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31/05/2006 | SUISSE | N°2P.6/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mai 2006, 2P.6/2006


{T 0/2}2P.6/2006 /svc Arrêt du 31 mai 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.Greffier: M. Addy. Consortium 2,recourant, représenté par Mes Olivier Rodondi etGilles Davoine, avocats, contre Compagnie X.________,intimée, représentée par Mes Denis Sulliger et Christophe Misteli, avocats,Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne, Consortium 1, partie intéressée, art. 9 et 29 al. 2 Cst. (adjudication), recours de droit public contre l'arrêt duTribunal administratif du canton d

e Vauddu 27 décembre 2005. Faits: A.Par une annonce publiée ...

{T 0/2}2P.6/2006 /svc Arrêt du 31 mai 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.Greffier: M. Addy. Consortium 2,recourant, représenté par Mes Olivier Rodondi etGilles Davoine, avocats, contre Compagnie X.________,intimée, représentée par Mes Denis Sulliger et Christophe Misteli, avocats,Tribunal administratif du canton de Vaud,avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne, Consortium 1, partie intéressée, art. 9 et 29 al. 2 Cst. (adjudication), recours de droit public contre l'arrêt duTribunal administratif du canton de Vauddu 27 décembre 2005. Faits: A.Par une annonce publiée dans la Feuille des avis officiels du canton de Vauddu 11 mai 2004, la Compagnie X.________ a lancé un appel de candidatures pourun mandat d'études portant sur l'évaluation d'un viaduc et l'établissementd'un projet de renforcement ou de renouvellement de l'ouvrage. L'avisindiquait que le marché était soumis à la procédure sélective et que laprésélection se ferait au mois de juin suivant par un jury. Un cahier deprésélection décrivait plus en détail le mandat et précisait que quatre àcinq candidats au maximum seraient retenus pour la suite de la procédure surla base des critères suivants: aptitude du soumissionnaire (40 %),organisation de celui-ci et qualifications des personnes clés et desspécialistes prévus pour mener à bien le mandat (30 %), analyse du mandat etméthodologie proposée (30 %).Cinq candidats ont été présélectionnés, dont les Consortiums 1, 2 et 3. B.Les cinq candidats retenus ont chacun reçu un document, daté du 23juillet2004 et intitulé "Cahier des charges phase II" (ci-après: le cahier descharges), qui expose notamment ce qui suit (p. 4/5):"1. Contexte généralLe viaduc de A.________ est un ouvrage construit en 1903 qui demande uneintervention de conservation lourde afin de l'adapter aux nouvelles exigencesd'exploitation de (la Compagnie X.________) et de lui redonner une durée devie de l'ordre de 100 ans. Sa situation dans la localité de A.________ et savaleur historique le font sortir du cadre ordinaire d'une telle intervention.Il est prioritaire que son aspect général puisse être conservé. L'ouvrage aété classé en 2001 par les autorités cantonales (...).(...) A l'issue de la phase I, cinq groupements de bureaux d'études ont étésélectionnés sur la base, en particulier, de leurs propositions pourdévelopper leurs études. Dans ce cadre là, les options visant à conserver aumaximum l'authenticité de l'ouvrage ont été privilégiées. L'option deréaliser une nouvelle poutre treillis peut être envisagée après une analysetechnique approfondie ou en cas d'un rapport coûts/avantages tropdéfavorable. En revanche, les propositions dénaturant l'ouvrage doivent êtreécartées (...). 2. Procédure et critères de sélection de la phase IILa seconde phase de la procédure est un concours de projet (concept). Laréflexion des candidats doit se concentrer sur:- Le renforcement ou le renouvellement de la poutre en treillis métallique- L'intégration d'une auge permettant de faire reposer les voies sur duballast sur toute la longueur de l'ouvrage.- Des méthodes pour l'exécution des travaux dans le but, notamment, delimiter les interruptions du trafic ferroviaire et les problèmes de nuisancesau voisinage (...).(...) Il s'agit de se concentrer sur l'enjeu principal du projet, soit:l'adaptation et la remise en état du tablier de l'ouvrage, tout en conservantsa valeur patrimoniale (...).(...) Les critères de sélection du jury sont les suivants:1. Réalisme et faisabilité du concept proposé. 2. Intégration architectural (sic) et concordance avec l'objectif deconservation de la valeur patrimoniale de l'ouvrage. 