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24/05/2006 | SUISSE | N°2P.307/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 mai 2006, 2P.307/2005


{T 0/2}2P.307/2005/fzc Arrêt du 24 mai 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Müller.Greffière: Mme Dupraz. X. ________ SA,représentée par Me Pascal Pétroz, avocat, contre Services industriels de Genève,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Marché public (adjudication; constatation de l'illicéité et réparation), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 6 septembre 2005. Faits: A.Au début du mois de juillet 2004

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{T 0/2}2P.307/2005/fzc Arrêt du 24 mai 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Müller.Greffière: Mme Dupraz. X. ________ SA,représentée par Me Pascal Pétroz, avocat, contre Services industriels de Genève,Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, casepostale 1956, 1211 Genève 1. Marché public (adjudication; constatation de l'illicéité et réparation), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 6 septembre 2005. Faits: A.Au début du mois de juillet 2004, les Services industriels de Genève(ci-après: les Services industriels) ont fait paraître, dans la Feuilled'Avis Officielle du canton de Genève et sur internet, un appel d'offres enprocédure ouverte concernant un projet de remplacement des installations detraitement des rejets solides et liquides de l'usine d'incinération desCheneviers, à Genève. Le 8 octobre 2004, X.________ SA a déposé son offreauprès des Services industriels qui, par courrier du 21 mars 2005, l'ontinformée qu'ils avaient adjugé le marché en cause à Y.________ AG. B.X.________ SA a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Genève(ci-après: le Tribunal administratif) contre la décision d'adjudication desServices industriels du 21 mars 2005. Elle a demandé que le Tribunaladministratif annule la décision entreprise et ordonne aux Servicesindustriels de lui "adjuger les travaux de réaménagement des installations detraitements des rejets solides et liquides". Par décision du 13 avril 2005, le Président du Tribunal administratif arefusé de restituer l'effet suspensif au recours. Le 8 juin 2005, les Services industriels ont signé le contrat avecl'adjudicataire Y.________ AG. Le 16 juin 2005, le Tribunal administratif ena informé X.________ SA, en lui demandant si elle maintenait son recours. Le20 juin 2005, X.________ SA a fait savoir que tel était le cas. Par arrêt du 6 septembre 2005, le Tribunal administratif a déclaré le recoursirrecevable. Il a retenu qu'après la signature, le 8 juin 2005, du contratentre les Services industriels et Y.________ AG, le recours ne pouvait plusporter que sur le caractère illicite de la décision d'adjudication desServices industriels du 21 mars 2005 et, en cas d'illicéité, sur laréparation du dommage de X.________ SA, limitée "aux dépenses qu'elle auraitsubies en relation avec les procédures de soumission et de recours". Or,X.________ SA n'avait jamais pris de conclusions tendant à des dommages etintérêts quelconques, même après la signature du contrat précité. C.X.________ SA a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral contrel'arrêt du Tribunal administratif du 6 septembre 2005. Elle demande, soussuite de dépens, principalement, que le Tribunal fédéral annule l'arrêtattaqué, constate l'illicéité de la décision prise le 21 mars 2005 par lesServices industriels et réserve son droit "de faire valoir et de chiffrer sondroit en dommages-intérêts par devant l'autorité compétente";subsidiairement, elle demande qu'il annule l'arrêt entrepris et renvoie lacause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens desconsidérants. X.________ SA reproche au Tribunal administratif d'avoir violéles principes de l'interdiction de l'arbitraire (cf. art. 9 Cst.) et du droitd'être entendu (cf. art. 29 al. 2 Cst.). Elle se plaint aussi que lesServices industriels aient abusé de leur pouvoir d'appréciation. Le Tribunal administratif a renoncé à formuler des observations sur lerecours. Les Services industriels demandent au Tribunal fédéral, sous suitede frais et dépens, de débouter la recourante de toutes ses conclusions. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156). 1.1 Formé pour violation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 lettre aOJ), le présent recours de droit public n'est recevable, en principe, qu'àl'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale qui revêtentun caractère final (cf. art. 86 al. 1 et 87 OJ). Tel est bien le cas del'arrêt attaqué au regard des art. 15 de l'accord intercantonal du 25novembre 1994 sur les marchés publics, dans la version en vigueur pour lecanton de Genève (RO 1996 p. 1438), et 3 de la loi genevoise du 12 juin 1997autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur lesmarchés publics (cf. ATF 131 I 153 consid. 1.1 p. 156). 