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09/06/2006 | SUISSE | N°4C.104/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juin 2006, 4C.104/2006


{T 0/2}4C.104/2006 /ech Arrêt du 9 juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffier: M. Carruzzo. A. ________ SA, en liquidation concordataire,demanderesse et recourante, représentée par Me Michel Ducrot, contre Etat du Valais, défendeur et intimé, représenté parMe Jean-Marc Gaist. contrat d'entreprise; compensation, recours en réforme contre le jugement rendu le 2 févier 2006 par la Courcivile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits: A.Dans le cadre de la construction de l'autoroute cantonale, l'Etat du Valais aconfié la réalisati

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{T 0/2}4C.104/2006 /ech Arrêt du 9 juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffier: M. Carruzzo. A. ________ SA, en liquidation concordataire,demanderesse et recourante, représentée par Me Michel Ducrot, contre Etat du Valais, défendeur et intimé, représenté parMe Jean-Marc Gaist. contrat d'entreprise; compensation, recours en réforme contre le jugement rendu le 2 févier 2006 par la Courcivile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. Faits: A.Dans le cadre de la construction de l'autoroute cantonale, l'Etat du Valais aconfié la réalisation du viaduc des Iles Falcon, à Sierre, à A.________ SA, àGenève. Le contrat d'entreprise, conclu le 1er octobre 1996, prévoyait lepaiement des prestations d'entrepreneur dans un délai de 60 jours. A.a Pour l'exécution du contrat d'entreprise, A.________ SA avait besoind'acier d'armature. Elle a approché cinq marchands de fer qui ont constituéun consortium (ci-après: le consortium). Le 6 novembre 1996, les associés ontconfirmé à A.________ SA la commande de la marchandise en précisant que lepaiement devrait intervenir à 90jours net (avec 6% d'intérêts de retard dèsl'échéance) et en indiquant, au titre de la "garantie de paiement", quel'entrepreneur général consentait à ce que le paiement des factures échuessoit effectué directement par le maître d'oeuvre. A.________ SA n'a pascontesté cette confirmation. A.b Avant de conclure le contrat, les marchands de fer avaient appris queA.________ SA connaissait des difficultés financières. Afin de se prémunircontre les éventuelles conséquences de celles-ci, ils ont pris contact avecl'Etat du Valais. Une séance a eu lieu le 29 janvier 1997. Conscients del'impossibilité d'obtenir une hypothèque légale sur un bien du domainepublic, les représentants du consortium ont d'abord proposé que l'Etat duValais paie directement leurs factures; cette proposition n'a pas étéacceptée en raison des complications administratives qu'elle entraînait pourl'Etat. La possibilité a ensuite été envisagée de limiter les paiementsdirects aux fournisseurs au seul cas où A.________ SA ne paierait pas. Pourécarter le risque que le maître de l'ouvrage payât deux fois la mêmeprestation, il était prévu que l'Etat du Valais retiendrait le dernierpaiement à A.________ SA si les factures des marchands de fer n'étaient paspayées à l'échéance, cette solution pouvant être envisagée dès lors que lesfactures de l'entreprise générale devaient être payées dans les 60 jours parl'Etat du Valais, tandis que celles des marchands de fer devaient êtreacquittées dans les 90 jours par l'entreprise générale. A.c L'accord verbal passé le 29 janvier 1997 entre l'Etat du Valais et leconsortium des marchands de fer a été confirmé le même jour par une lettreque l'un de ceux-ci a adressée à l'Etat du Valais et dont il a remis unecopie aux autres membres du consortium ainsi qu'à A.________ SA. Ni cettedernière ni les autres intéressés n'en ont contesté le contenu. Sous chiffre13.1 de leur contrat du 18 février 1997, les marchands de fer et A.________SA ont inséré une clause libellée en ces termes:"Dès l'échéance des 90 jours, l'entrepreneur [A.________ SA] donne son accordpour que le fournisseur [le consortium des marchands de fer] en avise lemaître de l'ouvrage [l'Etat du Valais] et lui demande de constituer desprovisions". A.d Le 20 mars 1998, A.