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19/05/2006 | SUISSE | N°H.12/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mai 2006, H.12/05


Cause {T 7}H 12/05 Arrêt du 19 mai 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,recourante, contre 1. D.________, France, 2. V.________, France, intimés,tous les deux représentés par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue duRhône 100, 1204 Genève Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 9 novembre 2004) Faits: A.V. ________, née en 1962, et son époux D.________, né en 1940, tous deuxressortissants suisses, étaient affil

iés à la Caisse cantonale genevoise decompensation (ci-après : ...

Cause {T 7}H 12/05 Arrêt du 19 mai 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Moser-Szeless Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,recourante, contre 1. D.________, France, 2. V.________, France, intimés,tous les deux représentés par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue duRhône 100, 1204 Genève Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 9 novembre 2004) Faits: A.V. ________, née en 1962, et son époux D.________, né en 1940, tous deuxressortissants suisses, étaient affiliés à la Caisse cantonale genevoise decompensation (ci-après : la caisse) en tant que personnes sans activitélucrative. Le 14 juin 2000, ils ont définitivement quitté la Suisse pours'installer en France. La caisse leur a envoyé à leur nouvelle adresse desacomptes pour les cotisations dont ils se sont régulièrement acquittés. Le 28 mars 2003, la caisse a informé les époux D.________ et V.________qu'elle avait pris note de leur départ de Genève au 14 juin 2000 et qu'àpartir de cette date, ils n'étaient plus assurés obligatoirement à l'AVS.Elle a par ailleurs indiqué qu'elle procéderait en conséquence auremboursement des cotisations versées et à la liquidation de leur dossier. Le15 avril suivant, les époux D.________ et V.________ se sont adressés à laCaisse suisse de compensation en requérant que soit effectué un calculapproximatif de leurs rentes futures et en lui demandant pour quelle raisonon ne leur avait pas proposé d'adhérer «à la Caisse facultative des suissesde l'étranger». En réponse, la Caisse suisse leur a envoyé un formulaire pourle calcul, ainsi que le mémento 10.02 sur l'assurance-vieillesse, survivantset invalidité facultative. Le 29 janvier 2004, les époux D.________ et V.________ ont, parl'intermédiaire de leur conseil, requis de la caisse genevoise leuraffiliation à l'AVS/AI facultative depuis le 14 juin 2000. A titresubsidiaire, ils ont demandé que leur courrier soit admis comme oppositionformée en temps utile contre la décision du 28 mars 2003, voire, à titre plussubsidiaire encore, qu'une nouvelle décision formelle leur soit notifiée. Ilsinvoquaient avoir pris contact par téléphone avec un collaborateur de lacaisse à réception de la décision du 28 mars 2003 pour s'y opposer et quecelui-ci leur avait déconseillé de former opposition puisqu'ils n'exerçaientpas d'activité lucrative en Suisse. Considérant qu'il s'agissait là d'uneviolation du principe de la bonne foi, ils reprochaient à la caisse d'avoirenfreint ses devoirs d'informations et de conseils et sollicitait qu'elle«répare le dommage causé» en les affiliant à l'AVS/AI à titre facultatif.Considérant que cette écriture constituait une action en responsabilité, lacaisse a, par décision du 11 mai 2004, rejeté celle-ci, au motif que lapreuve d'un comportement illicite de ses services ne pouvait être apportée. B.Saisi d'un recours formé par V.________ et D.________ contre cette décision,le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton deGenève l'a admis par jugement du 9 novembre 2004; considérant que lesconditions de la protection de la bonne foi étaient remplies et que lesrecourants pouvaient de ce fait prétendre à une affiliation rétroactive àl'assurance facultative dès le mois de juillet 2000, il a renvoyé la cause àla caisse pour qu'elle examine si les conditions d'une telle affiliation sontréalisées. C.La caisse interjette un recours de droit administratif dans lequel elleconclut à l'annulation du jugement cantonal; elle demande au Tribunal fédéraldes assurances de dire que le fait d'invoquer la bonne foi est tardif etabusif, et de rejeter l'action en responsabilité. Les époux D.