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30/05/2006 | SUISSE | N°4P.81/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 mai 2006, 4P.81/2006


{T 0/2}4P.81/2006 /ech Arrêt du 30 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffier: M. Thélin. Y. ________,recourant, représenté par Me Laurent Schmidt, contre A.________ SA,intimée, représentée par Me Francesco Andrea Delcò,Tribunal du travail du canton du Valais, rue des Cèdres 5, 1951 Sion. compétence à raison de la matière recours de droit public contre la décision du Tribunal du travail du 7février 2006. Faits: A.Pendant l'année 2003, Y.________ a travaillé en qualité d'ouvrier au servicede la société A.________ SA à Martigny, a

lors que son épouse et ses troisenfants vivaient au Portugal. Selon ...

{T 0/2}4P.81/2006 /ech Arrêt du 30 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffier: M. Thélin. Y. ________,recourant, représenté par Me Laurent Schmidt, contre A.________ SA,intimée, représentée par Me Francesco Andrea Delcò,Tribunal du travail du canton du Valais, rue des Cèdres 5, 1951 Sion. compétence à raison de la matière recours de droit public contre la décision du Tribunal du travail du 7février 2006. Faits: A.Pendant l'année 2003, Y.________ a travaillé en qualité d'ouvrier au servicede la société A.________ SA à Martigny, alors que son épouse et ses troisenfants vivaient au Portugal. Selon un décompte de salaire daté du 13novembre 2003, la rétribution horaire brute s'élevait à 27 fr. et l'impôt àla source était retenu au taux de 13,12%. Un salaire brut de 21'357 fr. futversé pour toute l'année 2003 et un impôt de 2'802 fr. fut retenu pour cettemême année. Ces montants ressortent d'une «attestation-quittance» du1erjuillet 2004 indiquant que le travailleur n'avait pas d'enfants. Dans lamême période, la caisse d'allocations familiales compétente a versé desprestations de 2'543 fr.65 au total, sur lesquelles un impôt de 254fr.35 aété également retenu.Le travailleur a fait valoir qu'il aurait dû bénéficier d'un tauxd'imposition moins élevé en raison de sa situation de famille. Sans succès,il a demandé à l'employeuse de prendre en charge l'excédent d'impôt au motifqu'elle avait commis une erreur; elle s'y est refusée en répondant qu'elleavait appliqué correctement la législation fiscale. B.Le 21 juillet 2004, Y.________ a ouvert action contre l'employeuse devant leTribunal du travail du canton du Valais. Sa demande tendait au paiement de1'830 fr.25; il soutenait que l'impôt à la source aurait dû être retenu autaux de 4,55% au lieu de 13,12%. La défenderesse a soulevé l'exception del'incompétence à raison de la matière.Par décision du 7 février 2006, le Tribunal du travail a accueilli cetteexception et prononcé que la demande était irrecevable. Il a considéré quel'obligation de retenir l'impôt à la source était fondée sur la législationfiscale et qu'elle n'était donc pas de nature contractuelle. L'obligation derestituer une retenue d'impôt trop élevée, prévue par l'art. 138 al. 2 de laloi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS642.11), n'était pas nonplus contractuelle. Ce rapport juridique ne relevait pas du contrat detravail et il était donc étranger à la compétence du Tribunal du travaildéfinie par la législation cantonale. Il appartenait au demandeur d'éleverses prétentions devant «l'autorité judiciaire ordinaire compétente». C.Agissant par la voie du recours de droit public, le demandeur requiert leTribunal fédéral d'annuler cette décision. Invoquant l'art. 9 Cst., il seplaint d'une application arbitraire de la législation déterminante.La défenderesse et intimée conclut au rejet du recours, dans la mesure oùcelui-ci est recevable; le Tribunal du travail n'a pas présentéd'observations. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre unedécision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens(art. 84 al. 1 let. a OJ). En règle générale, la décision attaquée doit avoirmis fin à la procédure antérieure (art. 87 OJ) et n'être susceptible d'aucunautre recours cantonal ou fédéral apte à redresser l'inconstitutionnalité quel'on dénonce (art. 84 al. 2, 86 al. 1 OJ). Ces exigences sont satisfaites enl'espèce; en particulier, la valeur litigieuse étant inférieure à 8'000 fr.,la voie de l'appel au Tribunal cantonal n'est pas ouverte selon l'art. 32cal. 1 de la loi valaisanne sur le travail du 16 novembre 1966 (LCT).Contrairement à l'opinion de l'intimée, il n'existe pas de pourvoi en nullitécantonal contre les décisions du Tribunal du travail (Michel Ducrot, Le droitjudiciaire privé valaisan, Martigny 2000, p. 494). L'exigence d'un intérêtactuel, pratique et juridiquement protégé à l'annulation de la décisionattaquée (art. 88 OJ) est également satisfaite; les conditions légalesconcernant la forme et le délai du recours (art. 30, 89 et 90 OJ) sont aussiobservées. 2.Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elleviole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, oucontredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autoritécantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, encontradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifsobjectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas queles motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-cisoit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plusqu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisseêtre tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 131I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5p.280/281). 3.Aux termes de l'art. 29 al. 1 LCT, le Tribunal du travail est institué «ausens de l'art. 343 CO» pour connaître des litiges individuels portant sur lecontrat de travail et dont la valeur litigieuse n'excède pas 30'000francs.A l'appui de leur décision d'irrecevabilité, les juges ont exposé que lacompétence de ce tribunal, selon la disposition précitée, dépend du rapportjuridique des parties et que ce rapport doit pouvoir être qualifié de contratde travail selon l'art. 319 CO. A leur avis, il est certes constant que lesparties se sont liées par un contrat de travail mais l'issue de la causedépend de l'interprétation de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, desorte que celle-ci relève des tribunaux ordinaires. Ils ont notammentconsidéré que les obligations de retenir l'impôt à la source et de restituerune retenue d'impôt trop élevée sont fondées sur la législation fiscale etqu'elles ne sont donc pas de nature contractuelle.Avec raison, le recourant fait valoir qu'il a saisi le Tribunal du travaild'une action en exécution du contrat de travail, en tant qu'il réclame àl'employeuse la différence entre le salaire qui lui a été effectivement verséet celui qu'il aurait dû recevoir. La question juridique déterminante a pourobjet le montant de la retenue d'impôt opérée sur le salaire brut, montantque le recourant tient pour trop élevé. Il est vrai que la solution de cettequestion dépend de l'application des dispositions fiscales relatives auxobligations des parties en matière d'imposition à la source et à l'incidencede ces obligations sur leur relation contractuelle. Il n'en demeure pas moinsque le recourant élève une prétention fondée sur le contrat de travail et quele Tribunal du travail est compétent pour vérifier s'il subsiste une créancede salaire impayée et, dans l'affirmative, en arrêter le montant. Or, letribunal compétent pour régler une affaire est aussi compétent pour résoudre,à cette fin, les questions préjudicielles étrangères à son domained'attribution, en particulier celles qui relèvent du droit public, si ledroit de procédure applicable n'en dispose pas autrement et que l'autoritéadministrative ordinairement compétente n'a pas déjà statué par une décision(ATF 131 III 546 consid. 2.3 p. 551; 120 V 378 consid. 3a p. 382). Il estd'ailleurs admis que la retenue de l'impôt à la source, de même que celle descotisations sociales, peut être l'objet d'une contestation en matière decontrat de travail (Rémy Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 125 et ss;Ullin Streiff et Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 6eéd., 2006, ch. 14 ad art. 322 CO). La doctrine citée dans la décisiond'irrecevabilité est dépourvue de pertinence ici; elle se rapporte à lasituation où l'employeur doit acquitter un impôt qu'il a omis de retenir autravailleur et dont il ne peut exiger le remboursement, par ce dernier, quesur la base des dispositions concernant l'enrichissement illégitime (cf.Wyler, op. cit. p.130).L'employeur est tenu d'opérer les retenues imposées par le droit public maisil est aussi tenu au paiement du salaire, conformément à l'art. 322 al. 1 CO;dans la mesure où il procède à des retenues trop élevées, il n'est pas libéréde cette obligation contractuelle. L'art. 138 al. 2 LIFD ne change rien àcela.Le recourant est donc fondé à se plaindre d'une application grossièrementerronée de l'art. 29 al. 1 LCT, ce qui conduit à l'admission du recours et àl'annulation de la décision. 4.Le Tribunal fédéral ne perçoit pas d'émolument judiciaire car le montant dela demande, qui détermine la valeur litigieuse selon l'art. 343 al. 2 CO,n'excédait pas le plafond de 30'000 fr. prévu par cette disposition (ATF 122III 495 consid. 4; 115 II 30 consid. 5b p. 41). A titre de partie quisuccombe, l'intimé doit néanmoins acquitter les dépens à allouer au recourantqui obtient gain de cause (art. 159 al.2OJ).Le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et la décision attaquée est annulée. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.L'intimée acquittera une indemnité de 2'000 fr. à verser au recourant à titrede dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal du travail du canton du Valais. Lausanne, le 30 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.81/2006
Date de la décision : 30/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-30;4p.81.2006 ?
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