La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2006 | SUISSE | N°5A.15/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juin 2006, 5A.15/2006


{T 0/2}5A.15/2006 /frs Arrêt du 15 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Meyer.Greffière: Mme Mairot. X. ________,recourant, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 6 avril 2006. Faits: A.A.a X.________, ressortissant pakistanais né le 2 mai 1971, est entré enSuisse le 22 juin 1992 pour y solliciter l'asile. Par décision du 15 décembre1993, l'office fédéral compétent a rejeté sa demande et prononcÃ

© son renvoide Suisse. Le 14 janvier 1994, le requérant a recouru c...

{T 0/2}5A.15/2006 /frs Arrêt du 15 juin 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Escher et Meyer.Greffière: Mme Mairot. X. ________,recourant, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. naturalisation facilitée, recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 6 avril 2006. Faits: A.A.a X.________, ressortissant pakistanais né le 2 mai 1971, est entré enSuisse le 22 juin 1992 pour y solliciter l'asile. Par décision du 15 décembre1993, l'office fédéral compétent a rejeté sa demande et prononcé son renvoide Suisse. Le 14 janvier 1994, le requérant a recouru contre cette décisionauprès de la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA). Durant cette procédure de recours, soit le 14 mars 1994, l'intéressé s'estmarié avec dame Y.________, née le 25 novembre 1966 en Thaïlande, divorcée etcitoyenne du canton d'Argovie. A la suite de ce mariage, il a obtenu uneautorisation de séjour annuelle dans le canton d'Argovie, puis dans le cantonde Berne. A.b Le 20 juin 1997, X.________ a déposé une demande de naturalisationfacilitée fondée sur son mariage avec la prénommée. Le 26 juin 1998, lesépoux ont signé une déclaration écrite aux termes de laquelle ilsconfirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable et résider àla même adresse. Ils ont aussi attesté avoir connaissance que lanaturalisation facilitée ne pouvait pas être octroyée lorsque, avant oupendant la procédure administrative, la communauté conjugale n'existait plus,notamment si l'un des conjoints demandait le divorce ou la séparation, etque, si cet état de fait était dissimulé, la naturalisation facilitée pouvaitêtre annulée dans les cinq ans. Par décision du 5 novembre 1998, X.________ s'est vu accorder lanaturalisation facilitée en application de l'art. 27 de la loi fédérale du 29septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse(ci-après: LN; RS 141.0).A.c Le 21 décembre 1998, dame Y.________ a annoncé son départ du domicileconjugal à Berne. Le 6 janvier 1999, elle a mis au monde un enfant dont lepère était un tiers; l'inexistence du rapport de filiation avec X.________ aété constatée par jugement du 28 septembre 1999 du Tribunal du district deBienne-Nidau. Par acte déposé le 28 juin 1999 auprès de ce même tribunal, les époux ontformé une requête commune en divorce, à laquelle était annexée une conventiondu 26 mars 1999 réglant tous les effets accessoires de celui-ci. Par jugementdu 28 septembre 1999, le tribunal a prononcé le divorce des parties, étantarrivé à la conclusion que leur union était irrémédiablement rompue("unheilbar zerrüttet"); ce jugement est devenu définitif et exécutoire lemême jour. B.Les 28 août et 4 octobre 2001, l'Office fédéral des étrangers (OFE, devenupar la suite l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et del'émigration [IMES], puis l'Office fédéral des migrations [ODM]) a informéX.________ qu'il envisageait d'ouvrir une procédure en annulation de sanaturalisation facilitée. Invité à se prononcer, l'intéressé a transmis saréponse par courrier du 31 octobre 2001. Une copie du procès-verbald'audition de son ex-épouse, entendue le 15 mai 2003 par l'autoritécompétente du canton de Berne sur réquisition de l'OFE, lui a été remise le 8septembre 2003. X.________ a indiqué, le 2 octobre suivant, que lesdéclarations de celle-ci ne correspondaient pas à la réalité. Par décision du 20 octobre 2003, l'IMES a annulé, avec l'assentiment duService des naturalisations du canton d'Argovie, la naturalisation facilitéeoctroyée à X.________ le 5 novembre 1998. Contre cette décision, l'intéressé a déposé un recours de droit administratifque le Département fédéral de justice et police (ci-après: DFJP) a rejeté le6 avril 2006. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande auTribunal fédéral d'annuler la décision du DFJP du 6 avril 2006, avec suite defrais. L'autorité intimée n'a pas été invitée à se déterminer. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156; 131 II 58 consid. 1 p.59 et les références). 