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06/06/2006 | SUISSE | N°I.305/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 juin 2006, I.305/05


Cause {T 7}I 305/05 Arrêt du 6 juin 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeFretz C.________,recourante, représentée par Me Jacques Bonfils, avocat, place du Tilleul 9,1630 Bulle, contre Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,1203 Genève, intimé Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,Givisiez (Jugement du 17 février 2005) Faits: A.Par prononcé du 26 février 1997, confirmé par décision du 15 juillet 1997,l'Office de l'assurance-invalidité du canton de F

ribourg (ci-après : l'OfficeAI) a alloué à C.________,née en 1956...

Cause {T 7}I 305/05 Arrêt du 6 juin 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeFretz C.________,recourante, représentée par Me Jacques Bonfils, avocat, place du Tilleul 9,1630 Bulle, contre Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,1203 Genève, intimé Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,Givisiez (Jugement du 17 février 2005) Faits: A.Par prononcé du 26 février 1997, confirmé par décision du 15 juillet 1997,l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après : l'OfficeAI) a alloué à C.________,née en 1956, une demi-rente d'invalidité à partirdu 1er août 1996,puis une rente entière dès le 1er novembre 1996. L'OfficeAI s'estfondé sur le rapport du docteur M.________, généraliste,du6janvier 1997, duquel il ressort que l'assurée présentait une incapacitéde travail de 100 % dans son activité de couturière en raison de lombalgieschroniques avec sciatalgies droites aiguës depuis août 1996, hernie discalemédiane en L5-S1, avec canal lombaire étroit aggravé d'une protrusion discaleen L4-L5. Le médecin signalait par ailleurs une symptomatologieanxio-dépressive. Au cours de l'année 1999, l'intéressée est reparties'installer au Portugal. En 2001, l'Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant àl'étranger (ci-après : l'OAI), a entrepris une procédure de révision. Sefondant sur un rapport médical émanant des autorités de sécurité socialeportugaise du 8 juin 2001, l'OAI a supprimé la rente entière dont bénéficiaitl'assurée et l'a remplacée par une demi-rente à partir du 1er mars 2002(décision du 8 janvier 2002). Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission fédérale de recoursen matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour lespersonnes résidant à l'étranger l'a annulée et renvoyé la cause àl'administration pour complément d'instruction et nouvelle décision (jugementdu 22 avril 2002). Après avoir fait examiner l'assurée par les docteurs G.________, spécialisteFMH en chirurgie et orthopédie, et R.________, spécialiste FMH en neurologie(cf. rapports des 12 et 20 septembre 2002), l'OAI a rendu un projet dedécision le 23 décembre 2002. Il a avisé l'assurée que l'exercice d'uneactivité adaptée à son état de santé (emploisentant que surveillante,ouvrière, caissière, vendeuse par correspondance) était exigible de sa partet qu'une activité de ce genre lui permettrait de réaliser plus de 60% dugain qu'elle pourrait obtenir sans invalidité. L'assurée a produit un rapport du docteur W.________, médecin-chefdu servicede rhumatologie à l'Hôpital X.________, du18février 2003, lequel a indiquéque l'assurée souffrait avant tout d'un syndrome vertébral lombairechronique, compliqué par la suite detendomyoses dorsales et cervicales dansle cadre de troubles dégénératifs modérés. Il a en outre fait état d'un étatdépressif mais ne s'est pas prononcé sur la capacité de travail résiduelle del'assurée. Se fondant sur les rapports des docteurs G.________, R.________ etW.________, l'OAI a supprimé le droit à la rente à partir du 1er juillet 2003(décision du 28 avril 2003 et décision sur opposition du 20 août 2003). En octobre 2003, l'assurée est revenue en Suisse, au bénéfice d'un permis B. B.C. ________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunaladministratif du canton de Fribourg en concluant à l'octroi d'une renteentière, subsidiairement, d'une demi-rente, dès le 8 janvier 2002.Par jugement du 17 février 2005, le Tribunal administratif a rejeté lerecours. Il a considéré qu'au moment où la décision litigieuse avait étérendue, l'assurée était apte à exercer une activité professionnelle adaptée àplein temps. C.C. ________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugementdont elle demande l'annulation en concluant, principalement, à l'octroi d'unerente d'invalidité et, subsidiairement, au renvoi de la cause à lajuridiction cantonale pour instruction complémentaire sous la forme d'uneexpertise psychiatrique. Dans sa réponse, l'office intimé conclut au rejet du recours, tandis quel'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Dans un premier moyen, la recourante reproche à la juridiction cantonale uneviolation de l'art. 6 § 1 CEDH dans la mesure où elle a refusé d'organiserdes débats. 