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24/05/2006 | SUISSE | N°K.174/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mai 2006, K.174/05


Cause {T 7}K 174/05 Arrêt du 24 mai 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd Clinique K.________, recourante, représentée par MeGilda Modoianu, avocate,chemin Frank-Thomas 52, 1223Cologny, contre Caisse-maladie KPT/CPT, Tellstrasse 18, 3014 Berne, intimée, représentée parMe Olivier Wehrli, avocat, rue de Hesse 8-10, 1204 Genève Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève, Genève (Jugement du 12 septembre 2005) Faits: A.A.a Dans le canton de Genève, la tarification des prestations de chirurgiesemi-h

ospitalière pratiquée dans les cliniques privées non subvent...

Cause {T 7}K 174/05 Arrêt du 24 mai 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd Clinique K.________, recourante, représentée par MeGilda Modoianu, avocate,chemin Frank-Thomas 52, 1223Cologny, contre Caisse-maladie KPT/CPT, Tellstrasse 18, 3014 Berne, intimée, représentée parMe Olivier Wehrli, avocat, rue de Hesse 8-10, 1204 Genève Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève, Genève (Jugement du 12 septembre 2005) Faits: A.A.a Dans le canton de Genève, la tarification des prestations de chirurgiesemi-hospitalière pratiquée dans les cliniques privées non subventionnées afait l'objet d'un protocole d'accord du 24 mars 1997 conclu entrel'Association des cliniques privées de Genève (ci-après: l'ACPG) et laFédération genevoise des assureurs-maladie (ci-après: la FGAM; aujourd'hui:santésuisse-Genève) valable jusqu'au 31décembre 1997. Cet accord, quirenvoie au catalogue des prestations hospitalières (CPH) valorisées à4fr.95 le point pour la salle d'opération, l'utilisation du lit et lasurveillance postopératoire avec facturation en sus du matériel, revêtait uncaractère provisoire dans l'attente d'une étude permettant de négocier uneconvention et des tarifs définitifs. Par avenant du 19 décembre 1997, lespartenaires tarifaires ont prolongé le tarif provisoire jusqu'à la fin del'année 1998. Nombre d'assureurs-maladie n'ont cependant pas adhéré à cenouvel accord. Parallèlement, les deux organisations faîtières ont poursuiviles négociations, qui n'ont toutefois pas abouti. En l'absence d'une convention tarifaire entre les partenaires intéressés, leConseil d'Etat du canton de Genève a adopté, le 26juillet 2000, conformémentà l'art. 47 LAMal, un Règlement fixant le tarif des traitements ambulatoireset des interventions de chirurgie ambulatoire pratiqués dans les cliniquesprivées à charge de l'assurance obligatoire des soins (RS GE J 3 05.14).L'art. 3 al. 1 de ce règlement, entré en vigueur avec effet rétroactif au 1erjanvier 2000, prévoyait que les traitements ambulatoires les plus courantsdonnaient lieu à trente forfaits, qui n'englobaient en principe pas lematériel. L'art. 3 al. 2 disposait que pour les autres traitementsambulatoires et les prestations de chirurgie ambulatoire, le CPH était priscomme base de facturation avec une valeur du point fixée à 4 fr. 10. A.b La FGAM, ainsi que l'ACPG et plusieurs cliniques privées, ont interjetérecours contre ce règlement devant le Conseil fédéral. Le Département fédéral de Justice et Police (DFJP), chargé de l'instructiondes recours, a rendu le 8 janvier 2001 une décision incidente. C'est ainsiqu'il a édicté le tarif applicable dès le 1erjanvier 2000 et jusqu'àdécision sur le fond. Il a ordonné l'application du Règlement fixant letarif-cadre des prestations médicales pour soins ambulatoires du 3 juin 1981à la facturation des honoraires médicaux et de toutes les prestationsfournies en ambulatoire par les cliniques privées, à l'exception de la salled'opération, de l'utilisation d'un lit et de la surveillance postopératoire;pour ces prestations (salle d'opération, utilisation d'un lit et surveillancepostopératoire), le CPH devait être pris comme base de tarification avec unevaleur du point fixée à 4fr.95, en tiers garant, le matériel utilisé lorsde l'intervention étant facturé en sus. Le Département a réservé larevendication rétroactive éventuelle au cas où le tarif fixé par le Conseilfédéral dans sa décision au fond serait autre que celui fixé par la décisionincidente. Statuant le 7 mars 2003, le Conseil fédéral a rejeté le recours de l'ACPG etconsorts. Il a admis le recours de la FGAM. Il a annulé l'art.3 al. 1 duRèglement du 26 juillet 2000 précité. Il a statué que les prestations viséespar cette disposition devaient être rémunérées en