________ et V.________ concluent au rejet du recours. De soncôté, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. D.Le 23 août 2005, les époux D.________ et V.________ ont fait parvenir auTribunal fédéral des assurances un échange de courriers avec la Caisse suissede compensation relatifs à l'ouverture du droit à la rente de vieillesse deD.________. Considérant en droit: 1.1.1 La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner àexaminer si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris parl'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faitspertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ouincomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2OJ). 1.2 Il n'y a pas lieu de prendre en considération les pièces produites parl'intimé le 23 août 2005, soit bien après la fin de l'échange d'écritures(cf. ATF 127 V 353). Au demeurant, elles concernent des faits postérieurs aumoment déterminant pour apprécier la légalité de la décision litigieuse, sibien qu'elles n'ont pas à être prises en compte (cf. ATF 129 V 4 consid. 1.2,121 V 366 consid. 1b). 2.Par écriture datée du 29 janvier 2004, les intimés se sont adressés à laCaisse cantonale genevoise de compensation en demandant principalement à êtreaffiliés à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité à titrefacultatif dès le 14 juin 2000. Subsidiairement, dans la mesure où ilsconcluaient à ce que leur écriture soit admise comme opposition formée entemps utile contre la décision du 28 mars 2003, ils sollicitaient larestitution du délai d'opposition contre celle-ci. En réponse, la caisse a, dans la décision entreprise, indiqué considérer lademande des intimés comme une action en responsabilité au sens de l'art. 70al. 2 LAVS et l'a rejetée. Ce faisant, elle a implicitement retenu que lesépoux D.________ et V.________ ne pouvaient (plus), en mars 2003, adhérerrétroactivement à l'assurance facultative. En conséquence, elle a admisl'existence d'un dommage, qui, selon les allégations faites par la suite dansson mémoire de recours de droit administratif, aurait pu être évité si elleavait traité le dossier des intimés en temps utile; les intéressés auraienten effet alors eu la possibilité, en juillet 2000, de déposer par écrit unedéclaration d'adhésion dans le délai d'une année prévu par l'art. 8 OAF. Lacaisse a en revanche nié que ses services eussent commis un acte illicite etretenu qu'elle ne pouvait être tenue pour responsable au sens de l'art. 70al. 2 LAVS. 3.3.1Au vu des conclusions prises par les intimés dans leur demande du 29janvier 2004 qui visaient principalement leur affiliation à l'assurancefacultative AVS/AI et, subsidiairement, la restitution du délai d'oppositioncontre la décision du 28 mars 2003, la recourante n'a manifestement pas étésaisie d'une demande en réparation au sens des art. 70 al. 2 LAVS et 78 LPGA.Si les intimés évoquent le «dommage causé» par la perte de cotisations àl'AVS/AI, ils en déduisent non pas que la caisse soit condamnée au paiementd'une somme d'argent, mais son obligation de les affilier à l'assurancefacultative rétroactivement au 14 juin 2000. En examinant les conditions posées par l'art. 70 al. 2 LAVS et en rendant unedécision par laquelle elle «a rejeté la demande en réparation», la recourantea donc statué sur une question qui ne lui avait pas été soumise par lesintéressés et dont elle n'était pas saisie. Partant, elle n'avait pas à seprononcer sur ce point et sa décision doit, dans cette mesure, être annulée.Au demeurant, en l'absence d'une décision sur l'adhésion des intimés àl'assurance facultative (voir consid. 4 ci-après), on ne voit pas que larecourante eût pu admettre l'existence d'un dommage causé aux épouxD.________ et V.________ par l'impossibilité de s'affilier à l'AVS/AIfacultative. 