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15/06/2006 | SUISSE | N°1P.265/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juin 2006, 1P.265/2006


{T 0/2}1P.265/2006 /col Arrêt du 15 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. prolongation de la détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du 28 avril 2006. Faits: A.Originaire de Macédoine, A.________, né en 1966, a

été arrêté le 2novembre2005 à Genève et inculpé d'infraction à l...

{T 0/2}1P.265/2006 /col Arrêt du 15 juin 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. prolongation de la détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du 28 avril 2006. Faits: A.Originaire de Macédoine, A.________, né en 1966, a été arrêté le 2novembre2005 à Genève et inculpé d'infraction à l'art. 19 LStup, notamment pouravoir, avec B.________, transporté, de Zurich à Genève, 2 kilos d'héroïne,remis par deux compatriotes, C.________ et E.________, pour livraison à unautre, D.________. Sa détention a été prolongée le 11 novembre 2005, puis ànouveau le 10 février 2006 par la Chambre d'accusation genevoise, qui, le 21mars 2006, a rejeté une demande de mise en liberté provisoire de l'intéressé. B.Le 26 avril 2006, le juge d'instruction a sollicité une nouvelle prolongationde la détention de A.________, aux motifs que l'instruction n'était pasterminée, qu'il existait des charges suffisantes et un risque de fuite, quel'affaire était grave et qu'il devait encore entendre les personnes inculpéesau sujet de leurs relations, sur la base de l'analyse des listings desnatels, ainsi que divers toxicomanes. Par ordonnance du 28 avril 2006, laChambre d'accusation a admis la requête, indiquant faire siens les motifsinvoqués par le magistrat instructeur. C.A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral,essentiellement pour violation des garanties de la liberté personnelle et dela dignité humaine. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et à samise en liberté provisoire, en sollicitant l'assistance judiciaire.Le Procureur général conclut au rejet du recours. Dans ses observations,l'autorité cantonale conclut au rejet du recours autant qu'il est recevable.Le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Dans sa décision, l'autorité cantonale s'est bornée à indiquer qu'ellefaisait siens les motifs invoqués par le juge d'instruction à l'appui de sademande de prolongation de la détention. Ce n'est que dans sa réponse aurecours qu'elle a exposé ce qui la conduisait à les adopter. Le recourant,comme il le souligne lui-même dans sa réplique, n'en tire toutefois aucungrief de violation de son droit d'être entendu. Au demeurant, selon lajurisprudence, le défaut de motivation d'une décision peut être réparé dansla procédure de recours de droit public, pour autant que le recourant ait eula possibilité de répliquer et de répondre ainsi aux motifs contenus dans laréponse de l'autorité cantonale (ATF 107 Ia 1 ss; 104 Ia 201 consid. 5f p.214 et les arrêts cités; cf. également arrêts non publiés 2P.362/1996 consid.2d, 1P.54/1994 consid. 3d/bb, 2P.21/1993 consid. 1b, 2P.25/1991 consid. 3),comme il a pu le faire en l'espèce. Pour le surplus, sous réserve d'uneargumentation privée de pertinence (cf. infra, consid. 2), l'autoritécantonale, dans sa réponse, n'a nullement adopté une motivation "totalementdifférente", comme le soutient le recourant, qui se borne d'ailleurs àl'affirmer, mais s'est limitée à exposer ce qui l'avait conduite à adopter lamotivation du juge d'instruction. 2.Saisie d'une requête du magistrat instructeur en ce sens, la Chambred'accusation genevoise, comme elle ne le nie pas, examine d'office si lesconditions d'une prolongation de la détention sont réunies (art. 186 et 187CPP/GE). Elle ne saurait donc arguer du fait que les motifs de l'oppositiondu détenu n'ont pas été plaidés devant elle pour soutenir que, l'ayant ainsiempêchée de les examiner, celui-ci agirait contrairement à la bonne foi enformant un recours contre sa décision, lequel devrait dès lors être déclaréirrecevable. 3.Le recourant invoque une violation de son droit à la liberté personnelle,garanti par les art. 10 al. 2 et 31 al. 1 Cst. ainsi que par l'art. 5 CEDH. 3.1 Le maintien d'une personne en détention est compatible avec la garantiede la liberté personnelle, pour autant que cette mesure repose sur une baselégale claire, soit ordonnée dans l'intérêt public et respecte le principe dela proportionnalité (art. 36 al. 1-3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).S'agissant d'une restriction grave de la liberté personnelle, le Tribunalfédéral examine librement si ces conditions sont réalisées, sous réserve desconstatations de fait et de l'appréciation des preuves, qu'il ne revoit quesous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 31 consid. 