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23/05/2006 | SUISSE | N°U.171/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 mai 2006, U.171/05


Cause {T 7}U 171/05 Arrêt du 23 mai 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffière : MmeFretz Helsana Assurances SA, Droit des sinistres Suisse Romande/Tessin, chemin dela Colline 12, 1000Lausanne 9, recourante, représentée par l'Etude de MesJean-Michel Duc, Didier Elsig et Marie-Chantal May, avenue de la Gare 1, 1003Lausanne, contre P.________, intimé, représenté par Me Olivier Carré, avocat, placeSt-François 8, 1003 Lausanne Tribunal cantonal des Assurances, Lausanne (Jugement du 3 mars 2005) Faits: A.P. ________ est sapeur-pompier de profession

et travaille au service deX.________. A ce titre, il est...

Cause {T 7}U 171/05 Arrêt du 23 mai 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffière : MmeFretz Helsana Assurances SA, Droit des sinistres Suisse Romande/Tessin, chemin dela Colline 12, 1000Lausanne 9, recourante, représentée par l'Etude de MesJean-Michel Duc, Didier Elsig et Marie-Chantal May, avenue de la Gare 1, 1003Lausanne, contre P.________, intimé, représenté par Me Olivier Carré, avocat, placeSt-François 8, 1003 Lausanne Tribunal cantonal des Assurances, Lausanne (Jugement du 3 mars 2005) Faits: A.P. ________ est sapeur-pompier de profession et travaille au service deX.________. A ce titre, il est assuré contre les accidents par LaSuisseAssurances (ci-après: La Suisse). Le 17 septembre 2003, l'intéressé a fait une chute en voulant escalader letoit d'une péniche. Eprouvant des difficultés à mouvoir son épaule ainsi quedes douleurs dans celle-ci, il a consulté la Permanence chirurgicaleY.________ le 23 septembre 2003. L'assureur-accidents a pris en charge lecas. Dans un rapport du 7 octobre 2003, le docteur S.________, radiologue FMHauprès de l'Institut d'imagerie médicale Z.________ SA a pratiqué unearthro-IRM de l'épaule droite de l'assuré. Il a posé le diagnostic detendinopathie des tendons des muscles sus et sous-épineux, déchirure dumuscle sous-scapulaire associée à une déchirure du ligament gléno-huméralmoyen. P. ________ a subi une opération le 15 janvier 2004, effectuée par lesdocteurs T.________ et G.________, chirurgiens orthopédistes de la Permanencechirurgicale Y.________, laquelle consistait en une réinsertion de la partiesupérieure du sous-scapulaire, une ténodèse du long chef du biceps (LCB) danssa gouttière, une exploration du sus-épineux ainsi qu'en une acromioplastiede l'épaule droite. L'assuré a repris son activité professionnelle à raison de 33 1/3 % à partirdu 3 mai 2004 et de 66 2/3 % dès le 26 juillet 2004. L'assureur-accident a confié un mandat d'expertise au docteur D.________,spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel a déposé son rapport le 6mai 2004. Il a notamment posé les diagnostics suivants: status huit moisaprès contusion du coude droit et probable entorse bénigne de l'épauledroite, tendinopathie dégénérative de la coiffe des rotateurs de l'épauledroite, status quatre mois après révision de la coiffe des rotateurs, sutured'une lésion profonde du tendon du muscle sous-scapulaire, ténodèse du LCB etacromioplastie de l'épaule droite.Dans ses conclusions, le docteur D.________ a nié toute relation de causaliténaturelle, à l'échéance d'une période maximale de six semaines, entre lachute du 17 septembre 2003 et les troubles, qui étaient selon luidégénératifs, constatés au niveau de l'épaule droite de l'intéressé et àl'origine de l'intervention chirurgicale du 15 janvier 2004. D'après cemédecin, l'événement accidentel, ayant tout au plus entraîné une entorsebénigne de l'épaule, a surtout révélé un état pathologique préexistant,avancé. Se fondant sur l'expertise du docteur D.________, La Suisse a mis un terme àses prestations à compter du 22 octobre 2003, au motif qu'à partir de cettedate, les troubles de santé de l'assuré n'étaient plus en lien de causaliténaturelle et adéquate avec l'accident du 17 septembre 2003 (décision du 17mai 2004). P. ________ ayant formé opposition à cette décision, en demandant la mise enoeuvre d'une contre-expertise, La Suisse l'a rejetée, par une nouvelledécision du 24 juin 2004, considérant que le statu quo sine devait êtrearrêté au 22 octobre 2003. B.P.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurancesdu canton de Vaud, en concluant implicitement à son annulation et à l'octroide toutes prestations légales. En cours de procédure, le recourant a produit une lettre du docteurT.________, du 15 juillet 2004. Contestant l'avis du docteur D.