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30/05/2006 | SUISSE | N°4C.72/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 mai 2006, 4C.72/2006


{T 0/2}4C.72/2006 /ech Arrêt du 30 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. X. ________ SA,demanderesse et recourante, représentée par Me Giulia-Anne Ricci, contre A.________,défendeur et intimé, représenté par Me Yvan Jeanneret. contrat d'entreprise recours en réforme contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.En automne 2002, A.________ a pris contact avec l'entreprise X.________ SA,en vue de faire installer de la moquette sur des surfaces d'enviro

n 1'000 m2au total dans une villa à Z.________. Trois devis...

{T 0/2}4C.72/2006 /ech Arrêt du 30 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg et Favre.Greffier: M. Thélin. X. ________ SA,demanderesse et recourante, représentée par Me Giulia-Anne Ricci, contre A.________,défendeur et intimé, représenté par Me Yvan Jeanneret. contrat d'entreprise recours en réforme contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2006 par la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève. Faits: A.En automne 2002, A.________ a pris contact avec l'entreprise X.________ SA,en vue de faire installer de la moquette sur des surfaces d'environ 1'000 m2au total dans une villa à Z.________. Trois devis furent successivementétablis. Le troisième aboutit à un entretien téléphonique entre A.________ etB.________, directeur de l'entreprise, le vendredi 22 novembre 2002. Partélécopie du même jour, B.________ remercia A.________ de « l'adjudicationpar téléphone »; il confirma que le prix était arrêté à 110'000 fr. net et ilconfirma également les modalités de son paiement.Le lundi 25 novembre, A.________ répondit par télécopie afin d'apporter cequ'il considérait comme des « précisions ». Il les énumérait en quatrepoints. Le premier commençait par les mots « mon adjudication (par téléphone)concernant votre devis [...] »; le dernier était formulé comme suit: « latotalité des travaux doit impérativement être achevée le 15 janvier 2003 auplus tard ». Ce message fut suivi d'un entretien téléphonique où B.________avertit A.________ que le délai ainsi fixé ne pourrait pas être respecté.Dans une lettre télécopiée du lendemain 26, il expliqua que l'un des rouleauxde moquette qu'il avait commandés ne serait disponible que vers le 10 janvieret que sa pose nécessiterait environ dix jours de travail; de plus, ilfallait tenir compte des retards qui pourraient éventuellement se produiresi, sur le chantier, les surfaces à revêtir n'étaient pas prêtes à temps. Cemême mardi 26, A.________ fit savoir qu'en raison de ces difficultés, il nedonnait pas suite au devis et que B.________ ne devait prendre aucunengagement en rapport avec l'affaire. C'est ensuite une autre entreprise quifut chargée de livrer et installer la moquette souhaitée dans la villa. B.Le 8 octobre 2004, X.________ SA, a ouvert action contre A.________ devant leTribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait aupaiement de 43'311 fr.10 pour frais d'annulation de travaux et bénéfice nonréalisé, avec intérêt au taux de 5% par an dès le 1er février 2004.Contestant toute obligation, le défendeur a conclu au rejet de la demande. Letribunal a néanmoins donné gain de cause à la demanderesse par jugement du 7septembre 2005. Selon ce prononcé, les parties avaient conclu un contratd'entreprise lors de l'entretien téléphonique du vendredi 22 novembre 2002;le maître s'en était ensuite départi et il devait l'indemnisation prévue parl'art. 377 CO.Le défendeur ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci s'est prononcée le20 janvier 2006. Elle a annulé le jugement et rejeté la demande. Elle aretenu que la teneur des déclarations échangées au téléphone, le 22 novembre2002, ne pouvait pas être constatée. Les communications ultérieuresrévélaient que le délai d'exécution des travaux était un élément essentiel ducontrat négocié par les parties et que celles-ci n'avaient pas trouvéd'accord sur ce point; ce contrat n'avait donc pas été conclu. Faute decontrat, le défendeur n'était tenu à aucune prestation. C.Agissant par la voie du recours en réforme, la demanderesse requiert leTribunal fédéral de confirmer le jugement de première instance ou,subsidiairement, de renvoyer la cause à la Cour de justice pour nouvelledécision.Le défendeur conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Ilest dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est enprincipe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Sous réserved'exceptions qui ne sont pas réalisées dans la présente affaire, le Tribunalfédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faitsconstatés dans la décision attaquée (art. 63 al. 2 et 64 OJ). 