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24/05/2006 | SUISSE | N°B.143/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mai 2006, B.143/05


Cause {T 7}B 143/05 Arrêt du 24 mai 2006Ire Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Frésard etSeiler. Greffier : M. Métral A.________, recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat, avenue Ritz33, 1950 Sion, contre Caisse de retraite et de prévoyance du personnel X.________, intimée,représentée par Me Michel Ducrot, avocat, rue des Prés de la Scie 4, 1920Martigny Tribunal cantonal des assurances, Sion (Jugement du 22 décembre 2005) Faits: A.Par acte du 24 mai 2004, A.________, ancien membre de la Commission degestion de l'institution de prévoy

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Cause {T 7}B 143/05 Arrêt du 24 mai 2006Ire Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Frésard etSeiler. Greffier : M. Métral A.________, recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat, avenue Ritz33, 1950 Sion, contre Caisse de retraite et de prévoyance du personnel X.________, intimée,représentée par Me Michel Ducrot, avocat, rue des Prés de la Scie 4, 1920Martigny Tribunal cantonal des assurances, Sion (Jugement du 22 décembre 2005) Faits: A.Par acte du 24 mai 2004, A.________, ancien membre de la Commission degestion de l'institution de prévoyance X.________, a ouvert action contrecette institution devant le Tribunal cantonal des assurances, en demandant,en substance, qu'elle soit condamnée à lui verser une rente de vieillessemensuelle de 6'244 fr. avec effet dès le 1er avril 2004. Simultanément, il aprésenté une requête de mesures provisionnelles tendant au paiement de cetteprestation pendant la durée de la procédure. X. ________ a conclu au rejet de l'action et au rejet de la requête demesures provisionnelles. Elle soutient que A.________ lui a causé un dommagede 4'035'835 fr. en violant gravement ses obligations de diligence et defidélité lorsqu'il était membre de la Commission de gestion, et lui oppose encompensation ses prétentions en réparation du dommage. B.B.aPar décision incidente du 10 septembre 2004, le Tribunal des assurances(ci-après : Tribunal cantonal des assurances) a rejeté la demande de mesuresprovisionnelles. A.________ a recouru contre cette décision devant leTribunal fédéral des assurances. Par une nouvelle décision incidente, du 30 novembre 2004, la Présidente duTribunal cantonal des assurances a suspendu la procédure jusqu'à droit connusur le recours interjeté contre la décision du 10 septembre 2004. A.________a recouru devant le Tribunal fédéral des assurances contre cette suspensionde procédure. B.b Par arrêts des 7 janvier et 22 février 2005, le Tribunal fédéral desassurances a rejeté le recours contre la décision incidente du 10 septembre2004 et déclaré irrecevable le recours contre la décision incidente du 30novembre 2004. C.A réception de l'arrêt du 22 février 2005, le Tribunal cantonal desassurances a repris la procédure et ordonné la poursuite de l'échanged'écritures. Le 22 décembre 2005, la Présidente du Tribunal cantonal desassurances a suspendu à nouveau la procédure jusqu'à droit connu sur uneprocédure pénale ouverte à l'encontre de A.________ pour gestion déloyale,abus de confiance et blanchiment d'argent. D.A.________ interjette un recours de droit administratif contre cette décisionincidente. Il en demande l'annulation, sous suite de frais et dépens à lacharge de Z.________. L'intimée demande qu'aucun frais ni dépens ne soit misà sa charge; elle ne prend pas d'autre conclusion, mais précise qu'il n'y apas, selon elle, de motif suffisant pour suspendre la cause. L'Office fédéraldes assurances sociales propose le rejet du recours. Considérant en droit: 1.1.1 Aux termes de l'art. 97 al. 1 OJ, applicable en vertu de l'art. 128 OJ,le Tribunal fédéral des assurances connaît en dernière instance des recoursde droit administratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA. En ce quiconcerne les décisions incidentes, le deuxième alinéa de cette dispositionrenvoie à l'art. 45 PA, de sorte que le recours de droit administratif n'estrecevable - séparément d'avec le fond - que contre les décisions de cettenature qui peuvent causer un préjudice irréparable au recourant. Pour qu'onpuisse admettre un tel préjudice, un intérêt de fait, en particulieréconomique, suffit (ATF 127 II 136 consid. 