application du CPH, lavaleur du point étant fixée à 4fr.10 s'agissant des prestations médicales. Le 7 mai 2003, le Conseil d'Etat du canton de Genève a alors édicté unnouveau Règlement, entré en vigueur avec effet rétroactif au 1erjanvier2000, qui abrogeait l'art. 3 al. 1 du précédent (facturation de trenteinterventions au forfait). Il a adopté un nouvel art. 3 al. 2, aux termesduquel le CPH était pris comme base de facturation pour les traitementsambulatoires et les prestations de chirurgie ambulatoire avec une valeur dupoint fixée à 4 fr. 10 pour ce qui concerne la salle d'opération,l'utilisation du lit et la surveillance postopératoire, le matériel utilisélors de l'intervention étant facturé en sus. Le 26 septembre 2003, le Conseil fédéral a rejeté une demanded'interprétation de sa décision présentée par santésuisse. Le 12 mars 2004,il a rejeté un recours de santésuisse dirigé contre la modification durèglement du Conseil d'Etat. B.Le 8 mars 2004, CPT/KPT Caisse-maladie a intenté devant le Tribunal arbitralen matière d'assurance-maladie et accidents du canton de Genève une actioncontre la Clinique K.________. La demanderesse a conclu au paiement par ladéfenderesse d'une somme de 349'746fr. 74, avec intérêt à cinq pour centl'an dès le 1er janvier 2002, et d'un montant de 87'500fr., représentant lesfrais administratifs inhérents à la détermination de la somme précitée, avecintérêt à cinq pour cent l'an à partir du 7 mars 2003. La demanderesseentendait obtenir de la défenderesse la restitution des montants facturés dèsle 1er janvier 2000, sur la base de prestations recalculées en fonction d'unevaleur de point de 4fr.10, là où elles avaient été facturées par laclinique à 4fr.95 le point. La demande portait en outre sur la restitutionde montants résultant de diverses rectifications de facturations opérées parla clinique pour la période considérée. Enfin, la demanderesse faisait valoirque certaines prestations avaient été facturées à double. La défenderesse a soulevé l'exception d'incompétence ratione materiae dutribunal arbitral. Elle a fait valoir que la demande constituait une actionen paiement relevant des tribunaux civils ordinaires. Statuant en la voie incidente le 12 septembre 2005, le Tribunal arbitral desassurances a rejeté le déclinatoire de compétence (cause A500/2004). C.La Clinique K.________ interjette un recours de droit administratif danslequel elle demande au Tribunal fédéral des assurances de dire que leTribunal arbitral des assurances n'est pas compétent pour connaître du litigeenregistré sous cause A 500/2004. Subsidiairement, elle conclut au renvoi dela cause au Tribunal arbitral pour nouvelle décision au sens des motifs. CPT/KPT Caisse-maladie conclut au rejet du recours, sous suite de frais etdépens. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à présenter desdéterminations. Considérant en droit: 1.Parmi les décisions incidentes qui peuvent être déférées au Tribunal fédéraldes assurances par la voie du recours de droit administratif figurent,d'après l'art.45 al.2 let.aPA, les décisions par lesquelles l'autoritéinférieure se prononce sur sa compétence, soit en l'admettant alors qu'unepartie la conteste (art.9 al.1PA), soit en la déclinant alors qu'unepartie prétend qu'elle est compétente (art.9 al.2PA). Selon lajurisprudence, quand un juge statue sur sa compétence par une décisionincidente, on se trouve en présence d'une décision susceptible de causer unpréjudice irréparable de nature formelle et idéale à celui qui la conteste(ATF131 V 43 consid.1.1, 110V 351ss). 2.Selon l'art. 89 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs deprestations sont jugés par un tribunal arbitral (al. 1). Le tribunal arbitralcompétent est celui du canton dont le tarif est appliqué ou du canton danslequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (al. 2).Le tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunérationest l'assuré (système du tiers garant; art. 42 al. 1); en pareil cas,l'assureur représente, à ses frais, l'assuré au procès (al.3). Ni la LAMal, ni ses dispositions d'exécution ne définissent précisément cequ'il faut entendre par litiges entre assureurs et fournisseurs deprestations. Comme sous le régime de la LAMA (art. 25 al. 1 LAMA), la notionde litige doit être entendue dans un sens large (ATF 111V 346s. consid. 