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29/05/2006 | SUISSE | N°1P.117/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 mai 2006, 1P.117/2006


{T 0/2}1P.117/2006 /col Arrêt du 29 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourant, représenté par Me Roland Ilg, avocat, contre Procureur général du canton de Vaud,rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale, appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt du Tribunalcantonal du canton de Vaud du 16 novembre 2005. Faits: A.Par jugement du 22 septembre 2005, le

Tribunal de police d'arrondissement deLa Broye et du Nord va...

{T 0/2}1P.117/2006 /col Arrêt du 29 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourant, représenté par Me Roland Ilg, avocat, contre Procureur général du canton de Vaud,rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale, appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt du Tribunalcantonal du canton de Vaud du 16 novembre 2005. Faits: A.Par jugement du 22 septembre 2005, le Tribunal de police d'arrondissement deLa Broye et du Nord vaudois a reconnu A.________, ressortissant du Liberia néen 1985, coupable d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup).Il l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement, sous déduction dela détention préventive subie. Il a révoqué le sursis dont avaient étéassorties les peines de trente jours d'emprisonnement et de trois ansd'expulsion prononcées précédemment pour infraction à la LStup. A. ________ a été reconnu coupable d'avoir, le 24 février 2005, àYverdon-les-Bains, vendu trois boulettes de cocaïne pour 180 fr. à B.________et une quatrième à un inconnu.Ce jour-là, une inspectrice de police a observé quatre hommes donnantl'impression de procéder à une transaction. Trois d'entre eux ont pu êtreinterpellés quelques instants après qu'ils se sont séparés. Aucune drogue n'aété retrouvée et seuls 90 fr. 10 ont été saisis. B.________, connu desservices de police pour être toxicomane et ayant l'habitude de collaboreravec eux, a formellement reconnu A.________ comme étant la personne qui luiavait vendu trois boulettes de cocaïne. C.________ a quant à lui expliqué queA.________ l'avait sollicité pour fonctionner en qualité d'interprète avecdeux personnes de race blanche. Ces dernières lui auraient demandé de dire àA.________ d'aller derrière des maisons un peu plus loin. A. ________ a contesté toute infraction. Il a expliqué qu'il venait derencontrer un Soudanais, qu'il ne connaissait que de vue. En chemin, un hommeaurait interpellé son compagnon en langue française. A.________, necomprenant pas cette langue, se serait désintéressé de la conversation. Illes aurait ensuite quittés.Le Tribunal de police a jugé que les déclarations de B.________ étaientfiables, ce dernier n'ayant aucun intérêt à accuser faussement A.________,puisqu'ils ne s'étaient encore jamais rencontrés. Il n'existait aucun risquede confusion, car C.________ était le fournisseur habituel de B.________.Enfin, le Tribunal a retenu que B.________ était de bonne foi, car il n'avaitjamais contesté son achat, ce qui lui aurait été cependant aisé. Selon lesindications de l'inspectrice, il n'avait du reste pas pour habituded'identifier ses fournisseurs sans être certain de les reconnaître.S'agissant du fait que seuls 90 fr. 10 ont été retrouvés sur A.________, leTribunal a estimé qu'il lui avait été parfaitement possible de se défaire dumontant de la transaction avant son arrestation, puisqu'il avait été perdu devue quelques instants.En dépit des démarches entreprises dans ce sens par le Tribunal, C.________et B.________ n'ont pas pu être entendus, leur domicile n'étant pas connu. B.Par arrêt du 16 novembre 2005, la Cour de cassation a rejeté le recoursdéposé par A.________ et confirmé le jugement du Tribunal de police. Il aécarté les griefs tirés de la violation du principe in dubio pro reo et del'abus du pouvoir d'appréciation invoqués par A.________, qui concluait à sonacquittement. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 16 novembre 2005 par la Cour decassation. Il se plaint de la violation de son droit de faire interroger letémoin à charge (art. 6 par. 3 let. d CEDH) ainsi que d'une violation duprincipe in dubio pro reo. Il demande l'assistance judiciaire.La Cour de cassation s'est référée aux considérants de son arrêt. LeProcureur général a conclu au rejet du recours dans la mesure où celui-ciserait jugé recevable.Par ordonnance du 7 avril 2006, le Président de la Ire Cour de droit public aadmis la requête d'effet suspensif présentée par le recourant. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à la règle générale de l'art. 37 al. 3 OJ, le présent arrêt serarédigé en français, langue de la décision attaquée, bien que le mémoire derecours soit rédigé en allemand. Il ne se justifie pas, en l'espèce, dedéroger à cette règle. 2.2.1Invoquant l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, le recourant se plaint de ce que letémoin B.________ n'a pas été entendu aux débats, qu'il ne lui a jamais étéconfronté, et qu'il n'a donc pas pu lui poser de questions. 2.2 Le recours de droit public n'est, sous réserve de certaines exceptionsnon réalisées en l'espèce (art. 86 al. 2 OJ), recevable qu'à l'encontre desdécisions prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ).L'exigence de l'épuisement des instances cantonales signifie que le recourantdoit faire valoir ses griefs devant la dernière instance cantonale et ne peutpas en soulever de nouveaux dans le cadre du recours de droit public. Uneexception est toutefois admise lorsque l'autorité cantonale disposait d'unpouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit d'office, sauf lorsque lenouveau grief se confond avec l'arbitraire ou lorsque le fait d'avoir attenduà présenter un grief lié à la conduite de la procédure est contraire à labonne foi (ATF 119 Ia 88 consid. 