2a, 125 II 620 consid. 2a). Parailleurs, il faut, conformément à l'art. 129 al. 2 en liaison avec l'art. 101let. a OJ, que le recours de droit administratif soit également ouvert contrela décision finale (ATF 131 V 43 consid. 1.1, 128 V 201 consid. 2a, 124 V 85consid. 2 et les références). 1.2 Aux termes de 29 al. 1 Cst., toute personne à droit, dans une procédurejudiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement etjugée dans un délai raisonnable. Selon les art. 97 al. 2 et 106 al. 2 OJ (enrelation avec les art. 128 et 132 OJ), lorsqu'une autorité, sans droit,refuse de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à unedécision et peut faire l'objet d'un recours de droit administratif en touttemps. Le justiciable peut donc interjeter un recours pour déni de justice ouretard injustifié, indépendamment d'un préjudice irréparable, en vue decontester un refus explicite de statuer ou un report, sans raisonssuffisantes, de la décision à rendre. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu deconsidérer différemment la recevabilité du recours selon que l'autorité aformellement décidé de suspendre la procédure ou qu'elle est demeuréeinactive, sans avoir expressément rendu de décision de suspension. Dans lesdeux cas, le recours est recevable même en l'absence de préjudiceirréparable, lorsque le recourant se plaint d'un retard injustifié à statuer(cf. ATF 130 V 92 consid. 1; SVR 1998 UV no 11 p. 29 consid. 1 sv.; enmatière de recours de droit public : ATF 120 III 143 ss consid. 1, 117 Ia 337sv. consid. 1a; Pra 1996 no 141 p. 470 sv. consid. 1a). 1.3 A.________ conteste la décision litigieuse au motif qu'elle entraîneraitun retard injustifié, compte tenu de la durée probable du procès pénal. Seréférant à l'art. 29 Cst, il soutient que la juridiction cantonale refuse destatuer avant l'autorité pénale en prenant prétexte de la nécessitéd'investigations supplémentaires. Dans cette mesure, le recours de droitadministratif est recevable indépendamment de la question d'un éventuelpréjudice irréparable. Le point de savoir si les autres griefs soulevés parle recourant - récusation de la Présidente du Tribunal cantonal desassurances, violation du droit d'être entendu par cette autorité et inégalitéde traitement - sont recevables peut être laissé ouvert. Quoi qu'il en soit,en effet, les premiers griefs, d'ordre formel, sont mal fondés et il n'estpas nécessaire d'examiner le dernier, comme on le verra ci-après. 2.2.1Le recourant demande l'annulation de la décision entreprise, au motif quela Présidente du Tribunal cantonal des assurances aurait dû se récuser. Eneffet, son frère, B.________, est l'avocat de la Fédération Y.________,partie civile au procès pénal. Le recourant ajoute que la PrésidenteC.________ semble avoir d'ores et déjà préjugé la question du dommage alléguépar X.________, pourtant contesté, puisque la décision de suspensionmentionne à deux reprises «le dommage subi» par X.________. 2.2 Selon une jurisprudence constante, le motif de récusation doit êtreinvoqué dès que possible, à défaut de quoi le plaideur est réputé avoirtacitement renoncé à s'en prévaloir (ATF 119 Ia 228 sv. et les arrêts cités;Egli/Kurz, La garantie du juge indépendant et impartial dans la jurisprudencerécente, in : Recueil de Jurisprudence neuchâteloise [RJN] 1999 p. 28 sv.).En particulier, il est contraire à la bonne foi d'attendre l'issue d'uneprocédure pour tirer argument, à l'occasion d'un recours, de la compositionincorrecte de l'autorité qui a statué, alors que le motif de récusation étaitdéjà connu auparavant (ATF 124 I 122 sv. consid. 2, 119 Ia 227 ss consid. 5a,118 Ia 284 consid. 3a). Dans le recours interjeté contre la décision incidente du 30 novembre 2004,A.________ avait déjà demandé l'annulation de la décision en question enraison du lien de parenté entre la Présidente du Tribunal cantonal desassurances et B.