1.1 La décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de droitadministratif en vertu des art. 51 LN, 97 et 98 let. b OJ. En effet, commeelle a trait à une naturalisation facilitée, et non à une naturalisationordinaire, elle n'est notamment pas visée par le motif d'exclusion de l'art.100 al. 1 let. c OJ (arrêt 5A.26/2005 du 7 décembre 2005 consid. 1.1 et lajurisprudence citée; cf. aussi ATF 105 Ib 154 consid. 1 p. 156). Déposé entemps utile et dans les formes requises par une personne ayant manifestementqualité pour l'interjeter, le présent recours est dès lors recevable auregard des art.98 let. b, 103 let. a, 106 al. 1 et 108 OJ. 1.2 Conformément à l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit administratifpeut être formé pour violation du droit fédéral, y compris pour excès ou abusdu pouvoir d'appréciation (ATF 128 II 56 consid. 2a p. 60). Saisi d'un telrecours, le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral,qui englobe notamment les droits constitutionnels (ATF 129 II 183 consid. 3.4p. 188; 128 II 56 consid. 2b p. 60). Comme il n'est pas lié par les motifsque les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisonsque celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décisionattaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art.114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 précité). Le recourant peut aussi seplaindre d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art.104 let. b OJ). Lorsque, comme en l'espèce, la décision n'a pas été rendue par une autoritéjudiciaire, le Tribunal fédéral revoit d'office et librement lesconstatations de fait de l'autorité intimée (art. 105 al. 1 OJ), qui ne lelient pas (art. 105 al. 2 OJ, a contrario). 2.Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Ilallègue que son ex-épouse a été interrogée par la police le 15 mai 2003 nonpas comme témoin, mais en qualité de tiers appelé à fournir desrenseignements, et sans qu'il soit invité à prendre part à cette audition.Comme le DFJP a refusé d'ordonner qu'elle soit réentendue bien qu'elle aitmanifesté le désir de revenir sur ses déclarations, induites par la méfianceque lui inspiraient les forces de l'ordre, ce vice n'aurait pas été réparé enprocédure de recours. 2.1 En vertu de l'art. 14 al. 1 PA, si les faits ne peuvent pas êtresuffisamment élucidés d'une autre façon, les autorités énumérées expressémentdans cette disposition - parmi lesquelles figurent notamment le DFJP -peuvent ordonner l'audition de témoins. Le message du Conseil fédéral précisequ'une telle mesure doit, dans une procédure administrative, être considéréecomme un moyen de preuve subsidiaire, compte tenu en particulier de lasanction pénale sévère qui frappe les faux témoignages et qu'on ne doit dèslors y recourir qu'exceptionnellement. Tel peut être le cas lorsqu'il estindispensable de demander des renseignements à un tiers et que celui-cirefuse de se présenter ou de répondre, chacun étant en effet tenu detémoigner selon l'art. 15 PA (ATF 130 II 169 consid. 2.3.3 p. 173 et lescitations). En principe, les interrogatoires des personnes appelées à fournir desrenseignements doivent aussi être conduits en présence des parties, et ce enapplication, par analogie, des principes de l'art. 18 PA et de lajurisprudence rendue en matière de participation aux inspections locales.L'autorité se voit conférer une marge d'appréciation pour décider s'il existedes raisons suffisantes d'exclure exceptionnellement les parties. Elle peutcertes s'inspirer des motifs de refus prévus par l'art. 18 al. 2 PA en casd'audition de témoins (sauvegarde d'importants intérêts publics ou privés),mais elle dispose d'une liberté plus grande que ce que l'ordre juridiqueadmet en cas d'audition de témoins. Même si l'autorité administrativebénéficie d'une marge d'appréciation concernant le droit d'un ex-conjoint departiciper à l'audition de l'autre, elle doit respecter les exigences(formelles) constitutionnelles ou légales en matière d'administration despreuves (ATF 130 II 169 consid. 2.3.5 p. 174/175). 2.2 En l'espèce, l'ex-épouse était manifestement disposée à répondre auxquestions qui lui étaient posées. Dans cette mesure, l'état de fait pouvaitêtre suffisamment clarifié sans audition de témoins. Le recourant ne prétendpas qu'elle aurait refusé de collaborer ou qu'il y aurait lieu, pour uneraison quelconque, de la faire déposer sous la menace des sanctions pénalesfrappant le faux témoignage; il n'avait dès lors pas droit à ce qu'elle soitentendue en qualité de témoin. Par ailleurs, l'OFE a remis au recourant, le 8 septembre 2003, une copie duprocès-verbal d'audition de son ex-épouse, du 15 mai précédent, et l'ainformé qu'il envisageait d'annuler sa naturalisation facilitée au motif queles conjoints ne s'étaient pas mariés dans le but de former une communautéconjugale stable; il a en outre donné à l'intéressé l'occasion de sedéterminer avant qu'une décision ne soit