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22/05/2006 | SUISSE | N°4C.60/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 mai 2006, 4C.60/2006


{T 0/2}4C.60/2006 /ech Arrêt du 22 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Crittin. A. ________,demanderesse et recourante, représentée parMe Joanna Bürgisser, contre X.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Daniel Guggenheim. contrat de travail; harcèlement sexuel, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction desprud'hommes du canton de Genève du10 janvier 2006. Faits: A.A.a X.________ SA (défenderesse), de siège à Genève, est une société activedans le domaine de la gestion de f

ortune. Ses dirigeants sont B.________ et,dès août 2000, C.________...

{T 0/2}4C.60/2006 /ech Arrêt du 22 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.Greffière: Mme Crittin. A. ________,demanderesse et recourante, représentée parMe Joanna Bürgisser, contre X.________ SA,défenderesse et intimée, représentée par Me Daniel Guggenheim. contrat de travail; harcèlement sexuel, recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction desprud'hommes du canton de Genève du10 janvier 2006. Faits: A.A.a X.________ SA (défenderesse), de siège à Genève, est une société activedans le domaine de la gestion de fortune. Ses dirigeants sont B.________ et,dès août 2000, C.________. A.________ (demanderesse) a travaillé au sein decette société en tant que secrétaire à mi-temps dès le 1er février 1997. Enraison du déménagement de la société, elle a travaillé pour B.________personnellement; il s'agissait en réalité de prestations en faveur de ladéfenderesse. Dès le 1er octobre 1999, la demanderesse a repris son emploi à70% pour la défenderesse moyennant un salaire mensuel brut de 2500 fr., perçudouze fois l'an. Il n'y avait pas d'autres employés. A.b En septembre 2000, la demanderesse a perdu son ami. Elle a étéhospitalisée à la clinique de Crans-Montana pendant trois semaines. A sesdires, son hospitalisation était aussi due à ses problèmes relationnels avecson employeur, bien qu'aucune plainte n'ait été portée à cette époque. Poursa part, B.________ a fait état d'un changement de comportement de lademanderesse en lien avec cette période; l'employée serait devenue sensibleet pointilleuse en développant une aversion pour les hommes. Dans le courant de l'année 2003, la demanderesse a sollicité la planificationd'une discussion à trois auprès de C.________, dès lors qu'elle avait desgriefs à formuler quant à l'attitude de B.________. Ces griefs serapportaient à certaines tâches qu'elle ne voulait plus accomplir, sans qu'iln'ait été question d'attouchements ou de propos sexistes. Cette entrevue n'apas eu lieu, C.________ estimant que le comportement de son collègue étaitadéquat. La demanderesse n'a alors pas insisté. A partir du 1er février 2004, la demanderesse a été mise au bénéfice dedifférents certificats médicaux attestant d'une incapacité totale detravailler. Le 4 février 2004, elle adressait au Procureur général une lettrede dénonciation, dans laquelle elle se plaignait des propos tenus parB.________, des courses personnelles qu'il lui imposait de faire etd'attouchements. Aucune suite n'a été donnée à cette dénonciation. Parcourrier du 24 février 2004, la demanderesse écrivait, par l'intermédiaire desa mandataire, à la défenderesse pour lui faire part de ses plaintes au sujetdu harcèlement sexuel et en lui demandant de prendre les mesures nécessaires. A.c Après avoir reçu un premier congé le 4 mars 2004 pour le 31 mai 2004,soit pendant son incapacité de travailler pour cause de maladie, lademanderesse a été licenciée par courrier du 1er avril 2004 pour le 30 juin2004, avec dispense de travailler. Ce licenciement est intervenuconséquemment à la prise de connaissance des griefs allégués dans la lettrede dénonciation susmentionnée, griefs que la défenderesse estimait commetotalement infondés. B.L'atmosphère au sein de la société défenderesse était familiale, amicale etdétendue. Les parties se tutoyaient, prenaient régulièrement des déjeuners encommun, même des vacances ensemble. La demanderesse jouait souvent de lamusique au bureau et, le mercredi, venait accompagnée de ses enfants. Les témoignages recueillis ont mis en exergue la personnalité joviale deB.