1bet les références). Il est nécessaire, cependant, que soient en cause desrapports juridiques qui résultent de la LAMal ou qui ont été établis en vertude cette loi. Le litige doit concerner la position particulière de l'assureurou du fournisseur de prestations dans le cadre de la LAMal. Si ces conditionsne sont pas réalisées, le litige relève de la compétence du juge civil (ATF131 V 193 consid. 2 et les références citées). 3.3.1En l'espèce, le litige oppose un fournisseur de prestations à unassureur-maladie. Les rapports juridiques qui sont à la base de ce litigesont indiscutablement fondés sur la LAMal. Le litige porte, plus précisément,sur le droit de l'assureur intimé de réclamer à la recourante la restitutionde montants perçus en trop, après que le Conseil fédéral a modifié surrecours (art. 53 al. 1 LAMal) et avec effet rétroactif une réglementationtarifaire fixée par un gouvernement cantonal (art. 47 al. 1 LAMal). Al'instar du contentieux relatif à l'obligation de restitution du médecin pourtraitement non économique (ATF 130V377), un tel litige relève de lacompétence du tribunal arbitral (voir ATF 124 V 22; arrêt T. du 18 mars 2005[K 167/04]). 3.2 La recourante soutient qu'il n'y a pas de rapport juridique fondé sur laLAMal lorsque l'assureur intervient comme tiers garant (cf. art. 42 al. 1LAMal). Ce moyen n'est pas fondé. En effet, le tribunal arbitral est aussicompétent si le débiteur de la rémunération est l'assuré, auquel casl'assureur représente, à ses frais, l'assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal;ATF 127 V 281, plus spécialement 286 consid. 5d; arrêt P. du 15 avril 2002 [K51/01]; Gebhard Eugster, Krankenversicherung, in: SchweizerischesBundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 416; contra :Jean-Louis Duc, La polypragmasie sous l'empire de l'article 23 LAMA et auregard de l'article 56 LAMal, in: Etudes de droit social, Cahiers genevoiset romands de sécurité sociale [CGSS], Hors série no 3 [2001], p. 107-114,mais dont l'opinion a été réfutée dans l'ATF 127 V 281). 3.3 C'est en vain, également, que la recourante soutient qu'aucun assuré nesouhaite être représenté par CPT/KPT Caisse-maladie. A ce propos, il fautrelever, qu'un assureur peut introduire une demande de restitution àl'encontre d'un fournisseur de prestations. Quant à l'accord des assurés, iln'est pas requis. Les assureurs ont un droit propre à exiger des fournisseursde prestations la restitution des sommes qu'ils ont perçues indûment, mêmelorsque celles-ci leur ont été versées par l'assuré et non par l'assureur etfût-ce contre la volonté de l'assuré (ATF 127 V 285s. consid. 5c; RAMA 2004n° KV 287 p. 298). 3.4 La recourante fait encore valoir que la demande de rétrocession est«irrecevable» en raison de l'imprécision de ses conclusions. Mais cetteargumentation relève du litige au fond : l'imprécision invoquée n'est pas denature à remettre en cause la compétence du tribunal arbitral. 3.5 On relèvera enfin que dans une affaire portant sur les mêmes faits queceux qui sont à la base du présent litige, le Tribunal fédéral a déclaréirrecevable le recours d'une clinique privée (avec siège social à Genève)contre un arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton deGenève. Dans son arrêt (5C.6/2005), le Tribunal fédéral a considéré quel'action intentée par l'assureur se fondait sur des prétentions qui nerelevaient manifestement pas du droit civil fédéral mais du droit public,c'est-à-dire du Tribunal arbitral selon l'art. 89 LAMal, comme l'avait jugéavec raison la Cour de justice. 4.Il suit de là que le recours de droit administratif n'est pas fondé. Larecourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art.156 al.1 OJ). L'intimée, qui est représentée par un avocat, a droit à une indemnité dedépens (SVR 1995 KV n° 40 p. 125 ss consid. 5b). Il se justifie de réduirecette indemnité pour tenir compte du fait que l'intimée agit dans plusieursaffaires semblables et qu'elle a déposé à chaque fois un mémoire de réponseidentique. 5.Enfin, la cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif estdevenue sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de larecourante et sont compensés avec l'avance de frais, d'un même montant,qu'elle a versée. 3.La recourante versera à l'intimée la somme de 1'000 fr. (y compris la taxe àla valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal arbitral desassurances de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de lasanté publique. Lucerne, le 24 mai 2006Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.174/05
Date de la décision : 24/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-24;k.174.05 ?
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