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01/06/2006 | SUISSE | N°4P.308/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 juin 2006, 4P.308/2005


{T 0/2}4P.308/2005 /ech Arrêt du 1er juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,recourante, représentée par Me Horace Gautier, contre Y.________,intimé, représenté par Me Jacques Python, Chambre civile de la Cour de justice genevoise, case postale 3108, 1211Genève 3. droit d'être entendu; appréciation arbitraire des preuves en procédure civile (recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour dejustice genevoise du 14 octobre 2005. Faits: A.A.a A.________ est une

société de droit indien appartenant à l'Etat indien etautori...

{T 0/2}4P.308/2005 /ech Arrêt du 1er juin 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________,recourante, représentée par Me Horace Gautier, contre Y.________,intimé, représenté par Me Jacques Python, Chambre civile de la Cour de justice genevoise, case postale 3108, 1211Genève 3. droit d'être entendu; appréciation arbitraire des preuves en procédure civile (recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour dejustice genevoise du 14 octobre 2005. Faits: A.A.a A.________ est une société de droit indien appartenant à l'Etat indien etautorisée à centraliser l'importation d'urée. B. ________ est une société de droit turc. En 1994, elle était active dans lecourtage de l'urée, du fer à béton et du ciment. Elle disposait de locaux aucentre d'Ankara et employait une quinzaine de personnes. Le directeur avec signature individuelle de B.________ était X.________.Celui-ci avait pour adjoint et conseiller Y.________. Tous les deux étaientles bénéficiaires économiques de B.________. A.b A la suite d'un appel d'offre, A.________ est entrée en contact avecB.________, qui s'est présentée comme un producteur d'urée. Par contrat du 9 novembre 1995, B.________ s'est engagée, par l'intermédiairede X.________, à livrer à A.________ 200'000 tonnes métriques d'urée enprovenance des pays de la CEI, au prix de US$ 190 la tonne. Le prix de ventetotal, soit US$ 38'000'000, était payable d'avance. En contrepartie dupaiement préalable, B.________ s'engageait à fournir une police d'assurancecouvrant le risque de non-livraison et de non-exécution par le vendeur. Lemontant de la prime d'assurance, qui représentait 1 % du prix total, soit US$380'000, devait être versé par A.________ à B.________ de manière anticipée,en déduction du prix de vente. Le contrat stipulait également que le solde duprix, soit US$37'620'000, serait versé dès la réception de la policed'assurance originale. Une quantité de 50'000 tonnes métriques d'urée devaitêtre livrée immédiatement après réception de l'intégralité du prix de venteet le solde de la marchandise dans les cinq mois à compter de ce moment. A.c Compte tenu du risque lié au paiement préalable, la police d'assuranceconstituait une garantie essentielle pour A.________. Le 2 novembre 1995, anticipant la conclusion du futur contrat, A.________ aordonné un virement bancaire de US$ 380'000 sur le compte de B.________auprès d'une banque à Ankara. Pour des raisons inconnues, B.________ n'ajamais reçu cette somme et les fonds ont été retournés en mai 1996 àA.________.Le 2 novembre 1995 également, B.________ s'est adressée à C.________,représentant officiel de G.________ à Londres, afin d'obtenir une policed'assurance couvrant le risque du défaut de livraison et de l'inexécution parle vendeur. C.________ a sollicité la couverture d'assurance à H.________, àLondres, qui l'a informée qu'elle ne pouvait inclure dans le certificatd'assurance la garantie de non-exécution par le vendeur. Il n'a pas été établi que X.________ ou Y.________ aient été informés du faitque l'assurance ne couvrait que le risque maritime, à l'exclusion du risquede l'inexécution par le vendeur. Le 6 novembre 1995, B.________ a informé A.________ que la police d'assurancemaritime les protégeait entièrement et elle lui a remis, lors de la signaturedu contrat, le 9 novembre 1995, le certificat de couverture émis parH.________, en lui indiquant que la police couvrait le risque d'inexécution. En mai 1996, dans le cadre d'une enquête du gouvernement indien sur lecontrat conclu entre B.________ et A.________, cette dernière a été informéeque la police ne couvrait pas le risque de non-livraison et d'inexécution ducontrat. A.d Le 15 novembre 1995, A.