1.1 L'obligation d'organiser des débats publics dans le contentieux del'assurance sociale au sens de l'art. 6 § 1 CEDH suppose une demande duplaideur. Pour qu'une telle demande puisse être prise en considération, elledoit être formulée de manière claire et indiscutable; une simple requête depreuve, ainsi que des demandes tendant à une comparution ou à uneinterrogation personnelle, à un interrogatoire des parties, à une audition detémoins ou à une inspection locale ne suffisent pas pour fonder une semblableobligation (ATF 125 V 38 consid. 2). 1.2 En l'espèce, la recourante n'a pas demandé l'organisation de débatspublics en application du principe de la publicité des débats. Comme celaressort de son mémoire de recours devant l'instance fédérale, sa requêtetendant à la fixation d'une audience avait pour seul but de permettre à sonavocat de développer dans une plus large mesure ses arguments juridiques.Dans ce contexte, le grief tiré d'une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH serévèle mal fondé. 2.Sur le fond, le litige porte sur le point de savoir si l'invalidité de larecourante s'est modifiée - de manière à influencer son droit à une rente -entre le 15 juillet 1997, date de la décision initiale par laquelle unedemi-rente puis une rente entière lui a été accordée, et le 20 août 2003,date à laquelle cette rente a été supprimée. 3.3.1 Aux termes de l'art. 17 LPGA (cf. art. 41 aLAI), si le taux d'invaliditédu bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est,d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduiteen conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important descirconstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit àla rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. Le point de savoirsi un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faitstels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et lescirconstances régnant àl'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351consid. 3.5.2, 125V369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V372 consid. 2b et 390 consid. 1b). 3.2 Selon un principe général du droit des assurances sociales,l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en forcede chose décidée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pasprononcée quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée etque sa rectification revête une importance notable (ATF 127 V 469 consid. 2cet les arrêts cités). Ce principe est consacré à l'art. 53 al. 2 LPGA, auxtermes duquel l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions suropposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestementerronées et que leurrectification revêt une importance notable (UeliKieser, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teildes Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zürich 2003, ch.18 adart. 53). Cette réglementation l'emporte sur celle de la révision au sens del'art. 17 LPGA (ATF 130 V 349 s. consid. 3.5). Ainsi, l'administration peutaussi modifier une décision de rente lorsque les conditions de la révisionselon l'art. 17 LPGA ne sont pas remplies. Si le juge est le premier àconstater que la décision initiale était manifestement erronée, il peutconfirmer, en invoquant ce motif, la décision de révision prise parl'administration (ATF 125 V 369 consid.2 et les arrêts cités; cf. aussi ATF112 V 373 consid. 2c et 390 consid. 1b).Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motifqu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situationjuridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu dela pratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et lesréférences). 4.4.1 Si l'on compare la situation de la recourante telle qu'elle se présentaitau moment où elle a été mise au bénéfice d'une demi-rente puis d'une renteentière (décision du 15 juillet 1997) avec celle qui prévalait au moment oùle droit à la rente a été supprimé (décision sur opposition du 20 août 2003),on constate que sur le plan purement somatique, les principaux diagnosticsposés sont quasiment superposables (lombalgies chroniques avec sciatalgiesdroites aiguës, hernie discale médiane en L5-S1, avec canal lombaire étroitaggravé d'une protrusion discale en L4-L5 [rapport du docteur M.________, du6janvier 1997]; début de discopathie L4-L5 et L5-S1 sans syndrome decompression [rapport du docteur G.________, du 12 septembre 2002], syndromevertébral lombaire douloureux chronique avec irradiation pseudo-radiculairedans les membres inférieurs [rapport du docteur R.________, du 20 septembre2002] et syndrome vertébral lombaire chronique sur troubles statiques etdégénératifs avec protrusion discale L4-L5 et petite hernie discale médianeL5-S1, cervicarthrose avec tendomyose cervico-scapulaire [rapport du docteurW.________, du 18 février 2003]), de sorte qu'en l'absence de changementnotable, il n'y a pas matière à réviser la rente selon l'art.17 LPGA.Sous ce même aspect somatique, il existe des éléments qui permettraientd'admettre - comme l'ont retenu de manière plus ou moins explicite lespremiers juges - que les conditions d'une reconsidération étaient remplies.C'est ainsi que la rente entière a été allouée sur la base de la seuleattestation du docteur M.