________, qui aimait beaucoup rigoler, faire de l'humour et régulièrementdes jeux de mots, sans pour autant s'adonner à des blagues salaces. L'usagede mots ou de plaisanteries déplacées émanant de B.________ n'a pas étédémontré. Dès le début des relations de travail, B.________ appelait sa collaboratricepar son prénom, ou par d'autres termes, tels que "ma petite", "ma grande","chouchou", "ma chérie", "ma petite A.________". Il lui a aussi demandé defaire des courses personnelles relevant plutôt du service rendu que de tâchesdégradantes. L'existence d'insultes, de commentaires sexistes et grossiersprovenant de l'employeur n'a pas été établie, pas plus que de quelconquesgestes équivoques. C.Après s'être opposée au congé par courrier du 27 avril 2004, la demanderessea, le 3 mai 2004, déposé une demande au greffe de la juridiction desprud'hommes du canton de Genève. Elle concluait à la condamnation de ladéfenderesse à lui verser les sommes de 32'502 fr. à titre d'indemnité pourharcèlement sexuel et de 15'000 fr. à titre d'indemnité pour congéreprésailles, le tout avec intérêt à 5% l'an dès le 3 mai 2004. En substance, le Tribunal a admis que B.________ a violé ses obligationsd'employeur prévues à l'art. 328 CO. Il a considéré qu'en faisant usage depetits noms pour s'adresser à la demanderesse, B.________ a dépassé leslimites de ce qu'elle entendait tolérer et que, partant, les conditions desart. 4 et 5 de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24mars 1995 (RS 151.1; LEg) étaient réalisées. Ainsi, la défenderesse a étécondamnée à verser à la demanderesse la somme de 16'251 fr., soitl'équivalent de trois mois de salaire moyen suisse. Estimant par ailleursqu'il y avait eu congé représailles, la juridiction des prud'hommes a allouéà la demanderesse une indemnité de 15'000 fr., correspondant à six mois desalaire. D.La Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a été saisie à la fois d'unappel et d'un appel incident, le premier interjeté par la défenderesse et, lesecond, par la demanderesse. Après avoir déclaré les deux appels recevables àla forme, l'autorité cantonale a, au fond, annulé le jugement entrepris et,statuant à nouveau, condamné la défenderesse à verser à la demanderesse lasomme de 15'000 fr., plus intérêt moratoire à 5% l'an dès le 3 mai 2004, etrejeté toutes autres conclusions. La Cour d'appel a considéré que l'existenced'un harcèlement sexuel n'a pas été établie. Elle a en revanche admis lecaractère abusif du licenciement et retenu que, compte tenu des circonstancesdu cas d'espèce, c'est à juste titre que l'instance inférieure a accordé uneindemnité équivalant à six mois de salaire. E.La demanderesse exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contrel'arrêt précité, requérant qu'il soit confirmé en tant qu'il condamne ladéfenderesse à lui verser la somme nette de 15'000 fr., avec intérêtmoratoire, mais qu'il soit réformé en tant qu'il déboute les parties detoutes autres conclusions. Elle invite le Tribunal fédéral à condamner ladéfenderesse à lui verser 32'502 fr. à titre d'indemnité pour harcèlementsexuel, avec intérêt moratoire à 5% l'an dès le 3 mai 2004, et à rejetertoutes autres ou contraires conclusions, sous suite de dépens. Lademanderesse requiert l'octroi de l'assistance judiciaire. La défenderesse conclut au rejet du recours et de toutes autres conclusions,sous suite de dépens. F.La défenderesse interjette également un recours en réforme contre l'arrêtcantonal. Elle demande la réforme du jugement, dans le sens où elle n'est pasdébitrice de la demanderesse de 15'000 fr., plus intérêt à 5% l'an dès le 3mai 2004, et le rejet de toutes les conclusions de la partie adverse. A titretrès subsidiaire, elle requiert que l'indemnité pour licenciement abusifoctroyée soit équitablement réduite pour n'équivaloir qu'à deux mois desalaire, au maximum. La demanderesse conclut au rejet du recours et de toutes autres conclusions.Elle sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire s'agissant de laréponse audit recours en réforme. G.Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit publicdéposé par la demanderesse parallèlement au recours en réforme. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjetés tant par la demanderesse que par la défenderesse, qui onttoutes deux partiellement succombé dans leurs conclusions - condamnatoirespour la première et libératoires pour la seconde -, et dirigés contre unedécision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunalsupérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeurlitigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), les recours en réformedéposés par les deux parties sont en principe recevables puisqu'ils ont étédéposés en temps utile (art. 54 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c). Hormis cesexceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Recours en réforme de la demanderesse 2.La demanderesse fait tout d'abord état de deux inadvertances manifestes dansla constatation des faits. 2.1 La jurisprudence n'admet l'existence d'une inadvertance manifeste,susceptible d'être rectifiée d'office par le Tribunal fédéral en applicationde l'art. 63 al. 2 OJ, que lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre enconsidération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue,s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai senslittéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b). La rectification d'une inadvertance manifeste n'a de sens que si laconstatation erronée porte sur un fait pertinent pour l'issue du litige (cf.ATF 95 II 503 consid. 2a; Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunalfédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 66). 2.2 D'une part, la demanderesse critique la constatation de la courcantonale, qui relate que la lettre de dénonciation a été adressée auProcureur général un jour avant le 24 février 2004. En réalité, ladénonciation date du 4 février 2004. Le grief tombe à faux, dès lors que l'inadvertance relevée - certes à justetitre - ne revêt pas une importance décisive pour l'issue du litige. Parailleurs, l'instance cantonale indique au considérant 5 de son arrêt que lademanderesse s'est plainte pour la première fois en février 2004, lorsqu'ellea saisi le Procureur général d'une dénonciation. Dès lors que cette donnéetemporelle inclut le 4 février 2004, il est sans pertinence que le jugementattaqué retienne "un jour avant" le 24 février 2004 au lieu du 4 février2004. 2.3 D'autre part, la demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir retenupar inadvertance manifeste qu'elle-même avait développé une aversion pour leshommes depuis l'an 2000. Le moyen est dénué de fondement. En effet, l'instance inférieure n'a pasconstaté le fait en question, mais a simplement relaté le point de vue del'employeur en lien avec l'hospitalisation de la demanderesse en septembre2000, raison pour laquelle le discours indirect ("elle serait devenue ...") aété utilisé. Cela étant, aucune inadvertance manifeste ne peut être retenue. 3.La demanderesse fait grief à la Cour d'appel d'avoir violé les art. 328 CO et4 de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, du 24 mars 1995(RS 151.1; LEg), en ayant dénié l'existence d'attouchements sexuels. 3.1 Aux termes de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dansles rapports de travail, la personnalité du travailleur; il manifeste leségards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. Enparticulier, il veille à ce que les travailleurs ne soient pas harceléssexuellement et qu'ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raisonde tels actes. La mention expresse de la protection contre le harcèlementsexuel a été complétée lors de l'introduction de la LEg (ATF 126 III 395consid. 7b/aa; sur l'étendue du devoir de protection de l'employeur, cf. ég.ATF 132 III 257 consid. 