________. Par arrêt du 22 février 2005, le recours a étédéclaré irrecevable, parce que déposé après le délai de dix jours dontdisposaient les parties pour contester la décision incidente litigieuse. Parla suite, A.________ n'a plus soulevé la question et n'a pas formellementdemandé la récusation de la Présidente C.________ pour les prochainesdécisions à rendre en instance cantonale. Dans une lettre du 14 décembre 2005adressée à «Madame la Présidente du Tribunal cantonal des assurances,Messieurs les Juges du Tribunal cantonal des assurances», il a au contraireformulé dix griefs sur la manière dont la procédure était menée, sans évoquerla question de la récusation de l'un des membres du tribunal. Dans cesconditions, le recourant ne peut plus prétendre l'annulation de la décisionincidente du 22 septembre 2005 en raison du lien de parenté liant laPrésidente C.________ à l'avocat de Y.________. L'utilisation, dans cettedécision, des termes «dommage subi» par X.________, ne fait par ailleurs pasapparaître la Présidente C.________ pour prévenue, quand bien mêmel'expression «dommage allégué» aurait été plus appropriée. Quant à la question de la récusation de la Présidente du Tribunal cantonaldes assurances pour la suite de la procédure cantonale, elle ne fait pasl'objet de la présente procédure. 3.Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu. D'après lui,la juridiction cantonale aurait dû l'inviter à se déterminer sur lasuspension de la procédure envisagée avant de statuer. 3.1La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui s'appliqueégalement à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 129 II 504 consid. 2.2, 127 I 56consid. 2b, 127 III 578 consid. 2c, 126 V 130 consid. 2a), a déduit du droitd'être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliqueravant qu'une décision ne soit prise à son détriment (ATF 126 I 16 consid.2a/aa, 124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références). 3.2 Dans son recours du 20 septembre 2004 contre la décision incidente du 10septembre 2004, A.________ a précisé savoir que la procédure ferait l'objetd'une suspension jusqu'à l'issue du procès pénal et que celle-ci serait«longue, truffée d'incidents procéduraux, d'aménagements tronqués ou non demoyens de preuves, de suspension de facto ou/et de jure de la procédure,etc., ce qui entraînera une prolongation sine die de la procédure par devantle Tribunal cantonal des assurances». Par ailleurs, dans sa lettre du 14décembre 2005 au Tribunal cantonal des assurances, il rappelle qu'il n'admetpas que la procédure soit de facto suspendue. Contrairement à ce qu'ilsoutient, il a donc pu s'exprimer sur la question litigieuse de la suspensionde la procédure et la juridiction cantonale connaissait son point de vue àcet égard. Il s'ensuit que le grief de violation du droit d'être entendu estmal fondé. 4.Le recourant conteste que la suspension de la procédure soit justifiée etsoutient qu'elle retardera inutilement le prononcé d'un jugement sur lesprestations litigieuses. 4.1 Une suspension de la procédure devant le juge des assurances socialesdans l'attente de l'issue d'une procédure parallèle peut être justifiée pardes motifs d'économie de procédure. En particulier, la suspension d'un procèsrelatif à la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS, oud'une personne chargée de l'administration, de la gestion ou du contrôled'une institution de prévoyance au sens de l'art. 52 LPP, jusqu'à droit connusur le procès pénal, peut être prononcée pour éviter un enchevêtrement desprocédures et la répétition de mesures d'instruction par les différentesjuridictions saisies (cf. Pra 1996 no 141 p. 473, consid. 3b). De mêmepeut-elle être admise lorsque le jugement pénal à rendre devrait permettre detrancher une question décisive pour l'issue du litige, dans un délairaisonnable. La suspension de procédure comporte toutefois le risque deretarder inutilement la procédure, de sorte qu'elle n'est admise qu'à titreexceptionnel, eu égard à l'exigence de célérité posée par l'art. 29 al. 1Cst. (cf. ATF 130 V 94 sv. consid. 5 sv., 117 V 131 consid. 