prise à son encontre. Par lettre du2 octobre 2003, le recourant a fait savoir que les déclarations de sonex-épouse ne correspondaient aucunement à la réalité. Agissant parl'intermédiaire d'un mandataire professionnel, il a recouru, le 25 novembre2003, contre la décision d'annulation de sa naturalisation facilitée du 29octobre 2003, en concluant uniquement à une nouvelle audition de sonex-épouse. Le 9 septembre 2004, son avocat a en outre adressé au DFJP desobservations sur la réponse au recours de l'IMES du 5 août 2004. A cesmoments-là déjà, le recourant aurait eu l'occasion d'exiger une confrontationavec son ex-épouse, s'il l'estimait opportun. Le grief est par conséquenttardif, car le recourant aurait été tenu, conformément aux règles de la bonnefoi (art. 5 al. 3 Cst.), de faire valoir son droit de participer àl'interrogatoire dans ses écritures du 2 octobre 2003 et, à tout le moins, du25 novembre 2003 puis du 9 septembre 2004 (cf. par exemple: Jörg Paul Müller,Grundrechte in der Schweiz, 3e éd. 1999, p. 588/589, relativement à lapéremption du droit de récuser un juge). Quant au rejet de la requête du recourant visant à une auditioncomplémentaire de son ex-épouse, qui ne mentionnait pas l'exigence d'uneprocédure contradictoire, il n'apparaît pas contestable. Le DFJP a considérésur ce point que les faits de la cause étaient suffisamment établis par lespièces du dossier; il n'était donc pas nécessaire de donner suite à cetteoffre de preuve, cela d'autant moins que la lettre de l'ex-épouse infirmantles réponses données lors de son interrogatoire avait été produite à l'appuidu recours administratif. Au demeurant, ce revirement soudain n'apparaissaitpas crédible dès lors que, d'une part, le contenu de sa lettre du 14 novembre2003 était en contradiction flagrante non seulement avec les propos tenus àla police lors de son audition du 15 mai 2003 mais encore avec ceuxressortant des pièces de la procédure de divorce, et qu'on ne voyait pas,d'autre part, quelles conséquences négatives elle aurait pu craindre pourelle-même si elle avait donné une autre version de sa situation conjugale.Contrairement à l'opinion du recourant, cette appréciation anticipée ne violepas son droit à la preuve (ATF 130 II 169 consid. 2.1 non publié; 122 V 157consid. 1d p. 162). 3.3.1En vertu de l'art. 27 al. 1 LN, un étranger peut, ensuite de son mariageavec un ressortissant suisse, former une demande de naturalisation facilitées'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout, ou s'il y réside depuis uneannée et vit depuis trois ans en communauté conjugale avec ce ressortissantsuisse. La naturalisation facilitée ne peut pas être accordée, enparticulier, s'il n'y a pas de communauté conjugale au moment du dépôt de larequête ou à la date de la décision de naturalisation. Selon lajurisprudence, la notion de communauté conjugale au sens de l'art. 27 LNrequiert non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore unevéritable communauté de vie des conjoints. Tel est le cas s'il existe unevolonté commune et intacte des époux de maintenir une communauté conjugalestable. Une demande en divorce déposée peu après l'obtention de lanaturalisation facilitée est un indice d'absence de cette volonté lors del'octroi de la citoyenneté suisse (ATF 128 II 97 consid. 3a p. 98; 121 II 49consid. 2b p. 52 et les arrêts cités). 3.2 Conformément aux art. 41 al. 1 LN et 14 al. 1 de l'ordonnance du 17novembre 1999 sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'ODM peut, avecl'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler dans les cinq ans lanaturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par ladissimulation de faits essentiels. Pour que la naturalisation facilitéepuisse être annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors quel'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut surtoutqu'elle ait été obtenue grâce à un comportement déloyal et trompeur (ATF 130II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 4a p. 101). Point n'est besoind'une astuce au sens où ce terme est utilisé dans la définition del'escroquerie en droit pénal. Mais il est nécessaire que l'intéressé aitdonné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait sciemmentlaissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 130 II 482précité). Tel est le cas si, par exemple, le requérant déclare vivre encommunauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de divorcer une foisobtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ounon déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 5A.26/2005 du 7 décembre2005 consid. 2.2; 5A.7/2003 du 28 août 2003 consid. 