3a p. 35, 268 consid. 2dp. 271).Pour répondre à un intérêt public, la privation de liberté doit êtrejustifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un dangerde collusion ou de réitération (ATF 124 I 336 consid. 4c p. 340). Saconformité au principe de la proportionnalité implique que sa durée nedépasse pas celle de la peine privative de liberté qui pourrait, le caséchéant, être prononcée (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177 et les arrêtscités). Préalablement aux conditions de légalité, d'intérêt public et deproportionnalité, il doit exister à l'encontre de l'intéressé des chargessuffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). 3.2 En l'espèce, l'existence d'une base légale suffisante (cf. art. 17 à 19et 25 ss Cst./GE; art. 33 à 40 CPP/GE) et le respect du principe de laproportionnalité, tel que défini ci-dessus, ne sont à juste titre pascontestés. Avec raison aussi, le recourant, qui a admis le transport de 2kilos d'héroïne, ne nie pas que des charges suffisantes pèsent contre lui.S'agissant d'un risque de réitération, il n'a pas été retenu. Quant à unrisque de fuite, l'autorité cantonale ne l'oppose plus sérieusement aurecourant et, au demeurant, n'avance pas d'éléments concrets suffisant à lefaire admettre (cf. ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités). Seulereste donc ici litigieuse la question d'un éventuel risque de collusion. 3.3 De la motivation cantonale à l'appui du risque de collusion, il résulteque l'instruction menée contre le recourant et plusieurs co-inculpéss'inscrit dans le cadre d'une enquête plus vaste, ouverte suite audémantèlement d'une importante filière de trafiquants d'héroïne, impliquantplusieurs dizaines de personnes et portant sur de très importantes quantitésde cette drogue. L'instruction de la présente procédure s'est révélée ardue,notamment en raison du nombre de personnes impliquées, du manque decoopération de certaines d'entre elles, de l'utilisation de cabinestéléphoniques et de l'échange fréquent de téléphones portables et de cartesSIM. Des investigations restent à mener, en particulier pour élucider, sur labase de l'analyse des listings des natels, les relations entre les personnesimpliquées.S'agissant plus concrètement du recourant, l'autorité cantonale expose que,si ce dernier a admis avoir transporté, le 2 novembre 2005, 2kilos d'héroïnede Zurich à Genève, il a en revanche soutenu n'être jamais venu à Genèveauparavant et qu'il s'agissait de son premier transport de drogue, mettantpar ailleurs hors de cause B.________, avant de devoir admettre être déjàvenu le 29 octobre 2005 dans cette ville, avec B.________, pour amener unéchantillon de drogue remis par C.________, ces déclarations étant toutefoispartiellement contredites par celles de B.________, actuellement en libertéprovisoire et qui devait encore être entendu à ce sujet. Quant àl'identification des commanditaires, des renseignements devaient encore êtreobtenus des autorités policières zurichoises et les relations du recourantavec ses commanditaires, qui n'avaient pas encore été interpellés, restaientà élucider, de même que ses relations avec le destinataire, qu'il n'avait pasdésigné, de l'échantillon amené à Genève. Enfin, l'analyse à effectuer sur labase des listings des natels s'avérait d'autant moins aisée que le recourant,outre l'utilisation de ses téléphones portables, appelait aussi sescommanditaires depuis une cabine, avec une carte de crédit téléphoniqueremise à cette fin par ceux-ci. 3.4 Sur la base de ces considérations, l'autorité cantonale était fondée àadmettre qu'il existe concrètement un risque de collusion entre le recourantet B.________, actuellement en liberté provisoire, ainsi qu'entre lui et sescommanditaires zurichois, non encore interpellés. Elle a fait état d'élémentsprécis montrant qu'il y a des raison sérieuses de redouter que le recourantne mette sa liberté à profit pour entraver la recherche de la vérité,notamment quant à l'importance du trafic, en se concertant avec B.