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19/05/2006 | SUISSE | N°1P.136/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mai 2006, 1P.136/2006


{T 0/2}1P.136/2006 /col Arrêt du 19 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourante, représentée par Me Thomas Barth, avocat, contre B.________, juge d'instruction du canton de Genève, Palais de Justice, casepostale 3344,1211 Genève 3,intimé,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Collège des juges d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four1, case postale 3344,1211 Genève 3. récusation, recours de droit public contre la décision du Collègedes juges d'

instruction du canton de Genèvedu 1er mars 2006. Faits: A.Le 29 m...

{T 0/2}1P.136/2006 /col Arrêt du 19 mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourante, représentée par Me Thomas Barth, avocat, contre B.________, juge d'instruction du canton de Genève, Palais de Justice, casepostale 3344,1211 Genève 3,intimé,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Collège des juges d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four1, case postale 3344,1211 Genève 3. récusation, recours de droit public contre la décision du Collègedes juges d'instruction du canton de Genèvedu 1er mars 2006. Faits: A.Le 29 mars 2005, A.________ a déposé une plainte pénale contre C.________ etD.________, deux anciennes employées du salon de beauté qu'elle exploitait àCarouge (GE). Celles-ci ont été inculpées d'extorsion et de chantage par lejuge d'instruction B.________, en charge de la procédure (n° P/5532/2005).C.________ ayant produit des diplômes de son ancienne employeur quiparaissaient être des faux, une procédure a été ouverte contre A.________pour faux dans les certificats (n° P/15747/2005). L'instruction de cettenouvelle procédure a également été confiée au juge B.________.Le 23 janvier 2006, A.________ a demandé la récusation du juge B.________, aumotif qu'il était en charge de deux procédures concernant les mêmes parties"dans des rôles toutefois inversés". De plus, elle lui reprochait d'avoirfait preuve de partialité en omettant d'instruire à charge de C.________ etD.________, et en les remettant en liberté immédiatement après leur premièreaudition. A.________ faisait également grief au juge B.________ de n'avoirpas donné suite à une demande d'audition de témoin dans la procédure n°P/5532/2005 et de refuser d'instruire sur d'autres faits qu'elle avaitdénoncés, à savoir sur la disparition d'objets dans son salon de beauté(aucune procédure ouverte à ce jour) et l'utilisation indue d'une cartebancaire émise à son nom (procédure n° P/19599/ 2005). B.Par décision du 1er mars 2006, le Collège des juges d'instruction du cantonde Genève (ci-après: le collège) a rejeté la demande de récusation, dans lamesure où elle était recevable. Bien qu'il considérât les griefs soulevés parA.________ comme tardifs et relevant de la compétence de la Chambred'accusation, le collège est entré en matière, retenant que les critiquesémises à l'encontre du juge B.________ ne constituaient pas des motifs derécusation. Pour le surplus, il a considéré que A.________ n'était pasrecevable à se plaindre du déroulement de la procédure n° P/15747/2005, danslaquelle elle n'avait pas qualité de partie, faute d'inculpation. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner la récusation du jugeB.________ pour la procédure n° P/5532/ 2005. Elle invoque une violation del'art. 29 al. 1 et 2 Cst. Elle requiert également l'effet suspensif etsollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite.Par ordonnance du 15 mars 2006, le Président de la Ire Cour de droit public arejeté la requête d'effet suspensif. Le juge B.________ a renoncé à présenterdes observations. Le Collège des juges d'instruction et le Procureur généraldu canton de Genève se sont déterminés et ont conclu au rejet du recours,relevant en outre que B.________ n'était plus juge d'instruction depuis le1er avril 2006. A.________ a présenté des observations complémentaires. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 II 571 consid. 1 p. 573; 130 I 312 consid. 1 p.317 et les arrêts cités). 1.1 Le recours de droit public est formé en temps utile contre une décisiondu Collège des juges d'instruction, rendue en dernière instance cantonale etrelative à une demande de récusation au sens de l'art. 87 al. 1 OJ. Il est enprincipe recevable (ATF 126 I 203). 1.2 Pour être recevable, un tel recours doit cependant contenir un exposésuccinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés etpréciser en quoi consiste la violation (art. 90 al. 1 let. b OJ). Lorsqu'ilest saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas àvérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme à laConstitution. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués etsuffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait secontenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux(ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1cp. 76). Sont également irrecevables les conclusions du recours qui vontau-delà de la nature cassatoire du recours de droit public, en demandantautre chose que l'annulation pure et simple de la décision attaquée (ATF 129I 173 consid. 1.5 p. 176, 129 consid.1.2.1 p. 131 s.), soit en l'espèce laconclusion demandant au Tribunal fédéral de récuser le juge concerné. 1.3 Le fait que B.________ n'exerce plus la fonction de juge d'instructiondepuis le 1er avril 2006 ne prive pas le recours de son objet. Une éventuellerécusation de ce magistrat pourrait en effet avoir une incidence sur lesactes d'instruction qu'il a accomplis (cf. ATF 119 Ia 13 consid. 3a p. 16).Par conséquent, l'intérêt actuel et pratique de la recourante à l'annulationde la décision attaquée subsiste. 