________ SA s'est octroyée un sursis concordatairejusqu'au 18septembre 1998, terme prolongé jusqu'au 18 juin 1999. A la datedu sursis, cette société devait 263'546 fr. 35 aux marchands de fer, soit132'281 fr. 55 et 127'386 fr. 70 selon décompte du 31 juillet 1998, ainsi que3'878 fr. 10 pour des factures antérieures de l'un d'entre eux. De son côté,l'entreprise générale était créancière de l'Etat du Valais à hauteur de505'504 fr. 40. A.e Par décision du Conseil d'Etat du 25 novembre 1998, l'Etat du Valais aaccepté de verser la somme de 127'386 fr. 70 aux marchands de fer. Cettesomme et le montant d'une facture en souffrance, soit un total de 131'264 fr.80, ont été payés le 23mai 1999. Par jugement du 13 décembre 2001 duTribunal cantonal valaisan, l'Etat du Valais a été condamné à verser en susau consortium 132'281 fr. 55, avec intérêts à 5% l'an dès le 24 juillet 1998,2'500 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 3 septembre 1999, et 5'430 fr. A.f Le 6 décembre 2002, A.________ SA en liquidation concordataire a ouvertaction contre l'Etat du Valais en concluant au paiement de 505'504 fr. 40avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 1998. Le défendeur n'a contesté lacréance de la demanderesse ni dans son principe ni quant à son montant; il acependant invoqué la compensation avec des contre-créances pour conclure aurejet de la demande. B.Par jugement du 2 février 2006, la Cour civile II du Tribunal cantonal ducanton du Valais a condamné le défendeur à verser à la demanderesse la sommede 505'504 fr. 40, avec intérêts à 5% l'an dès le 1ermai 1998, sousdéduction de 131'264 fr. 80, avec intérêts à 5% l'an dès le 23 mai 1999, de132'281 fr. 55, avec intérêts à 5% l'an dès le 24 juillet 1998, et de 5'430fr. Les juges cantonaux ont reconnu au défendeur le droit d'invoquer lacompensation sur la base de la convention conclue par lui avec le consortium,telle qu'elle résultait de la lettre de confirmation du 29 janvier 1997 et dela clause 13.1 du contrat du 18 février 1997, ainsi que de la confirmation decommande du 6 novembre 1996 adressée à la demanderesse. Selon laditeconvention, le défendeur devait procéder à des retenues sur les créances dela demanderesse à son endroit pour pouvoir payer directement les marchands defer en cas de défaillance de cette dernière. Il s'agissait, en droit, d'unereprise cumulative de dette, d'où résultait également la possibilitéd'invoquer la compensation. Selon la cour cantonale, l'intervention dudéfendeur était subordonnée à trois conditions, à savoir l'existence d'unecréance échue des fournisseurs d'acier contre l'entrepreneur général,l'existence d'une créance de celui-ci contre le défendeur et la possibilitépour ce dernier d'éteindre ses dettes envers la demanderesse par compensationà hauteur des montants retenus au profit des marchands de fer; ces conditionsétaient réalisées à l'égard du montant de 131'264 fr. 80 versé le 23 mai 1999par le défendeur à ceux-ci de même que pour le montant de 132'281 fr. 55. C.Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté, dans la mesureoù il était recevable, par arrêt séparé de ce jour, la demanderesse, agissantpar la voie du recours en réforme, invite le Tribunal fédéral à condamner ledéfendeur à lui payer la somme de 505'504fr.40 avec intérêts à 5% l'an dèsle 1er mai 1998. D.Dans sa réponse, le défendeur conclut au rejet du recours et à laconfirmation de l'arrêt cantonal. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours en réforme permet de sanctionner la violation des règles de droitfédéral par la décision attaquée (art. 43 al. 1 OJ). Il n'est, en revanche,pas ouvert pour critiquer l'application du droit cantonal (art. 55 al. 1 let.c in fine OJ). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al.2OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2).1.1 La demanderesse se plaint de la violation de la disposition fédérale enmatière de preuve que constitue l'art. 8 CC de même que de la violation dufardeau de l'allégation, qui en est le pendant. Elle soutient que ledéfendeur n'a pas allégué, dans sa réponse et dans sa duplique, l'existence,entre lui-même et les marchands de fer, d'un accord oral, conclu le 29janvier 1997, d'après lequel, en cas de défaillance de l'entrepreneurgénéral, il se substituerait "simplement" à lui pour éteindre les créances deceux-là. Le défendeur n'aurait pas non plus allégué que son interventioncomme garant ou codébiteur était subordonnée à la réalisation de troisconditions. 1.2 Le fardeau de l'allégation, comme pendant du fardeau de la preuve, relèvede l'application du droit de procédure cantonal (il suppose, en particulier,que le procès soit régi par la maxime des débats) et il se rapporte, àl'instar du fardeau de la preuve, aux allégations de fait. L'application dudroit, en revanche, intervient d'office. Elle concerne notammentl'interprétation objective des manifestations de volonté selon le principe dela confiance (cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts cités). Enl'espèce, la cour cantonale a appliqué ce principe pour conclure àl'existence d'un contrat liant le défendeur aux marchands de fer et pour endéterminer le contenu. Elle a donc appliqué le droit, si bien que l'art. 8 CCn'a pas sa place dans un tel contexte. 2.Conformément à l'art. 2 al. 1 CO, si les parties se sont mises d'accord surtous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, lors même que despoints secondaires ont été réservés. A suivre la demanderesse, la courcantonale aurait méconnu cette disposition en ne s'avisant pas de ce que laconvention n'indiquait pas le point essentiel que constituait le montant pourlequel le défendeur avait fourni sa garantie. Le grief ainsi formulé estincompréhensible dès lors que les juges valaisans ont qualifié l'engagementpris par le défendeur de reprise (cumulative) de dette et que la demanderessene démontre pas pourquoi ils auraient dû y voir une garantie. 3.Comme le souligne à juste titre la demanderesse, la reprise cumulative dedette est une figure juridique qui n'est pas réglementée par la loi, mais quidécoule de la liberté contractuelle. Elle se caractérise par le fait qu'untiers, le reprenant, se constitue débiteur aux côtés de l'obligé, de sorteque le créancier est désormais en présence de deux débiteurs solidaires (ATF129 III 702 consid. 2.1 et les références). Un tel engagement peut résulterd'une convention conclue par le débiteur et le reprenant en faveur ducréancier ou d'une convention entre ce dernier et le reprenant, comme leTribunal fédéral l'a indiqué dans l'arrêt 4C.166/2004 du 16 septembre 2004,consid. 5.2.2, cité par la demanderesse. Cet état de choses n'a pas échappéaux juges cantonaux. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, ceux-cin'ont pas déduit l'existence de la reprise cumulative de dette de la clause13.1 du contrat de livraison d'acier qui la liait aux marchands de fer,puisqu'ils ont retenu expressément qu'elle avait pour fondement l'accordverbal conclu par ces derniers (créanciers) avec le défendeur (reprenant) quirésultait des discussions entre les intéressés et qui avait été concrétisépar la lettre du 29 janvier 1997, par la clause 13.1 insérée dans le contratdu 18 février 1997, ainsi que par la confirmation de commande du 6 novembre1996. Le grief est, partant, infondé. 4.La cour cantonale n'a ainsi nullement violé le droit fédéral en imputant surla dette du défendeur à l'égard de la demanderesse les créances de celui-làenvers celle-ci invoquées en compensation. Le recours sera, dès lors, rejetédans la mesure où il est recevable. Aussi la demanderesse sera-t-ellecondamnée à payer l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et à verser desdépens au défendeur (art. 159 al.1OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. Lausanne, le 9 juin 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.104/2006
Date de la décision : 09/06/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-09;4c.104.2006 ?
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