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12/06/2006 | SUISSE | N°2P.329/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juin 2006, 2P.329/2005


{T 0/2}2P.329/2005 /fzc Arrêt du 12 juin 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon. X. ________ SA,recourante,représentée par Me Guillaume Ruff, avocat, contre Administration fiscale cantonale genevoise,rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,Commission cantonale de recours en matière d'impôts du canton de Genève, rueAmi-Lullin 4,1207 Genève,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Art. 9 Cst.; signature d'un recours auprès

de la Commission cantonale derecours en matière d'impôts, rec...

{T 0/2}2P.329/2005 /fzc Arrêt du 12 juin 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon. X. ________ SA,recourante,représentée par Me Guillaume Ruff, avocat, contre Administration fiscale cantonale genevoise,rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,Commission cantonale de recours en matière d'impôts du canton de Genève, rueAmi-Lullin 4,1207 Genève,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Art. 9 Cst.; signature d'un recours auprès de la Commission cantonale derecours en matière d'impôts, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 11 octobre 2005. Faits: A.X. ________ SA est une société anonyme, dont le siège social est à Genève etqui a pour but l'étude, l'achat, la vente, le contrôle, la gestion etl'administration de placements ainsi que les conseils financiers. Du 26janvier 1995 au 4 février 2004, A.________ en a été l'administratrice uniqueavec signature individuelle. Le 15 avril 2002, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève(ci-après: l'Administration cantonale) a notifié à cette société deuxdécisions sur réclamation maintenant deux suppléments d'impôts pour lesannées fiscales 1998 et 1999 et une amende du 14 février 2002 poursoustraction fiscale. Sous la signature de B.________, X.________ SA arecouru le 15 mai 2002 contre ces décisions auprès de la Commission cantonalede recours en matière d'impôts du canton de Genève (ci-après: la Commissioncantonale de recours). Par décision du 23 mai 2005, celle-ci a déclaré lerecours irrecevable au motif que B.________ ne pouvait pas agir pour lecompte de X.________ SA, dont il n'était ni l'administrateur, ni lemandataire. B.Statuant sur le recours de X.________ SA à l'encontre de la décision précitéede la Commission cantonale de recours, le Tribunal administratif du canton deGenève (ci-après: le Tribunal administratif) l'a rejeté, par arrêt du 11octobre 2005. Il a retenu en substance que B.________ n'avait pas la qualitéd'organe de la société, qu'il n'avait pas de pouvoir pour la représentervalablement et que le dépôt du recours dans les derniers jours du délain'avait pas permis à la Commission cantonale de recours d'attirer l'attentionde X.________ SA sur ce vice de forme. C.Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ SA demande auTribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt duTribunal administratif du 11 octobre 2005 et la décision de la Commissioncantonale de recours du 23 mai 2005 et d'ordonner le retour du dossier àcelle-ci pour qu'elle statue sur le fond des arguments développés à l'endroitdes taxations et amende contestées. Elle invoque le principe de la protectioncontre l'arbitraire. Le Tribunal administratif et la Commission cantonale de recours se réfèrentaux considérants et aux dispositifs de leurs décisions et renoncent à déposerune réponse. L'Administration cantonale conclut au rejet du recours. Au termed'un deuxième échange d'écriture, les parties ont confirmé leurs conclusions. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1c p. 156; 129 I 337 consid. 1 p.339; 129 II 453 consid. 2 p. 456 et les arrêts cités). 1.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droitpublic est de nature purement cassatoire et ne peut donc tendre qu'àl'annulation de la décision attaquée (ATF 129 I 129 consid.1.2.1 p. 131/132,173 consid. 1.5 p. 176; 128 III 50 consid. 1b p.53 et la jurisprudencecitée). La conclusion de la recourante tendant au renvoi du dossier à laCommission cantonale de recours pour qu'elle statue sur le fond est enconséquence irrecevable. 1.2 Pour le surplus, déposé en temps utile contre une décision finale priseen dernière instance cantonale, qui repose uniquement sur le droit cantonalet touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le présentrecours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. 2.La recourante fait valoir que B.________ était au bénéfice d'une procurationconférée le 24 octobre 2001 pour la représenter auprès des autorités fiscalesgenevoises, que le principe de la maxime d'office prévu à l'art. 19 de la loigenevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (ci-après:LPA-GE ou la loi sur la procédure administrative) imposait à la Commissioncantonale de recours de vérifier les pouvoirs de B.