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02/06/2006 | SUISSE | N°6S.157/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 juin 2006, 6S.157/2006


{T 0/2}6S.157/2006 /svc Arrêt du 2 juin 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. Procureur général du canton de Genève,1211 Genève 3,recourant, contre A.________,intimé, représenté par Christian D'Orlando, avocat. Infraction à la LSEE, pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Chambre pénalede la Cour de justice du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.A. ________ est le responsable de la brasserie X.________. De mai2002 àavril 2004, il a employé sans autorisation un plongeur et un garçon de buffetde nationali

té serbe-et-monténégrine, qui résidaient légalement en Suissemais ...

{T 0/2}6S.157/2006 /svc Arrêt du 2 juin 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. Procureur général du canton de Genève,1211 Genève 3,recourant, contre A.________,intimé, représenté par Christian D'Orlando, avocat. Infraction à la LSEE, pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Chambre pénalede la Cour de justice du canton de Genèvedu 27 février 2006. Faits: A.A. ________ est le responsable de la brasserie X.________. De mai2002 àavril 2004, il a employé sans autorisation un plongeur et un garçon de buffetde nationalité serbe-et-monténégrine, qui résidaient légalement en Suissemais sans être autorisés à y travailler. A.________ les traitait conformémentà la convention collective et payait les charges sociales. Les deuxintéressés travaillent toujours dans ledit Etablissement, leur situationayant été régularisée depuis lors. A. ________ a de tout temps cherché des employés indigènes, notamment parl'intermédiaire de l'office cantonal de l'emploi, mais sans succès, nombre depersonnes proposées par cet office ne s'étant même pas présentées chez lui.Il a déjà fait l'objet d'une condamnation à une amende pour avoir employé despersonnes non autorisées de février à mai 2002. B.Par jugement du 26 avril 2005, le Tribunal de police du canton de Genève areconnu A.________ coupable d'infraction à l'art. 23 al.4LSEE, mais l'aexempté de toute peine. Il a motivé cette exemption en relevant que vul'impossibilité pratique pour A.________ de trouver, faute d'intérêt de lapart des personnes concernées, un plongeur au sein de la populationbénéficiant de l'autorisation de travailler, les intérêts publics que tend àprotéger l'art. 23 al. 4 LSEE n'avaient en aucune manière été atteints etqu'on ne saurait, dans une telle situation, exposer l'employeur à unesanction pour une violation abstraite de la loi.Statuant sur appel du Ministère public, la Chambre pénale de la Cour dejustice a confirmé ce jugement par arrêt du 27 février 2006. Se référant à unarrêt du Tribunal fédéral, elle relève, sans autre développement, que l'art.23 al. 4 LSEE s'applique avant tout au preneur d'emploi résidant illégalementen Suisse et qu'il s'ensuit que l'employeur qui fournit un emploi à unétranger sans permis de travail mais résidant légalement en Suisse doitpouvoir bénéficier d'une exemption de peine. C.Le Ministère public interjette un pourvoi en nullité. Il invoque uneviolation de l'art. 23 LSEE.Invité à se déterminer, A.________ conclut, avec suite de frais,principalement à l'irrecevabilité du pourvoi, subsidiairement à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le sceau postal atteste que le pourvoi a été remis à la poste le 29mars2006. Il a ainsi été interjeté à temps dans le délai légal de trente jours.Les doutes de l'intimé à ce sujet sont infondés. 2.Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du droit fédéral(art. 269 PPF), et le Tribunal fédéral est lié par les constatations de faitde l'autorité précédente (art. 277bis al. 1 PPF) dont il ne sauraits'écarter. Le Tribunal fédéral ne pouvant dès lors examiner l'application dudroit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu par l'autoritéprécédente, le recourant doit développer son raisonnement juridique sur cetteseule base et ne peut se fonder sur une version des faits différente. Dans lamesure où son argumentation s'écarte des faits constatés par l'autoritéprécédente, il ne peut en être tenu compte (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 67). 