3. Influence du concept sur les nuisances d'après travaux. 4. Méthodes d'exécution et, en particulier, leurs influences sur le traficferroviaire et sur les nuisances durant les travaux. 5. Coût des travaux. 6. Offre de prestations et d'honoraires pour le mandat d'études.(...).4.2 Devis EstimatifLes candidats joindront un estimatif des coûts (±25 %) portant sur:- Le renforcement ou de (sic) renouvellement de la poutre treillis existante.- (...)".Après réception des offres, le jury s'est réuni une première fois le4novembre 2004 pour entendre les candidats qui en avaient fait la demande,puis délibérer sur le choix de l'adjudicataire. Selon un rapport de sélectiondaté du 9 novembre 2004 (ci-après: le rapport de sélection), ce choix devaitse faire selon les principes suivants: les critères 1 à 3 étaient considéréscomme "éliminatoires" et la décision de sélectionner ou d'éliminer un projetpour la suite de la procédure devait être prise à l'unanimité des membres dujury; un projet pouvait néanmoins être accepté sous réserve qu'une expertiseneutre en démontre sa faisabilité; qualifiés de "techniques", les critères 4à 6 devaient permettre de "départager les projets et les bureaux d'ingénieursproposant des options également satisfaisantes du point de vue des critères 1à 3", selon la pondération suivante: 45 % pour le critère4 (méthodesd'exécution), 45 % pour le critère 5 (coût des travaux) et 10 % pour lecritère 6 (offre des prestations et d'honoraires) (rapport de sélection, adch. 1.1 "Principes généraux", p.2).Sur les cinq soumissions reçues, quatre prévoyaient de remplacer la poutre entreillis existante par une nouvelle poutre; un seul projet, soit celui déposépar le Consortium 1, proposait la conservation et le renforcement de lastructure existante. En outre, les projets élaborés par le Consortium 1 etpar le Consortium 2 ne prévoyaient pas une auge en béton et/ou de fairereposer les rails sur du ballast. Le jury a néanmoins décidé "de n'élimineraucun projet à ce stade et de poursuivre son évaluation sur la base descritères techniques"; il réservait toutefois les résultats de deux expertisesqui devraient être mises en oeuvre, l'une pour vérifier la faisabilité duprojet du Consortium 1, l'autre pour vérifier l'efficacité des dispositionsprises par le Consortium 1 et le Consortium 2 pour réduire les nuisancessonores (rapport de sélection, ad ch. 2.1 "Critères éliminatoires", p.5/6).L'évaluation sur la base des critères techniques a donné les résultatssuivants: 7,5 points pour le Consortium 2, 7 points pour le Consortium 1 et 7points pour le Consortium 3 (rapport de sélection, ad ch. 2.2 "Critèrestechniques", p. 7).Au terme des délibérations, le jury a finalement décidé que le mandat seraitadjugé au Consortium 1 si l'expertise prévue confirmait la faisabilité duprojet (conservation de l'ouvrage existant); dans le cas contraire, le mandatdevrait être adjugé au Consortium 2, "pour autant que (sa) proposition d'augemétallique soit satisfaisante du point de vue des nuisances sonores"; sinon,le jury proposait d'adjuger le mandat à Consortium 3 (rapport de sélection,ad ch. 2.3 "Proposition d'adjudication", p. 7). C.La Compagnie X.________ a confié l'expertise de faisabilité du projet duConsortium 1 au Professeur B.________, et l'expertise concernant lesnuisances sonores des projets des Consortium 1 et Consortium 2 à la sociétéC. A la demande du Service cantonal des monuments historiques, l'adjudicateura également mandaté le Professeur D.________ pour évaluer l'état actuel duviaduc ainsi que le concept d'intervention proposé par le Consortium 1. Lesexperts ont rendu leurs conclusions dans des rapports respectivement des 27janvier, 21janvier et 11 février 2005. Le 28 février 2005, le jury a organisé une seconde séance de délibérations envue de discuter les conclusions des experts en leur présence et de faire uneproposition finale pour l'attribution du mandat. Au terme de la séance, il adécidé à l'unanimité, "compte tenu des conclusions des experts etconformément à ses délibérations du 4novembre 2004", de porter son choix surle projet du Consortium 1, en invitant l'adjudicataire à tenir compte desdiverses remarques et suggestions formulées par les experts afin, notamment,d'avoir une vision plus précise de l'état existant de l'ouvrage (vérificationdes caractéristiques des matériaux; identification des éventuels dégâts;analyse de l'état de fatigue actuel de l'ouvrage sur la base d'une étudehistorique des convois; affinage de certaines données; ...) et d'optimiser leprojet sur un certain nombre de points (notamment réduire l'épaisseur et lepoids de la dalle ainsi que les émissions sonores) (cf. compte rendu de laséance du jury du 28 février 2005, établi le 11 mars 2005, p. 5/6).La Compagnie X.