________, cemédecin explique que les altérations dégénératives décrites par l'arthro-IRMà la hauteur de l'articulation acromio-claviculaire constituent un phénomènedégénératif fréquent chez les jeunes, entraînant, lorsqu'elles semanifestent, des douleurs dans le trapèze et la nuque, beaucoup plus rarementdans le deltoïde. Ce n'est qu'en présence d'une arthrose avancée, avec forteostéophytose inférieure, que le tendon du sus-épineux sous jacent peut êtrelésé. Or, tel n'est pas le cas chez l'assuré, son épaule ayant étéparfaitement asymptomatique jusqu'à l'événement accidentel. Dans sa réponse du 21 septembre 2004, La Suisse a conclu au rejet du recourset s'est opposée à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise. Elle a produitun rapport d'expertise complémentaire du docteur D.________, établi le 2 août2004, dans lequel ce dernier maintient ses conclusions antérieures. P. ________ a répliqué en demandant derechef la mise en oeuvre d'uneexpertise médicale, le cas échéant l'audition de témoins. Il a conclu àl'annulation de la décision sur opposition du 24 juin 2004, en demandant quedes indemnités journalières lui soient allouées pour la période compriseentre l'accident et le 2 mai 2004 sur la base d'une incapacité de travail de100 %, puis du 3 mai au 25 juillet 2004 sur la base d'une incapacité de 67 %et du 26 juillet au 18 octobre 2004 sur la base d'une incapacité de 33 %. Dans sa duplique du 16 décembre 2004, La Suisse a maintenu ses conclusions. Par jugement du 3 mars 2005, le Tribunal des assurances a admis le recours,annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à La Suisse, pour qu'ellestatue conformément aux considérants. C.La Suisse interjette un recours de droit administratif contre ce jugementdont elle demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens,au rétablissement de sa décision sur opposition du 24juin 2004. A titresubsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la juridiction cantonale etla mise en oeuvre d'une expertise orthopédique. L'intimé conclut au rejet du recours, avec suite de dépens. L'Office fédéralde la santé publique n'a pas déposé d'observations. Considérant en droit: 1.La juridiction cantonale a exposé correctement les dispositions légales et lajurisprudence applicables au présent litige, de sorte qu'il suffit d'yrenvoyer sur ce point. 2.2.1En substance, les premiers juges ont retenu que la chute du 17septembre2003 a été le facteur déclenchant la rupture de la coiffe des rotateurs ayantnécessité l'intervention du 15 janvier 2004 et que les suites de cetteaffection, qui constitue une lésion assimilée à un accident au sens de l'art.9 al. 2 OLAA, doivent être prises en charge par l'assureur-accidents. 2.2 La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir conclu àl'existence de l'origine traumatique des lésions actuelles de l'assuré aumotif qu'avant l'accident, son épaule était asymptomatique et qu'il était enparfaite santé. Ce faisant, les premiers juges auraient tenu un raisonnementfondé sur le principe «post hoc ergo propter hoc». D'autre part, même si lalésion subie est à ranger dans la catégorie des lésions assimilées à unaccident, se pose la question de la réalisation des conditions de l'accident. 2.3 Pour sa part, l'intimé fait valoir que même en cas de lésion dégénérativepar une usure due au frottement du sus- et/ou du sous-épineux sur l'acromion- ce qu'il conteste toutefois dans son cas - celle-ci ne saurait expliquerune rupture spontanée du ligament du sous-scapulaire car ces deux ligamentssont situés en des endroits complètement différents de l'articulation del'épaule. 3.Il n'est pas contesté que l'intimé souffre d'une rupture de la coiffe desrotateurs, dont l'existence est attestée par l'ensemble des pièces médicalesse trouvant au dossier. En revanche, est litigieuse la question del'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'événement accidentel du17 septembre 2003 et l'affection de l'intimé à l'épaule droite, au-delà du 22octobre 2003. Pour y répondre, il convient d'examiner si la cause de lalésion peut être rapportée à un événement assimilable à un accident ou sielle est exclusivement d'origine dégénérative, comme le soutient larecourante. 4.Pour statuer, les premiers juges se sont référés à la jurisprudence relativeà la prise en charge, par l'assureur-accidents, des ruptures et déchirures dela coiffe des rotateurs de l'épaule (cf. ATF 123 V 43). Dans cet arrêt, leTribunal fédéral des assurances a considéré que la nouvelle pratique de laCNA - consistant à ne prendre en charge les suites d'une rupture de la coiffedes rotateurs de l'épaule qu'en présence d'un facteur extérieurextraordinaire - péchait contre la lettre et l'esprit de l'art. 9 al. 2 OLAA.En effet, la notion de "lésions assimilées à un accident", au sens de ladisposition réglementaire précitée, n'a pas pour but d'exclure du champd'application de la LAA les atteintes corporelles résultant de maladies ou deprocessus dégénératifs, mais plutôt d'atténuer en faveur de l'assuré lesrigueurs résultant de la distinction que le droit fédéral opère entre lamaladie et l'accident. Aussi, les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumerun risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe êtrecouvert par l'assurance-maladie. Ainsi, pour admettre l'existence d'un lien de causalité naturelle, il suffitque l'événement accidentel soit en partie à l'origine de l'atteinte à lasanté. Un état dégénératif ou morbide antérieur n'exclut pas l'existenced'une lésion corporelle assimilée à un accident, lorsque celle-ci est causéeou aggravée par un événement accidentel. Par ailleurs, les lésions évoquées àl'art. 9 al. 2 OLAA, let. a à h, doivent avoir eu une cause extérieure (unfacteur déclenchant), sans laquelle on ne saurait parler d'une atteinteassimilée à un accident.Dans ce sens, une rupture (ou une déchirure), totale ou partielle, de lacoiffe des rotateurs de l'épaule constitue une déchirure de tendons au sensde l'art. 9 al. 2 let. f OLAA. Elle est assimilée à un accident, même si ellen'a pas été causée par un facteur extérieur de caractère extraordinaire (ATF123 V 44-45 consid. 2b et les références). 5.5.1Dans son expertise, le docteur D.________ a conclu à une origine purementdégénérative de la lésion de la coiffe des rotateurs chez l'intimé. Ilexpliquait que non seulement l'âge de l'assuré mais également sa profession,laquelle supposait des travaux en hauteur, rendait ce dernier susceptible dedévelopper des lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs. Pour le docteur T.________, lequel a opéré l'assuré, l'accident survenu étaitparfaitement susceptible d'avoir entraîné les lésions observées à l'IRM ainsiqu'au cours de l'intervention du 15 janvier 2004. Il conclut que c'estl'événement accidentel qui a notamment entraîné la déchirure dusous-scapulaire, dont le corps musculaire était encore bien conservé, ce quiparlait en faveur d'une lésion récente. La question de savoir si l'intimé présentait ou non des affectionsdégénératives préexistantes à l'événement accidentel du 17septembre 2003peut rester ouverte en l'espèce dès lors qu'en vertu de la jurisprudenceprécitée, ce qui est déterminant, c'est le fait que la lésion ait étéprovoquée, du moins partiellement, par un événement dommageable soudain,involontaire et extérieur. 5.2 Pour la recourante, qui s'en remet aux conclusions du docteur D.________,le traumatisme subi par l'intimé (simple onde de choc transmise le long del'humérus) n'était pas réputé engendrer une lésion déterminante de la coiffedes rotateurs car la chute n'était pas violente et il n'y avait pas eu demouvement extrême de l'articulation. Selon la jurisprudence, le facteur dommageable extérieur peut consister en unévénement discret de la vie quotidienne. Il peut en particulier résulter d'unmouvement du corps, comme le fait de se relever de la position accroupie (ATF116 V 148 consid. 2c, 114 V 301 consid. 3c; RAMA 1988 no U 57 p. 374 consid.4b) ou un shoot manqué lors d'une partie de football (RAMA 1990 no U 112 p.375 consid. 3), à l'exception toutefois des lésions résultant desollicitations répétées tel les travaux avec un marteau ou une perceuse (ATFA1947 9 consid. b; Rumo-Jungo, pp. 28 ss, et les autres exemples cités). Dans sa description de l'événement accidentel du 17 septembre 2003, laquellen'est pas contestée par la recourante, l'intimé a indiqué qu'il avait glissésur le pare-brise d'un bateau-péniche, son coude droit venant heurter lacabine du bateau. Il avait alors ressenti une décharge dans son bras droit,ainsi que des douleurs dans la région oléocrânienne. L'événement décrit ayantsans aucun doute été soudain, involontaire et extérieur, on peut en conclure,au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'il a été le facteurdéclenchant la rupture du tendon du sous-scapulaire chez l'intimé (cf. ATF126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références citées). C'est en vain que la recourante fait valoir que les premiers juges auraienttenu un raisonnement fondé sur le principe «post hoc ergo propter hoc». Car,en relevant que l'épaule de l'intimé était asymptomatique avant letraumatisme subi, les premiers juges n'ont fait que retenir un indicesupplémentaire en faveur d'une origine partiellement traumatique des troublesconstatés chez l'intimé. Il s'ensuit que la responsabilité de la recourante est établie pour lessuites des lésions que le recourant a subies à la coiffe des rotateurs del'épaule droite au-delà du 21 octobre 2003. Il incombera à la recouranted'examiner à nouveau à partir de quelle date, postérieurement àl'intervention chirurgicale, le status quo sine/ante aura été atteint. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.La recourante versera à l'intimé la somme de 2'500fr. (y compris la taxe àla valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. Lucerne, le 23 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.171/05
Date de la décision : 23/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-23;u.171.05 ?
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