________ a versé US$ 37'620'000 à la banqueI.________ en faveur de B.________. Après avoir demandé des renseignementssur la transaction, cette banque a retourné les fonds à A.________ quelquesjours plus tard. Le 22 novembre 1995, trois comptes bancaires aux noms de B.________,X.________ et Y.________ ont été ouverts auprès de la banque D.________ àGenève. Les documents d'ouverture du compte de B.________ indiquaient enqualité d'ayants droit économiques X.________ et Y.________. Le 23 novembre 1995, B.________ a invité A.________ à faire virer le prix devente sur son compte ouvert auprès de D.________. Le 29 novembre 1995, lasomme de US$ 37'620'000 a été versée par A.________ sur ce compte. Le 30 novembre 1995, ledit compte a été débité et les sommes suivantes ontété transférées:- US$ 28'100'000 sur le compte de X.________ auprès de D.________; sur cettesomme, US$ 12'500'000 ont été répartis, entre le 30novembre 1995 et le 20mai 1996, sur les comptes de X.________, de sa fille et de Y.________ dansdes banques à Ankara, Almaty et à Genève; le 6 mars 1996, US$ 4'750'000 ontété versés sur le compte de B.________ auprès de la banque E.________ et, le28 mai 1996, US$ 3'000'000 sur le compte de Z.________ auprès de la banqueF.________ à Monaco;- US$ 1'100'000 sur le compte de Y.________ auprès de D.________, dont US$780'000 ont par la suite été virés sur les propres comptes de Y.________ etsur ceux de son épouse auprès d'une banque à Ankara;- US$ 4'000'000 sur le compte d'une société n'étant pas active dans lecommerce de l'urée auprès d'une banque à Dubai;- US$ 2'000'000 à une société américaine n'étant pas active dans le commercede l'urée;- US$ 342'000 à C.________;- US$ 200'000 à l'agent commercial de B.________ à New-Delhi;- US$ 150'000 retirés en espèces. A.e A la réception du prix de vente, B.________ a pris différentes mesures envue de l'exécution du contrat avec A.________. En décembre 1995, elle a donné une procuration à un dénommé W.________, de lasociété F.________ au Kazakhstan, et lui a demandé, le 21 décembre 1995, definaliser l'achat de 25'000 à 50'000 tonnes métriques d'urée auprès d'uneusine en Ouzbékistan. Ces négociations n'ont finalement pas abouti. Le 21décembre 1995 également, W.________ a été chargé d'entamer des négociationsavec une usine du Caucase, afin de pouvoir charger 50'000 tonnes métriquesd'urée en janvier 1996, B.________ étant prête à investir dans l'usine pourla restructurer. Une déclaration d'intention en ce sens a été signée le27décembre 1995, mais aucun accord n'a été trouvé. Le 16 janvier 1996, B.________ a reçu une offre de vente d'urée émanant d'unesociété afghane. La transaction n'a pas abouti. Le 29 février 1996, B.________ a conclu avec une société slovaque un contratportant sur la livraison de 25'000 tonnes métriques d'urée d'originesud-américaine ou australienne au prix de US$ 180 par tonne métrique. Lalettre de crédit destinée à permettre l'exécution du contrat avec B.________,que X.________ et Y.________ ont fait ouvrir dans une banque à Genève, afinalement dû être annulée, car la banque du fournisseur n'avait pas présentéla garantie d'exécution. Une autre lettre de crédit, ouverte en faveur d'unexportateur situé en Arabie Saoudite, a aussi dû être annulée, la banque dufournisseur n'ayant pas présenté la garantie d'exécution. Le 12 avril 1996, B.________ a conclu un contrat avec une usine de Salavatportant sur la vente de 60'000 tonnes métriques d'urée au prix de US$ 167 latonne métrique, étant précisé que le contrat prévoyait la possibilitéd'augmenter à 120'000 tonnes métriques la quantité d'urée. Le 19 juin 1996,le prix a été ramené à US$ 155 par tonne pour des livraisons de 25'000 tonnesmétriques en juin/juillet 1996, à condition que le prix soit payé d'avance.B.________ a organisé le transport de l'urée jusqu'au port deSaint-Pétersbourg. Une cargaison de 9'007 tonnes métriques d'urée, payée US$1'395'000 par le biais du compte de B.________ auprès de E.________, a étélivrée en septembre 1996 à A.________, qui l'a refusée, car elle necorrespondait pas aux spécifications contractuelles. A de multiples reprises au cours de l'année 1996, B.________ a indiqué àA.________ que les retards étaient dus aux conflits agitant l'ex-URSS et auxconditions climatiques rigoureuses, tout en précisant que l'urée était prêteet sur le point d'être acheminée. Les demandes de A.