5). Les remarques sexistes et les commentairesgrossiers ou embarrassants entrent dans la définition du harcèlement sexuel.Bien que l'art. 4 LEg ne se réfère qu'à des cas d'abus d'autorité, ladéfinition englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soitégalement ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, parexemple des plaisanteries déplacées (ATF 126 III 395 consid. 7b/aa et lesréférences citées; arrêt 4C.187/2000 du 6 avril 2001, consid. 2a). Le faitque l'employée qui se plaint de harcèlement ait elle-même eu recours au mêmevocabulaire ne saurait en principe justifier l'admission par l'employeur deremarques sexistes, grossières ou embarrassantes, en particulier de la partd'un supérieur hiérarchique dont le comportement peut déteindre sur celui deses subordonnés, sous réserve de l'hypothèse où un tel langage aurait étéutilisé dans un contexte a priori personnel, comme des messages échangésentre collègues de travail (ATF 126 III 395 consid. 7d; arrêt 4C.276/2004 du12 octobre 2004, consid. 3.1).3.2 Dans la mesures où, pour démontrer l'existence d'actes de harcèlementsexuel, la demanderesse se fonde sur des faits non constatés par lajuridiction cantonale, ses critiques ne sont pas admissibles (ATF 130 III 102consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c). 3.3 Selon les faits retenus dans l'arrêt attaqué, il régnait dansl'entreprise un climat décontracté, qui a tissé des liens personnels et quasiamicaux entre les parties. Celles-ci se tutoyaient, prenaient régulièrementdes déjeuners en commun, même des vacances ensemble. La demanderesse jouaitsouvent de la musique au bureau et, le mercredi, venait accompagnée de sesenfants. En définitive, une ambiance familiale, qui convenait à tout lemonde, existait au sein de la société.Au regard de l'ensemble de ces éléments - dûment arrêtés par l'instanceinférieure -, le fait que B.________ ait appelé la demanderesse par sonprénom ou par d'autres termes, comme "ma petite" ou "ma grande" ne permet pasà lui seul de conclure à l'existence d'un harcèlement sexuel (cf. arrêt4C.276/2004 du 12 octobre 2004, consid. 3.2). Cette considération s'imposed'autant plus que la demanderesse s'est, durant plusieurs années, occupéed'affaires privées de B.________. Pour le surplus, la demanderesse remet encause l'appréciation des preuves faite par l'autorité cantonale - ce qui estexorbitant du recours en réforme -, tout en basant son argumentation sur desfaits non établis à satisfaction, qui ont résisté au grief d'arbitrairesoulevé dans le recours de droit public parallèle (cf. arrêt connexe4P.48/2006 du 22 mai 2006, consid. 3) et sur lesquels la demanderesse nesaurait valablement prendre appui. Par conséquent, la Cour d'appel n'a pasviolé les art. 328 CO et 4 LEg, en niant l'existence d'un harcèlement sexuel. 4.La demanderesse se plaint également d'une violation de l'art. 5 al. 3 LEg.
Ason sens, les magistrats cantonaux ne lui ont - à tort - pas accordé dedédommagement, lors même que l'employeur n'a pas pris les mesuresnécessaires, mais au contraire a créé l'ambiance familiale susdécrite,laquelle a favorisé le comportement à caractère sexuel litigieux. 4.1 Selon l'art. 5 al. 3 LEg, lorsque la discrimination porte sur un cas deharcèlement sexuel, le tribunal peut condamner l'employeur à verser autravailleur une indemnité, à moins que l'employeur ne prouve qu'il a pris lesmesures que l'expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances etque l'on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettrefin. L'indemnité due sera fixée compte tenu de toutes les circonstances etsera calculée sur la base du salaire moyen suisse (arrêt 4C.187/2000 du 6avril 2001, consid. 2a). 4.2 Comme relevé précédemment, aucun comportement à caractère sexuel au sensde l'art. 4 LEg n'a pas été démontré. Dans la mesure où l'application del'art. 5 al. 3 LEg - dont il est fait état - nécessite l'existence d'unediscrimination fondée sur un harcèlement sexuel, le grief est d'emblée malfondé. 