________ et que leTribunal administratif a fait preuve d'arbitraire en retenant que lespouvoirs de représentation de l'intéressé faisaient défaut alors que laprocuration du 24 octobre 2001 avait été produite à l'appui du recours. 2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situationde fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair etindiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de lajustice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de lasolution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elleapparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situationeffective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.De plus, pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que samotivation soit insoutenable; il faut encore que la décision soit arbitrairedans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'uneautre solution - en particulier une autre interprétation de la loi - quecelle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 129 I173 consid. 3.1 p. 178, 8 consid. 2.1 p. 9; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373). 2.2 La procuration signée le 24 octobre 2001 en faveur de B.________ n'a étéproduite, sous forme de télécopie, qu'à l'appui du recours déposé auprès duTribunal administratif. L'original de ce document ne figure pas au dossier etil est établi qu'il n'a pas été joint au recours interjeté devant laCommission cantonale de recours. L'autorité intimée pouvait donc considérersans arbitraire que la recourante n'avait pas apporté la preuve des pouvoirsconférés à B.________. On pouvait toutefois attendre d'elle qu'elle examinesi la Commission cantonale de recours ne devait pas inviter la recourante àrégulariser sa procédure et si la décision d'irrecevabilité de cette autoriténe relevait pas d'un formalisme excessif. 2.2.1 La jurisprudence a tiré de l'art. 29 al. 1 Cst. le principe del'interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de toutformalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte applicationdes règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection,devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation dudroit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux.L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposéeau justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui estattachée. Le Tribunal fédéral examine librement ce grief (ATF 130 V 177consid. 5.4.1 p. 183/184; 128 II 139 consid. 2a p. 142 et les arrêts cités).En tant qu'il sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans sesrelations avec le justiciable, l'interdiction du formalisme excessif poursuitle même but que le principe de la bonne foi (art. 9 Cst.). A cet égard, ilcommande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vicesde procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps,lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signalerutilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a p.170; 124 II 265 consid. 4ap. 270 et la jurisprudence citée). 2.2.2 L'art. 2 al. 2 de la loi genevoise du 4 octobre 2001 de procédurefiscale (ci-après: LPFisc-GE) prévoit:"La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est applicablepour autant que la présente loi n'y déroge pas."Selon l'art. 9 al. 1 LPA-GE les parties, à moins qu'elles ne doivent agirpersonnellement ou que l'urgence ne le permette pas, peuvent se fairereprésenter, notamment, par un mandataire professionnellement qualifié pourla cause dont il s'agit. Sur demande, le représentant doit justifier sespouvoirs par une procuration écrite (art. 9 al. 2 LPA-GE). L'art. 20 LPFisc-GE dispose que le contribuable peut se faire représentercontractuellement devant les autorités chargées de l'application de lalégislation fiscale, dans la mesure où sa collaboration personnelle n'est pasnécessaire (al. 1). Toute personne ayant l'exercice des droits civils etjouissant des ses droits civiques peut valablement représenter lecontribuable (al. 2). Sur demande, les représentants contractuels doiventproduire une procuration écrite (al. 3). 2.2.3 Dans le cas particulier, B.________ a régulièrement représenté lasociété recourante dans ses relations avec l'Administration cantonale, soitdirectement, soit par le biais de la société Y.________ SA, sise à la mêmeadresse que la recourante. Les décisions litigieuses du 15 avril 2002, objetdu recours auprès de la Commission cantonale de recours, ont été notifiées àY.________ SA, de même que le rappel d'impôts et le prononcé d'amende du 14février 2002. La réclamation formée par la recourante le 13 mars 2002 porteégalement la signature de B.