3.A teneur de l'art. 23 al. 4 LSEE (RS 142.20), celui qui aura occupé desétrangers non autorisés à travailler en Suisse sera puni, pour chaque casd'étranger employé illégalement, d'une amende jusqu'à 5'000 fr. s'il a agiintentionnellement et jusqu'à 3'000 fr. s'il l'a fait par négligence; dansles cas de très peu de gravité, il peut être fait abstraction de toute peine.L'art. 23 al. 5 LSEE prévoit qu'en cas de récidive dans les cinq ans suivantune condamnation en vertu de la règle précédente, l'auteur est passible, ensus de l'amende, de l'emprisonnement jusqu'à six mois ou des arrêts (art. 23al. 5 LSEE).Selon la jurisprudence à laquelle se réfère l'autorité cantonale, cesdispositions visent en premier lieu les étrangers séjournant illégalement enSuisse, mais s'appliquent aussi en cas d'emploi d'étrangers résidantlégalement en Suisse sans toutefois y bénéficier d'une autorisation pourtravailler. Il est rappelé dans l'arrêt topique que, lors des débatsparlementaires de 1987, l'un des rapporteurs a relevé que des étrangers decette dernière catégorie prenaient souvent un emploi intérimaire ouaccessoire sans que personne ne se rende compte du caractère illicite de leuracte; il a émis l'avis que, dans de tels cas, le principe de laproportionnalité pouvait, selon les circonstances, exiger qu'il soit renoncéà une sanction envers l'employeur (ATF 118 IV 262 consid. 4a p. 267 s.).Lors des débats précités, il n'a pas été soutenu que tout employeur occupantdes étrangers résidant légalement en Suisse devait échapper à la sanction. Ila simplement été question d'une possibilité, dépendant des circonstances ducas d'espèce. L'exemple donné est au demeurant un cas où l'employeur a agipar négligence et non pas intentionnellement, soit un cas où l'importance dela faute est réduite. Il s'agit d'un cas qui est susceptible d'être qualifiéde très peu de gravité pour lequel la loi prévoit expressément l'exemption depeine (art. 23 al. 4 LSEE).Les restrictions légales en matière d'engagement de travailleurs étrangerspeuvent conduire à des difficultés dans le recrutement de personnel. Mais cesrestrictions et leurs implications pour les employeurs relèvent de lapolitique en matière d'immigration et de main-d'oeuvre étrangère, voulue parle parlement fédéral et le gouvernement fédéral. Contrairement à ce quesous-entend le Tribunal de police, elle ne tend pas seulement à protégerl'accès au marché du travail en faveur des nationaux et des étrangers aubénéfice d'une autorisation de travail, mais aussi à limiter l'immigration depersonnes à la recherche d'un emploi. Cette volonté des autorités compétentesen la matière lie le juge. La jurisprudence a admis que dans une tellesituation, le juge ne pouvait pas contrecarrer cette volonté en admettant quel'impossibilité de recruter le personnel nécessaire ensuite des restrictionslégales à l'engagement d'étrangers crée un état de nécessité (arrêt6S.255/2002 du 29 juillet 2002, consid.2.3; cf. ATF 104 IV 229 consid. 4 p.232). Il ne saurait non plus admettre que cette impossibilité entraînerégulièrement une exemption de peine en faveur de l'employeur, car cettesolution, dans son résultat, reviendrait au même que retenir l'état denécessité. Sa seule marge de manoeuvre se situe au niveau de l'appréciationde la faute.En l'espèce, les employés ont pris un emploi régulier, non pas intérimaire ouaccessoire, et le recourant a agi intentionnellement en connaissance decause. De plus, il récidivait, commettant en soi l'infraction qualifiée,passible de six mois de privation de liberté; que le Ministère public aitrenoncé à cette qualification dans son ordonnance de renvoi n'y change rien.Dès lors, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles qui n'ont pas étéconstatées en l'espèce, il ne saurait être question d'un cas de très peu degravité permettant de faire abstraction de toute peine. Aussi le pourvoi duMinistère public est-il fondé. 4.L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure. Il n'y a paslieu d'allouer une indemnité au recourant (art. 278 PPF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la courcantonale pour nouveau jugement. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimé. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au Procureur général du canton deGenève, au mandataire de l'intimé et à la Chambre pénale de la Cour dejustice du canton de Genève. Lausanne, le 2 juin 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.157/2006
Date de la décision : 02/06/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-02;6s.157.2006 ?
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