepris en considération (ATF 116 Ib 89 consid. 3c/bb p.94; 109 Ib 317 consid.11c/aa p. 326; Robert Zimmermann, La coopération internationale en matièrepénale, Berne 2004 n° 353 p.398/399), de même que les formes particulièresd'intention exigées par la loi ou l'existence d'actes de défaut de biens (FF1976 II 447/448). C'est donc à tort que le recourant voit dans le prononcé dela faillite un élément constitutif objectif de l'infraction visée à l'art.166 CP. La condition de la double incrimination étant satisfaite pour le délit deviolation des règles relatives à la comptabilité, il n'est pas nécessaired'examiner si l'infraction de gestion déloyale (art. 158 CP) est elle aussiréalisée en droit suisse. 3.Invoquant le principe de la proportionnalité, le recourant estime quel'autorité requérante devrait s'intéresser davantage à sa société,responsable de sa propre comptabilité, qu'à lui-même. Les commissionsprétendument détournées auraient été versées entre 2001 et 2004, de sorte quetous les renseignements antérieurs ou ultérieurs seraient dénués depertinence, de même que l'ensemble des documents qui ne concernent pas lescommissions encaissées sur ses comptes. 3.1 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autoritérequérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre part,l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est confiée (ATF121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande retenuelorsqu'elle examine le respect de ce principe, faute de moyens qui luipermettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration despreuves. Le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si lesrenseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport avec lesfaits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la transmissionque les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour lesenquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122 II 367consid.2c p. 371). 3.2 La demande d'entraide tend notamment à la production de documentsbancaires depuis l'ouverture des comptes concernés jusqu'au 21 avril 2005,date d'envoi de la demande. Les détournements de commissions reprochés aurecourant auraient certes été commis entre 2001 et 2004, mais cela ne rendpas pour autant disproportionné un élargissement du cadre de l'entraiderequise au-delà et en-deçà de cette période. Dès lors qu'elle ne prétend pasconnaître de manière exhaustive la totalité des commissions détournées,l'autorité requérante peut vouloir vérifier que les agissements qu'elleconnaît déjà n'ont pas été précédés - ou suivis - d'autres actes du mêmegenre. Elle dispose aussi d'un intérêt évident à découvrir la destinationfinale des commissions litigieuses, question que seul l'examen complet de ladocumentation bancaire (comprenant l'ensemble des opérations de crédit et dedébit, y compris pour la période suivant l'année 2004) pourra permettre derésoudre. Le recourant prétend qu'il n'y aurait "aucune raison de penser" queles sommes versées par C.________ SA puissent constituer des commissionssoustraites à la société A.________. L'autorité requérante n'en est pas moinslégitimée à vouloir le vérifier. Le principe de la proportionnalité est parconséquent respecté. 4.Le recourant redoute enfin une violation du principe de la spécialité parl'Etat requérant, en dépit des assurances données par celui-ci. Le recourantfait l'objet d'une procédure de nature purement fiscale, et le fisc suédoispourrait accéder sans restriction à la procédure pénale. 4.1 L'art. 67 EIMP, ainsi que la réserve formulée à propos de l'art. 5 CEEJ,n'empêchent pas l'Etat requérant d'ouvrir, parallèlement à sa procédurepénale, une procédure de caractère fiscal. Est en revanche prohibée touteutilisation, à cette fin, des renseignements transmis par la Suisse. 4.2 En l'occurrence, l'autorité requérante ne cache pas que les faitsreprochés aux inculpés ont une incidence sur le plan fiscal; elle précise eneffet, dans son complément du 15 juin 2005, que les inculpés ont omis dedéclarer des "charges sociales" sur les commissions perçues. Elle ajoutecependant que, pour le cas où la Suisse formulerait une réserve dans ce sens,les inculpés ne seront pas poursuivis du chef d'infraction à la législationfiscale, et que les renseignements ne seront pas utilisés pour ladétermination de l'impôt ou à toute autre fin fiscale. Cela démontre quel'autorité requérante a parfaitement compris le sens et la portée du principede la spécialité, et qu'elle est prête à en assurer le respect. Rien nepermet par conséquent de remettre en cause la présomption de respect de sesengagements dont bénéficie l'Etat requérant, en tant que partie à la CEEJ. Legrief doit donc être écarté. 5.Le recours de droit administratif est par conséquent rejeté, et un émolumentjudiciaire est mis à la charge du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juged'instruction du canton de Genève et à la Chambre d'accusation du canton deGenève ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affairesinternationales, Section de l'entraide judiciaire. Lausanne, le 20 juin 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.75/2006
Date de la décision : 20/06/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-20;1a.75.2006 ?
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