5.Partant, le recours de la demanderesse ne peut qu'être rejeté. Recours en réforme de la défenderesse 6.La défenderesse fait état d'une violation des art. 2 CC, 1 et 334ss CO. Ellesoutient que l'instance cantonale a retenu, à tort, que les parties n'avaientpas à l'esprit une résiliation d'un commun accord et en veut pour preuve lecontenu de la correspondance de la demanderesse du 29 mars 2004 et de laréponse qui a fait suite. Par son courrier, la demanderesse informait sonemployeur qu'elle retrouvait totalement sa capacité de travail à compter du 2avril 2004 et lui demandait de confirmer la résiliation de son contrat detravail avec dispense de travailler. Le 1er avril 2004, la défenderesseacceptait de renotifier un congé conformément aux souhaits de l'employée. Enprocédant ainsi, elle accédait à l'offre de la demanderesse de mettre find'un commun accord au contrat de travail qui les unissait. 6.1 La cour cantonale a retenu qu'il n'y a pas eu de discussions ou denégociations tant s'agissant de la résiliation que du règlement des effets dece congé. Il ressort des actes de la cause que les parties ont certes toutesdeux utilisé l'expression de confirmer le congé déjà donné. La Cour d'appel atoutefois estimé, toujours au regard des éléments du dossier, que les partiesn'avaient pas à l'esprit une résiliation d'un commun accord, sinon ellesl'auraient négociée et utilisé d'autres termes que la seule confirmation del'intention de l'employeur de licencier son employée. 6.2 Ce raisonnement n'est pas sujet à critique. D'après la doctrine et lajurisprudence, l'accord entre les parties de mettre un terme au contrat detravail les liant doit être interprété restrictivement et ne peut constituerun contrat de résiliation conventionnelle que dans des circonstancesexceptionnelles, notamment lorsqu'est établi sans équivoque la volonté desintéressés de se départir du contrat (arrêt 4C.27/2002 du 19 avril 2002,consid. 2 et l'arrêt cité; Ullin Streiff/Adrian von Kaenel, Arbeitsvertrag,6e éd. Zurich 2006, p. 604 et les références). La juridiction cantonale aposé que le premier congé notifié à la demanderesse le 4 mars 2004 est nul,car donné pendant l'incapacité de travailler pour cause de maladie del'employée. Dès que la demanderesse a recouvré la santé, elle a demandé à sonemployeur de lui notifier un nouveau congé pour le 30 juin 2004, avecdispense de travailler. L'instance inférieure a considéré que la terminologieutilisée par la demanderesse ne permettait pas de conclure que celle-ci avaitl'intention d'inviter la partie adverse à mettre fin d'une manièreconventionnelle à leurs relations de travail. Elle a, tout au plus, relevé lavolonté de la demanderesse d'accepter la résiliation préalable del'employeur, ce qui ne permet pas encore de conclure à l'existence d'unerésiliation d'un commun accord (arrêt 4C.27/2002 du 19 avril 2002, consid.2). L'absence de toute négociation, voire de concession réciproque, entre lesparties ne peut que conduire au même résultat, ce à plus forte raison que ladéfenderesse a, le 1er avril 2004, simplement confirmé le premier - mais denuls effets - congé donné, cette fois pour le 30 juin 2004. Par conséquent,c'est à bon droit que l'instance cantonale a considéré que les partiesn'avaient pas à l'esprit une résiliation d'un commun accord. Le grief deviolation des art. 1 et 334ss CO ne peut donc qu'être rejeté. 6.3 S'agissant de l'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) égalementinvoqué par la défenderesse, il est de jurisprudence que seules descirconstances tout à fait exceptionnelles permettent à l'employeur de s'enprévaloir (ATF 129 III 618 consid. 5.2; 110 II 168 consid. 3c). Or, de tellescirconstances ne sont en l'état pas réalisées. Ainsi, le grief n'est pasfondé. 7.La défenderesse soutient encore que l'arrêt attaqué enfreint les art. 336 al.1 let. d et 321a CO, dans la mesure où les magistrats cantonaux ont considéréque le congé signifié à la demanderesse est un congé représailles. Du pointde vue de la défenderesse, la demanderesse a violé d'une manière grave sondevoir de fidélité, en dénonçant des faits infondés auprès du Procureurgénéral. Cette violation aurait pu justifier un licenciement immédiat. Elleajoute que la demanderesse a fait preuve d'une mauvaise foi crasse enaccusant à tort B.