________. Celui-ci pouvait donc légitimementpenser qu'il était considéré par les autorités fiscales comme le représentantautorisé de la société recourante. L'art. 9 LPA-GE prévoit en effet que lesparties peuvent se faire représenter par un avocat ou par un autre mandataireprofessionnellement qualifié pour la cause dont il s'agit. Or, dans saréponse du 23 octobre 2002 à l'attention de la Commission cantonale derecours, l'Administration cantonale a expressément relevé que B.________, quiindiquait la profession d'expert-comptable sur les déclarations fiscalesqu'il remplissait pour la recourante, était au bénéfice de connaissancescomptables et fiscales étendues. C'est d'ailleurs en raison de sesconnaissances particulières que l'amende infligée à la recourante a été fixéeau double de l'impôt soustrait. De plus, tant l'Administration cantonale quela Commission cantonale de recours ont retenu que B.________ était l'organede fait de la société recourante et que celle-ci n'aurait pas acquis les deuxsociétés anonymes dont il était l'administrateur unique et qui avaient étédéclarées en faillite, si l'intéressé n'avait pas occupé une telle position. 2.2.4 L'une des décisions de l'Administration cantonale du 15 avril 2002déférées à la Commission cantonale de recours indiquait que B.________ étaitl'administrateur de la société recourante. Si l'inexactitude de cette mentionn'était pas immédiatement reconnaissable pour la Commission cantonale derecours, l'absence de pouvoir de l'intéressé ressortait de la réponse aurecours, dans laquelle l'Administration cantonale relevait que B.________n'était pas formellement inscrit comme administrateur de la société maisqu'il signait régulièrement tant les comptes commerciaux que les déclarationsfiscales de celle-ci. La procédure pouvait alors être régularisée: l'art. 49 al. 2 LPFisc-GErelatif aux "Conditions du recours" devant la Commission cantonale de recoursmentionne, en ce qui concerne la recevabilité de cet acte, que lecontribuable doit y indiquer ses conclusions et les faits sur lesquels ellessont fondées, ainsi que les moyens de preuve dont il entend se prévaloir. Lesdocuments servant de preuve doivent être joints à l'acte ou décrits avecprécision. Lorsque le recours est incomplet, un délai équitable est impartiau contribuable pour y remédier, sous peine d'irrecevabilité. Cettedisposition ne mentionne pas la procuration comme condition de recevabilité.Il en va de même de l'art. 65 LPA-GE, qui concerne le contenu du recours enprocédure administrative, et qui ne cite pas non plus la procuration commecondition de recevabilité. Par contre, les art. 20 al. 3 LPFisc-GE et 9 al. 2LPA-GE (cf. consid. 2.2.2) prévoient que, sur demande, le représentant doitprésenter une procuration écrite. La Commission cantonale de recours auraitdonc dû demander à B.________ de lui fournir une procuration en luioctroyant, le cas échéant, un bref délai pour ce faire. La Commissioncantonale de recours n'a toutefois pas constaté le vice d'emblée. Le 31octobre 2002, elle s'est en effet adressée directement à B.________, enqualité de représentant de la recourante, pour inviter celle-ci à indiquer sielle maintenait ou retirait le recours à la suite du dépôt de la réponse del'Administration cantonale. Si ladite Commission avait invité B.________ àjustifier de ses pouvoirs de représentation, l'intéressé aurait pu produirela procuration établie en sa faveur le 24 octobre 2001 ou, dans l'hypothèseoù la Commission cantonale de recours l'aurait jugée trop imprécise, uneautre procuration l'autorisant expressément à agir auprès d'elle. 2.2.5 Dans ces conditions, le refus de la Commission cantonale de recours deconsidérer B.________, qui était professionnellement qualifié pour déposer unrecours en matière fiscale, comme le représentant autorisé de la recourantesans offrir la possibilité à celle-ci de régulariser formellement l'acte derecours par la production d'une procuration ne se justifiait par aucunintérêt public prépondérant et relevait d'un excès de formalisme. Le Tribunaladministratif a donc fait preuve d'arbitraire en se contentant de retenir, demanière très succincte, que B.________ ne pouvait pas représenter larecourante. 3.Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il estrecevable et l'arrêt entrepris annulé. Le canton de Genève supportera unémolument judiciaire (art. 156 al. 1 et 2 OJ). Il doit verser à la recouranteune indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et le jugementattaqué annulé. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du canton de Genève. 3.Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 2'000fr. àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, àl'Administration fiscale cantonale, à la Commission cantonale de recours enmatière d'impôts et au Tribunal administratif du canton de Genève. Lausanne, le 12 juin 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.329/2005
Date de la décision : 12/06/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-12;2p.329.2005 ?
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