2.Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu, larecourante invoque une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2Cst.). Elle se plaint d'une appréciation anticipée des preuves entachéed'arbitraire (art. 9 Cst.) et reproche à l'autorité attaquée d'avoir omis dese prononcer sur un moyen de preuve qu'elle avait proposé, à savoir laproduction par le juge d'instruction du courrier par lequel il a dénoncé auProcureur général l'existence de "faux diplômes" établis à son nom. Il y alieu de relever que ce document - s'il existe - concerne la procédure n°P/15747/2005 dans laquelle la recourante n'a pas qualité de partie, cequ'elle ne conteste pas. La recourante n'explique pas clairement en quoicette lettre pourrait être utile dans le cadre de la procédure n° P/5532/2005et se borne à dire qu'elle pourrait "éventuellement corroborer ou infirmer lapartialité" du juge d'instruction. A cet égard, on ne voit pas en quoi lefait que les diplômes sont des faux grossiers prouverait d'emblée de manièreirréfutable que la recourante ne les a pas rédigés et l'on distingue mal lelien entre cet élément et la partialité reprochée au juge d'instruction. Deplus, la recourante ne démontre nullement en quoi l'appréciation anticipéedes preuves serait arbitraire. Ce grief n'est donc pas suffisamment motivé auregard des exigences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. supra consid.1.2) et est, par conséquent, irrecevable. 3.Invoquant l'art. 29 al. 1 Cst, la recourante reproche à l'autorité attaquéed'avoir refusé à tort d'ordonner la récusation du juge d'instructionB.________. 3.1 S'agissant de la récusation d'un juge d'instruction, l'art. 29 al. 1 Cst.présente des garanties similaires à celles qui sont posées à l'égard desautorités judiciaires proprement dites (art. 6 CEDH et 30 Cst.); le magistratdoit instruire à charge et à décharge et est tenu à une certaine impartialité(ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198; arrêt 1P.334/2002 du 3 septembre 2002,publié in SJ 2003 I p. 174, consid. 3.1). Le Tribunal fédéral apprécielibrement la compatibilité de la procédure suivie en l'espèce avec lesgaranties constitutionnelles offertes en cette matière (ATF 126 I 68 consid.3b p. 73 et la jurisprudence cités). Pour le surplus, la violation alléguéede l'art. 91 let. c, e et i de la loi cantonale du 22 novembre 1941 surl'organisation judiciaire (LOJ) doit être examinée sous l'angle restreint del'arbitraire (art. 9 Cst.; pour la définition de l'arbitraire, cf. ATF 131 I217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p.275).Il ressort en substance de la jurisprudence du Tribunal fédéral, au sujet desgaranties des art. 29 et 30 Cst., que tout plaideur peut exiger la récusationd'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naîtreun doute sur son impartialité. Il suffit que les circonstances donnentl'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale dumagistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doiventêtre prises en considération; les impressions purement individuelles duplaideur ne sont pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 p. 25 et les arrêtscités). D'éventuelles erreurs de procédure ou d'appréciation commises par unjuge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention. Seulesdes fautes particulièrement graves et répétées pourraient avoir cetteconséquence; même si elles paraissent contestables, des mesures inhérentes àl'exercice normal de la charge du juge ne permettent pas de suspectercelui-ci de partialité (ATF 113 Ia 407 consid. 2 p. 408 ss; 111 Ia 259consid. 3b/aa p. 264). 3.2 En l'occurrence, la recevabilité des griefs soulevés par la recourantedevant le Collège des juges d'instruction paraît douteuse, dès lors qu'ilsn'ont pas été présentés à temps au regard des art. 96 al. 2 et 97 let. a LOJ.L'autorité attaquée ayant laissé cette question indécise afin de se prononcersur le fond, il y a lieu d'entrer en matière et de constater avec elle queles critiques en question ne constituent manifestement pas des motifs derécusation du juge d'instruction concerné. En effet, l'instruction par lemême juge de deux causes opposant les mêmes parties n'est pas de nature àfaire naître un doute sur son impartialité, la recourante n'expliquant dureste pas en quoi ces procédures seraient "incompatibles". Quant auxcritiques concernant la conduite de l'instruction, elles visent des actes oudes omissions qui, s'ils étaient vérifiés, ne sauraient être qualifiés defautes particulièrement graves et répétées au sens de la jurisprudenceprécitée. Enfin, l'autorité attaquée n'a pas appliqué l'art. 91 LOJ de façonarbitraire, dans la mesure où il n'est en tout cas pas insoutenable deconsidérer que le juge d'instruction B.________ - qui n'a pas connu de lacause dans une autre juridiction ou à un autre titre (let. c), ni manifestéson avis avant le temps d'émettre son opinion pour le jugement (let. e) - n'apas témoigné "haine ou faveur pour l'une des partie" (let. i). 4.Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté, dans la mesure où ilest recevable. Dès lors que les conclusions de la recourante paraissaientd'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne lui est pas accordée(art. 152 al. 1 OJ). La recourante, qui succombe, doit supporter un émolumentjudiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur général etau Collège des juges d'instruction du canton de Genève. Lausanne, le 19 mai 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.136/2006
Date de la décision : 19/05/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-19;1p.136.2006 ?
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