________ d'attouchements sexuels, alors qu'elle ne pouvaitignorer que ces faits étaient inexacts, ce qui exclut l'application de l'art.336 al. 1 let. d CO. L'attitude de la demanderesse consistant à demander, àl'issue de sa période de maladie, la confirmation de son congé pour pouvoiren déduire des prétentions juridiques, relève également, à son sens, de laplus parfaite mauvaise foi. 7.1 Aux termes de l'art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu'ilest donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foides prétentions résultant du contrat de travail. Cette disposition vise lecongé de représailles ou congé-vengeance (Christiane Brunner/Jean-MichelBühler/Jean-Bernard Waeber/Christian Bruchez, Commentaire du contrat detravail, 3e éd. Lausanne 2004, n. 7 ad art. 336 CO) et tend en particulier àempêcher que le licenciement soit utilisé pour punir le salarié d'avoir faitvaloir des prétentions auprès de son employeur en supposant de bonne foi queles droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis (arrêt4C.171/1993 du 13 octobre 1993, in SJ 1995 I 797, consid. 2; 4C.262/2003 du 4novembre 2003, consid. 3.1). En principe, la bonne foi du travailleur estprésumée (art. 3 al. 1 CC; arrêt 4C.336/1990 du 4 mars 1991, consid. 1c, inJAR 1992 p. 357; Adrian Staehlin/Frank Vischer, Commentaire zurichois, n. 24ad art. 336 CO; Marie-Gisèle Zoss, La résiliation abusive du contrat detravail, thèse, Lausanne 1997, p. 214) et il importe peu que les prétentionsinvoquées de bonne foi soient réellement fondées (arrêt 4C.10/2002 du 9juillet 2002, consid. 3.2, in Pra 2003 n. 52 p. 260). S'il n'est pasnécessaire que les prétentions émises par le travailleur aient été seules àl'origine de la résiliation, il doit s'agir néanmoins du motif déterminant.En d'autres termes, ce motif doit avoir essentiellement influencé la décisionde l'employeur de licencier; il faut ainsi un rapport de causalité entre lesprétentions émises et le congé signifié au salarié (arrêt 4C.27/1992 du 30juin 1992, in SJ 1993 I 360, consid. 3a). L'incidence respective des diversmotifs de résiliation en concours est une question qui relève de la causaliténaturelle (ATF 130 III 699 consid. 4.1). Sous réserve des cas où le juge aignoré cette exigence ou méconnu cette notion juridique (arrêt 4C.281/2004 du9 novembre 2004, in SJ 2005 I 221, consid. 2.3; ATF 125 IV 195 consid. 2b),la causalité naturelle relève du fait, de sorte qu'elle ne peut être revuedans le cadre d'un recours en réforme (ATF 130 III 699 consid. 4.1). Il en vade même des motifs de congé retenus (ATF 130 III 699 consid. 4.1; 127 III 86consid. 2a in fine; arrêt 4C.50/2005 du 16 juin 2005, consid. 3.1).7.2 Selon l'état de fait cantonal - qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al.2 OJ) -, la demanderesse, par l'intermédiaire de sa mandataire, écrivait, le24 février 2004, à la défenderesse pour faire part de ses reproches au sujetdu harcèlement sexuel et pour lui demander de prendre les mesuresnécessaires. Après avoir pris connaissance des faits allégués dans la lettrede dénonciation adressée au Procureur général, la défenderesse a licencié sonemployée. La cour cantonale a estimé que la défenderesse aurait dû prendre enconsidération - indépendamment du fait de savoir si les griefs avancésétaient ou non justifiés - que la demanderesse désirait un changement decomportement de la part de B.________. Elle avait d'ailleurs exprimé lesouhait de discuter avec ses supérieurs en novembre 2003. Au lieu d'essayerde comprendre la raison qui motivait la démarche de son employée, ladéfenderesse a préféré mettre un terme à la relation contractuelle qui lesliait. Ce faisant, les magistrats cantonaux ont considéré que l'employeur adonné un congé de représailles. 7.3 La Chambre d'appel a arrêté, comme motif de licenciement, les reprochesde harcèlement sexuel se rapportant à B.