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08/06/2006 | SUISSE | N°I.81/06

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 juin 2006, I.81/06


Cause {T 7}I 81/06 Arrêt du 8 juin 2006IVe Chambre MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Métral Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant, contre M.________, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 14 octobre 2005) Faits: A.Par lettre du 3 octobre 2000, M.________ a informé l'Officedel'assurance-invalidité pour le Canton de Vaud (ci-après : Office AI)qu'elle souffrait decataracte et lui a demandé de prendre en charge lesopérations nécessitées par cette affe

ction. Le 12 octobre 2000, l'Office AIlui a répondu ce qui suit...

Cause {T 7}I 81/06 Arrêt du 8 juin 2006IVe Chambre MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Métral Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant, contre M.________, intimée Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 14 octobre 2005) Faits: A.Par lettre du 3 octobre 2000, M.________ a informé l'Officedel'assurance-invalidité pour le Canton de Vaud (ci-après : Office AI)qu'elle souffrait decataracte et lui a demandé de prendre en charge lesopérations nécessitées par cette affection. Le 12 octobre 2000, l'Office AIlui a répondu ce qui suit :«La première démarche qu'une personne doit effectuer dans le but debénéficier des prestations de l'assurance-invalidité consiste à remplir unedemande de prestations telle que celle jointe en annexe. Nous vous invitons,par conséquent, à déposer votre demande dans les trente jours, en présentantà l'Agence communale de X.________ votre certificat AVS et une pièced'identité (livret de famille, passeport ou carte d'identité). Vous avezégalement la possibilité de nous envoyer directement la demande, accompagnéede photocopies des pièces mentionnées plus haut».A cette lettre étaient annexés un «Mémento sur les prestations de l'AI» ainsiqu'une formule de demande de prestations 318.531. L'assurée n'a pas réagi àcette communication. M.________ a été opérée de la cataracte les 16 novembre 2000 (oeil gauche) et21 janvier 2001 (oeil droit). Elle a subi une troisième intervention enfévrier 2002. Le 21 novembre 2003, elle a présenté, au moyen de la formuleofficielle 318.531 une demande de prestations AI pour adultes. Elle demandaitla prise en charge des interventions qu'elle avait subies, ainsi que leremboursement de frais pour des lunettes avant les opérations. Par décision du 6 janvier 2004, confirmée par décision sur opposition du 2novembre suivant, l'Office AI a refusé de prendre en charge les frais pourles opérations subies en novembre 2000 et en janvier 2001, au motif que lademande, déposée le 21 novembre 2003 seulement, était tardive. B.Saisi d'un recours de l'assurée, le Tribunal des assurances du canton de Vaudl'a admis par jugement du 14 octobre 2005. Il a annulé la décision suropposition et renvoyé la cause à l'Office AI pour qu'il statue sur le droitaux prestations de l'intéressée. C.L'Office AI interjette un recours de droit administratif dans lequel ilconclut à l'annulation du jugement cantonal.M.________ conclut au rejet durecours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en proposel'admission. Considérant en droit: 1.La question est de savoir si l'intimée a droit à la prise en charge parl'assurance-invalidité des opérations de la cataracte qu'elle a subies. Bienque la décision sur opposition ne mentionne pas l'intervention du mois defévrier 2002 (mais seulement celles subies en novembre 2000 et janvier 2001),le premier juge a considéré, à juste titre, que cette intervention faisaitégalement partie de l'objet du litige, l'assurée en ayant expressément requisla prise en charge dans sa demande de prestations du 21 novembre 2003. 2.Selon l'art. 48 al. 2 première phrase LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au31 décembre 2002), «si l'assuré présente sa demande plus de douze mois aprèsla naissance du droit, les prestations ne sont allouées que pour les douzemois précédant le dépôt de la demande». Depuis le 1er janvier 2003, l'art.48 al. 2 LAI a la teneur suivante: «Si l'assuré présente sa demande plus dedouze mois après la naissance du droit, les prestations, en dérogation àl'art. 24 al. 1 LPGA, ne sont allouées que pour les douze mois précédant ledépôt de la demande». Cette disposition est applicable non seulement auxprestations périodiques (par exemple les rentes) mais également auxprestations uniques comme les moyens auxiliaires ou, comme en l'espèce, desmesures médicales (RCC 1989 p. 48; arrêt E. du 1erdécembre 2004 consid. 