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24/05/2006 | SUISSE | N°4C.249/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mai 2006, 4C.249/2005


port Juge délégué: CorbozGreffier: Thélin{T 0/2}4C.249/2005 /svc Arrêt du 24 mai 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klettet Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Thélin. A. ________,demandeur et recourant, représenté parMe Pierre-Yves Baumann, avocat, contre B.________ GmbH,défenderesse et intimée, représentée parMe Philippe Richard, avocat. contrat d'agence; provision, recours en réforme contre le jugement rendule 13 décembre 2004 par la Cour civiledu Tribunal cantonal vaudois. Faits: A.A. ________, actuellement retraité, a exercé une activité d'interm

édiaire etde conseil en faveur d'entreprises souhaitant développe...

port Juge délégué: CorbozGreffier: Thélin{T 0/2}4C.249/2005 /svc Arrêt du 24 mai 2006Ire Cour civile M. et Mmes les juges Corboz, président, Klettet Rottenberg Liatowitsch.Greffier: M. Thélin. A. ________,demandeur et recourant, représenté parMe Pierre-Yves Baumann, avocat, contre B.________ GmbH,défenderesse et intimée, représentée parMe Philippe Richard, avocat. contrat d'agence; provision, recours en réforme contre le jugement rendule 13 décembre 2004 par la Cour civiledu Tribunal cantonal vaudois. Faits: A.A. ________, actuellement retraité, a exercé une activité d'intermédiaire etde conseil en faveur d'entreprises souhaitant développer des relationscommerciales en Iran. Le 29 septembre 1987, avec B.________ GmbH,constructrice de machines de chantier, il a conclu un contrat qui luiattribuait la «représentation exclusive» de cette société en Iran pourtoutes les pelleteuses et grues distribuées sous la marque «X.________». Lecontrat lui donnait droit, selon une traduction de ce texte libellé enanglais, à une commission de 7% à calculer sur les affaires «directes ouindirectes» que la société concluait «avec l'Iran», soit pour toutecommande «en provenance ou à destination» de ce pays. Après la fin ducontrat, la commission était encore due lorsque la mandante avait «reçu lesdemandes de renseignements ou conclu des affaires» pendant sa durée.Par la suite, A.________ a fourni à sa mandante de nombreuses adressesd'entreprises, institutions ou autorités en Iran, en lui conseillant de leurenvoyer une lettre de présentation. Le 30 octobre 1987, la mandante a ainsiécrit à C.________, une entreprise iranienne active dans le secteur del'énergie, mais elle n'a reçu aucune réponse. Le 17 juillet 1989, elle aaussi écrit à la Société de construction et d'exploitation du métro deTéhéran; elle a joint une documentation relative aux divers types de grues etpelleteuses qu'elle produisait et elle a également annoncé sa présence aupavillon allemand de la foire de Téhéran, au mois de septembre suivant.A.________ a par ailleurs accompli lui-même diverses démarches auprèsd'autres entreprises en Iran et il s'est entremis dans des négociationstendant à l'obtention de commandes; néanmoins, aucune affaire n'a étéconclue. B. ________ GmbH a résilié le contrat par lettre du 10 janvier 1992, aveceffet au 29 septembre de la même année. B.D.________ GmbH est une autre société allemande qui est elle aussi activedans la construction de machines de chantier. En 1989 ou peu après,B.________ GmbH lui a livré une plate-forme avec moteur, roues ouchenillettes, contrepoids et cabine de conduite. Cette deuxième constructricea réalisé une machine de chantier complète - une foreuse - en installant surce châssis divers éléments d'une autre origine ou de sa propre fabrication.L'engin a été ensuite livré à la Société de construction et d'exploitation dumétro de Téhéran; il portait la marque «X.________» apposée en groscaractères.En 1995, C.________ a émis un appel d'offres pour diverses machines dechantier. Selon le jugement dont est recours, cet appel fut «largementdistribué aux fournisseurs du monde entier». B.________ GmbH a présenté uneoffre le 18 décembre 1995 et obtenu la commande de dix grues. C.Le 1er novembre 1994, A.________ a ouvert action contre B.