________, dénoncés auprès duProcureur général, de même que l'injonction faite à l'employeur de prendreles mesures qui s'imposaient. Ainsi, il ne fait nul doute que la demanderessefaisait valoir une prétention issue du contrat de travail, puisqu'elleexigeait notamment de son employeur qu'il fasse application de son devoird'assistance. Au demeurant, que le grief de harcèlement sexuel n'ait pasabouti dans le cadre de la présente procédure, ne signifie pas encore quecette critique a été soulevée en violation du devoir de fidélité del'employée, voire du principe de la bonne foi. Cette considération s'imposed'autant plus qu'il ressort des faits de la cause que la défenderesse n'anullement essayé de comprendre les motifs soulevés par la demanderesse, maiss'est au contraire empressée de réagir en la licenciant. Compte tenu de ces éléments, la cour cantonale a jugé, conformément à l'art.336 al. 1 let. d CO, que le licenciement était abusif. 8.A titre très subsidiaire, la défenderesse estime que la Cour d'appel a violél'art. 336a CO en ayant octroyé une indemnité de six mois de salaire à lademanderesse. 8.1 La partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre uneindemnité (art. 336a al. 1 CO). Celle-ci est fixée par le juge, compte tenude toutes les circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montantcorrespondant à six mois de salaire du travailleur. Sont réservés lesdommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre (art. 336a al. 2CO). L'indemnité prévue à l'art. 336a CO a une double finalité, punitive etréparatrice, quand bien même elle ne consiste pas en des dommages-intérêts ausens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouveaucun dommage; revêtant un caractère sui generis, elle s'apparente à la peineconventionnelle. Le juge fixe l'indemnité en équité en fonction de toutes les circonstances(art. 4 CC; ATF 132 III 243 consid. 5.2; 123 III 391 consid. 3c); il doitnotamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, d'uneéventuelle faute concomitante du travailleur, de la manière dont s'estdéroulée la résiliation, de la gravité de l'atteinte à la personnalité dutravailleur licencié, de la durée des rapports de travail, de leurétroitesse, des effets économiques du licenciement, de l'âge du travailleur,d'éventuelles difficultés de réinsertion dans la vie économique et de lasituation économique des parties (ATF 123 III 391 consid. 3 et les arrêtscités; arrêt 4C.177/2003 du 21 octobre 2003, consid. 3.5; 4C.86/2001 du 28mars 2002, consid. 1a; 4C.310/1998 du 8 janvier 1999, in SJ 1999 I 277,consid. 3c). Le montant de l'indemnité est fixé librement par le juge; le pouvoird'appréciation qui est reconnu de la sorte à l'autorité cantonale conduit leTribunal fédéral à ne pas substituer sa propre appréciation à celle del'instance inférieure. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sansraison sérieuse des règles établies par la doctrine et la jurisprudence enmatière de libre appréciation ou s'appuie sur des faits qui, en l'occurrence,ne devaient jouer aucun rôle ou encore ne tient, au contraire, pas compted'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; le Tribunalfédéral sanctionnera, en outre, les décisions rendues en vertu d'un pouvoird'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injusteou à une iniquité choquante (ATF 121 III 64 consid. 3c et les références). 8.2 La Cour d'appel a justifié l'octroi d'une indemnité équivalant à six moisde salaire, sur la base de la durée - sept ans - des relationscontractuelles, ainsi que sur le fait que les parties entretenaient desrelations quasi amicales, que la demanderesse est divorcée et qu'elle n'a pasretrouvé d'emploi. 