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29/05/2006 | SUISSE | N°1A.36/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 mai 2006, 1A.36/2006


{T 0/2}1A.36/2006 /col Arrêt du 29 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourant, représenté par Me Patrick Blaser, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Belgique, recours de droit administratif contre l'ordonnancede la Chambre d'accusation du canton de Genèvedu 23 décembre 2005. Faits: A.Le 25 octobre 2004, un Juge d'instruction

de Bruxelles a adressé au Ministèrepublic de la Confédérati...

{T 0/2}1A.36/2006 /col Arrêt du 29 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourant, représenté par Me Patrick Blaser, avocat, contre Juge d'instruction du canton de Genève,case postale 3344, 1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Belgique, recours de droit administratif contre l'ordonnancede la Chambre d'accusation du canton de Genèvedu 23 décembre 2005. Faits: A.Le 25 octobre 2004, un Juge d'instruction de Bruxelles a adressé au Ministèrepublic de la Confédération une commission rogatoire pour les besoins d'uneinstruction dirigée contre les frères B.________ et A.________, des chefs deblanchiment de capitaux et association de malfaiteurs. Il est exposé que dessociétés ayant acquis des carburants auraient éludé le paiement de la TVA,pour plus de 27 millions d'euros. Les frères A.________ et B.________,propriétaires de stations-service, apparaissaient dans plusieurs de cessociétés défaillantes. A.________ était par ailleurs propriétaire d'unappartement de luxe à Monaco, où il disposait de quatre véhicules et d'unbureau, ainsi que d'un bateau de plaisance; il avait chargé un ressortissantfrançais de transporter des fonds depuis Beyrouth. Il prétendait que sesavoirs provenaient d'opérations boursières et d'un héritage, mais cesexplications n'étaient pas crédibles. La demande tend à l'obtention derenseignements au sujet des comptes détenus auprès de la banque X.________(ci-après: la banque) par les sociétés C.________ et D.________, dontA.________ était l'ayant droit, ainsi qu'à la saisie, en mains de laFiduciaire Y.________ (ci-après: la fiduciaire), de tous documents en rapportavec D.________. B.Le 16 décembre 2004, le Juge d'instruction genevois, chargé de l'exécution,est entré en matière, invitant la banque à produire les documents requis. Le11 mars 2005, le Juge d'instruction a fait savoir à la banque qu'ilenvisageait de transmettre l'intégralité des pièces bancaires, soit lesdocuments d'ouverture et les relevés des comptes détenus par C.________ du 21avril 1998 au 11 février 2003, et par D.________ du 8 avril 1998 au 18octobre 2002. Un délai était fixé à la banque et/ou au titulaire afin de sedéterminer. Par ordonnance de clôture partielle du 28 avril 2005, notifiée àla seule banque, le Juge d'instruction a décidé de transmettre les documentsbancaires à l'autorité requérante. Cette décision n'a pas fait l'objet d'unrecours.Le 12 mai 2005, le Juge d'instruction a notifié à la fiduciaire uneordonnance d'entrée en matière portant sur les documents de D.________. Le 7juin suivant, cette décision a été étendue aux documents concernantC.________. Par ordonnance de clôture du 5 septembre 2005, notifiée auxfrères A.________ et B.________ et à la fiduciaire, le Juge d'instruction adécidé de transmettre les pièces saisies auprès de la fiduciaire. C.Par ordonnance du 23 décembre 2005, la Chambre d'accusation genevoise arejeté le recours formé par A.________ contre les ordonnances des 12 mai et 5septembre 2005, considérant notamment que la demande était suffisammentmotivée, que les faits décrits étaient constitutifs, en droit suisse, deblanchiment d'argent et d'escroqueries fiscales, et que les mesuresd'exécution étaient conformes au principe de la proportionnalité. En tantqu'il était formé contre la décision d'entrée en matière du 16 décembre 2004,le recours était irrecevable, car la décision attaquée avait été suivie d'uneordonnance de clôture rendue le 28 avril 2005 et entrée en force. Cettedernière n'avait pas à être notifiée au recourant, bénéficiaire économique,car celui-ci avait son domicile à l'étranger et n'avait fait élection dedomicile, pour la procédure d'entraide, que le 4 juillet 2005. Les sociétéstitulaires de comptes, dissoutes en 2003, avaient conclu une convention debanque restante; la banque connaissait l'identité du bénéficiaire économique,et ne l'avait pas informé. Le recours contre l'ordonnance du 16 décembre 2005était par conséquent tardif. Les conclusions préalables, tendant à la remisede diverses pièces, ont aussi été déclarées irrecevables, car sans rapportavec l'objet du recours. D.A.________ forme un recours de droit administratif contre cette dernièreordonnance. Il conclut principalement à son annulation, subsidiairement aurenvoi de la cause à la Chambre d'accusation afin que le Juge d'instructionsoit invité à lui notifier sa décision du 28 avril 2005, ainsi que les autresdécisions et pièces concernant la présence des enquêteurs belges lors del'exécution, et les auditions des gestionnaires de la banque et de lafiduciaire.La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. Le Juge d'instructionrenvoie à ses décisions. L'OFJ conclut à l'irrecevabilité du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est interjeté contre une ordonnance de dernière instance cantonaleconfirmant notamment la décision de clôture prise le 5 septembre 2005 par leJuge d'instruction. Le recours de droit administratif est en principe ouvert(art. 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale- EIMP, RS 351.1), sous réserve de la qualité pour agir du recourant. 2.Selon l'art. 80h let. b EIMP, a qualité pour agir quiconque est touchépersonnellement et directement par une mesure d'entraide et a un intérêtdigne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La personne viséepar la procédure pénale étrangère peut recourir aux mêmes conditions (art. 21al. 3 EIMP). 