3.2 En ce qui concerne la restitution du délai d'opposition contre ladécision du 28 mars 2003, les intimés ont invoqué qu'ils auraient faitopposition en temps utile, s'ils n'avaient pas reçu une fausse information dela part d'un collaborateur de la caisse. Contacté par téléphone peu après laréception de la décision, celui-ci leur aurait indiqué qu'il n'y avait paslieu de faire opposition «en raison de l'absence de fondement» d'une telledémarche. En l'espèce, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges,il n'est pas possible de déterminer le contenu exact de l'entretien entre lecollaborateur et les intimés, la caisse niant du reste tout comportementillicite de son employé. Dès lors que les propos tenus relèvent uniquementd'allégations des parties - et ne peuvent (plus) être établis à satisfactionde droit -, on ne saurait admettre, au degré de la vraisemblanceprépondérante requise, que les époux D.________ et V.________ ont été induitsen erreur par le collaborateur de la recourante et empêchés, sans faute deleur part au sens de l'art. 40 LPGA, d'agir en temps utile. Aussi,incombait-il à la caisse de rejeter la demande en restitution du délai (etnon de «repousser la demande en responsabilité»). Sur ce point, la décisionentreprise doit donc être réformée en ce sens que la demande de restitutiondu délai d'opposition contre la décision du 28 mars 2003 est rejetée. 4.Il reste à examiner de quelle manière la recourante aurait dû traiter laconclusion principale des époux D.________ et V.________ qui requéraient leuraffiliation à l'AVS/AI facultative. 4.14.1.1Aux termes de l'art. 2 al. 1 LAVS (dans sa teneur en vigueur depuis le1er juin 2002), les ressortissants suisses et les ressortissants des Etatsmembres de la Communauté européenne ou de l'Association européenne delibre-échange (AELE) vivant dans un Etat non membre de la Communautéeuropéenne ou de l'AELE qui cessent d'être soumis à l'assurance obligatoireaprès une période d'assurance ininterrompue d'au moins cinq ans, peuventadhérer à l'assurance facultative. Il découle par ailleurs de l'alinéa 1 desdispositions transitoires de la modification du 23 juin 2000 de la LAVS (RO2000 p. 2680, 2681 et 2683) que les ressortissants suisses qui étaient déjàaffiliés à titre facultatif le 1er avril 2001 et qui résident dans un Etatmembre de la Communauté européenne peuvent rester assurés pendant six annéesconsécutives au maximum depuis cette date. Ceux d'entre eux qui ont 50 ansrévolus au 1er avril 2001 peuvent rester assurés jusqu'à l'âge légal de laretraite. Selon l'art. 2 al. 6, 1ère phrase, LAVS, le Conseil fédéral édicte lesdispositions complémentaires sur l'assurance-facultative; il fixe notammentle délai et les modalités d'adhésion, de résiliation et d'exclusion. 4.1.2 Conformément à l'art. 2 de l'Ordonnance concernantl'assurance-vieillesse, survivants et invalidité facultative (OAF; RS831.111), l'application de l'assurance facultative est du ressort de laCaisse suisse de compensation et de l'Office AI pour les assurés résidant àl'étranger (voir aussi l'art. 113 al. 1 RAVS). Selon l'art. 7 al. 1 OAF, peuvent s'assurer facultativement les personnes quiremplissent les conditions d'assurance de l'art. 2, al. 1 LAVS, y compriscelles qui sont assujetties à l'AVS obligatoire pour une partie de leurrevenu. Aux termes de l'art. 8 al. 1 OAF, la déclaration d'adhésion àl'assurance facultative doit être déposée en la forme écrite auprès de lareprésentation compétente dans un délai d'un an à compter de la sortie del'assurance obligatoire. Passé le délai, il n'est plus possible d'adhérer àl'assurance facultative. L'adhésion prend effet dès la sortie de l'assuranceobligatoire (art. 8 al. 2 OAF). En vertu de l'art. 11 OAF, en cas decirconstances extraordinaires dont le requérant ne peut pas être renduresponsable, la Caisse suisse de compensation peut, sur demande, prolongerindividuellement d'une année au plus le délai d'adhésion à l'assurance.L'octroi ou le refus de la prolongation doit être notifié dans une décisionsujette à recours. 4.2 Il résulte des dispositions sur l'assurance facultative édictées par leConseil fédéral en application de l'art. 2 al. 6, 1ère phrase, LAVS qu'ilappartient à la Caisse suisse de compensation de se prononcer sur l'adhésionà cette assurance des personnes qui en font la demande (art. 2 en relationavec l'art. 8 OAF). Partant, la caisse recourante, saisie de la demande du 29janvier 2004, n'était pas compétente pour statuer à ce sujet, mais aurait dûtransmettre la requête des époux D.