1.2 En vertu de l'art. 88 OJ, le recours de droit public exige, en principe,un intérêt juridique actuel et pratique à l'annulation de l'acte attaqué,respectivement à l'examen des griefs soulevés. Le Tribunal fédéral a déjàadmis qu'un soumissionnaire évincé avait incontestablement intérêt à ce quel'autorité intimée entre en matière sur son recours, même si le pouvoiradjudicateur avait déjà conclu le contrat avec l'adjudicataire. Dans un telcas en effet, le soumissionnaire évincé dispose encore d'un intérêtjuridiquement protégé à faire constater l'illicéité de la décisiond'adjudication afin de pouvoir, le cas échéant, agir en dommages et intérêtscontre l'adjudicateur (ATF 131 I 153 consid. 1.2 p. 157; 125 II 86 consid. 5bp. 97). Ainsi, après la signature du contrat entre les Services industriels etY.________ AG, X.________ SA ne pouvait plus que demander la constatation del'illicéité de l'adjudication et la réparation du dommage. X.________ SA aété interpellée sur la suite qu'elle comptait donner à son recours, après laconclusion le 8 juin 2005 dudit contrat, qui rendait sans objet sa demanded'annulation de l'adjudication. Le recours a été maintenu. Par arrêt duTribunal administratif du 6 septembre 2005, il a toutefois été déclaréirrecevable pour des motifs de procédure. La recourante a un intérêt actuel àcontester cet arrêt. Le présent recours ne peut cependant porter que sur laquestion de la recevabilité. C'est donc à tort que la recourante fait valoirsur le fond que l'adjudication était illicite et qu'elle a droit à desdommages et intérêts ou qu'en relation avec ses griefs de fond, elle allègueune violation de son droit d'être entendue. 2.La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir fait une applicationarbitraire du droit de procédure cantonale, en déclarant le recours cantonalirrecevable du fait qu'elle n'avait pas pris de conclusions en réparation dudommage. La question de la réparation du dommage et la procédure à suivre à cet égardressortissent à la compétence cantonale (Peter Galli/André Moser/ElisabethLang, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, Zurich/Bâle/Genève 2003, n.709 ss, p. 377 ss). Les cantons connaissent des systèmes différents; certainsont adopté une procédure en deux étapes, alors que d'autres ont intégré letraitement des dommages et intérêts dans la procédure de recours contre ladécision d'adjudication. Le canton de Genève fait partie de la secondecatégorie. Après la signature du contrat entre le pouvoir adjudicateur etl'adjudicataire, le Tribunal administratif ne reconnaît un intérêt au recoursque pour autant que le soumissionnaire évincé conclue à la constatation del'illicéité de l'adjudication et, surtout, prenne des conclusions quant à laréparation du dommage. C'est ainsi que, dans un arrêt du 26 octobre 2004 (cf.arrêt attaqué, consid. 3, p. 6), le Tribunal administratif a admis sacompétence pour statuer sur la demande de dommages et intérêts dusoumissionnaire évincé. Dans l'arrêt entrepris, le Tribunal administratifexige, sous peine d'irrecevabilité, qu'après la conclusion du contrat entrele pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, des conclusions en réparation dudommage soient expressément prises. Comme le Tribunal fédéral l'a jugé dansun arrêt récent (ATF 132 I 86, consid. 3.2 et 3.3), en pareille hypothèse, iln'est pas nécessaire que la partie recourante prenne des conclusionsexpresses en constatation de l'illicéité de l'adjudication, car cetteconclusion est déjà implicitement contenue dans celle en annulation de diteadjudication. Le tribunal saisi doit alors de toute façon statuer sur cetteconclusion, indépendamment de ce que des dommages et intérêts ont ou non déjàété réclamés. En ce qui concerne des dommages et intérêts, au-delà de lasimple constatation de l'illicéité de l'adjudication, et pour le cas oùpareille illicéité serait constatée, le droit cantonal peut exiger que lesoumissionnaire évincé chiffre sa prétention; à moins que les dispositionscantonales ne précisent les modalités, l'intéressé doit avoir l'occasion dequantifier et de motiver sa prétention (s'il ne l'a pas déjà faitantérieurement). 3.Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. Les Services industriels, qui succombent, doivent supporter les fraisjudiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et verser des dépens à larecourante (art. 159 al. 1 OJ). Le montant de ces dépens tiendra compte dufait qu'une grande partie de la motivation du recours concerne le fond et nonpas la seule question de procédure pouvant être contestée devant le Tribunalfédéral. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genèvedu 6 septembre 2005 est annulé. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des Servicesindustriels de Genève. 3.Les Services industriels de Genève verseront à la recourante une indemnité de1'500 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, auxServices industriels de Genève et au Tribunal administratif du canton deGenève. Lausanne, le 24 mai 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.307/2005
Date de la décision : 24/05/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-24;2p.307.2005 ?
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