________ a suivi l'avis du jury et décidé d'attribuer lemarché au Consortium 1. Par lettre du 8 mars 2005, elle a informé les quatreautres soumissionnaires de leur éviction, en motivant son choix par le faitque le projet retenu était le seul à proposer une variante conservant lapoutre en treillis existante et que sa faisabilité avait été confirmée pardeux expertises; l'adjudicateur relevait également "la sensibilité du projetdu point de vue de la conservation du patrimoine". D.Le Consortium 2 a contesté son éviction devant le Tribunal administratif ducanton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif), en soutenant, pourl'essentiel, que le marché devait lui revenir, car il avait présenté l'offreéconomiquement la plus avantageuse, ayant satisfait aux critèreséliminatoires et obtenu le meilleur résultat sur la base des critèrestechniques.La Compagnie X.________ s'est déterminée par l'entremise de l'ingénieurE.________, membre du jury, qui a expliqué que le terme "éliminatoire" pourqualifier les critères 1 à 3 ne devait pas être pris au pied de la lettre,mais signifiait simplement que ces critères avaient la "priorité" sur lescritères techniques. Or, ajoutait-il, dans la mesure où le Consortium 1 avait"démontré qu'il était possible de conserver la structure métallique existantedu pont tout en satisfaisant les (sic) autres exigences du projet, le jury aadmis que les projets prévoyant le remplacement de cette structure métalliquedevait (sic) être déclassés". Le Consortium 2 a objecté que l'adjudicateuravait violé le principe de la transparence en accordant au critère desélection 2 une importance décisive qui ne ressortait pas des documents remisaux soumissionnaires.Par arrêt du 27 décembre 2005, le Tribunal administratif du canton de Vaud arejeté le recours. En bref, il a considéré que le cahier des chargesprivilégiait "clairement l'hypothèse du maintien de la structure existante",si bien que l'adjudicateur n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation enaccordant au critère 2 davantage d'importance qu'aux critères techniques. E.Agissant par la voie du recours de droit public, le Consortium 2 demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal administratif et delui adjuger le marché ou de renvoyer la cause au Tribunal administratif afinqu'il statue au sens des considérants. Au cas où le contrat portant sur lemarché litigieux aurait déjà été conclu, il demande, à titre subsidiaire, quel'adjudication soit déclarée illicite. Il se plaint de la violation de sondroit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et, sur le fond, invoque laprotection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) et le droit à l'égalité (art. 8Cst.) en relation avec, respectivement, les principes de la transparence etde la prohibition des négociations.Au terme d'une détermination circonstanciée précisant le déroulement de laprocédure cantonale, le Tribunal administratif a réfuté le grief de violationdu droit d'être entendu, déclaré persister dans les termes de sesconsidérants, et conclu au rejet du recours, en précisant qu'il ne s'opposaitpas à l'octroi de l'effet suspensif. La Compagnie X.________ a pris les mêmesconclusions, sous suite de frais et dépens. Le Consortium 1 ne s'est pasdéterminé sur le fond, mais a également fait savoir qu'il ne s'opposait pas àl'octroi de l'effet suspensif.Par ordonnance du 27 janvier 2006, le Président de la IIe Cour de droitpublic a admis la requête d'effet suspensif. Le 2 mars suivant, suite auxprécisions apportées par le Tribunal administratif dans sa détermination, leConsortium 2 a mis en cause l'impartialité de cette juridiction et invoquél'art. 30 al. 1 Cst., au motif que l'assesseur Z.________ avait pris part àl'arrêt attaqué. La juridiction mise en cause et les parties ont pus'exprimer sur cette question. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé pour violation des droits constitutionnels des citoyens à l'encontred'une décision finale prise en dernière instance cantonale, le présentrecours de droit public remplit les conditions de recevabilité prévues auxart. 84 al. 1 lettre a et 86 OJ.Le Consortium 2 dispose sans conteste d'un intérêt actuel et juridiquementprotégé au sens de l'art. 88 OJ à faire annuler la décision attaquée en vued'obtenir l'adjudication du marché litigieux, celui-ci n'ayant pas encoredonné lieu à la conclusion d'un contrat entre l'adjudicateur et le Consortium1. En revanche, sont irrecevables les conclusions condamnatoires du recouranttendant à l'adjudication du marché à lui-même ou au renvoi de la cause auTribunal administratif pour nouvelle décision au sens des considérants, vu lanature cassatoire du recours de droit public (cf. (ATF 131 I 166 consid.1.3p. 169 et les arrêts cités).Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites, lerecours est recevable. 2.Le recourant conteste la présence de l'assesseur Z.________ dans lacomposition de la cour cantonale ayant statué sur son cas, en invoquantl'art. 30 al. 1 Cst. Ce prétendu vice lui était cependant connu au plus tarddepuis le 3 janvier 2006, date à laquelle l'arrêt attaqué, qui mentionne lacomposition de cette juridiction, lui a été notifié. Soulevé pour la premièrefois le 2 mars 2006, soit après l'expiration du délai de recours, le moyenest tardif et se révèle dès lors irrecevable. 3.Le recourant se plaint également d'une violation de son droit d'être entendutel que garanti à l'art. 29 al. 2 Cst, car le Tribunal administratif n'a pasdonné suite à une requête du 11 octobre 2005, par laquelle il invitait cetteautorité à "appointer à (sa) plus proche convenance une audience dejugement." Il relève que le but de cette requête était de lui permettre de seprononcer sur "certains éléments de droit et de fait (...), notamment sur lesobservations ou autres déterminations complémentaires des autres parties".Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas ledroit inconditionnel d'être entendu oralement (cf. ATF 130 II 425 consid. 2.1p. 428/429); il confère seulement au justiciable le droit de s'exprimer surles éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sasituation juridique (cf. ATF 127 III 576 consid. 2c p.578 s.; 127 V 431consid. 3a p. 436 et les arrêts cités).En l'espèce, le recourant a eu tout loisir de s'expliquer par écrit devant leTribunal administratif. Par ailleurs, la requête précitée du 11 octobre 2005tendant à la fixation d'une audience n'était pas motivée et ne précisait mêmepas son objet; le tribunal pouvait donc la considérer comme infondée et larejeter, en s'estimant
suffisamment renseigné pour trancher le litige (cf.ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 119 Ib 492consid. 5b/bb p. 505/506). Du reste, les parties ont été informées, parlettre du 1er novembre 2005, qu'après s'être réuni pour une séance dedélibérations, le tribunal avait estimé qu'il ne se justifiait pas d'ordonnerd'autres mesures d'instruction et qu'un arrêt leur serait prochainementcommuniqué. Or, le recourant n'a pas réagi à cette prise de position; enparticulier, il n'a pas saisi l'occasion de motiver sa demande d'audience nimême n'a déclaré qu'il maintenait celle-ci. Certes, il soutient n'avoirjamais reçu la lettre précitée du Tribunal administratif. Il reste qu'il en aconnu l'existence au plus tard à partir de la réception d'une lettre du20décembre 2005 de l'avocat de la partie adverse qui y faisait référence,sans qu'il ne se soit davantage manifesté à ce moment-là.Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu n'est dès lors pasfondé. 4.Sur le fond, le recourant fait valoir que la procédure d'adjudication s'estfaite en violation du principe de la transparence et que le Tribunaladministratif est tombé dans l'arbitraire en n'invalidant pas le marchélitigieux à raison de ce vice. 4.1 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence exige du pouvoiradjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous lescritères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluationdes soumissions; à tout le moins doit-il spécifier clairement l'importancerelative qu'il entend accorder à chacun d'eux, afin de prévenir tout risqued'abus ou de manipulation de sa part. En outre, lorsqu'en sus