________ GmbHdevant le Tribunal cantonal vaudois. Sa demande tendait au paiement dediverses sommes à titre de provision. Après que deux expertises eurent étéaccomplies, le demandeur a amplifié ses conclusions pour réclamer, désormais,1'194'586 fr.40 avec intérêt au taux de 5% par an dès le 29 septembre 1987.Une expertise supplémentaire fut encore accomplie.Statuant le 24 novembre 2004, la Cour civile du Tribunal cantonal a rejeté lademande. D.Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert le Tribunalfédéral de modifier ce prononcé en ce sens que la défenderesse soit condamnéeà lui payer 141'103,46 euros avec intérêt au taux de 5% par an dès le 29septembre 1987. Il présente des conclusions subsidiaires tendant au paiementde 13'860 euros et de 248'867,50 marks allemands, avec suite d'intérêt auxmêmes conditions.La défenderesse conclut au rejet du recours.Par une décision incidente du 27 février 2006, le Tribunal fédéral a accordél'assistance judiciaire au demandeur et il a désigné MePierre-Yves Baumannen qualité d'avocat d'office. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Ilest dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale parun tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en tempsutile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est enprincipe recevable.Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, àl'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al.1OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doitconduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans ladécision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière depreuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatationsreposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il s'imposede compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'apas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairementétablis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4).Le Tribunal fédéral ne peut pas juger au-delà des conclusions des parties. Iln'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ) ni par lasolution juridique adoptée en dernière instance cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine); néanmoins, enrègle générale, il se prononce seulement sur les questions juridiques que lapartie recourante soulève conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let.c OJ concernant la motivation du recours (ATF 127 III 397 consid. 2a p. 400;116 II 92 consid. 2 p. 94). 2.La Cour civile a statué sur la base du droit suisse au motif que lesprétentions en cause sont fondées sur un contrat, que la prestationcaractéristique de celui-ci était fournie par le demandeur et que cettepartie avait sa résidence habituelle en Suisse (art. 117 al. 1 et 2 LDIP).Son jugement concernant le droit applicable est incontesté et il n'y a paslieu d'y revenir. 3.Il est constant que les parties se sont liées par un contrat d'agence, endépit de la dénomination différente utilisée par elles, et que ladéfenderesse s'est obligée à verser la provision au taux convenu, en tant quecelle-ci était due à l'agent selon l'art. 418g al. 1 et 2 CO.La provision est due à raison de chaque affaire que l'agent a négociée pourle compte du mandant, quand son activité a abouti à la conclusion de cettemême affaire entre ce dernier et le client concerné. Le résultat doit setrouver dans un rapport de causalité avec l'activité. Il n'est pas nécessaireque l'aboutissement de l'affaire soit la conséquence immédiate de l'activitéfournie. Il suffit que celle-ci ait été une cause même éloignée de ladécision du client satisfaisant à l'objectif du mandant; la jurisprudence secontente d'un lien psychologique entre les efforts de l'agent et la décisiondu client. La provision est alors due même si l'affaire n'est conclue, entrele mandant et le client, qu'après la fin du contrat d'agence.La provision est aussi due à raison de chaque affaire que le mandant parvientà conclure sans le concours de l'agent mais avec des clients que celui-ci aprocurés pour des affaires du genre visé par le contrat d'agence; dans cecas, la provision est due seulement si l'affaire est conclue pendant la duréedu contrat. En cas de commande supplémentaire d'un client procuré parl'agent, il suffit toutefois que le mandant ait reçu cette commande avantl'expiration du contrat (art.418t al. 1 CO).Enfin, lorsque l'agent bénéficie de l'exclusivité dans un rayon ou auprèsd'une clientèle déterminés, la provision lui est due à raison de chaqueaffaire que le mandant conclut avec une personne de ce rayon ou de cetteclientèle, cela même si l'agent n'a ni négocié l'affaire ni procuré leclient; dans cette hypothèse également, l'affaire doit être conclue pendantla durée du contrat d'agence (ATF 121 III 414 consid.1a p. 416; 84 II 542consid. 