3).La nature potestative de la prescription énoncée à l'art. 41 al. 1 LN confèreune certaine liberté d'appréciation à l'autorité administrative compétente.Dans l'exercice de cette liberté, l'autorité doit s'abstenir de tout excès ouabus. Commet un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation l'autorité qui sefonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstancespertinentes ou rend une décision tout simplement arbitraire, contraire au butde police de la loi ou au principe de la proportionnalité (cf. ATF 130 III176 consid. 1.2 p. 180 et les références). 4.4.1Le DFJP considère que les faits pertinents et leur déroulementchronologique particulièrement rapide sont de nature à fonder la présomptionselon laquelle, au moment de la signature de la déclaration commune du 26juin 1998, le recourant n'avait plus la volonté, si tant est qu'il l'aitjamais eue, de maintenir une communauté conjugale au sens de l'art. 27 LN.Tout porte donc à penser que, par son mariage, il cherchait avant tout àobtenir une autorisation de séjour, puis la nationalité suisse. A l'appui de son appréciation, le département relève que le recourant aépousé, le 14 mars 1994, une femme de
près de cinq ans son aînée, divorcéed'un citoyen suisse le 17 septembre 1993, alors qu'il était sous le coupd'une décision de refus d'asile et de renvoi de Suisse. En outre, il s'estmarié avec une femme qui exerçait non seulement l'activité de masseuse, maisaussi celle de prostituée. Invitée à dire si son mari avait connaissance decette dernière activité le 14 mars 1994, l'intéressée a répondu parl'affirmative. Or il paraît inhabituel, voire impensable, qu'une personne deconfession musulmane et issue du milieu socioculturel pakistanais contracteun mariage avec une personne qui s'adonne à la prostitution et, de surcroît,accepte que celle-ci continue de se livrer à pareille activité durant lemariage. Par ailleurs, après avoir obtenu une autorisation de séjour liée àson statut d'époux d'une ressortissante suisse, le recourant a montré de lahâte à obtenir la nationalité suisse en déposant sa demande de naturalisationfacilitée le 20 juin 1997, soit avant l'échéance du délai de cinq ans. Le 26juin 1998, les époux ont signé une déclaration relative à la stabilité deleur mariage. Le mari a obtenu la nationalité suisse par décision denaturalisation facilitée du 5 novembre 1998. Moins de deux mois plus tard,soit le 21 décembre 1998, l'épouse a cependant quitté le domicile conjugalpour se mettre en ménage dans une autre ville, dès le 1er janvier 1999, avecun compatriote dont elle était tombée amoureuse et avec qui elle avait passébeaucoup de temps en 1998. Un enfant est né de cette relation extra-conjugalele 6 janvier 1999. Par la suite, les époux ont signé, le 26 mars 1999, uneconvention sur les effets accessoires de leur divorce, qui a été prononcé le28 septembre 1999 par le Tribunal du district de Bienne-Nideau, lequel a enoutre constaté l'inexistence du rapport de filiation entre le mari etl'enfant de l'épouse. Le 26 mars 2001, à savoir environ dix-huit mois plustard, le recourant s'est remarié au Pakistan avec une ressortissante de cepays, alors âgée de moins de dix-neuf ans. Trois enfants, nés les 12 novembre2002, 14 janvier 2004 et 6 août 2005 sont issus de cette union. 4.2 En procédure administrative fédérale prévaut le principe de la libreappréciation des preuves (art. 40 PCF par renvoi de l'art. 19 PA). Libre,l'appréciation des preuves l'est avant tout en ce qu'elle n'obéit pas à desrègles de preuve légales, qui prescriraient à quelles conditions précisesl'autorité devrait considérer que l'administration de la preuve a réussi etquelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens depreuve les uns par rapport aux autres. Lorsque la décision intervient, commeen l'espèce, au détriment de l'intéressé, l'administration supporte lefardeau de la preuve. Quand elle envisage d'annuler la naturalisationfacilitée, l'autorité compétente doit rechercher si l'époux naturalisé amenti lorsqu'il a déclaré former une communauté conjugale stable avec sonconjoint suisse; comme il s'agit là d'un fait psychique en relation avec desfaits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus del'administration et difficiles à prouver, il est légitime que l'autoritécompétente puisse se fonder sur une présomption. Dès lors, si l'enchaînementrapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation aété obtenue frauduleusement, il appartient à l'administré, en raison nonseulement de son obligation de collaborer à l'établissement des faits (art.13 PA), mais encore de son propre intérêt, de renverser cette présomption(ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485/486 et les références citées). Comme il s'agit d'une présomption de fait, qui relève simplement del'appréciation des preuves (Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du codecivil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1, Fribourg 1969, p. 