de cescritères, le pouvoir adjudicateur établit concrètement des sous-critèresqu'il entend privilégier, il doit les communiquer par avance auxsoumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas,le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle,après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefoispas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou decatégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moinsque ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir lecritère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leuraccorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent àcelui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluationou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critèresutilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul...) ne doiventpas nécessairement être portées par avance à la connaissance dessoumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation(cf. ATF 130 I 241 consid. 5.1 p. 248; 125II 86 consid. 7c p. 101 et lesréférences citées). 4.2 En l'espèce, le cahier des charges remis aux soumissionnaires énumère sixcritères de sélection dans un ordre de 1 à 6, sans mentionner leurpondération respective, ni les sous-critères et les échelles de notes qui ontété utilisés pour la notation (sur ces points, cf. rapport de sélection, p.3/4). En principe, cependant, de telles mentions sont facultatives d'aprèsla jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-avant. A l'instar de lapratique de certains cantons (cf. Peter Galli/André Moser/Elisabeth Lang,Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, Zurich/Bâle/Genève 2003, nos 443ss), il semble que le Tribunal administratif ait parfois exigé quel'adjudicateur mentionne à l'avance les coefficients de pondération descritères d'adjudication (cf. arrêt du 20 avril 2004 X. SA, Y. SA et Z. SAc./Commune de Crissier, publié in: RDAF 2004 I 292, consid. 1a/aa); cetteexigence a récemment été concrétisée avec l'entrée en vigueur, le 1erseptembre 2004, du règlement d'application du 7 juillet 2004 -non pertinentpour le cas d'espèce (cf. arrêt attaqué, consid. 1) - de la loi vaudoise du24juin 1996 sur les marchés publics (cf. art. 13 lettre l dudit règlement).La question n'a cependant pas à être approfondie, car le principe detransparence a, pour d'autres motifs, de toute façon été violé. 4.34.3.1Selon le rapport de sélection, le jury a décidé, lors de sa premièreséance de délibérations, que les six critères énumérés dans le cahier descharges se divisaient en deux catégories distinctes, à savoir les critèreséliminatoires (1 à 3) et les critères techniques (4 à 6); ces derniersétaient destinés à départager les projets proposant des options "égalementsatisfaisantes du point de vue des critères 1 à 3", selon la pondérationsuivante: 45 % pour le critère 4 (méthodes d'exécution), 45 % pour le critère5 (coût des travaux) et 10% pour le critère 6 (offre des prestations etd'honoraires) (rapport précité, p. 2). Si l'on peut admettre qu'à la seulelecture de son énoncé, les soumissionnaires pouvaient ou devaient partir del'idée que le critère 1 ("réalisme et faisabilité du concept proposé") étaitéliminatoire, il n'en va pas de même pour les deux critères suivants, enl'absence d'indications plus précises. Certes, en relation avec le critère 2("intégration architecturale et sa concordance avec l'objectif deconservation de la valeur patrimoniale de l'ouvrage"), le cahier des chargessoulignait-il à plusieurs reprises le caractère "historique" du viaduc etl'importance "prioritaire" de conserver son "aspect général" et son"authenticité" (p. 3 et 4 ad "contexte général"). Toutefois, cette manière deprésenter les choses indiquait tout au plus que, par rapport aux autrescritères, y compris du reste par rapport au critère 3, le critère 2 joueraitun rôle de premier plan dans l'adjudication; en revanche, elle ne laissaitnullement entrevoir que ce critère serait, à proprement parler,"éliminatoire". Encore moins pouvait-on déduire une telle conséquence ducritère 3 ("influence du concept sur les nuisances après travaux"), fauted'indices allant dans ce sens dans le cahier des charges.En d'autres termes, la distinction établie par le jury entre critèreséliminatoires et critères techniques ne respecte pas le principe de latransparence, car elle revient à modifier de manière essentielle, après ledépôt des offres, la présentation des critères, en violation de lajurisprudence exposée ci-avant (supra consid. 