3 à 5; Georg Gautschi, Commentaire bernois, ch. 4a ad art. 418g à418k CO).En l'occurrence, selon le contrat du 29 septembre 1987, le demandeurbénéficiait de l'exclusivité en Iran et la provision lui était assurée nonseulement pour toute affaire conclue dans ce pays et pendant la durée ducontrat, mais aussi pour toute affaire qui y était conclue même plus tard sila défenderesse avait reçu «la demande de renseignements» du client pendantcette durée. La validité d'une pareille clause n'est pas douteuse car laréglementation précitée est dispositive (cf. Pierre Tercier, Les contratsspéciaux, 3e éd., ch. 5115 p. 741). 4.En instance de réforme, le demandeur persiste à réclamer une provision qu'ilcalcule sur la valeur du châssis d'abord livré par la défenderesse àD.________ GmbH, puis intégré par celle-ci à un engin de chantier qui estparvenu à la Société du métro de Téhéran. Il ne prétend pas avoir négociéavec cette entreprise iranienne. Il soutient que les affaires «indirectes»réalisées en Iran, à raison desquelles la provision est due selon les termesdu contrat passé le 29septembre 1987, comprennent toutes celles que ladéfenderesse a conclues dans ce pays par l'intermédiaire de tiers, d'unefaçon quelconque, en particulier par le biais d'une vente à une entrepriseconcurrente et d'une revente de celle-ci à un client en Iran.On entend généralement par affaires «directes» celles que le mandantconclut sans le concours de l'agent, notamment avec un client que ce derniera procuré auparavant (Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 548;Gautschi, op. cit., ch. 2e ad art. 418g à 418k CO; H. U. Zürcher, DerProvisionsanspruch des Agenten [...], thèse, Berne 1952, p. 29) ou quiappartient au rayon d'exclusivité (Karl Dürr, Mäklervertrag undAgenturvertrag Kommentar der Art. 412 bis 418v des schweizerischenObligationenrechts, Berne 1959, p. 147); les affaires «indirectes» sontcelles que l'agent a négociées ou conclues pour le compte du mandant (Engel,ibidem; Zürcher, op. cit. p. 24). Quel que soit le sens habituel de ces mots,on peut envisager que la provision soit due par le mandant, le cas échéant, àraison d'une affaire indirecte selon une autre acception, soit une affairecomposée de plusieurs opérations successives dont la dernière intervient dansle rayon d'exclusivité de l'agent. En revanche, celui-ci ne sauraitrevendiquer la provision à raison de n'importe quelle affaire qui est concluepar le mandant et dont l'objet parvient fortuitement, par suite des affairespropres du client, dans le rayon d'exclusivité. Dans la présente espèce, iln'est aucunement établi que la défenderesse ait su, en livrant à D.________GmbH, que l'engin à réaliser par celle-ci était destiné à un client en Iran.Or, si le mandant ignore que son produit doit aboutir dans le rayond'exclusivité de l'agent, il ne s'engage évidemment pas dans une affairecomplexe du genre précité, donnant droit à la provision. Pour ce motif déjà,cette rémunération n'est pas due au demandeur à raison de la livraison reçuepar D.________ GmbH. Il est sans importance que le renom de la marque«X.________» et les contacts intervenus entre la défenderesse etl'acquéresse iranienne, à l'initiative du demandeur, aient peut-être favoriséla conclusion de l'affaire entre cette dernière et D.