________ de pouvoirinspecter la marchandise, de connaître les ports de chargement ou de pouvoirse rendre sur les lieux de production n'ont pas été suivies d'effet. A.f En mai 1996, A.________ a déposé une plainte pénale en Inde à l'encontrede X.________ et de Y.________. Dans le cadre de la demande d'entraidejudiciaire des autorités indiennes, le Ministère public de la Confédération aordonné la saisie des comptes de B.________, de X.________ et de Y.________auprès de D.________ en juin 1996. Le 16 septembre 1996, X.________ et Y.________ ont été arrêtés à Genève etextradés vers l'Inde où la procédure pénale est toujours pendante. Par sentence du 3 décembre 1998, un tribunal arbitral, statuant sur requêtede A.________ en vertu de la clause figurant dans le contrat, a condamnéB.________ à payer à la société indienne US$ 40'690'003 à titre dedommages-intérêts. B.A la requête de A.________, les biens de B.________, X.________ et Y.________auprès de D.________ ont été séquestrés le 3 octobre 2000. Au 30septembre2002, ces comptes présentaient des soldes s'élevant respectivement à US$232'253, US$ 10'763'472 et US$ 394'757. X. ________ et Y.________ ont formé opposition aux commandements de payer quileur ont été notifiés par voie édictale en validation du séquestre. Le 7 novembre 2002, A.________ a assigné Y.________ devant le Tribunal depremière instance du canton de Genève, en paiement de US$394'757 avecintérêt à 5 % dès le 29 novembre 1995 à titre de dommages-intérêts. Elle aégalement requis la validation du séquestre et la mainlevée définitive del'opposition formée au commandement de payer. Admettant l'application du droit suisse, Y.________ a conclu au déboutementde A.________. Par jugement du 3 février 2005, le Tribunal de première instance a déboutéA.________ de l'intégralité de ses conclusions. Le 14 octobre 2005, la Chambre civile de la Cour de justice, statuant surappel de A.________, a confirmé le jugement du 3 février 2005, rejetantl'action en dommages-intérêts. Elle a considéré en substance qu'aucun acteillicite ne pouvait être imputable à Y.________, le comportement de celui-cin'étant constitutif ni d'un abus de confiance (art. 138 CP), ni d'uneescroquerie (art. 146 CP) ou, subsidiairement, d'un acte de gestion déloyale(art. 158 CP); en outre, à défaut de crime préalable, l'infraction deblanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis CP ne pouvait être invoquée. C.Parallèlement à un recours en réforme, A.________ interjette un recours dedroit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 octobre 2005. Tout endemandant à titre préalable l'effet suspensif, elle conclut à l'annulation del'arrêt entrepris et au déboutement de Y.________ de toutes autres oucontraires conclusions. Par ordonnance du 1er décembre 2005, la requête d'effet suspensif formée parA.________ a été déclarée sans objet, en raison du dépôt d'un recours enréforme à l'encontre de l'arrêt du 14 octobre 2005.Par ordonnance du 25 janvier 2006, le Président de la Cour de céans a admisla demande de sûretés en garantie des dépens déposée par Y.________.A.________ a payé les 8'500 fr. de sûretés relatives à la présente procéduredans le délai imparti. Y. ________ propose le déboutement de A.________ des fins de son recours. La Cour civile se réfère, pour sa part, aux considérants de son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Il n'y a pas lieu de déroger en l'espèce à la règle générale de l'art. 57 al.5 OJ, selon laquelle il est d'abord statué sur le recours de droit public. 2.Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décisioncantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84al. 1 let. a OJ). L'arrêt attaqué, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen dedroit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoquela violation directe d'un droit constitutionnel, de sorte que la règle de lasubsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86al. 1 OJ; ATF 128 II 259 consid. 1.1). En revanche, si la recourante soulèveune question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pasrecevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43al. 1 et 84 al. 2 OJ; cf. ATF 129 I 173 consid. 1.1). La recourante est personnellement touchée par l'arrêt entrepris, qui ladéboute entièrement de ses conclusions. Elle a donc un intérêt personnel,actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptéeen violation de ses droits constitutionnels, de sorte que la qualité pourrecourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue.Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par laloi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est donc en principe recevable. 3.Dans son second grief, la recourante se plaint d'une violation de son droitd'être entendu, plus particulièrement de son droit à obtenir une décisionmotivée. 3.1 En raison du caractère formel du droit d'être entendu, dont la violationentraîne l'admission du recours et l'annulation de la décision attaquéeindépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431consid. 3d/aa p. 437), il convient d'examiner cette critique en premier lieu. Comme aucune violation de règles du droit cantonal de procédure n'estinvoquée à ce propos, le grief sera examiné exclusivement à la lumière del'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités), étantprécisé que la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancienne Constitutiondemeure applicable (cf. ATF 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278). 3.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pourl'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse lacomprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recourspuisse exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2). Il suffit cependantque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et surlesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse serendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause(ATF 125 II 369 consid. 2c p.372; 123 I 31 consid. 2c p. 34). L'autorité n'apas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve etgriefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter àceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid.2b p. 102 s. et les arrêts cités). Savoir si la motivation présentée estconvaincante est une question distincte de celle du droit à une décisionmotivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé ladécision des juges, le droit à une décision motivée est respecté, même si lamotivation présentée est erronée. 3.3 En relation avec l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante reproche toutd'abord aux juges de ne pas s'être prononcés sur l'application du principe indubio pro
reo. Cette question était pourtant centrale, car, dans son appelsur le plan cantonal, la recourante avait contesté le fait que le premierjuge ait appliqué ce principe dans une cause civile.Découlant de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 par. 2 CEDH etpar l'art. 32 al. 1 Cst., le principe "in dubio pro reo" concerne tant lefardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règled'appréciation des preuves, ce principe signifie que le juge ne peut sedéclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'uneappréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsisterun doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait(ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid.2c p. 37). En l'espèce, la cour cantonale a examiné les diverses infractions invoquéespar la recourante à l'appui de son action et a estimé que leurs élémentsconstitutifs n'étaient pas réalisés. L'arrêt attaqué ne laisse cependant pasapparaître que les juges, appréciant les preuves, auraient hésité quant àl'existence d'une infraction pénale et qu'ils l'auraient finalement rejetée,au motif que leurs doutes devaient profiter à l'intimé. La recourante nel'invoque du reste nullement, bien qu'il lui eût appartenu de le démontrer(art. 90 al. 1 let. b OJ). Il apparaît que la cour cantonale a certesconfirmé le résultat de l'appréciation du premier juge, mais sans se fondersur le principe in dubio pro reo, ce qu'elle était parfaitement libre defaire dans le cadre d'un appel ordinaire (cf.Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la LPC genevoise, N 15 adart. 291 LPC). Le raisonnement suivi dans l'arrêt attaqué, qui seul peut êtrerevu dans la présente procédure, fait ainsi perdre toute pertinence au pointde savoir si le principe in dubio pro reo peut s'appliquer dans une causecivile. On ne peut donc reprocher à la cour cantonale d'avoir violé le droitd'être entendu de la recourante en n'abordant pas cette question. 