4.1; voir aussi l'art. 37 al. 3du règlement d'application cantonal de la loi vaudoise du 24 juin 1996 surles marchés publics). Du reste, les premiers juges ont eux-mêmes constaté quele rapport de sélection manquait "singulièrement de clarté sur ce point",sans en tirer les conséquences qui s'imposent. 4.3.2 En fait, le Tribunal administratif s'est employé à relativiser ladistinction opérée par le jury, en reprenant à son compte les explications del'ingénieur E.________, membre dudit jury, selon lesquelles les critères 1 à3 n'étaient pas, à proprement parler, éliminatoires, mais avaient simplementla "priorité" sur les critères techniques 4 à 6. Cette interprétation necadre cependant pas avec les règles que les membres du jury s'étaient fixéespour le choix du projet lors de leur première séance de délibérations. Ilressort en effet clairement du rapport de sélection que les projets nonconformes aux critères 1 à 3 devaient être purement et simplement éliminéspar une décision prise à l'unanimité des voix, après quoi les projets restanten lice devaient être départagés au moyen des critères techniques selon lescoefficients de pondération, les sous-critères et les échelles de notesprévus à cet effet. Aussi bien, dans la mesure où le jury avait décidé den'éliminer aucun des projets présentés, son choix final devait se faire surla seule base des critères techniques 4 à 6. Or, le rapport de sélection meten évidence qu'après avoir évalué les différentes offres en fonction de cescritères et des coefficients de pondération y relatifs, le jury a brusquementdécidé que le marché devait être attribué au Consortium 1, sans justifier sonchoix autrement que par le fait que le projet retenu, sous réserve que safaisabilité soit démontrée, répondait mieux que les autres projets àl'objectif de conservation maximum de l'ouvrage existant. Le jury s'est de lasorte départi des règles d'évaluation qu'il avait arrêtées ou, du moins, en afait une lecture incohérente, en conférant au critère 2 une priorité quasiabsolue sur tout autre critère ou considération. Or, un tel procédé nesaurait être protégé, car il ouvre la voie à toutes les manipulations, aumépris de l'objectif premier poursuivi par le principe de la transparence.De plus, cette solution revient à interpréter le critère 2 dans le sensstrict et étroit d'une conservation maximum des parties originelles del'ouvrage existant, en particulier de sa poutre en treillis métallique. Or,si, comme on l'a vu, les documents remis aux soumissionnaires soulignaienteffectivement l'importance de conserver "l'authenticité", la "valeurhistorique" ou "l'aspect général" du viaduc, ils n'excluaient toutefois pasle remplacement de la poutre en treillis: en effet, aussi bien dans la phasede présélection (cf. la publication du concours dans la Feuille des avisofficiels; voir aussi le cahier de présélection remis aux candidats, p. 3)que dans la phase d'adjudication proprement dite (cf. cahier des charges, p.4), cette option était admise au même titre que le renforcement de la poutre.Il est à cet égard intéressant de noter que, dans une première version (datéedu 3 mai 2004; cf. classeur gris "dossier de correspondances"), le cahier deprésélection décrivait le mandat de la manière suivante: celui-ci consiste à"établir et réaliser un projet de remise en état et de renforcement del'ouvrage" (c'est le Tribunal fédéral qui met en caractères gras; idem dansla suite du texte); or, dans sa version finale (cf. les corrections au crayonrouge portées sur la version du 3 mai 2004 précitée), la partie en caractèresgras du texte a été supprimée, tandis que les termes "ou de renouvellement"ont été ajoutés à la suite de la phrase qui est ainsi devenue: "(le mandatconsiste) à établir un projet de renforcement de l'ouvrage ou derenouvellement". C'est cette formulation qui a finalement été reprise dans lecahier des charges.Lors de la présélection, une divergence de vues était pourtant apparue entre,d'un côté, les représentants de la Commune de A.________ et du Servicecantonal des monuments historiques et, de l'autre côté, les représentants dela Compagnie X.