________ GmbH.Au surplus, la défenderesse soutient à bon droit que la livraison d'unchâssis à une autre constructrice, châssis qui ne constituait pas une machinede chantier, était étrangère aux affaires visées par le contrat des parties.En effet, celui-ci portait textuellement sur les pelleteuses et les grues.Dûment interprétés selon le principe de la confiance (cf. ATF 130 III 417consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5 p. 1, 664 consid.3.1 p. 667), cestermes n'incluent pas des éléments ou des parties de machines qui sontinutilisables comme pelleteuses ou grues et qui ne se vendent pas à desentreprises recherchant spécialement ces engins-ci. Le châssis livré àD.________ GmbH n'a d'ailleurs pas servi à construire ni une pelleteuse, niune grue. Enfin, la livraison de cette partie de machine ne présentait riende contraire aux devoirs de collaboration et d'information que, dans lecontrat d'agence, l'art. 418fCO impose au mandant; c'est donc vainement quele demandeur réclame, sur la base de cette disposition et de l'art. 97 al. 1CO, des dommages-intérêts correspondant à la provision qui ne lui a pas étéversée. 5.Le demandeur réclame également une provision calculée sur le prix des dixgrues fournies par la défenderesse à l'entreprise iranienne C.________. Selonson argumentation, il n'a pas seulement incité la défenderesse à envoyer unelettre de présentation le 30 octobre 1987; il a aussi envoyé lui-même, le 10août 1992, une liste précise des divers types de machines produites par samandante et il expose que la Cour civile a omis de constater ce dernier fait,alors que celui-ci était dûment allégué et prouvé. A son avis, il existe aumoins un lien psychologique entre l'activité fournie par lui et la commandepassée par C.________.A supposer que l'on complète l'état de fait établi en instance cantonale, ilest de toute manière incontesté que le demandeur ne s'est aucunement entremisauprès de C.________, pour le compte de la défenderesse, après que cettedernière eut reçu l'appel d'offres en 1995. Il n'a donc pas négocié la ventedes dix grues, et même s'il l'avait fait, il n'aurait agi qu'aprèsl'expiration du contrat à fin septembre 1992. La provision litigieuse n'estdonc pas due au titre d'une affaire négociée par le demandeur.Par suite de l'indication que celui-ci a fournie en 1987 déjà et qui adéterminé la défenderesse à écrire à C.________, ou même par suite de ladémarche que le demandeur prétend avoir accomplie le 10 août 1992, cetteentreprise iranienne peut tout au plus être considérée comme une clienteprocurée par lui pour la vente de grues ou pelleteuses. De toute manière, ils'agit d'une entreprise établie dans son rayon d'exclusivité. L'appeld'offres de 1995 peut éventuellement être considéré comme une «demande derenseignements» aux termes du contrat de 1987, mais il est intervenulargement après son expiration. La provision n'est donc pas non plus due àraison d'une affaire conclue avec un client procuré par le demandeur ouconclue dans son rayon d'exclusivité, compte tenu que la vente des dix gruesn'a été amorcée qu'après la fin du contrat. Le lien psychologique qui existepeut-être depuis l'activité du demandeur jusqu'à la conclusion de l'affaire,passant par l'envoi de l'appel d'offres à la défenderesse, n'est pasdéterminant. 6.Le recours en réforme se révèle privé de fondement,
ce qui entraîne sonrejet. Son auteur, qui a obtenu l'assistance judiciaire (art. 152 al.1OJ),est dispensé de l'émolument judiciaire, sous réserve de remboursementultérieur (art. 152 al. 3 OJ). La Caisse du Tribunal fédéral versera deshonoraires à l'avocat d'office du demandeur (art. 152 al. 2 OJ), égalementsous la réserve de l'art. 152 al. 3 OJ.Quant aux dépens de la défenderesse, ils seront supportés par le demandeur(art. 152 al. 1 OJ a contrario; art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Le demandeur acquittera une indemnité de 8'000 fr. à verser à la défenderesseà titre de dépens. 4.La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 8'000 fr. à MeBaumannà titre d'honoraires. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et auTribunal cantonal vaudois. Lausanne, le 24 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.249/2005
Date de la décision : 24/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-24;4c.249.2005 ?
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