________ et V.________ à la Caisse suissede compensation, conformément à l'art. 30 LPGA. En vertu de cettedisposition, tous les organes de mise en oeuvre des assurances sociales ontl'obligation d'accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leurparviennent par erreur; ils en enregistrent la date de réception et lestransmettent à l'organe compétent. Quant à l'affiliation proprement dite à l'assurance facultative, il convientde se référer à la teneur de l'al. 1 des dispositions transitoires de lamodification du 23 juin 2000 de la LAVS (consid. 4.1.1) que la recouranteméconnaît en affirmant de façon catégorique que l'assurance facultative estréservée depuis le 1er juin 2002 aux personnes qui résident hors de l'Unioneuropéenne. Une réserve a en effet été prévue par la disposition transitoirequi permet aux ressortissants suisses qui étaient déjà affiliés à titrefacultatif le 1er avril 2001 et qui résident dans un Etat membre de laCommunauté européenne de rester assurés pendant six années consécutives aumaximum depuis cette date (respectivement jusqu'à l'âge légal de la retraitepour ceux d'entre eux qui ont 50 ans révolus au 1er avril 2001). En ce quiconcerne une éventuelle affiliation des intimés au 1er avril 2001, onprécisera encore que selon la jurisprudence, le fait de continuer à verser debonne foi des cotisations à l'assurance-vieillesse après la sortie del'assurance obligatoire doit être considéré comme une déclaration d'adhésionécrite à l'assurance facultative (arrêts non publiés B. du 28 décembre 1988,H 294/87, et P. du 17 décembre 1992, H 148/92, rendus à propos de l'art. 7al. 3 OAF, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mars 2001, relatif à ladéclaration d'adhésion; cf. depuis le 1er avril 2001, l'art. 8 al. 1 OAF). 4.3 Dans ces circonstances, étant donnée l'absence de compétence de la caisserecourante en matière d'adhésion à l'AVS/AI facultative, la juridictioncantonale n'était pas fondée à lui renvoyer la cause pour qu'elle examine lesconditions d'une telle affiliation. Il lui appartenait d'annuler la décisionlitigieuse et de transmettre la demande des époux D.________ et V.________ àla Caisse suisse de compensation comme objet de sa compétence. Aussiconvient-il d'annuler le jugement cantonal et de transmettre le dossier àladite caisse pour qu'elle examine la demande d'affiliation des intimés auregard de l'ensemble des circonstances de la cause et se prononce sur cepoint. 5.Vu l'objet du litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Enapplication de l'art. 156 al. 6 OJ (en corrélation avec l'art. 135 OJ), lesfrais de justice doivent être pris en charge par la recourante qui a causédes frais inutiles en ne traitant
pas l'écriture initiale des intimés enfonction de ce qu'ils demandaient. Pour le surplus, ces derniers, quisuccombent dans leurs conclusions, n'ont pas droit à des dépens en instancefédérale (art. 159 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal genevoisdes assurances du 9 novembre 2004 est annulé et que la décision de la Caissegenevoise de compensation du 11 mai 2004 est réformée en se sens que lademande de restitution du délai d'opposition contre la décision du 28 mars2003 est rejetée; la décision du 11 mai 2004 est annulée pour le surplus. 2.Le dossier est transmis à la Caisse suisse de compensation pour qu'elleprocède conformément aux considérants. 3.Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de larecourante et compensés avec l'avance de frais, d'un même montant, qu'elle aeffectuée. 4.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse suisse decompensation, au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales et àl'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 19 mai 2006Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.12/05
Date de la décision : 19/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-19;h.12.05 ?
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