________. Selon les premiers, il fallait préserver la valeurhistorique de l'ouvrage et "l'option de réaliser une nouvelle poutre treillisne devrait être envisagée qu'après une analyse approfondie ou en cas d'unrapport coûts/avantages trop défavorable"; les seconds étaient d'accord avecles exigences visant à conserver l'authenticité de l'ouvrage, "maissouhaitaient, néanmoins, s'assurer qu'un des candidats sélectionnés pour laphase suivante étudie l'option de renouveler la poutre en treillis, afin depermettre une comparaison technique et économique" (rapport de présélection,p.5/6). C'est, selon toute vraisemblance, afin de tenir compte des voeux desuns et des autres que le cahier des charges remis aux candidats contient laprécision suivante (p. 4): "L'option de réaliser une nouvelle poutre treillispeut être envisagée après une analyse technique approfondie ou en cas d'unrapport coûts/avantages trop défavorable. En revanche, les propositionsdénaturant l'ouvrage doivent être écartées". Cette formulation ne retranscritcependant pas fidèlement le voeu exprimé par les représentants des autorités(commune et canton), puisque l'option de renouvellement de la poutre y estplacée sur le même pied que la variante de renforcement de la poutre, sousréserve que le projet présenté ne dénature pas l'ouvrage et procède d'uneanalyse technique approfondie de la situation. Or, le Tribunal administratifn'a pas constaté - et aucune des parties ne le soutient - que le projet durecourant ne remplirait pas ces exigences. De plus, celles-ci sont conformesà ce que prévoit le règlement communal des constructions reproduit dans lecahier des charges (p. 3), ce qui était également de nature à confirmer lerecourant dans l'idée que l'option de renouvellement de la poutre en treillisétait aussi valable que celle proposant son renforcement (cf. ad art. 54 al.1b in fine dudit règlement: "[...] Bauliche Ergänzungen [Totalerneuerung desStahlfachwerkes, Streckenneubau] haben die Wesensmerkmale des Viaduktshinsichtlich Lage, Gestaltung und Qualität zu respektieren"). D'ailleurs,comme l'avait indiqué l'ingénieur E.________ aux autres membres du jury lorsde la première séance de délibérations, le remplacement de parties d'ouvragealtérées est une pratique courante dans la restauration d'ouvrageshistoriques: plus que d'assurer l'authenticité des matériaux, il s'agit eneffet d'assurer la pérennité même de l'ouvrage, surtout lorsque, comme enl'espèce, il faut au surplus en maintenir la fonctionnalité, le viaduc encause étant appelé à supporter un trafic ferroviaire d'une certaine intensité(rapport de sélection, ad ch. 2.1 "Critères éliminatoires", p. 6).Dans ces conditions, en considérant que le cahier des charges privilégiait"clairement l'hypothèse du maintien de la structure existante", le Tribunaladministratif a apprécié d'une manière insoutenable les faits. Est dès lorsarbitraire la déduction qu'il en a tirée, à savoir que la procédured'adjudication litigieuse s'est faite conformément au cahier des charges etdans le respect du principe de la transparence. A cet égard, il estrévélateur de constater que quatre des cinq concurrents en lice ont décidé deproposer le renouvellement de la poutre en treillis métallique plutôt que sonrenforcement; cette circonstance achève en effet de confirmer que, dansl'esprit des soumissionnaires, l'adjudicateur n'entendait pas, comme il l'afait, privilégier de manière absolue la seconde option. Celle-ci n'allait dureste pas sans altérer également de manière notable le viaduc dans certainesde ses parties (renforcement de l'ouvrage par des câbles de précontrainte;installation d'une auge en béton liée à la structure métallique par denouveaux goujons; renforcement et remplacement de certains éléments de lapoutre métallique existante). 4.4 La solution retenue méconnaît également la notion d'offre économiquementla plus avantageuse qui suppose que le critère du prix, même s'il peut n'êtreque secondaire selon les circonstances, exerce tout de même une certaineinfluence sur l'adjudication (cf. ATF 130 I 241 consid. 6 p. 251 ss; 129 I313 consid. 9 p. 326 ss). Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce. En effet,un examen attentif et sérieux du critère du prix supposait de prendre encompte non seulement les coûts directs du projet, mais aussi d'autreséléments, dont la durée de vie de la solution envisagée. A cet égard, leProfesseur B.________ (rapport précité, p. 6/7 ad "Evaluation et avis del'expert") a notamment relevé que la variante de conservation de l'ouvrage,bien que faisable, présentait une durée de vie moindre et exigeait davantagede