2.Selon les art. 1 al. 1 et 2 al. 1 CO, le contrat est conclu lorsque lesparties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leurvolonté sur tous les points essentiels. Il s'agit des points objectivementessentiels au regard du genre de contrat envisagé et, en outre, des pointssubjectivement essentiels, soit ceux que l'une des parties, au moins,considère comme tellement importants qu'elle n'est disposée à s'engager quesi un accord est trouvé aussi à leur sujet. La partie qui subordonne savolonté de contracter à un accord sur des points qui ne sont pasobjectivement essentiels doit le faire savoir clairement à l'autre partie; àdéfaut, les points concernés demeurent secondaires et, quant à eux, l'absenced'accord ne fait pas obstacle à la perfection du contrat (ATF 118 II 32consid. 3d p. 34; Claire Huguenin, Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 2eéd., ch. 207 p. 32; Pierre Tercier, Le droit des obligations, 3e éd., ch. 520et 521 p. 114).Dans la présente espèce, il est constant que les parties ont convenu d'unprix de 110'000 fr. en contrepartie de la réalisation d'un ouvrage qui devaitconsister dans l'installation de moquettes à l'intérieur d'une villa. Cetaccord porte sur tous les points objectivement essentiels d'un contratd'entreprise selon l'art. 363 CO. Pour le surplus, la demanderesse,représentée par son directeur, n'a pas accepté le délai de réalisationimpératif et absolu, pour tous les travaux, que le défendeur voulait fixer au15 janvier 2003. Le défendeur est d'avis que, conformément au jugement de laCour de justice, ce délai était un point subjectivement essentiel, d'où ilconclut que le désaccord des parties a empêché la formation du contrat. Lademanderesse soutient au contraire que le délai était un point secondaire, desorte que le contrat est venu à chef en dépit de ce désaccord. 3.Il n'est pas douteux que des manifestations de volonté ont été échangées lorsde l'entretien téléphonique du 22 novembre 2002, mais la Cour de justice n'apas pu constater leur teneur; le Tribunal fédéral ne saurait donc retenir, endroit, qu'un contrat ait été conclu à ce moment déjà. Quoi qu'il en soit, lesparties ont cru être parvenues à un contrat; cela ressort du mot «adjudication » qu'elles ont l'une et l'autre utilisé dans leurs écritsimmédiatement postérieurs. Le désaccord n'est apparu qu'après, le 25novembre, lorsque B.________ a communiqué qu'un délai au 15 janvier 2003 nepouvait pas être promis pour tous les travaux.Faute d'un contrat préexistant, la lettre télécopiée du vendredi 22 novembre,de B.________ au défendeur, doit être considérée comme une offre adressée àune personne non présente (art. 5 al. 1 CO). Elle portait sur les pointsobjectivement essentiels d'un contrat d'entreprise, soit l'ouvrage àréaliser, par référence au troisième et plus récent devis, et sur le prix de110'000 fr.; elle portait en outre sur les modalités du paiement.La réponse du lundi 25, transmise par le même moyen du défendeur àB.________, reprend ces mêmes points et elle en introduit encore d'autres, enparticulier le délai de réalisation. Dans le libellé de cette réponse, trèsprécis et ordonné, rien n'autorise à supposer que certains des pointsmentionnés aient présenté, aux yeux de l'auteur, moins d'importance qued'autres. En rapport avec le délai au 15 janvier 2003, les termes utilisésdénotent que l'auteur ne voulait laisser aucun doute ni aucune liberté à soncocontractant. Au regard du principe de la confiance qui régitl'interprétation des manifestations de volonté (ATF 131 III 606 consid. 4.1p. 611; 130 III 417 consid. 3.2 p. 424; 129 III 118 consid. 2.5 p. 123), ledestinataire devait obligatoirement discerner que l'auteur ne voulait pasconclure l'affaire sans qu'un délai d'exécution ne fût convenu. Ce délaiétait donc, d'une manière reconnaissable pour les deux parties, un pointsubjectivement essentiel du contrat en cours d'élaboration. Son importancen'a d'ailleurs pas échappé à B.________: celui-ci a immédiatement signalé quele délai ainsi proposé ne pouvait pas être accepté et, le lendemain, il aexpliqué pour quels motifs des réserves devaient être prévues.La réponse précitée n'était pas une acceptation, faute de coïncider avecl'offre sur tous les points objectivement ou subjectivement essentiels del'affaire; il s'agissait d'une contre-offre. B.________, pour lademanderesse, ne l'a pas acceptée parce que le délai d'exécution voulu parl'autre partie ne pourrait pas être tenu. Par ses explications, il a tentéd'infléchir la volonté du défendeur mais celui-ci a alors interrompu lanégociation. Dans ces circonstances, la Cour de justice retient à bon droitque le contrat n'a pas été conclu, avec cette conséquence que le défendeurn'est débiteur d'aucune prestation en exécution d'un contrat. 4.Le recours en réforme se révèle privé de fondement, ce qui entraîne sonrejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolumentjudiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et les dépens (art. 159 al. 1 OJ) à allouer àla partie qui obtient gain de cause. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr. 3.La demanderesse acquittera une indemnité de 2'500 fr. à verser au défendeur àtitre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 30 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.72/2006
Date de la décision : 30/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-30;4c.72.2006 ?
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