3.4 La recourante se plaint également du fait que l'arrêt attaqué se seraitécarté, sans aucune motivation, de la jurisprudence fédérale, publiée à la SJ2004 I 77, qu'elle avait invoquée dans son appel et qui concerne laqualification de chose confiée. L'arrêt dont se prévaut la recourante, également publié à l'ATF 129 IV 257,traite de l'abus de confiance en relation avec de l'argent prêté et préciseque l'utilisation à une autre fin d'un prêt accordé en vue d'un jeu neconstitue pas un abus de confiance (arrêt précité, consid. 2.3). Dans ladécision entreprise, les juges, appliquant une autre jurisprudence (cf. ATF118 IV 239 consid. 2b p. 242), ont considéré que le montant remis àB.________ par la recourante ne pouvait être qualifié de chose confiée, caril ne résultait pas d'un prêt, mais constituait la contre-partie de l'achatde 200'000 tonnes métriques d'urée. Sur la base de ce raisonnement, la courcantonale pouvait, sans tomber dans l'arbitraire, tenir pour non déterminantl'arrêt cité par la recourante en matière de prêt et ne pas le mentionner,sans faillir à son devoir de motivation. Il convient de rappeler que la Courde céans n'a pas, sous l'angle du droit à obtenir une décision motivée, àvérifier le bien-fondé de ce raisonnement (cf. supra consid. 3.2 in fine). Lepoint de savoir si c'est à juste titre que l'ATF 129 IV 257 n'a pas étéappliqué à la présente cause est une question qui relève du droit fédéral etqui a du reste été soulevée par la recourante dans le recours en réformedéposé parallèlement. Le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu est donc infondé. 4.La recourante invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et dansl'établissement des faits. Elle estime en substance que la cour cantonale anié de manière insoutenable l'intention criminelle de l'intimé et deX.________, ainsi que le caractère astucieux de la tromperie dont elle a étéla victime, ce qui a conduit les juges à conclure à tort qu'elle n'avait pasfait l'objet d'une escroquerie. 4.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou unprincipe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte de manièrechoquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid.2.1; 131 I 57 consid. 2 p. 61); il ne suffit pas qu'une autre solutionparaisse également concevable, voire préférable; pour que cette décision soitannulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans sesmotifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 217consid. 2.1 p. 219). S'agissant de l'appréciation des preuves et des constatations de fait,l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sansaucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encorelorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire desconstatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). Il appartient aurecourant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant de démontrer,par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 185 consid. 1.6; 122 I 70 consid. 1c p.73). Lors de son examen, le Tribunal fédéral base son arrêt sur les faitsconstatés dans la décision attaquée, à moins que le recourant ne démontre quela cour cantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes demanière arbitraire (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 4.2 Selon la recourante, la cour cantonale a arbitrairement retenu qu'iln'avait pas été démontré que, d'entrée de cause, l'intimé n'aurait pas eul'intention de s'exécuter. Elle estime que des éléments objectifs du dossier,dont la cour cantonale a occulté la portée, démontraient au contraire defaçon criante l'absence de volonté des ayants droit de B.________ d'exécuterleurs obligations lors de la signature du contrat le 9novembre 1995. Elleinvoque premièrement les assurances mensongères données, selon lesquellesB.________ aurait été en mesure de livrer 50'000 tonnes métriques d'uréeimmédiatement après le paiement du prix de vente, deuxièmement ledétournement immédiat par les ayants droit de B.________ des fonds qu'elleavait versés à cette dernière et, troisièmement, la présentation fallacieusede B.________ en tant que productrice d'urée. 4.2.1 La cour cantonale s'est prononcée sur deux de ces éléments, mais ellene les a pas interprétés dans le sens voulu par la recourante. Les juges ontainsi reconnu que l'intimé savait certes que B.________ n'était pas en mesurede livrer 50'000 tonnes métriques d'urée immédiatement après le paiement duprix de vente et que les premières démarches en ce sens ont été mises enoeuvre le 21 décembre 1995 seulement. Ils ont toutefois estimé que cetélément ne démontrait pas l'absence de volonté d'exécuter le contrat, maisrévélait seulement un problème d'exécution tardive des obligationscontractuelles de la part de la venderesse. La cour cantonale a égalementsouligné que B.