________. A cette époque, une reprise du travailétait envisagée (à 50 pour cent au moins) dans un délai de six mois. Lemédecin indiquait que la patiente devait éviter le port de charges,l'exposition au stress, au froid et àl'humidité. A l'époque déjà, l'assuréeétait donc certainement apteàexercer une activité légère, au moins à tempspartiel. Les motifs pourlesquels le médecin envisageait une reprise différéed'activité dansunemploi mieux adapté que celui de couturière n'étaientpasvraimentexplicités. L'Office AI ne pouvait donc, sans autresmesuresd'instruction, en particulier sans même demander l'avis d'unspécialiste, conclure à une incapacité totale de travail, au demeurant nonmotivée par le médecin traitant. La rente entière a donc été accordée demanière hâtive, sans véritable examen quant à l'exigibilité de la reprised'une activité professionnelle, même à temps partiel. Le point de savoir sila décision précédente était manifestement erronée et donc si les premiersjuges pouvaient opérer, implicitement tout au moins, par substitution demotifs peut toutefois demeurer indécis, car, comme on le verra, un complémentd'instruction apparaît nécessaire. 4.2 Sur le plan psychique, la situation paraît avoir évolué défavorablement.Dans son rapport du 6 janvier 1997, le docteur M.________ mentionnait un étatanxio-dépressif, qui ne paraissait toutefois pas avoir d'influence sur lacapacité de travail. Un état dépressif était signalé par les docteursG.________ et W.________. En procédure d'opposition, l'assurée a produit uneattestation - certes non motivée - du Service psycho-social Y.________ (SPS)du 8 juillet 2003, qui concluait à une incapacité de travail de 100 pourcent. Une nouvelle attestation du SPS du 12 février 2004 a été produite enprocédure cantonale. Suivant l'avis de son service médical, l'OAI a alorsproposé d'adresser un questionnaire au SPS. Par la suite, leSPS a fourni àla demande de l'assurée desinformations supplémentaires. Il a indiqué quel'assurée étaitsuivie régulièrement depuis le 3 juin 2003, à raison d'uneconsultation par semaine. Posant le diagnostic d'état dépressifmajeurd'intensité moyenne et d'anxiété généralisée, il a relevéqu'auvudecetteproblématique psychiatrique, la patiente bénéficiaitd'unepsychothérapie de soutien, d'un traitement médicamenteuxantidépresseur, anxiolytique et somnifère ainsi que d'une approche infirmièrevisant la détente par la relaxation. Selon le SPS, le pronostic étaitréservé, la pathologie évoluant de façon chronique avec une réponse médiocreau traitement instauré. Enfin, les médecins du SPS ont conclu à uneincapacité de travail globale de 100 pour cent pour des raisons tantphysiques que psychiques et ce, pour une durée indéterminée (cf. rapport du17 décembre 2004). Cette pièce a été communiquée à l'OAI pour information.Celui-ci n'a pas réagi, bien que son service médical eût lui-même demandé desrenseignements complémentaires afin d'être en mesure de se déterminer. 4.3 Dans sa réponse au recours de droit administratif, l'OAI produit uneappréciation du docteur A.________, psychiatre et psychothérapeute etmédecin-conseil de l'OAI, du 20 juin 2005. Ce médecin note en substance quele rapport du SPS du 17 décembre 2004 ne répond pas aux exigences requisespour emporter la conviction. D'un autre côté, il ne s'estime pas en mesure deprendre position sous l'angle psychiatrique, laissant entendre que lasituation n'a pas été suffisamment élucidée. Il préconise, pour le cas où unenouvelle expertise devait être mise en oeuvre, que celle-ci porte à la foissur l'aspect psychique et sur la problématique des douleurs dorsales(«Rückenproblematik»). 4.4 Sur la base de ces éléments, on doit admettre que les indices d'uneaffection psychique propre à entraîner une incapacité de travail étaientsuffisants pour justifier un complément d'instruction. On notera que lerapport du SPS du 17 décembre 2004, bien que postérieur à la décision suropposition, porte sur des faits antérieurs à celle-ci, de sorte qu'il doitêtre pris en considération dans la présente procédure (cf. ATF 130 V 140consid. 2a, 121 V 366 consid. 1b). Il convient donc de renvoyer la cause auxpremiers juges pour qu'ils mettent en oeuvre une expertise psychiatrique,voire pluridisciplinaire (par exemple dans un COMAI). 5.S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). La recourante, quiobtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour l'instancefédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal administratif ducanton de Fribourg, du 17 février 2005 est annulé, la cause étant renvoyée àce tribunal pour instruction complémentaire et nouveau jugement au sens desconsidérants. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'Office intimé versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris lataxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurancessociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Officefédéral des assurances sociales. Lucerne, le 6 juin 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président
de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.305/05
Date de la décision : 06/06/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-06;i.305.05 ?
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