1a p. 90/91). 2.3 En l'espèce, le recourant ne s'est pas prévalu du grief fondé sur l'art.6 par. 3 let. d CEDH dans son recours à la Cour de cassation, et cettedernière ne l'a pas traité. L'exception mentionnée ci-dessus n'est pasréalisée en l'espèce (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6P.70/2003 du 7 août2003, publié in JdT 2003 III 81, consid. 1.2. p. 82/83). Le recourantn'allègue par ailleurs pas que la Cour de cassation aurait commis un déni dejustice en ne traitant pas expressément son grief. Celui-ci est parconséquent irrecevable. 3.3.1Se plaignant d'une violation du principe in dubio pro reo, le recourantsoutient que les autorités cantonales n'ont arbitrairement pas pris enconsidération les éléments à décharge qu'il a fait valoir. Il rappelle ainsien premier lieu qu'il ne serait selon lui pas conforme à l'expériencegénérale de la vie qu'une personne qui vient d'effectuer une transaction pour180 fr., ne se retrouve quelques instants plus tard qu'en possession de 90fr. Il en irait de même s'agissant du fait qu'aucune drogue n'a été retrouvéesur B.________. En second lieu, il observe qu'il n'est pas vraisemblable queC.________ ait servi de traducteur pour aider un fournisseur "concurrent". 3.2 L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le jugen'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ousi, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductionsinsoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il ne suffit pas qu'uneinterprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisseégalement concevable, sans quoi le principe de la libre appréciation despreuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).Par ailleurs, il faut que la décision attaquée soit insoutenable nonseulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 131 I 57consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée), ce qu'il appartient au recourantde démontrer en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 131 I 217 consid. 2.1p. 219 et la jurisprudence citée). 3.3 Le principe de la présomption d'innocence, consacré par les art. 32 al. 1Cst. et 6 par. 2 CEDH, signifie notamment que le juge pénal ne doit pas tenirpour établi un fait défavorable à l'accusé s'il existe des doutes objectifsquant à l'existence de ce fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sonttoujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation.Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit doncdémontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciationexempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dûéprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF127 I 38 consid. 2a p. 40 s.; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.; 120 Ia 31consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). 3.4 En l'espèce, le premier argument avancé par le recourant a été examinétant par le Tribunal de police que par la Cour de cassation. Les autoritéscantonales l'ont cependant écarté, car elles ont estimé que le recourantavait eu le temps de se défaire de la somme résultant de la transaction,puisqu'il avait été perdu de vue pendant quelques instants. Quant àB.________, il a lui-même expressément avoué s'être débarrassé de la droguejuste avant d'être interpellé, alors qu'il aurait facilement pu tairel'existence de cet achat.Les autorités cantonales ont estimé qu'il n'y avait pas de raison de mettreen doute les déclarations de B.________ sur ce point, ce dernier étant debonne foi et n'ayant aucun intérêt à mentir. Ces considérations ne sont pascontestées par le recourant.Le second argument du recourant n'a pas expressément été traité par la Courde cassation. Elle a en revanche relevé, à l'instar du Tribunal de police,que la version du recourant, selon laquelle il se serait désintéressé de laconversation, était contredite par tous les témoins. En effet, B.________ aindiqué que le recourant lui avait vendu de la cocaïne et la police aelle-même observé qu'à aucun moment le recourant ne s'était tenu à l'écart.Dans ces circonstances, l'autorité cantonale pouvait, sans s'exposer au griefd'arbitraire, tenir pour vraisemblable - d'autant plus que l'absence demaîtrise du français par le recourant était établie et non contestée - queC.________ avait effectivement fait office d'interprète.Il s'ensuit que les griefs d'arbitraire et de violation du principe in dubiopro reo, pour autant qu'ils soient suffisamment motivés, doivent êtrerejetés. 4.Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesureoù il est recevable. La demande d'assistance judiciaire doit également êtrerejetée, car les conclusions du recourant paraissaient d'emblée vouées àl'échec (art. 152 al. 1 OJ).Le recourant, qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153,153a et 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La demande d'assistance judiciaire présentée par le recourant est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auProcureur général et à la Cour de cassation du Tribunal cantonal du canton deVaud. Lausanne, le 29 mai 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.117/2006
Date de la décision : 29/05/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-29;1p.117.2006 ?
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