8.3 Une telle argumentation pour légitimer l'octroi de l'indemnité maximaleapparaît pour le moins succincte. Fait notamment défaut une quelconquemention de la faute des parties. Cela étant, il ressort néanmoins de lamotivation relative au licenciement abusif que les magistrats cantonaux ontreproché à la défenderesse d'avoir refusé tout dialogue avec la demanderesseet de ne pas avoir essayé de comprendre les critiques formulées à sonencontre. En lieu et place, elle a préféré licencier la demanderesse,employée de longue date de la société. Aucun comportement fautif n'a étéretenu à la charge de la demanderesse, ce même si le grief d'harcèlementsexuel n'a pas été établi à satisfaction. Force est toutefois de constater,en accord avec la défenderesse, que l'instance cantonale a omis de prendre encompte, dans son appréciation, la dénonciation faite auprès du Procureurgénéral. Il s'agit donc manifestement d'un cas limite, que le Tribunalfédéral ne revoit que sous l'angle de son pouvoir d'intervention restreint.Parmi les critères sur lesquels s'est fondée l'autorité cantonaleapparaissent l'ancienneté de la demanderesse dans la société défenderesse, demême que sa situation sociale et économique difficile après le licenciement,puisqu'elle s'est retrouvée sans emploi. La prise en considération de ceséléments n'est pas sujette à critique, dès lors les conséquences économiquesd'un licenciement font notamment partie des circonstances à examiner (ATF 123III 391 consid. 3c; Manfred Rehbinder/Wolfgang Portmann, Commentaire bâlois,n. 3 ad art. 336a CO). L'argumentation de l'instance inférieure reste doncdans les limites fixées par la jurisprudence. L'appréciation des magistratscantonaux repose sur des motifs matériels fondés et n'aboutit pas à unrésultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante. En tous les cas,la défenderesse ne démontre pas le contraire. La Cour d'appel n'a donc pasabusé de son large pouvoir d'appréciation, bien qu'il s'agisse d'un caslimite. Partant, le grief de violation
de l'art. 336a CO se révèle infondé. 9.Les considérants qui précèdent commandent le rejet du recours. 10.10.1Dans la mesure où le recours en réforme interjeté par la demanderesse aété rejeté, le même sort doit être réservé à sa requête d'assistancejudiciaire, faute de chances de succès (art. 152 al. 1 et 2 OJ). Par contre,s'agissant de la réponse déposée par la demanderesse dans le cadre du recoursen réforme de la partie adverse, l'assistance judiciaire lui est accordée. 10.2 La procédure est gratuite (art. 12 al. 2 LEg en lien avec l'art. 343 al.3 CO). 10.3 Les deux parties succombent dans leur recours respectif, la demanderesseà concurrence de quelque 30'000 fr. et la défenderesse à concurrence de15'000 francs. Dans ces conditions, il se justifie de répartir les dépens desparties, à raison de deux tiers à la charge de la demanderesse et d'un tiersà celle de la défenderesse. Sur la base de dépens globaux, estimés à 3'000fr., les dépens de la demanderesse s'élèvent donc à 1'000 fr. et ceux de ladéfenderesse à 2'000 francs. Après compensation, la demanderesse versera à ladéfenderesse une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. Ainsi, les dépens dont pouvaient prétendre la demanderesse (1'000 fr.) ontété éteints par compensation. Dans la mesure où, selon la pratique, une tellecompensation équivaut à une impossibilité de recouvrement au sens de l'art.152 al. 2 OJ, l'avocate de la demanderesse a droit, à titre d'honoraires pourla réponse au recours en réforme de la partie adverse, à une indemnité de1'000 fr., qui sera versée par la Caisse du Tribunal fédéral. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.La demande d'assistance judiciaire de la demanderesse est rejetée pour laprocédure du recours en réforme déposé par elle-même et admise pour laprocédure du recours en réforme déposé par la défenderesse. 2.Le recours de la demanderesse est rejeté. 3.Le recours de la défenderesse est rejeté. 4.Il n'est pas perçu de frais de justice. 5.La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 1'000 fr. à titrede dépens. 6.La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Joanna Bürgisser, avocate, uneindemnité de 1'000 fr. à titre d'honoraires. 7.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 22 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.60/2006
Date de la décision : 22/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-22;4c.60.2006 ?
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