3.1,I 671/03, résumé dans HAVE/REAS 2005 p 57; arrêt non publié R. et M. du 27décembre 1999, I 398/99, consid. 2).D'autre part, selon l'art. 46 LAI (dans sa version en vigueur jusqu'au31décembre 2002), pour exercer son droit aux prestations, l'assuré doitprésenter une demande auprès de l'office de l'assurance-invalidité compétent;il appartient au Conseil fédéral de régler la procédure. Cette demande doitêtre présentée sur une formule officielle (art. 65 al. 1 RAI). Cependant,lorsque l'assuré fait valoir son droit par un acte écrit qui ne répond pas àcette exigence formelle, l'assurance doit lui envoyer une formule adéquate enl'invitant à la remplir dans un délai donné (ATF 103 V 70; RCC 1989 p. 49consid. 2, 1984 p. 420 consid. 1, 1970 p. 478 consid. 3a; voir aussi :Stéphane Blanc, La procédure administrative en assurance-invalidité, thèseFribourg 1999, p. 46; Ueli Kieser, Das Verwaltungsverfahren in derSozialversicherung, Zurich 1999, p. 182 sv., ch. 394; Urs-Viktor Ineichen,Der Rechtsanspruch auf Eingliederungsmassnamen nach schweizerischemInvalidensversicherungsrecht, thèse Fribourg, Winterthour, 1966, p.87). Leprincipe de la bonne foi, applicable dans les relations entre les assurés etl'administration, veut en effet que celle-ci ne reste pas passive devant unedemande qui ne satisfait pas aux exigences (Blanc, ibidem). 3.Le premier juge considère que l'assurée a déposé le 3 octobre 2000 unepremière demande de prestations qui ne satisfaisait certes pas aux conditionsde forme requises. Cependant, en déposant le 21novembre 2003 une demande enbonne et due forme, elle a fait rétroagir au 3octobre 2000 les effets decette nouvelle demande. Par conséquent, l'art. 48 al. 2 LAI ne saurait êtreopposé à l'assurée.Selon le recourant et l'OFAS, la jurisprudence précitée doit être comprisedans ce sens qu'une demande sur la formule officielle ne rétroagit à la dated'une requête précédente par simple lettre que si elle est présentée dans ledélai (en l'espèce 30 jours) imparti à l'assuré pour remédier au vice deforme. L'OFAS invoque à ce propos le chiffre 1003 du supplément 1 à laCirculaire sur la procédure dans l'assurance-invalidité (CPAI), qui étaitvalable en 2000, et qui est ainsi libellé : «La date de la remise d'unesimple lettre ou d'une formule inappropriée vaut dépôt de la demande au sensde l'art. 48 al. 2 LAI pour autant que l'assuré respecte le délaisupplémentaire» (à savoir le délai convenable qui est imparti à l'assurépour le dépôt d'une demande en bonne et due forme conformément au chiffre1002). 4.4.1Le point de vue du recourant et de l'autorité fédérale de surveillancedoit être partagé. Comme pour d'autres irrégularités de procédure (voir parexemple les art. 108 al. 3 OJ et 61 let.b LPGA), la fixation d'un délai parl'office de l'assurance-invalidité a pour but de permettre au requérant derégulariser une informalité réparable (cf.Kieser, ibidem). La régularisationne saurait toutefois intervenir en tout temps: le principe de la sécurité dudroit commande qu'elle intervienne dans le délai imparti par l'administrationpour que la date de l'arrivée de la première pièce soit considérée commedéterminante. C'est dans ce sens que doit être comprise la jurisprudenceprécitée, qui ne fait d'ailleurs que confirmer une pratique administrative delongue date, reproduite dans les directives susmentionnées (RCC 1970 p. 478consid. 3a; au sujet de cette pratique administrative, voir Albert Granacheret al., Leitfaden der Invalidenversicherung, Berne 1962, p.40). Du reste, le Tribunal fédéral des assurances s'est déjà exprimé de manièreexplicite dans ce sens. C'est ainsi qu'il a jugé, en appliquant par analogiedans l'assurance-chômage la jurisprudence de l'arrêt publié dans la RCC 1970p. 476 (précité), que la demande formelle devait intervenir sans retard aprèsune demande de prestations par simple lettre pour que la date de cettedemande informelle soit considérée comme déterminante (ATF 102 V 57 consid.3: «Meldet sich der Beitrittswillige mit formlosem Schreiben an, kommt erjedoch der Aufforderung der Kasse, sich rechtsgenüglich anzumelden,unverzüglich nach, so sind die Rechtswirkungen der Anmeldung auf das ersteSchreiben zurückzubeziehen»). 