2.1 La qualité pour s'opposer à la transmission de documents appartient nonpas à l'auteur de ceux-ci, ni aux personnes qui y sont mentionnées à un titreou un autre, mais à celui en mains duquel a lieu la saisie (art. 9a let. bOEIMP; ATF 130 II 162). En dehors du cas particulier des établissementsbancaires (ATF 128 II 211 consid. 2.2 p. 216-217), cela vaut pour les piècessaisies en mains des avocats et des fiduciaires. La personne concernée pardes documents saisis en mains tierces n'a pas qualité pour agir, quand bienmême ces documents contiennent des informations à son sujet (ATF 130 II 162consid. 1.1 p. 164 et la jurisprudence citée). Les avocats et fiduciairessont donc seuls habilités à recourir en tant que personnes soumises à lamesure de perquisition (arrêt 1A.293/2005 du 18 mars 2005). 2.2 L'ordonnance de clôture du 5 septembre 2005 concerne la remise des piècessaisies en mains de la fiduciaire, à propos des sociétés C.________ etD.________. Le fait que cette décision a été notifiée au recourant ne changerien à l'absence de qualité pour agir de celui-ci. C'est donc à tort que laChambre d'accusation est entrée en matière, et le recours est irrecevable surce point, y compris en tant qu'il vise les décisions incidentes antérieuresdes 12 mai et 7 juin 2005. 3.Le recourant a en revanche qualité pour contester, par la voie du recours dedroit administratif, le prononcé d'irrecevabilité (ATF 122 II 130 consid. 1p. 132) concernant l'ordonnance d'entrée en matière du 16 décembre 2004.Toutefois, la solution retenue sur ce point par la Chambre d'accusation neviole pas le droit fédéral. 3.1 Le recourant prétend avoir suffisamment démontré sa qualité d'ayant droitéconomique des deux sociétés dissoutes. La dissolution elle-même n'auraitrien d'abusif. La question de savoir si le recourant peut prétendre agir à laplace des deux sociétés liquidées peut toutefois demeurer indécise. En effet,l'irrecevabilité du recours cantonal s'imposait pour d'autres motifs. 3.2La transmission des documents bancaires à l'autorité requérante a faitl'objet d'une ordonnance de clôture du 28 avril 2005. Celle-ci a été notifiéeau seul établissement bancaire, et n'a pas fait l'objet d'un recourscantonal. La cour cantonale a considéré que cette décision n'avait pas à êtrenotifiée au recourant, car celui-ci, domicilié à l'étranger, n'avait éludomicile auprès de son avocat, dans le cadre de la procédure d'entraide, quele 4 juillet 2005. La décision avait été notifiée à la banque, quiconnaissait l'identité et les coordonnées de l'ayant droit des sociétés.Le recourant relève qu'il avait constitué un avocat à Genève, avec électionde domicile, dans le cadre de la procédure pénale ouverte pour blanchimentd'argent. Le 30 juin 2005, le Juge d'instruction avait d'ailleurs interpellécet avocat afin d'inviter le recourant à se prononcer sur une transmissionsimplifiée. Faute d'avoir été dûment notifiée, l'ordonnance du 28 avril 2005ne serait pas devenue exécutoire. 3.3 Selon l'art. 80m EIMP, les décisions de l'autorité d'exécution sontnotifiées à l'ayant droit domicilié ou ayant élu domicile en Suisse. Lorsquele titulaire d'un compte bancaire est domicilié à l'étranger, c'est à labanque qu'il appartient d'informer son client afin de permettre à celui-cid'élire domicile (art. 9 OEIMP). Lorsque le compte bancaire a été clôturé,les décisions doivent également être notifiées à l'établissement bancaire àcharge pour lui de décider - en fonction de ses relations avec le client -s'il entend faire usage du droit de renseigner prévu à l'art. 80n EIMP (ATF130 II 505 consid. 2.3 p. 507).La jurisprudence précise encore qu'après la clôture du compte bancaire, laconvention de banque restante n'est évidemment plus directement applicable;il y a alors lieu de s'en tenir au principe selon lequel le délai de recourspart, lorsqu'il n'y a pas de notification officielle, dès que la personnehabilitée à recourir a pris effectivement connaissance de la décision, etpour autant que celle-ci n'a pas encore été exécutée (arrêt 1A.221/2002 du 21novembre 2002). 3.4 Le Juge d'instruction a notifié son ordonnance d'entrée en matière auseul établissement bancaire. Cela ne saurait lui être reproché puisqu'à cestade, l'autorité d'exécution ne connaît pas forcément les titulaires descomptes visés, et moins encore les autres personnes éventuellementhabilitées, en cas de clôture des comptes, à s'opposer à l'entraide. Quant aurecourant, domicilié à l'étranger, il n'avait élu domicile en Suisse que pourles besoins d'une procédure pénale qui s'est achevée par un classementprononcé au mois de juillet 1992 par le Procureur général genevois. Le Juged'instruction n'avait donc pas à tenir compte de cette élection de domicile,effectuée dans le cadre d'une procédure clairement distincte, et pourlaquelle les critères de notification sont totalement différents. Le défautde notification ne viole donc en rien le droit fédéral; il s'ensuit que ladécision de clôture, entrée en force, ne pouvait plus être attaquée par lerecourant (art. 80n al. 2 EIMP). Il en va de même de la décision d'entrée enmatière antérieure. 4.Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté, dans lamesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolumentjudiciaire est mis à la charge du recourant, qui succombe. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juged'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève ainsi qu'àl'Office fédéral de la justice (B 153054). Lausanne, le 29 mai 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.36/2006
Date de la décision : 29/05/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-29;1a.36.2006 ?
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