3 non publié aurecueil officiel, mais dans RCC 1991 p. 379). Le juge saisi dispose d'unecertaine marge d'appréciation, dont il doit faire usage en procédant à unepesée des intérêts des parties. Dans les cas limites, l'exigence de céléritél'emporte (cf. ATF 119 II 388 sv. consid. 1b). Cela vaut d'autant plus, endroit des assurances sociales, que les art. 61 let. a LPGA et 73 al. 2 LPPexigent une procédure simple et rapide devant les tribunaux cantonaux desassurances. 4.2 A.________ fait l'objet d'une instruction pénale portant notamment surd'éventuels abus de confiance et actes de gestion déloyale au détriment deX.________. Il est clair qu'une éventuelle condamnation du recourant pourl'une ou l'autre de ces infractions conduirait à retenir qu'il a causéfautivement un dommage, dont pourrait se prévaloir X.________. La question dumontant du dommage ne serait en revanche pas forcément réglée et unacquittement du recourant ne le libérerait pas d'une éventuelleresponsabilité envers la caisse. En effet, l'art. 52 LPP ne pose pas commecondition de responsabilité qu'une infraction pénale ait été commise. Parailleurs, le Tribunal cantonal des assurances, saisi de l'action en paiementouverte par A.________ contre X.________, est également la juridictiondésignée par l'art. 73 al. 1 let. c LPP pour trancher les actions enresponsabilité au sens de l'art. 52 LPP. Il apparaît donc particulièrementbien placé pour trancher les différents aspects de la créance en réparationdu dommage opposée par X.________ aux prétentions du recourant. Enfin, rienau dossier n'indique, serait-ce approximativement, dans quel délai unjugement pénal sera prononcé, étant précisé qu'aucune ordonnanced'inculpation ne semblait encore avoir été rendue lorsque la décision desuspension a été prise. Dans ces conditions, la juridiction cantonale n'étaitpas fondée à considérer - au demeurant sans en expliciter les motifs - quel'issue de la procédure pénale en cours lui permettrait de trancher unequestion décisive quant à la responsabilité de l'assuré, dans un délairaisonnable. L'opportunité d'éviter certaines investigations - la juridictioncantonale ne précise pas lesquelles - ne justifie pas davantage unesuspension de la procédure pour une durée indéterminée, alors que les deuxparties au procès s'y opposent et que le litige est pendant depuis près dedeux ans déjà. Enfin, la Présidente du tribunal n'a procédé à aucune peséedes intérêts en présence. 5.Vu ce qui précède, il convient d'annuler la décision litigieuse et d'inviterla juridiction cantonale à poursuivre l'instruction de la cause. Cetteinjonction n'exclut pas une décision de suspension de la procédure si deséléments nouveaux devaient être portés à la connaissance de la juridictioncantonale, par exemple en ce qui concerne l'avancement de la procédure pénaleet des mesures d'instruction prises dans ce contexte. 6.Compte tenu de l'issue de la procédure, on peut se dispenser d'examiner legrief tiré d'une prétendue inégalité de traitement au motif qu'aucunedécision de suspension n'a été prise dans une procédure similaire ouverte parun ancien directeur de X.________. 7.Le recourant, qui obtient gain de cause, peut prétendre une indemnité dedépens à la charge de l'intimée, indépendamment des conclusions prises parcette dernière (art. 159 al. 1 et 2 OJ; cf. ATF 123 V 159 consid. 4b). Laprocédure est par ailleurs gratuite, dès lors qu'elle
porte sur un déni dejustice ou un retard injustifié à statuer sur le droit à des prestationsd'assurances (cf. art. 134 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis et la décision du 22décembre 2005 de la Présidente du Tribunal cantonal des assurances estannulée. Le Tribunal cantonal des assurances est invité à reprendrel'instruction de la cause. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'avance de frais effectuée par le recourant, d'un montant de 500 fr., luiest restituée. 4.L'intimée versera au recourant la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe à lavaleur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 24 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.143/05
Date de la décision : 24/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-24;b.143.05 ?
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