________ etavec ses commanditaires zurichois. Elle a par ailleurs indiqué de manièresuffisante quels actes d'instruction restent à effectuer, les difficultésrencontrées pour les mener à bien et en quoi la libération du recourantpourrait en compromettre l'accomplissement.A cela, le recourant n'objecte rien de consistant. Il insiste sur le faitqu'il a reconnu le transport de 2 kilos d'héroïne, qu'il ne pouvait cependantguère contester. Il relève qu'aucun témoin ni aucun des autres inculpés nel'a mis en cause, oubliant que ceux-ci doivent encore être entendus sur leursrelations. Il affirme qu'il n'y a pas d'indices suffisants de ce que son rôledans le trafic pourrait être plus important qu'il ne l'a admis jusqu'ici, cequi reste précisément à élucider, et tente au reste vainement de relativiserles efforts déployés pour faire avancer l'enquête.Le grief de violation de la garantie de la liberté personnelle doit dès lorsêtre écarté. 4.Se référant aux art. 25 al. 1 Cst./GE et 35 al. 2 CPP/GE, le recourantsoutient que la Chambre d'accusation genevoise "omet constamment" de tenircompte de l'exigence, résultant de ces dispositions, du caractèreindispensable d'une détention qui se prolonge au-delà de 8jours. Il faitvaloir que cette exigence suppose une mise en balance des intérêts privés dudétenu et de l'intérêt public à son maintien en détention, impliquant enparticulier de tenir compte du droit du détenu au respect de sa vie privée etfamiliale et de la garantie de la dignité humaine, consacrés respectivementpar les art. 13 al. 1 et 7 Cst. En l'espèce, une atteinte à cette dernièregarantie devrait notamment être admise à raison de la surpopulation de laprison de Champ-Dollon, où le recourant est détenu. 4.1 Autant que le recourant entendrait se plaindre d'une violation desdispositions de droit cantonal qu'il cite, il ne présente pas à l'appui dedémonstration spécifique, qui satisfasse aux exigences de motivation del'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189). En particulier, il n'indiquepas ce qui, dans le cas particulier, montrerait que l'autorité cantonaleaurait méconnu le caractère indispensable de son maintien en détention, sebornant à alléguer, de manière toute générale qu'elle "omet constamment" dele faire. Il ne démontre au demeurant pas, ni même ne prétend, que lesdispositions de droit cantonal qu'il invoque lui accorderaient une protectionplus étendue que celle résultant de la garantie de la liberté personnelleconsacrée par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH.Le recourant n'établit pas plus en quoi consisterait, dans le cas d'espèce,la violation du droit à la protection de la vie privée et familiale qu'ilinvoque, laquelle ne saurait manifestement être déduite du seul fait de sonmaintien en détention.En définitive, seul le grief de violation de la garantie de la dignitéhumaine est réellement étayé par le recourant. 4.2 A l'appui de ce dernier grief, le recourant invoque la surpopulation dela prison de Champ-Dollon, où il est détenu. La saturation de cetétablissement est certes connue, voire notoire. Outre que, comme cela résultenotamment de la pièce produite par le recourant, certains membres desautorités compétentes en sont conscients et manifestent l'intention d'étudierdes mesures aux fins d'y remédier, cette saturation n'est cependant pas tellequ'un maintien en détention dans l'établissement en question puisse êtreconsidéré comme constitutif d'une atteinte à la garantie de la dignitéhumaine consacrée par l'art. 7 Cst.; du moins le contraire n'est pas établi.Au demeurant, les autres conditions de détention (nourriture, soins, loisirs,etc.) dans cet établissement, où se trouvent essentiellement des personnesdétenues préventivement, donc pour une période limitée, paraissent encoresatisfaisantes; à cet égard aussi, le contraire n'est d'ailleurs pas établi,ni même allégué. Le grief de violation de l'art. 7 Cst. est donc infondé. 5.Le recours de droit public doit ainsi être rejeté dans la mesure où il estrecevable. Le recourant n'ayant obtenu de motivation suffisante que dans lecadre de la procédure de recours de droit public, il sera renoncé à laperception de frais et une indemnité de dépens équitable lui sera allouée, àla charge de l'Etat de Genève (cf. ATF 107 Ia 1 consid. 1 p. 3). La requêted'assistance judiciaire devient ainsi sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Il n'est pas perçu de frais. 3.Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée au recourant, à la charge del'Etat de Genève. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant ainsiqu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. Lausanne, le 15 juin 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.265/2006
Date de la décision : 15/06/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-15;1p.265.2006 ?
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