________ n'était pas productrice d'urée, contrairement à cequ'elle avait affirmé à la recourante, mais elle a considéré que, dans lamesure où le contrat portait sur la livraison d'urée en provenance des paysde la CEI, il était douteux que l'absence de qualité de producteur constitueun indice de la volonté des ayants droit de B.________ de ne pas exécuter lecontrat. On ne voit pas que ces déductions procèdent d'une appréciation insoutenabledes preuves. Certes, les juges auraient pu interpréter différemment les faitsprécités, mais cela ne suffit pas à établir l'arbitraire. La recourante ne ledémontre du reste aucunement; elle se contente de présenter des critiquesappellatoires en opposant sa propre interprétation à celle retenue par lacour cantonale, ce qui n'est pas suffisant pour retenir une violation del'art. 9 Cst. 4.2.2 Reste l'existence des transferts opérés du compte de B.________, dèsque la somme de US$ 37'620'000 y a été versée. Il est vrai que, comme lerelève la recourante, la cour cantonale n'a pas évoqué cet élémentlorsqu'elle s'est interrogée sur la volonté des ayants droit de B.________d'exécuter le contrat de vente. L'absence de référence à ces transferts defonds n'est toutefois pas de nature à rendre insoutenable le résultat de ladécision entreprise, car il n'a pas été constaté qu'en répartissant le prixde vente sur différents comptes, appartenant notamment à l'intimé, les ayantsdroit de B.________ auraient rendus impossible l'exécution par la sociétévenderesse de ses obligations contractuelles. Du reste, il a été constaté queles 9'007 tonnes métriques d'urée livrées à la recourante en septembre 1996ont été payées à l'usine productrice, par le débit du compte de B.________auprès de la banque E.________, soit au moyen d'une partie des fondstransférés. 4.2.3 Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne peut, sous l'anglede l'arbitraire, faire grief à la cour cantonale de s'être avant tout fondéesur les démarches entreprises par les ayants droit de B.________ à partir du21 décembre 1995 en vue de se procurer de l'urée pour évaluer leur volontéd'exécuter le contrat. Il apparaît ainsi que des négociations contractuellesmenées avec des producteurs d'urée en Ouzbékistan, dans le Caucase, enAfghanistan et en Slovaquie ont eu lieu, que deux lettres de crédit auprèsd'une banque à Genève ont été ouvertes et, enfin, que les ayants droit deB.________ ont organisé la livraison à la recourante de 9'007 tonnesmétriques d'urée, qui a finalement été refusée par l'acheteuse, car elle necorrespondait pas aux spécifications contractuelles. Compte tenu del'ensemble de ces démarches, la conclusion de la cour cantonale selonlaquelle il n'était pas démontré que l'intimé aurait eu d'emblée l'intentionde ne pas s'exécuter, ne saurait être qualifiée d'arbitraire. 4.3 Selon la recourante, l'arrêt attaqué tient de manière insoutenable pournon établi que ni l'intimé ni X.________ n'avaient été informés quel'assurance ne couvrait pas le risque d'inexécution par le vendeur. Dès lorsqu'elle se contente de cette affirmation, sans expliquer en quoi leraisonnement de la cour serait à cet égard arbitraire, la recourante formuleune critique qui ne répond pas aux exigences de motivation (art. 90 al. 1let. b OJ; cf. supra consid. 4.1), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer enmatière sur ce point. Le grief portant sur l'appréciation arbitraire des preuves s'avère donc, luiaussi, sans fondement. Le recours doit en conséquence être rejeté. 5.La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art.156 al. 1 OJ) et versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 159al. 1 OJ), qui sera prélevée sur les sûretés déposées en application del'art. 150 al. 2 et 3 OJ. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 7'500 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 8'500 fr. à titre dedépens. Ce montant sera prélevé sur les sûretés déposées par la recourante àla Caisse du Tribunal fédéral. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice genevoise. Lausanne, le 1er juin 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.308/2005
Date de la décision : 01/06/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-06-01;4p.308.2005 ?
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