surveillance et d'entretien (inspections régulières; interventions en casde fissures constatées, ...) qu'un ouvrage neuf réalisé avec lesconnaissances actuelles; en cas de réalisation du projet du Consortium 1, ilsignalait également la nécessité de prendre certaines mesures (renforcementd'une partie des assemblages de la poutre en treillis) ayant pour effetd'augmenter les coûts et la durée des travaux prévus dans la soumission;enfin, il préconisait de procéder à une analyse détaillée des dommagescumulés par le pont depuis sa construction en 1903, afin d'estimer aussiprécisément que possible sa durée de vie restante et de définir au mieux lenombre d'éléments à renforcer. Quant au Professeur D.________, il suggéraitaussi quelques améliorations techniques, en soulignant que si le projetproposé par le Consortium 1 était "faisable", il paraissait "à ce stade troponéreux" et devrait être optimisé par un "allégement de l'intervention" danssa prochaine phase (rapport précité, p. 6 ad "Conclusions etrecommandations"; voir aussi le compte rendu précité du 11 mars 2005 portantsur la séance du jury du 28 février 2005, p.4).En d'autres termes, il apparaît que le jury a porté son choix sur un projetqu'il savait être trop cher, vraisemblablement en partant de l'idée que lesmodifications proposées par l'expert D.________ permettraient d'arriver à uncoût raisonnable. Une telle manière de faire est cependant contraire auprincipe de la transparence mis en relation avec les autres règles etprincipes valables en matière de marchés publics (attribution du marché àl'offre économiquement la plus avantageuse; utilisation parcimonieuse desdeniers publics; concurrence efficace et égalité de traitement entresoumissionnaires; ...).4.5 En résumé, le critère 2 ("intégration architecturale et concordance avecl'objectif de conservation de la valeur patrimoniale de l'ouvrage") a étéaprès coup interprété dans un sens strict et étroit et érigé en critère quasiéliminatoire en violation du principe de la transparence. Il ne ressortait eneffet pas du cahier des charges que l'option de renforcer la poutre entreillis métallique existante avait la priorité pour ainsi dire absolue,indépendamment de toute autre considération (prix; durée de vie de l'ouvrage;frais d'entretien, ...), sur l'alternative consistant à remplacer cettepartie de l'ouvrage. Or, si les concurrents de l'adjudicataire avaient puappréhender le caractère rédhibitoire de cette condition - et aucun desquatre ne l'a saisi -, ils auraient probablement été amenés à présenter unprojet différent qui aurait pu être véritablement comparé à celui retenu parle jury, c'est-à-dire en tenant pleinement compte des autres critères dits"techniques" (méthode d'exécution des travaux, coûts des travaux, honorairesd'ingénieurs, ...).En conséquence, l'arrêt du Tribunal administratif, qui entérine uneadjudication contraire au principe de la transparence, se révèle arbitraireet doit être annulé. Dans cette mesure, l'examen des autres griefs soulevéspar le recourant, notamment celui tiré de l'interdiction des négociations,est superflu. 5.Succombant, la Compagnie X.________doit supporter les frais de justice etversera une indemnité de dépens au recourant (cf. art. 156 al. 1 et 159 al. 1OJ). Le Consortium 1 n'a pas pris une part active à la procédure, s'étantcontenté de faire des remarques d'ordre général, sans s'opposer à l'octroi del'effet suspensif; dans cette mesure, il est dispensé de payer un émolumentde justice et n'a pas à verser de dépens. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaquéest annulé. 2.Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la CompagnieX.________. 3.La Compagnie X.________ versera aux membres du Consortium 2 solidairemententre eux un montant de 2'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal administratif du canton de Vaud ainsi que, pour information, auConsortium 1. Lausanne, le 31 mai 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.6/2006
Date de la décision : 31/05/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-31;2p.6.2006 ?
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