4.2 Il est vrai, comme le souligne l'OFAS, que le chiffre 1004 du supplément1 à la CPAI prévoyait que lorsque l'assuré ne donnait pas suite àl'injonction de déposer une formule dans un délai convenable,l'administration devait encore lui communiquer que sa demande ne pouvait pasêtre examinée, tant qu'elle ne serait pas présentée sur la formuleofficielle. Or, dans le cas particulier, rien au dossier n'indique quel'Office AI ait adressé à l'intimée une telle communication. En l'espècetoutefois, l'assurée - économiste de profession - devait se rendre compte, àla lecture de la lettre du 12octobre 2000 de l'Office AI, que sa demande nesatisfaisait pas aux exigences requises et qu'une demande sur une formuleofficielle était nécessaire pour bénéficier éventuellement de prestations del'assurance-invalidité. On doit admettre que cette omission n'est pas lacause de l'inaction de l'intimée pendant plus de trois ans. 5.5.1L'intimée a allégué qu'elle avait souffert d'une symptomatologiedépressive apparue dans le courant de l'année 2000.Pendant longtemps, ellen'avait plus été en mesure de traiter correctement ses affairesadministratives, en particulier, sa demande de remboursement de fraismédicaux auprès de l'assurance-invalidité. A l'appui de ses allégués, elle aproduit une attestation du docteur J.________, psychiatre-psychothérapeute,qui indique que l'intéressée était en traitement depuis le 3 mars 2003 pourune dépression apparue dans le courant de 2002 et qui a occasionné en 2003plusieurs mois d'incapacité de travail. Selon le médecin, il y a tout lieu depenser que dès la fin de l'année 2002, la patiente a été limitée de façonimportante dans sa capacité de gérer ses affaires, notamment pour effectuerdes démarches administratives. Ce n'est qu'à l'automne 2003 que cettelimitation a disparu (attestation du 30 janvier 2004). 5.2 Conformément à l'art. 48 al. 2, deuxième phrase, LAI les prestations sontallouées pour une période antérieure à douze mois si l'assuré ne pouvait pasconnaître les faits donnant droit à prestation et qu'il présente sa demandedans les douze mois dès le moment où il en a eu connaissance. Cettedisposition n'est toutefois pas applicable en l'espèce. En effet, l'intiméeavait conscience dès l'année 2000 déjà, de l'affection oculaire dont ellesouffrait et du fait qu'elle pouvait éventuellement prétendre des prestationsde l'assurance-invalidité.Certes, cette disposition n'exclut pas par ailleurs une restitution de délai(ATF 102 V 112; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung[IVG, Die Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht],Zurich 1997, p. 284). L'intimée ne saurait toutefois s'en prévaloir. Eneffet, même si elle souffrait d'une symptomatologie dépressive (qui n'ad'ailleurs été traitée qu'à partir de 2003), cela ne suffit pas pour admettrequ'elle se soit trouvée du fait de sa maladie dans l'incapacité totale dedéposer elle-même une demande de prestations ou d'en charger un tiers. 6.6.1Il suit de là que la demande de prestations était tardive au regard del'art. 48 al. 2 LAI, pour des traitements subis en novembre 2000, janvier2001 et février 2002 (comp. avec RCC 1989 p. 48), étant précisé que leseffets juridiques de la demande présentée sous la forme d'une simple lettrele 3 octobre 2000 sont régis par le droit en vigueur à l'époque (cf. ATF 130V 333 consid. 2.3, 425 consid. 1.1, 548 sv. consid. 2). Il n'y a pas lieud'examiner s'il en irait différemment sous le régime de la LPGA (cf. art. 27et 29 LPGA). 6.2 Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton deVaud du 14 octobre 2005 est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'avance de frais effectuée par le recourant, d'un montant de 500fr., luiest restituée. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 8 juin 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.81/06
Date de la décision : 08/06/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-08;i.81.06 ?
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