249, avecles références) et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. les auteurscités à l'ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486, ainsi que Fabienne Hohl,Procédure civile, t. I, n. 958 ss p. 185 s. et n. 1132 p. 218), l'administrén'a pas besoin, pour la renverser, d'apporter la preuve du contraire du faitprésumé, soit de faire acquérir à l'autorité compétente la certitude qu'iln'a pas menti; il suffit que, par l'administration d'une ou de plusieurscontre-preuves, il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilitéraisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une union stable avecson conjoint. Il peut le faire soit en rendant vraisemblable la survenanced'un événement extraordinaire, susceptible d'expliquer une dégradation rapidedu lien conjugal, soit en rendant vraisemblable qu'il n'avait pas encoreconscience de la gravité des problèmes rencontrés par son couple - et qu'ilavait, par conséquent, encore la volonté réelle de maintenir une union stableavec son conjoint - au moment où il a signé sa déclaration. 4.3 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant est entré en Suissele 22 juin 1992, où il a déposé une demande d'asile. Ensuite du rejet decelle-ci et du prononcé de son renvoi, le 15 décembre 1993, il a introduitune procédure de recours durant laquelle il s'est marié, le 14 mars 1994,avec une ressortissante suisse d'origine thaïlandaise qui exerçait nonseulement l'activité de masseuse, mais aussi celle de prostituée. Le 20 juin1997, il a présenté une demande de naturalisation facilitée et la nationalitésuisse lui a été accordée le 5 novembre 1998, après que les conjoints eurentsigné, le 26 juin précédent, une déclaration commune attestant du caractère àla fois effectif et stable de leur union. L'épouse a toutefois quitté ledomicile conjugal le 21 décembre 1998 et a donné naissance, le 6 janvier1999, à un enfant issu d'une relation extra-conjugale. Le 28 juin 1999, lesconjoints ont déposé une requête commune en divorce, qui a été prononcé le 28septembre 1999. Ces événements et leur déroulement chronologique, enparticulier la séparation des parties et la demande en divorce déposée peuaprès l'obtention de la naturalisation facilitée (cf. ATF 128 II 97 et 121II 49 précités), étaient de nature à fonder la présomption d'une obtentionfrauduleuse de la naturalisation, et ce quand bien même la différence d'âgeentre le recourant et son ex-épouse, de cinq ans son aînée, ne saurait à elleseule être tenue pour décisive; l'argument du recourant selon lequel il nepratiquerait pas la religion musulmane, de sorte que le raisonnement del'autorité intimée relatif à l'activité de prostituée de son ex-épouse seraittotalement stéréotypé, n'apparaît pas non plus déterminant. 4.4 Le recourant soutient par ailleurs qu'il a apporté suffisammentd'éléments permettant de renverser cette présomption. A l'appui de sonaffirmation, il fait en particulier valoir la lettre d'une connaissance ducouple, qui témoignerait de la stabilité de leur mariage, ainsi que desphotographies et des photocopies de son passeport démontrant, selon lui, queles conjoints ont passé des vacances ensemble en Thaïlande. Il prétend aussique l'autorité intimée a mal interprété les déclarations faites par sonex-épouse dans sa requête en divorce, desquelles il résulterait, notamment,qu'il s'agissait bien d'un mariage d'amour. Le DFJP n'aurait en outre pastenu compte du jugement pénal le libérant de toute prévention d'infraction àla loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement desétrangers (LSEE; RS 142.20). Ces arguments ne parviennent pas à mettre en doute le fait que l'union desépoux n'était plus effective et stable au moment de la signature de ladéclaration commune du 26 juin 1998 ou de la décision de naturalisation du 5novembre 1998, que le recourant en avait conscience et qu'il a dissimulécette réalité en sachant - à tout le moins en subodorant - quel'administration ne lui accorderait pas la naturalisation facilitée s'il l'eninformait. Le recourant n'avance en particulier aucun élément quiexpliquerait pourquoi la prétendue union stable formée avec son épouse a étérompue en quelques mois.Les conditions d'application de l'art. 41 LN sont ainsi remplies et l'on nevoit pas que l'administration ait abusé de son pouvoir d'appréciation (cf.supra consid. 2.2) en annulant la naturalisation facilitée du recourant. 5.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais deson auteur (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Départementfédéral de justice et police. Lausanne, le 15 juin 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.15/2006
Date de la décision : 15/06/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-15;5a.15.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award